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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3718/2022

ATA/1296/2023 du 05.12.2023 ( PROF ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3718/2022-PROF ATA/1296/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2023

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Jacques ROULET, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS intimée

 



EN FAIT

A. a. B______(ci-après: la patiente), née le ______ 1960, souffrait depuis son adolescence de divers troubles, notamment d'angoisses. Elle était suivie par le docteur C______, son médecin traitant, et par le docteur D______.

b. En 2004, elle était décrite par le docteur E______, spécialiste en médecine interne, au docteur F______, médecin interne à l'unité d'addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), comme patiente borderline en souffrance depuis son enfance qui est « sous produit » (sic) depuis sa jeune adolescence et qui est dépendante de l'alcool depuis de nombreuses années. Elle avait aussi eu une période d'anorexie puis de boulimie avec des crises qui se répétaient. Elle était très ambivalente par rapport à une abstinence (à l'alcool) dont elle convenait qu'elle lui était indispensable, mais dont la perspective la mettait dans des états d'angoisse et de panique peu habituels.

c. Dans son rapport de cure du 18 mai 2004, le Dr F______ a confirmé les problèmes de dépendance à l'alcool, aux benzodiazépines et aux somnifères, trouble de la personnalité à caractéristique borderline, trouble du comportement alimentaire et état anxio-dépressif.

d. Dans un rapport de sortie de la clinique G______ du 24 novembre 2008, il était relevé des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, avec syndrome de dépendance, la patiente étant alors abstinente, mais en milieu protégé ; des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'hypnotiques et un syndrome de dépendance ; des troubles de la personnalité émotionnellement labile, de type borderline ; un trouble dépressif récurrent, avec un épisode actuel moyen.

e. Dans un courrier du département de psychiatrie des HUG à l'assurance-maladie H______ (ci-après: l'assurance) du 14 janvier 2010, le docteur I______ relevait que la situation de B______restait extrêmement précaire, ainsi que son maintien à domicile dans les circonstances actuelles. Toutes les tentatives de sevrage s'étaient soldées par des échecs. La patiente assurait financièrement la moitié de sa médication d'anxiolytes, de Stilnox et de Xanax ; en l'absence d'une telle médication, il faudrait recourir à plus ou moins brève échéance à une hospitalisation beaucoup plus coûteuse que ces substances.

f. Du 18 au 24 mars 2014, B______avait été hospitalisée au Service de psychiatrie de liaison et d'intervention de crise des HUG. Le diagnostic principal mentionnait des troubles mentaux et des troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent, mais dans un environnement protégé. Les autres diagnostics visaient des troubles mentaux et des troubles du comportement liés à l'utilisation de sédatifs et hypnotiques.

g. Entre 2004 et 2013, B______a quelquefois fait appel aux services de J______, institution de santé exploitée par A______ SA (ci-après: J______).

h. Dès octobre 2014, elle a régulièrement fait appel à J______ le soir parce qu'elle souffrait de troubles anxieux : ainsi, entre le 2 octobre 2014 et le 13 mars 2015, J______ est intervenue 194 fois (selon la commission des professions de la santé et des droits des patients ; 98 fois selon l'assurance) au domicile de la patiente, pour un montant total de CHF 26'304.70. La patiente se voyait remettre, dans une très large majorité des cas, des benzodiazépines, à raison d'un ou deux comprimés ou d'une ampoule de solution injectable.

i. Selon J______, cette augmentation des appels de B______à J______ faisait suite aux départs à la retraite de son médecin traitant de l'époque, le Dr E______, et de son psychiatre le Dr I______. Cela serait confirmé par une lettre du Dr D______ à l'assurance du 1er juillet 2015, où il écrivait que le service de psychiatrie ambulatoire hospitalier avait été « épuisé » par la prise en charge de la patiente.

j. Le 17 décembre 2014, le Dr C______ a écrit au responsable médical de J______ pour lui faire part, selon lui, de l'inadéquation de la prise en charge de sa patiente par J______. Il l'invitait à ne plus remettre ces médicaments, compte tenu de la dépendance à l'alcool et aux benzodiazépines de B______. Cette lettre n'a pas reçu de réponse.

k. Le 18 mars 2015, le Dr C______ a écrit une nouvelle fois à J______, pour lui demander de ne plus intervenir au domicile de la patiente.

l. Le 25 mars 2015, le Dr K______, responsable médical de J______, a répondu au Dr C______ que la patiente appelait J______ lors de ses troubles anxieux intenses et qu'il voyait mal ne pas répondre à ses appels. Si, un jour, un problème organique grave devait se dissimuler sous l'aspect d'un accès anxieux, il serait difficile de justifier d'avoir refusé une intervention.

m. À la suite d'une demande du 13 mars 2015, l'assurance de la patiente a obtenu, le 9 juin 2015, les rapports d'intervention de J______.

n. Le 1er juillet 2015, le Dr D______ a écrit au médecin-conseil de l'assurance pour l'informer que l'addiction médicamenteuse et l'alcoolisme de la patiente étaient complétés par une « addiction à J______ », avec une intervention pratiquement tous les soirs.

o. Le 14 juillet 2015, l'assurance a écrit à B______que son médecin‑conseil estimait que les interventions de J______ ne répondaient pas aux critères de l'art. 32 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 8 mars 1994 (LAMal – 832.10), à savoir qu'elles devaient être efficaces, appropriées et économiques. Les interventions à partir du 13 mars 2015 ne seraient plus prises en charge.

p. Ayant appris la décision de l'assurance, J______ a proposé à B______de l'assister dans un éventuel recours contre cette décision, ce que la patiente a refusé.

q. J______ a continué d'intervenir au domicile de B______, nonobstant le fait que ses factures n'étaient prises en charge ni par une assurance, ni par la patiente.

r. Le 26 juillet 2015, B______a été admise à la clinique L______; elle y a séjourné jusqu'au 13 août 2015.

s. B______est décédée le 24 octobre 2015 à M______.

Le 19 novembre 2015, J______ a écrit à N______, notaire, pour transmettre ses condoléances à la famille et son relevé de compte avec une créance de CHF 27'000.-. Dans la présente procédure, J______ a expliqué avoir transmis les factures à la demande de la notaire.

B. a. Le 14 avril 2005, un médecin de ville a dénoncé J______ auprès de la commission de surveillance, car elle se rendait chez un de ses patients à tendance toxicomaniaque jusqu'à cinq fois par jour afin de lui administrer des injections de péthidine, soit un analgésique opioïde, ruinant plusieurs années d'efforts thérapeutiques.

b. Le 16 mai 2006, la direction générale de la santé a transmis à la commission de surveillance un courrier de l'assurance O______ du 3 mars 2006 qui expliquait que les praticiens de J______ intervenaient quotidiennement chez deux assurés pour des injections de péthidine, ce qui avait provoqué environ 800 factures pour des traitements sur neuf mois et un coût supérieur à CHF 250'000.-.

c. Ces deux procédures ont été jointes. Par décision du 17 décembre 2008, le département de l'économie et de la santé, se fondant sur le préavis de la commission, a prononcé un blâme et une amende de CHF 10'000.- à l'encontre du docteur P______ en qualité de médecin répondant de J______.

d. Par arrêt du 19 janvier 2010, le Tribunal administratif (actuellement chambre administrative de la Cour de justice) a rejeté le recours (ATA/22/2010). L'intensité des interventions de J______ constituait une ingérence dans le traitement prodigué par le médecin traitant, lorsqu'il y en avait un. Dans l'un des cas, où le patient n'avait pas de médecin traitant, il fallait admettre que J______ avait agi comme médecin traitant et était allée au-delà de sa mission, c'est-à-dire l'intervention ponctuelle dans des cas d'urgence et de crises aiguës.

C. a. Le 19 décembre 2015, Q______, sœur de B______, a dénoncé la situation de sa sœur au service du médecin cantonal (ci‑après : SMC). Elle reprochait à J______ d'être intervenue dans le processus thérapeutique de sa sœur, faisant fi de l'avis et des requêtes des médecins traitants, et d'avoir anéanti le travail de ceux-ci en niant la dépendance de la patiente aux benzodiazépines, voire d'avoir aggravé la situation.

b. Le 19 janvier 2016, le SMC a transmis la dénonciation à la commission de surveillance.

c. Le 2 février 2016, le bureau de la commission de surveillance a ouvert une procédure disciplinaire confiée à une sous-commission.

d. Le 9 février 2016, le Dr P______, alors directeur de J______, a demandé à la commission du secret professionnel de le relever partiellement de son secret médical, dans la stricte mesure nécessaire pour transmettre ses observations ainsi que les pièces pertinentes et, le cas échéant, répondre aux questions de la commission de surveillance. La levée du secret médical a été admise.

e. Le 21 mars 2016, J______ a répondu à la commission de surveillance avoir agi conformément aux règles de l'art. Elle avait décidé de suivre B______indépendamment de la question de la couverture des coûts des interventions. Elle avait répondu aux sollicitations de la patiente qui consistaient à apaiser ses angoisses et donc sa douleur. Elle lui remettait des benzodiazépines afin de soulager ses crises d'angoisse, étant relevé que ces médicaments correspondaient à sa pathologie et étaient remis dans une posologie acceptable.

f. À la suite de divers échanges avec la commission de surveillance, le Dr P______ a demandé à la commission du secret professionnel une levée partielle de son secret médical, dans la stricte mesure nécessaire pour « transmettre ses observations ainsi que les pièces pertinentes, et, le cas échéant, répondre aux questions de la commission de surveillance ». Par décision du 15 novembre 2018, la commission du secret professionnel l'a relevé de son secret médical, l'autorisant à « transmettre ses observations ainsi que les pièces pertinentes, et le cas échéant […] répondre aux questions de la commission de surveillance, en indiquant les éléments pertinents de la prise en charge de feu [la patiente], tels que vous les avez décrits à la commission du secret professionnel ». Le recours du Dr P______ contre cette décision, qu'il considérait comme contraire au droit et arbitraire, a été déclaré irrecevable par la chambre administrative (ATA/1715/2019 du 26 novembre 2019). J______ a ainsi transmis l'intégralité du dossier médical de la patiente à la commission de surveillance.

g. La commission de surveillance a interpellé par écrit le Dr C______ et le Dr D______ pour savoir s'ils avaient eu d'autres échanges avec J______ concernant leur patiente. Ils n'ont pas transmis d'informations nouvelles. Le 16 juin 2021, le conseil de J______ et du Dr P______ a écrit à la commission de surveillance que rien ne permettait d'incriminer personnellement le directeur de J______ ; B______souffrait d'un état de stress post-traumatique complexe qui devait être soulagé ; J______ s'était efforcée d'entretenir un lien bienveillant avec la patiente.

h. La commission de surveillance a interpellé l'assurance. Le 20 juillet 2021, l'assurance a répondu que les factures pour la période du 20 septembre 2014 au 13 mars 2015 portaient sur 98 interventions pour un montant de CHF 26'304.70; ces factures avaient été payées. À partir du 14 mars 2015, l'assurance avait refusé de prendre en charge les prestations de J______, qui n'avait cependant pas agi devant le tribunal arbitral cantonal en paiement des factures. À partir du 15 juillet et jusqu'au 27 octobre 2015, le système de tiers garant avait été mis en place et l'assurance n'avait pas connaissance de factures de J______ pour cette période.

i. Le 29 mars 2021, la commission de surveillance a obtenu copie de la part des HUG du dossier médical de la clinique L______.

j. Le 25 février 2021, J______ a remis à la commission de surveillance, sur demande de celle-ci, copies des factures des années 2014 et 2015, y compris de deux relevés de comptes, le premier portant sur les factures prises en charge par l'assurance, le second correspondant aux factures impayées, à hauteur de CHF 27'169.17, qui avaient été passées par pertes et profits.

k. Enfin, le 25 avril 2022, la commission de surveillance a obtenu copie du Ministère public R______ du rapport d'autopsie de B______: la cause du décès n'avait pas pu être établie sur la base de l'examen effectué, lequel n'avait pas mis en évidence de lésion traumatique évoquant l'intervention d'un tiers.

l. Par décision du 10 octobre 2022, la commission de surveillance a infligé une amende de CHF 50'000.- à J______ sur la base de l'art. 127 al. 3 lettre a de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). Elle a classé la procédure dirigée contre le Dr P______ à titre personnel, sur la base de l'art. 20 al. 2 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03). Elle a retenu plusieurs violations de la loi à charge de J______. Celles-ci étaient d'une certaine gravité et avaient impliqué une mise en danger de la santé d'une patiente. Les médicaments remis à la patiente correspondaient à la pathologie que celle-ci présentait et lui avaient été remis dans une posologie acceptable. La mission de J______ était d'intervenir en cas d'urgence de sorte que, d'un point de vue théorique, la commission ne pouvait reprocher à J______ d'être intervenue à la demande expresse de la patiente.

Toutefois, le caractère urgent d'une intervention ne pouvait être retenu lorsqu'il y avait 194 interventions pour la même patiente pendant une période de six mois. Ses interventions presque quotidiennes n'étaient pas une nécessité médicale. J______ était intervenue « de manière anarchique » et avait de fait instauré une prise en charge de la patiente parallèle à celle de ses médecins traitants ; elle avait donc outrepassé sa mission d'intervention d'urgence au détriment de la patiente, ce qui n'était pas acceptable. Elle n'avait pas non plus tenu compte des interventions des médecins traitants. Sa façon de fonctionner était de nature à créer une fidélisation, voire une dépendance des patients par rapport à elle ; cela représentait une violation des art. 82 et 107 LS.

S'agissant de la quotité de la sanction, les violations étaient d'une « certaine gravité » en ce qu'elles avaient impliqué une mise en danger de la santé de la patiente. Elle a également tenu compte de sa première décision de sanction du 17 décembre 2008, où J______ avait déjà été condamnée pour être intervenue à de nombreuses reprises chez des patients toxico-dépendants pour leur injecter un analgésique opioïde, sans critère d'urgence. Cela tendait à démontrer que J______ n'avait pas tiré les enseignements adéquats de la première procédure et n'en avait pas profité pour améliorer son fonctionnement, faisant ainsi preuve d'une certaine désinvolture. Enfin, l'envoi des factures ouvertes à la notaire de la succession révélait « incontestablement le côté mercantile » de l'activité de J______ ; il était en contradiction avec l'affirmation selon laquelle elle n'avait pas demandé le paiement de factures impayées et mettait à mal l'argumentaire relatif à son humanisme. La quotité de la sanction se référait aux environ CHF 26'000.- payés par l'assurance et CHF 27'000.- de factures impayées.

En revanche, le Dr P______ n'était pas le responsable médical de J______ au moment des faits ; il n'était jamais intervenu au domicile de la patiente. Aucun manquement professionnel ne pouvait donc lui être imputé. La procédure le concernant a été classée.

D. a. Par acte posté le 10 novembre 2022, J______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Elle a requis à titre préalable la production des préavis des sous-commissions et des extraits des procès-verbaux de la commission et des sous-commissions. Elle a critiqué le changement de sous‑commission durant l'instruction du dossier et la longueur de la procédure. Elle a fait valoir l'absence de base légale pour la sanction, subsidiairement l'absence de toute violation de la LS et, encore plus subsidiairement, la disproportion de la sanction.

b. Le 23 décembre 2022, la commission de surveillance s'est déterminée et a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. Les conclusions de la sous-commission étaient matérialisées par le projet de décision rédigé par les juristes de la commission et ce projet, s'il était validé par le plénum, devenait la décision de la commission.

c. Le 2 février 2023, la commission de surveillance a indiqué qu'elle n'avait pas de requête supplémentaire à formuler.

d. Le 1er mars 2023, la recourante a répliqué et persisté dans son argumentation. La commission de surveillance ne pouvait prononcer une amende supérieure à CHF 20'000.- selon la LComPS ; la recourante n'était pas un exploitant ou un responsable d'une institution de santé visé par l'art. 127 al. 3 LS, mais une institution de santé. Il convenait de distinguer le médecin répondant et l'institution. Le classement de la procédure contre le Dr P______ impliquait la renonciation de la commission de surveillance à statuer sur la base de l'art. 127 al. 3 LS. On ne pouvait reprocher à J______ d'avoir remis des médicaments qui correspondaient à la pathologie de la patiente. C'était à tort que le médecin traitant n'avait pas remis les médicaments à la patiente, car il était hostile au traitement préconisé par J______ et validé par la commission de surveillance. La recourante avait fourni de manière continue et personnalisée les soins entrant dans sa mission. Elle avait respecté le droit à la personnalité de la patiente. Enfin, à titre subsidiaire, la sanction était disproportionnée.

e. Le 24 mars 2023, la commission de surveillance s'est brièvement déterminée sur la réplique de la recourante, en particulier s'agissant de la coordination entre la LS et la LComPS.

f. Le 13 avril 2023, la recourante a formulé des observations complémentaires et persisté dans son argumentation. La mise en place d'une solution de long terme avec les médecins traitants était impossible car ils étaient hostiles à toute médication. Les visites quotidiennes en pharmacie ne pouvaient pas non plus être mises en place vu l'opposition des médecins traitants. B______ne pouvait recevoir sa médication que lors des passages de J______. On ne pouvait sanctionner une institution de santé pour ne pas avoir trouvé une « meilleure » solution si celle‑ci n'existait pas. La longue instruction devant la commission de surveillance ne lui avait pas permis de trouver une autre solution.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

h. Il sera revenu en tant que de besoin ci-dessous sur les allégués des parties et les pièces produites.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les faits litigieux ont eu lieu entre octobre 2014 et l'été 2015.

2.1 Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11). Certains des articles de cette loi ont fait l’objet de modifications entrées en vigueur les 1er janvier 2016, 1er janvier 2018 et 1er février 2020. Dans un premier temps, la LPMéd ne s’appliquait qu’à l’activité médicale indépendante (art. 1 al. 3 LPMéd dans sa teneur initiale). Ayant donné lieu à des discussions lors de son adoption par les Chambres fédérales, puis critiqué par la doctrine et les cantons, ce critère a été ultérieurement remplacé par celui de l’exercice des professions médicales universitaires à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle (en vigueur depuis le 1er janvier 2018) puis, depuis le 1er février 2020 par celle d’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (pour le détail de cette évolution législative, voir ATF 148 I 1 consid. 5.1 et les références citées).

Les personnes exerçant une activité qui ne relève pas de la LPMéd sont soumises au droit cantonal et non au droit fédéral disciplinaire (ATF 148 I 1 5 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023, consid. 6.2).

2.2 En l'espèce, la procédure ne vise pas une personne physique exerçant une profession médicale, mais une institution de santé. La LPMéd ne s'applique donc pas et le droit cantonal de la santé est ainsi seul applicable.

3.             Dans une conclusion préalable, la recourante conclut à ce qu'il soit ordonné à la commission de surveillance de produire l'intégralité de son dossier, notamment les procès-verbaux des séances et les projets des décisions des sous-commissions 1 et 2 ainsi que ceux de la commission plénière. Elle justifie sa demande par la nécessité d'éclaircir un « troublant revirement » de la commission de surveillance.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). Il n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

Le Tribunal fédéral a expliqué qu'une proposition de décision d'une autorité d'instruction représente un document purement interne, qui n'est pas soumis au droit d'accès au dossier des parties, sauf si la loi prévoit une règle particulière (ATF 131 II 13 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid 3.2.2). Il a même explicitement écrit que le préavis de la commission (genevoise) de surveillance des professions de la santé, qui comporte les conclusions de l'instruction relative aux faits et à la sanction envisagée, répond à la définition de l'acte interne à l'administration et n'a pas à être transmis aux parties (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2022 du 3 août 2023 consid. 4.3 et les références citées).

3.2 Au plan cantonal genevois, l’art. 41 LPA dispose que les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires. L’art. 42 al. 4 LPA précise que les parties ont le droit de prendre connaissance des renseignements écrits ou des pièces que l’autorité recueille auprès de tiers ou d’autres autorités lorsque ceux-ci sont destinés à établir des faits contestés et servent de fondement à la décision administrative. Par ailleurs, les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA).

3.3 Selon la jurisprudence constante, les préavis sont des documents internes à l’administration, qui sont préparatoires à la décision. Ils ont pour objet d’aider l’autorité compétente à se forger une opinion, souvent sur des questions techniques. Dépourvus de conséquences juridiques directes sur la situation des administrés, ils n’ont pas à être communiqués avant la prise de la décision entreprise et aucun droit d’être entendu n’existe à leur sujet, à ce stade de la procédure, l’idée étant que leur contenu pourra être discuté dans le recours interjeté contre la décision préavisée, dans la mesure et pour autant que le préavis litigieux ait été suivi par l’autorité (ATA/987/2022 du 4 octobre 2022, consid. 4b, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2022 du 3 août 2023 consid. 4.3 et les références citées).

3.4 En l'espèce, il en résulte que la recourante n'a aucun droit d'accès aux procès‑verbaux des séances ou aux projets des décisions des sous-commissions. À titre superfétatoire, on ajoutera encore que la sanction infligée à la recourante résulte de la décision querellée, adoptée par la commission plénière, et non de la position préalable des sous-commissions ou de l'un ou l'autre membre de la commission. La LComPS ne prévoit pas d'accès au processus décisionnel de la sous-commission qui doit être protégé, en particulier dès lors que c'est la décision de la commission plénière qui est l'objet de la procédure. Autrement dit, le processus antérieur à ladite décision n'est pas pertinent.

3.5 La recourante se demande si la sous-commission 2 a été dessaisie du dossier, car elle aurait, par hypothèse, préconisé de clore la procédure. Elle perd de vue que les membres de la sous-commission 2, tout comme ceux de la sous-commission 1, font partie de la commission plénière et que – quel que soit le préavis hypothétique de l'une ou l'autre sous-commission – c'est la commission plénière qui a statué. À supposer, ce qui n'est nullement rendu vraisemblable, qu'un membre d'une sous‑commission n'ait pas partagé l'avis du reste de la sous-commission, il pouvait parfaitement s'exprimer en séance plénière et tenter de convaincre le plénum de la commission.

3.6 Enfin, la recourante se plaint de la position de la commission, ou d'une sous‑commission, à l’égard du Dr P______. Elle oublie ici à nouveau que la procédure a été close contre celui-ci et que la sanction dans la présente procédure ne vise que l'institution de santé.

Le grief relatif à l'accès aux documents internes de la commission, ainsi qu'aux procès-verbaux, doit ainsi être écarté.

4.             Dans un autre grief formel, la recourante fait valoir que la procédure avait initialement été attribuée à la sous-commission 2, mais que c'est la sous‑commission 1 qui avait présenté ses conclusions en commission plénière en fin d'année 2017. La commission de surveillance n'avait pas informé la recourante de ce changement d'attribution, ni des motifs liés à ce changement.

En l'occurrence, la législation prévoit certes que la commission de surveillance fonctionne avec des sous-commissions (art. 17 LComPS) et une commission plénière. La recourante ne peut cependant rien tirer du changement de sous‑commission. La commission de surveillance avait en effet communiqué à la recourante la composition de l'intégralité de la commission et c'est la commission plénière qui a délibéré et formellement adopté la décision litigieuse. La recourante avait d'ailleurs demandé la récusation des membres issus des HUG, dès lors que les HUG avaient, dans le passé, dirigé des dénonciations contre J______ et le Dr P______. Cette récusation avait été rejetée, sous réserve d'une récusation volontaire par gain de paix. Au demeurant, sous réserve d'une critique toute générale quant au changement de sous-commission, la recourante ne fait pas valoir de critique concrète ; la loi ne prévoit d'ailleurs pas de règles formelles strictes en matière de fonctionnement et de composition de ces sous-commissions qui n'auraient pas été respectées.

Ce deuxième grief, à supposer que la recourante ait un intérêt digne de protection pour s'en plaindre, doit être écarté.

5.             Dans un troisième grief formel, dont on ignore s'il a été retiré lors de la suite de la procédure, la recourante fait valoir que la commission a souhaité, selon son courrier du 25 avril 2018, étendre son instruction à l'implication du Dr P______. Or, quoi qu'il en soit et comme déjà mentionné, la commission de surveillance a clos la procédure contre le Dr P______. La recourante, qui est juridiquement parlant un tiers par rapport au Dr P______, n'a donc aucun intérêt digne de protection à se plaindre de l'ouverture d'une procédure disciplinaire contre l'un de ses médecins qui a ensuite été close. Elle a d'autant moins d'intérêt digne de protection qu'elle ne se plaint pas de la clôture de la procédure, mais du fait que la procédure a été ouverte contre le Dr P______ pendant une certaine période avant d'être close. Ce grief doit donc être écarté.

6.             La recourante se plaint encore de la durée de la procédure, qui a excédé six ans. Même si la durée de la procédure paraît excessivement longue, il faut relever que la recourante ne s'est pas plainte de la durée de l'instruction et que, pendant quelques mois, c'est son refus (provisoire) de fournir le dossier complet qui a ralenti la procédure (ATA/1715/2019 du 26 novembre 2019). Il pourra cependant, le cas échéant, en être tenu compte lors du contrôle de la quotité de la sanction.

7.             Sur le fond du dossier, la recourante reproche à la commission de surveillance de ne pas disposer de base légale pour la sanction.

7.1 Il convient de rappeler la portée du principe de la légalité, puis les dispositions pertinentes de la loi sur la santé.

7.1.1 Le principe de la légalité est posé de façon générale pour toute l'activité de l'État (art. 5 al. 1 Cst.). L'exigence de base légale ne concerne pas que le rang de la norme, mais s'étend à son contenu, qui doit être suffisamment clair et précis. Il faut que la base légale ait une densité normative suffisante pour que son application soit prévisible (ATF 147 I 393 consid. 5.1.1).

7.1.2 La loi sur la santé a pour but de contribuer à la promotion, à la protection, au maintien et au rétablissement de la santé des personnes, des groupes de personnes, de la population et des animaux, dans le respect de la dignité, de la liberté et de l’égalité de chacun (art. 1 al. 1 LS). La surveillance des activités du domaine de la santé fait partie du champ d'application de la loi (art. 3 al. 2 let. j LS).

Selon l'art. 82 LS, dont la note marginale est « Respect de la dignité humaine et de la liberté du patient », le professionnel de la santé doit veiller au respect de la dignité et des droits de la personnalité de ses patients (al. 1); dans le cadre de ses activités, le professionnel de la santé s’abstient de tout endoctrinement des patients (al. 2).

Selon l'art. 100 al. 1 LS, par institution de santé, on entend tout établissement, organisation, institut ou service qui a, parmi ses missions, celle de fournir des soins. Selon l'art. 100 al. 2 LS, le Conseil d'État détermine les catégories d'institutions de santé : se fondant sur cette clause de délégation législative, le Conseil d'État a adopté le règlement sur les institutions de santé du 9 septembre 2020 (RISanté – K 2 05.06).

Selon l'art. 107 al. 4 LS, [les institutions de santé] doivent, dans l’intérêt des patients et de la santé de la population, collaborer avec les autres institutions de santé et les professionnels de la santé et fonctionner de manière coordonnée.

Le chapitre XI LS, comprenant les art. 125A à 135 LS, concerne les mesures administratives et les sanctions.

Selon l'art. 125B al. 1 LS, la commission de surveillance est compétente pour traiter des plaintes et des dénonciations résultant d’une infraction à la LS ou à ses dispositions d’exécution dans les cas où l’infraction a été commise dans le cadre de soins prodigués à une personne déterminée par un professionnel de la santé ou une institution de santé. La procédure est dans tous les cas réglée par la LComPS.

L'art. 127 LS dont la note est « sanctions administratives – dispositions générales » comprend sept alinéas répartis en quatre parties. L'art. 127 al. 1 et 2 LS vise les « professionnelles et professionnels de la santé », l'art. 127 al. 3 LS vise les « institutions de santé », l'art. 127 al. 4 LS vise les « pratiques complémentaires » et l'art. 127 al. 5 à 7 LS prévoit des « dispositions particulières ».

Selon l'art. 127 al. 3 LS, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des exploitants et des responsables des institutions de santé sont les suivantes: a) la commission de surveillance, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal, s’agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 50'000.- ; b) le département, s’agissant de la limitation ou du retrait de l’autorisation d’exploitation, de la limitation ou du retrait des autorisations en matière de produits thérapeutiques.

Selon l'art. 134 al. 1 LS, sous réserve des sanctions pénales visées par les lois fédérales spécifiques, est passible d’amende la personne qui : a) n’aura pas transmis des informations utiles aux autorités en violation des dispositions de la présente loi ; b) aura imposé des mesures de contrainte à un patient en violation grave des exigences de l’article 50 ; c) aura induit en erreur des tiers de bonne foi sur sa formation, ses compétences et sur ses activités dans le domaine des soins ; d) aura, sans droit, prodigué des soins qui relèvent d’une profession soumise à la loi au sens de l’article 71, alinéa 3 ; e) aura, sans droit, pratiqué une profession de la santé ; f) aura contrevenu aux dispositions relatives à la publicité prévues aux articles 27, alinéa 2, 87, 99, alinéa 3, 108 et 117 ; g) aura, sans droit, modifié ou détruit tout ou partie d’un dossier de patient dans le but d’empêcher ce dernier de faire valoir ses droits ; h) sans droit, n’aura pas respecté le secret professionnel au sens de la présente loi ; i) aura, sans droit, exploité une institution de santé ; j) n’aura pas fourni des soins à un patient en violation grave des exigences de l’article 81, alinéa 1, et 107, alinéa 1 ; k) aura contrevenu aux interdictions de fabrication et de mise sur le marché de produits thérapeutiques formulées à l’article 112 ; l) aura, sans droit, proposé à la vente, administré ou remis des produits thérapeutiques, ou prescrit ceux dont la vente est soumise à ordonnance médicale ; m) aura contrevenu aux injonctions et interdictions fixées par le Conseil d’État en application de l’article 124.

7.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que J______ est une institution de santé au sens de l'art. 100 al. 1 LS. Parmi les différents alinéas de l'art. 127 LS, c'est donc l'art. 127 al. 3 LS qu'il faut examiner s'agissant d'une institution de santé.

7.2.1 La recourante fait tout d'abord valoir qu'une amende ne peut être prononcée contre elle, car les art. 82 al. 1 et 107 al. 4 LS ne figureraient pas dans la liste des infractions passibles d'une amende selon l'art. 134 al. 1 LS. La recourante confond cependant l'amende administrative visée par l'art. 127 LS conformément au texte de cette disposition et l'amende pénale de l'art. 134 LS. De plus, la sanction administrative en cas de violation de la LS est expressément prévue par l'art. 125A LS (pour la simplification de la LS, voir la loi 11251 du 14 mars 2014 [ROLG 2014 p. 258] et son exposé des motifs [PL 11251 p. 8-9]). Ici, la recourante a fait l'objet d'une amende administrative qui est, sur son principe, admissible.

7.2.2 La recourante fait ensuite valoir que l'art. 127 al. 3 LS ne s'appliquerait pas à sa situation d'« institution de santé », car le texte légal ne mentionnait que les sanctions à l'encontre des « exploitants et des responsables » des institutions de santé. Il fallait donc distinguer l'institution de santé en tant que personne morale indépendante et le responsable de ladite exploitation. Ainsi, une sanction n’était possible qu'à l'égard du médecin répondant et non de l'institution elle-même.

L'interprétation de la recourante ressort d'une interprétation littérale trop stricte du contenu de l'al. 3. Ce faisant, elle ignore le titre de la sous-note relative à l'al. 3, qui est précisément « institutions de santé ».

De plus, sur un plan historique, cette distinction ne ressort pas des travaux préparatoires ayant conduit à l'adoption de la loi du 7 avril 2006 (voir déjà PL 9328), ni de ceux ayant conduit à la loi 11251. Enfin, dans la modification de la loi 12083 du 21 septembre 2018, qui a harmonisé les compétences en matière d'amende, l'exposé des motifs mentionne la compétence de la commission de surveillance « jusqu'à CHF 50'000.- s'agissant des institutions de santé », sans procéder à une distinction (PL 12083 p. 8).

La loi précédente, soit l'ancienne loi 7948 sur l’exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (ROLG 2001 p. 560-601, en particulier 591-592), ne comprenait pas non plus la distinction que voudrait opérer la recourante.

Enfin, sur un plan téléologique, il n'y a pas de volonté de dispenser les institutions de santé de toute sanction administrative et de ne diriger celles-ci que contre les exploitants et les responsables. Bien au contraire, le but d'une protection large de la loi sur la santé est de permettre à la commission de surveillance de déterminer le plus clairement possible le destinataire de la sanction.

La chambre de céans a du reste déjà confirmé à au moins une reprise une sanction infligée à une institution de santé (ATA/967/2016 du 15 novembre 2016).

Il en résulte donc que l'art. 127 al. 3 LS permet d'infliger une amende à une institution de santé en tant que personne morale, et par conséquent à J______.

7.2.3 La recourante fait encore valoir une divergence entre la LS et la LComPS s'agissant du montant maximal de l'amende, qui limiterait le montant de l'amende à CHF 20'000.-.

La loi 9326 du 7 avril 2006 a institué une commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ROLG 2006 p. 325-335 et 528).

La commission, instituée par l’art. 10 LS, est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 LComPS).

La commission instruit en vue d’un préavis ou d’une décision les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 7 al. 1 let. a LComPS).

Selon l'art. 20 al. 2 LComPS, en cas de violation des dispositions de la loi sur la santé du 7 avril 2006, la commission de surveillance est également compétente pour prononcer un avertissement, un blâme et/ou une amende jusqu'à CHF 20'000.‑.

7.3 En l'espèce, il y a effectivement une contradiction entre la LComPS et la LS s'agissant du montant maximal de l'amende.

7.3.1 Trois règles classiques principales s'appliquent en cas de conflit de normes : lex superior derogat inferiori (la norme supérieure prime la norme inférieure), lex specialis derogat generali (la norme spéciale prime la norme générale), et lex posterior derogat anteriori (la norme postérieure prime la norme antérieure).

La primauté du droit supérieur découle du principe de la hiérarchie des normes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_736/2010 du 23 février 2012 consid. 6.3). Ainsi, en présence de règles de droit contradictoires de rangs différents, le juge est tenu de se conformer à la règle supérieure et, partant, de faire abstraction de la règle inférieure (ibid.), ce qui signifie notamment que les dispositions d'une loi formelle ont toujours préséance par rapport aux dispositions réglementaires qui leur sont contraires (ATF 137 V 410 consid. 4.2.1 ; 129 V 335 consid. 3.3 ; 128 II 112 consid. 8a). Il en découle également que cette règle de conflits de norme, même si elle n'est pas absolue en Suisse (not. en ce qui concerne la relation entre la Constitution fédérale et les lois fédérales), prévaut sur les deux autres (Bernd RÜTHERS/Christian FISCHER/Axel BIRK, Rechtstheorie mit juristischer Methodenlehre, 7e éd., 2013, n. 773; ATA/869/2023 du 22 août 2023 consid. 5.1).

Il n'existe en revanche entre les principes lex specialis derogat generali et lex posterior derogat anteriori pas de hiérarchie stricte (ATF 134 II 329 consid. 5.2). Il est néanmoins incontesté que le rapport de spécialité entre deux normes n'est pas toujours facile à déterminer, et qu'il doit le cas échéant être dégagé selon les règles classiques de l'interprétation juridique (Peter FORSTMOSER/Hans-Ueli VOGT, Einführung in das Recht, 5e éd., 2012, n. 279 ; Bernd RÜTHERS/Christian FISCHER/Axel BIRK, op. cit., n. 771). Par ailleurs, si la question du caractère postérieur d'une norme par rapport à une autre est généralement plus facile à établir, il n'en est pas moins nécessaire de se demander le cas échéant si le nouveau droit visait bien à matériellement « abroger » l'ancien (Peter FORSTMOSER/Hans-Ueli VOGT, op. cit., n. 282 ; Hansjörg SEILER, Einführung in das Recht, 3e éd., 2009, n. 17.4.6.2; ATA/869/2023 du 22 août 2023 consid. 5.1).

7.3.2 Une règle de droit s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui‑ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard de la volonté du législateur, telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique) (parmi beaucoup: ATF 149 I 182 consid. 3.1; ATF 148 II 444 consid. 5.2).

7.4 Avant de procéder à l'interprétation, il convient de reprendre l'historique des modifications légales.

7.4.1 Le 7 avril 2006, le Grand Conseil a adopté la loi 9328 sur la santé (ROLG 2006 p. 336), entrée en vigueur le 1er septembre 2006 (ROLG 2006 p. 530).

L'art. 127 LS est intitulé « Sanctions administratives - Dispositions générales ». Selon l'art. 127 al. 1 LS-2006, en cas de violation des dispositions de la […] loi, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l'encontre des professionnels de la santé et des responsables des institutions de santé sont les suivantes : a) la commission de surveillance s'agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu'à CHF 50'000.-  ; b) le département s'agissant de la limitation, du retrait ou de la révocation du droit de pratique, de la limitation ou du retrait de l'autorisation d'exploitation, de la limitation ou du retrait des autorisations en matière de produits thérapeutiques ; c) le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, sur délégation du département, s'agissant d'amendes n'excédant pas CHF 10'000.-. Selon l'art. 127 al. 2 LS-2006, en cas de violation des dispositions de la […] loi, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l'encontre des personnes exerçant des pratiques complémentaires sont : le département s'agissant de l'avertissement, du blâme, de l'amende jusqu'à CHF 50'000.- et de la limitation ou de l'interdiction de recourir à une pratique complémentaire ; b) le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, sur délégation du département, s'agissant des amendes n'excédant pas CHF 10'000.-. Selon l'art. 127 al. 3 LS-2006, l'amende peut être cumulée avec les autres sanctions. Selon l'art. 127 al. 4 LS-2006, les sanctions administratives peuvent être accompagnées de l'injonction de suivre une formation complémentaire ou de procéder aux aménagements nécessaires pour se mettre en conformité avec les conditions de pratique ou d'exploitation.

7.4.2 Simultanément, le Grand Conseil a adopté la loi 9326 sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ROLG 2006 p. 325), qui est aussi entrée en vigueur le 1er septembre 2006.

Selon l'art. 20 LComPS-2006, en cas de violation des droits des patients, la commission de surveillance peut émettre une injonction impérative au praticien concerné sous menace des peines prévues à l'article 292 du code pénal ou une décision constatatoire (al. 1). En cas de violation des dispositions de la loi sur la santé, du 7 avril 2006 ou de la loi sur la privation de liberté à des fins d'assistance, du 7 avril 2006, elle est également compétente pour prononcer un avertissement, un blâme et/ou une amende jusqu'à CHF 50'000.- (al. 2). Si aucune violation n'est constatée, elle procède au classement de la procédure (al. 3).

Initialement, la LS-2006 et la LComPS-2006 prévoyaient donc un montant maximal d'amende de CHF 50'000.-.

7.4.3 La loi sur la santé a été modifiée par la loi 10228 du 19 septembre 2008, entrée en vigueur le 25 novembre 2008 (ROLG 2008 p. 751).

Selon l'art. 127 al. 1 LS-2008, en cas de violation des dispositions de la […] loi, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l'encontre des professionnels de la santé sont les suivantes : a) la commission de surveillance, s'agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu'à CHF 20'000.- ; b) le département, s'agissant de l'interdiction de pratiquer une profession de la santé, à titre temporaire, pour 6 ans au plus ; c) le département, s'agissant de l'interdiction de pratiquer une profession de la santé, à titre définitif, pour tout ou partie du champ d'activité ; d) le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, s'agissant d'amendes n'excédant pas CHF 5'000.-. Selon l'art. 127 al. 2 LS-2008, en cas de violation de l'obligation de suivre une formation continue telle que prévue à l'article 86, seules peuvent être prononcées les sanctions visées à l'alinéa 1, lettre a ou d. Selon l'art. 127 al. 3 LS-2006, en cas de violation des dispositions de la présente loi, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l'encontre des exploitants et des responsables des institutions de santé sont les suivantes : a) la commission de surveillance, s'agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu'à CHF 50'000.-; b) le département, s'agissant de la limitation ou du retrait de l'autorisation d'exploitation, de la limitation ou du retrait des autorisations en matière de produits thérapeutiques ; c) le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, s'agissant d'amendes n'excédant pas CHF 10'000.-. Selon l'art. 127 al. 4 LS-2008, en cas de violation des dispositions de la présente loi, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l'encontre des personnes exerçant des pratiques complémentaires sont les suivantes : a) le département, s'agissant des avertissements, des blâmes, des amendes jusqu'à CHF 20'000.- et de la limitation ou de l'interdiction de recourir à une pratique complémentaire; b) le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, s'agissant des amendes n'excédant pas CHF 5'000.-. Selon l'art. 127 al. 5 LS-2008, l'amende peut être prononcée en plus de l'interdiction de pratiquer. Selon l'art. 127 al. 6 LS-2008, les sanctions administratives peuvent être accompagnées de l'injonction de suivre une formation complémentaire ou de procéder aux aménagements nécessaires pour se mettre en conformité avec les conditions de pratique ou d'exploitation. Selon l'art. 127 al. 7 LS-2008, à titre de mesure provisionnelle, pendant toute procédure disciplinaire, le département ou, sur délégation, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal peuvent limiter l'autorisation de pratiquer ou d'exploiter, l'assortir de charges ou la retirer.

La révision de LS faisait suite à l'entrée en vigueur, au 1er septembre 2007, de la LPMéd du 23 juin 2006. La loi fédérale prévoyait notamment une liste exhaustive des devoirs professionnels et des mesures disciplinaires. Dès lors que la LPMéd prévoyait un montant maximal de l'amende de CHF 20'000.- pour les professionnels de la santé, le Conseil d'État a modifié la LS pour adapter ce montant s'agissant des personnes physiques; cela étant, le montant de CHF 50'000.- pour les institutions de santé (personnes morales) était conservé dans la LS (MGC 2007-2008 /VII A 5352 et 5356 = PL 10228, p. 8 et 12).

S'agissant spécifiquement de l'art. 127 LS, le Conseil d'État a expliqué ce qui suit dans son exposé des motifs: « La LPMéd prévoit des amendes maximales de CHF 20'000.-. La LSan (qui prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à CHF 50'000.-) a été adaptée concernant les professionnels de la santé et les personnes exerçant des pratiques complémentaires. Le montant de CHF 50'000.- est toutefois conservé pour les exploitants des institutions de santé. Il a été estimé que seul un montant élevé pouvait être à même de décourager des infractions de nature commerciale et souvent réalisées à l'insu des responsables des institutions. Afin de lever toute ambiguïté, l'alinéa 3 utilise maintenant également le terme d'exploitant. […] » (MGC 2007-2008/VII A 5356 = PL 10228 p. 12).

La LComPS n'a pas été modifiée.

7.4.4 La LComPS a été modifiée par la loi 10987 du 12 octobre 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013 (ROLG 2012 p. 685).

Selon l'art. 20 LComPS-2012, en cas de violation des droits des patients, la commission de surveillance peut émettre une injonction impérative au praticien concerné sous menace des peines prévues à l'article 292 du code pénal ou une décision constatatoire (al. 1). En cas de violation des dispositions de la loi sur la santé, du 7 avril 2006, la commission de surveillance est également compétente pour prononcer un avertissement, un blâme et/ou une amende jusqu'à CHF 20'000.- (al. 2). Si aucune violation n'est constatée, elle procède au classement de la procédure (al. 3).

Le projet de loi 10987 a été proposé par le Conseil d'État pour adapter la législation genevoise aux nouvelles règles fédérales en matière de protection de l'adulte. Il impliquait notamment une modification de la LS et de la LComPS ; en matière disciplinaire, il n'y a pas eu de changement s'agissant de la LS. En revanche, selon l'exposé des motifs, l'art. 20 al. 2 LComPS a été modifié pour supprimer la référence à la loi sur la privation de liberté à des fins d'assistance, du 7 avril 2006 (PL 10987, p. 20); c'est exact, mais le projet de loi prévoyait aussi – sans explication – de baisser le montant maximal de l'amende de CHF 50'000.- à CHF 20'000.-.

Dans le rapport de commission, il est mentionné qu'un commissaire demande pourquoi l'amende passe de CHF 50'000.- à CHF 20'000.- à l'art. 20. Le directeur général de la santé lui a répondu qu'il s'agissait d'une harmonisation par rapport à la "LSan" (recte : LS) (MGC 2011-2012 XII A 14737; PL 10987-A, p. 17). Il n'y a pas eu d'intervention en plénière sur le rapport de la commission (MGC 2011-2012 XX D/68 6377).

7.4.5 La loi sur la santé et la LComPS ont été modifiées par la loi 12083 du 21 septembre 2018, entrée en vigueur le 17 novembre 2018 (ROLG 2018 p. 572).

Selon l'art. 127 al. 1 LS-2018, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des professionnels de la santé sont les suivantes : a) la commission de surveillance, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal, s’agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 20'000.- ; b) le département, s’agissant de l’interdiction de pratiquer une profession de la santé, à titre temporaire, pour 6 ans au plus ; c) le département, s’agissant de l’interdiction de pratiquer une profession de la santé, à titre définitif, pour tout ou partie du champ d’activité; d) le département, s’agissant de l’interdiction d’exercer une profession médicale universitaire sous la surveillance professionnelle d’un professionnel de la santé. Selon l'art. 127 al. 2 LS-2018, en cas de violation de l’obligation de suivre une formation continue telle que prévue à l’article 86, seules peuvent être prononcées les sanctions visées à l’alinéa 1, lettre a. Selon l'art. 127 al. 3 LS-2018, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des exploitants et des responsables des institutions de santé sont les suivantes : a) la commission de surveillance, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal, s’agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 50'000.- ; b) le département, s’agissant de la limitation ou du retrait de l’autorisation d’exploitation, de la limitation ou du retrait des autorisations en matière de produits thérapeutiques. Selon l'art. 127 al. 4 LS‑2018, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des personnes exerçant des pratiques complémentaires sont les suivantes : a) le département, s’agissant des avertissements, des blâmes, des amendes jusqu’à CHF 20'000.- et de la limitation ou de l’interdiction de recourir à une pratique complémentaire; b) le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, s’agissant des amendes n’excédant pas CHF 5'000.-. Selon l'art. 127 al. 5 LS-2018, l’amende peut être prononcée en plus de l’interdiction de pratiquer. Selon l'art. 127 al. 6 LS-2018, Les sanctions administratives peuvent être accompagnées de l’injonction de suivre une formation complémentaire ou de procéder aux aménagements nécessaires pour se mettre en conformité avec les conditions de pratique ou d’exploitation. Selon l'art. 127 al. 7 LS-2018, à titre de mesure provisionnelle, pendant toute procédure disciplinaire, le département ou, sur délégation, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal peuvent limiter l’autorisation de pratiquer ou d’exploiter, l’assortir de charges ou la retirer.

Plusieurs articles de la LComPS ont été modifiés, mais pas l'art. 20 LComPS.

Le projet de loi 12083 a été proposé par le Conseil d'État pour encourager la médiation en matière de surveillance des professions de la santé (PL 12083). S'agissant de l'art. 127 LS, le Conseil d'État a confirmé dans l'exposé des motifs que « La commission de surveillance peut quant à elle prononcer un avertissement ou un blâme, ou infliger une amende jusqu'à CHF 20'000.- s'agissant des professionnels de la santé, et jusqu'à CHF 50'000.- s'agissant des institutions de santé » (PL 12083, p. 8).

7.4.6 L'interprétation littérale confirme que la LS prévoit une amende maximale de CHF 20'000.- pour les professionnels (personnes physiques) de la santé et de CHF 50'000.- pour les institutions de santé, alors que la LComPS prévoit – sans distinction – une amende maximale de CHF 20'000.-.

L'interprétation historique démontre que, initialement, le montant maximal de l'amende était de CHF 50'000.- et que l'influence du droit fédéral a impliqué, en 2008 (loi 10228), une réduction du montant maximal pour les personnes physiques. À ce moment-là, aucune adaptation de la LComPS n'a été faite s'agissant du montant maximal de l'amende.

Elle permet aussi de constater que la modification de 2013 de la LComPS résulte d'un souci – erroné et non expliqué dans l'exposé des motifs – d'harmonisation avec le droit fédéral. En effet, la loi 10987 visait à adapter le droit cantonal au droit fédéral de protection de l'adulte et n'avait aucun impact en matière de sanctions (sauf à supprimer une loi genevoise devenue obsolète). C'est d'ailleurs probablement la raison pour laquelle l'exposé des motifs ne mentionne rien sur le remplacement de CHF 50'000.- par CHF 20'000.-. Ce n'est que lors du 3ème débat en commission qu'un député a posé une question qui a reçu une réponse très brève de l'administration, à savoir l'harmonisation avec la LS. Or, cette réponse était incomplète, dès lors que la LS distinguait les maximums des sanctions selon qu'il s'agit d'une personne physique ou morale. D'ailleurs, si le Conseil d'État avait vraiment souhaité proposer au Grand Conseil de fixer le montant maximal de toutes les amendes dans le domaine de la santé à CHF 20'000.-, nul doute que cela aurait été expressément mentionné dans l'exposé des motifs.

En 2018, lors des adaptations de la LS, les deux plafonds différents d'amende s'agissant des personnes physiques et morales ont été confirmés dans l'exposé des motifs du Conseil d'État.

L'interprétation téléologique permet de déduire que le Conseil d'État – et avec lui le Grand Conseil qui n'a pas procédé à des changements – souhaitait prévoir un plafond différencié dans la LS s'agissant des personnes physiques et morales.

L'interprétation systématique permet de considérer que la LS est la loi générale s'agissant des sanctions dans le domaine de la santé. La LComPS est davantage une loi procédurale et organisationnelle s'agissant de la commission de surveillance. Elle n'a pas vocation à fixer des règles matérielles, même si l'art. 20 LComPS se réfère à un chiffre qui n'a pas été correctement actualisé.

7.4.7 La règle de lex specialis n'est pas particulièrement utile ici, car la LS et la LComPS ont des buts différents, l'une étant une loi générale sur la santé, y compris avec des règles détaillées en matière de sanction, alors que la LComPS est une loi procédurale et organisationnelle (qui ne reprend d'ailleurs pas toutes les sanctions et les nuances prévues par la LS).

S'agissant de la lex anterior, on pourrait certes argumenter que la modification de 2013 a fixé le maximum selon la LComPS à CHF 20'000.-. Il faut cependant interpréter une loi dans son contexte, d'où il résulte que le maximum de CHF 50'000.- a été confirmé à plusieurs reprises dans la LS, en 2006, 2008 et 2018.

Par conséquent, ni la règle de lex specialis, ni celle de lex anterior ne sont décisives; elles ne permettent pas de remettre en question le résultat des différentes méthodes d'interprétation.

7.5 Vu les développements qui précèdent, étant donné que la LS est la loi centrale en matière de sanctions et que la LComPS est principalement la loi visant l'organisation de la commission de surveillance, le montant figurant à l'art. 20 al. 2 LComPS résulte d'une erreur lors d'une modification législative liée à une autre thématique, à savoir la suppression des compétences de la commission de surveillance en matière de placement à des fins d'assistance (PL 10987-A p. 17 ; loi 10987 du 12 octobre 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013 [ROLG 2012 p. 683]).

Il résulte donc de ce qui précède que l'art. 127 al. 3 LS permet à la commission de surveillance de prononcer une amende administrative jusqu'à un montant maximal de CHF 50'000.- contre une institution de santé. Le principe de la légalité est donc respecté et le grief de la recourante à ce sujet devra être écarté. Autre est la question de savoir si, dans le cas d'espèce, ce montant était justifié.

8.             Il convient d'examiner s'il y a eu ou non une violation de la loi sur la santé.

8.1 Selon l'art. 82 al. 1 LS, le professionnel de la santé doit veiller au respect de la dignité et des droits de la personnalité de ses patients.

Les obligations des institutions de santé figurent à l'art. 107 LS. Les institutions de santé doivent fournir, de manière continue et personnalisée, les soins qui entrent dans leur mission à toute personne qu’elles prennent en charge. Elles ne peuvent, de leur propre initiative, arrêter la prise en charge d’une personne que si la continuité de celle-ci est garantie (al. 1). Elles examinent s’il y a lieu ou non d’aviser les proches de la prise en charge (al. 2). Si nécessaire, elles doivent veiller, notamment par leur service social, à prendre toutes les dispositions utiles pour sauvegarder les intérêts des patients (al. 3). Elles doivent, dans l’intérêt des patients et de la santé de la population, collaborer avec les autres institutions de santé et les professionnels de la santé et fonctionner de manière coordonnée (al. 4). Elles doivent, compte tenu de leur mission et de leurs dimensions, participer à la formation et au perfectionnement des professionnels de la santé (al. 5). Elles peuvent être appelées, compte tenu de leur mission et de leurs dimensions, à participer aux mesures cantonales d’intervention dans des situations exceptionnelles (al. 6).

Selon l'art. 9 al. 1 RISanté, les institutions de santé doivent mettre en place les mesures adéquates pour assurer la qualité de leurs prestations dans le respect des droits des patients.

Compte tenu du fait que la commission de surveillance est composée de spécialistes, mieux à même d’apprécier les questions d’ordre technique, la chambre de céans s’impose une certaine retenue (ATA/143/2023 du 14 février 2023 consid. 7 et les références citées).

8.2 En l'espèce, la recourante fait valoir que le cas de la patiente était complexe et ne saurait être réduit à la simple question du traitement d'une addiction. Comme la commission de surveillance a constaté que les médicaments correspondaient à la pathologie et que la posologie était acceptable, la recourante ne peut pas se plaindre de l'absence de reproche à ce sujet. En revanche, le reproche fait à la recourante concerne la fréquence de ses interventions sur une relativement brève période : ainsi, il y a eu 194 interventions pendant six mois entre le 2 octobre 2014 et le 13 mars 2015 (même s'il n'y en avait eu que 98 selon le courrier de l'assurance, ce nombre serait déjà très élevé ; au demeurant, la recourante n'a pas formulé de critique quant au décompte du nombre de ses interventions). Les interventions ponctuelles précédentes entre 2004 et 2013 n'ont pas fait l'objet de reproches. Pendant la période incriminée, les interventions de la recourante s'effectuaient non seulement en parallèle, mais surtout en contradiction avec le suivi thérapeutique du médecin traitant et du psychiatre de la patiente. C'est ce suivi double et contradictoire par J______ qui a été critiqué et sanctionné par la commission de surveillance. La recourante s'est substituée au suivi par les médecins traitants et n'a pas tenu compte de leurs demandes écrites d'interrompre ses passages auprès de la patiente.

Dans son recours, la société fait valoir qu'elle intervient à chaque fois que des patients y font appel car ils nécessitent une prise en charge médicale et qu'elle n'a pas imposé une quelconque prise en charge. Le cumul de prestations au moins partiellement contradictoire représente toutefois une atteinte à la qualité des soins attendus par le patient. Comme l'a relevé à juste titre la commission de surveillance, la recourante est intervenue au coup par coup, sans réflexion sur sa prise en soins de la patiente et surtout sans solution à moyen et long terme discutée avec les médecins traitants. La situation aurait pu être différente en l'absence de médecins traitants de la patiente, mais en l'occurrence, celle-ci était suivie par les Drs C______ et D______.

La recourante critique ensuite une prétendue contradiction de la commission de surveillance entre l'appréciation favorable sur la médication et la pathologie d'une part, et l'absence de nécessité médicale d'une telle médication d'autre part. Bien que bref, il n'y a pas de contradiction dans le raisonnement de la commission de surveillance : cette dernière a ainsi considéré que le traitement pris isolément était correct, mais que sa répétition presque quotidienne (194 fois sur environ cinq mois et demi) ne l'était pas.

La recourante critique ensuite une intervention « sans réflexion » que la commission de surveillance lui reproche. À nouveau, cette position doit être mise en relation, d'une part, avec la fréquence des interventions auprès de la même patiente par des médecins de J______ et, d'autre part, avec les critiques écrites des médecins traitants (par exemple courriers des 17 décembre 2014 et 18 mars 2015 du Dr C______).

8.3 La recourante réfute la position de la commission de surveillance qui lui reprochait de ne pas avoir trouvé une solution sur le long terme. Elle se réfère au droit à l'auto-détermination.

8.3.1 Selon le Tribunal fédéral, le droit à l'autodétermination – déduit de l'art. 40, lettre c de la Loi fédérale sur les professions médicales universitaires, du 23 juin 2006 (LPMéd – 811.11), qui impose de garantir les droits du patient – s'exprime ainsi très largement, dans le domaine médical, par celui de consentir ou non à un acte proposé par le médecin ou un autre soignant, respectivement de retirer un consentement préalablement donné, pour autant que ce retrait ait lieu avant la réalisation de l'acte. La validité du consentement est conditionnée par une information adaptée à la décision à prendre et à la situation personnelle du patient. Celle-ci doit être complète et compréhensible. Le non-respect de ce droit, même dans l'intérêt thérapeutique du patient, constitue une grave atteinte à la liberté personnelle. Sous réserve de situations particulières, le principe de la bienfaisance doit en effet céder le pas à celui du respect de l'autonomie (ATF 148 I 1 consid. 6.2.3).

Le droit à l'autodétermination du patient n'est pas absolu. Dans certaines hypothèses, il est susceptible d'être restreint. Lorsque le rapport de droit liant le patient au médecin est de droit public, les principes de l'art. 36 Cst. doivent être respectés. L'atteinte au droit garanti par l'art. 10 Cst. doit alors reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et respecter le principe de la proportionnalité (ATF 148 I 1 7 consid. 7.1). Lorsque le rapport de droit liant le patient au médecin ressortit au droit privé, le médecin confronté à des situations rendant impossible l'obtention d'un consentement éclairé agira en principe en application des règles sur la gestion d'affaires sans mandat de l'art. 419 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Lorsqu'une situation d'urgence se présente alors qu'un mandat préalable a été conclu, sans que l'intervention nécessaire ait toutefois été prévue, sa justification devra alors être recherchée dans une interprétation du mandat, selon les règles de la bonne foi (ATF 148 I 1 8 consid. 7.2).

8.3.2 La recourante indique que les médecins traitants ont été informés dès 2005. Elle oublie ici qu'il n'y a pas de reproche formulé pour la période 2005 à 2014.

Elle indique ensuite être toujours intervenue sur appel de la patiente elle-même. Formellement, il n'est pas contesté que la patiente a contacté J______ ; cela étant, la fréquence des appels (194 fois en six mois) aurait dû faire en sorte que la recourante entame une réflexion, même si la patiente appelait elle-même.

La recourante reproche aux médecins traitants de n'avoir pas trouvé une solution sur le long terme, car il ne lui appartenait pas de le faire. À nouveau, la fréquence excessive des appels aurait dû conduire la recourante à une prise de conscience de la nécessité de changer le traitement, de le pérenniser selon des modalités différentes ou tout du moins de prendre contact avec les médecins traitants de la patiente.

La recourante critique les idées de la commission de surveillance, notamment en lien avec une visite régulière en pharmacie ou une hospitalisation de la patiente. Ces hypothèses ne sont toutefois pas déterminantes pour l'appréciation de la violation de la LS, ce d'autant plus qu'elles ne sont pas aussi précises que la recourante tente de le faire croire : la visite régulière en pharmacie n'impose pas nécessairement la remise de benzodiazépines, mais aurait pu concerner un autre traitement. Quant à l'hospitalisation, il ne s'agit pas nécessairement d’un placement (forcé) à des fins d'assistance au sens des art. 426ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ; le dossier de la patiente démontre qu'elle a effectué plusieurs séjours volontaires en institution. Ici, il s'agit surtout de retenir que la multiplicité des prises de contacts de la patiente avec la recourante devait impliquer soit une meilleure collaboration avec les médecins traitants, soit un traitement à moyen terme.

La recourante explique que l'augmentation des appels en 2014 correspond « approximativement » au départ à la retraite des Drs E______ et I______, anciens médecins de la patiente. Ses appels répétés à J______ n'étaient donc que des signaux de détresse en raison de l'échec de sa prise en charge par son (nouveau) médecin traitant. Il n'appartient pas à la chambre de céans d'arbitrer les compétences médicales des différents médecins, ni d'imputer la réussite ou l'échec d'un traitement à l'un ou l'autre médecin. En revanche, la chambre constate à nouveau que, si la patiente était capable de discernement lorsqu'elle appelait J______, ce que cette dernière allègue, il n'y a pas eu de changement de médecin traitant. Il aurait en effet, théoriquement, pu être envisagé que la patiente décide de clore sa relation thérapeutique avec le Dr C______ et/ou le Dr D______ et de formaliser une relation avec l'un des médecins de J______ : tel n'a cependant pas été le cas, de sorte que les médecins de J______ sont intervenus en parallèle de l'activité de leurs confrères et, comme la recourante le reconnaît expressément, « au vu de [sa] mission éphémère ». La conséquence, à savoir les injonctions contradictoires, a donc logiquement pu être constatée par la commission de surveillance.

La recourante fait encore valoir qu'un problème organique grave aurait pu se dissimuler sous l'aspect d'un accès anxieux. Cela étant, à supposer que tel ait été le cas, il n'aurait pas été nécessaire de prescrire systématiquement, comme la commission de surveillance l'a constaté et comme la recourante l'a expressément admis, des benzodiazépines. Autrement dit, en cas de problème grave, une visite sur place aurait dû aboutir à un autre constat que la simple prescription de benzodiazépines.

L'examen du dossier permet de constater que la recourante, respectivement les médecins qu'elle a fait intervenir, ont rédigé des rapports d'intervention qui ont été, en grande partie, transmis aux médecins traitants. Même si la rédaction d'un rapport ne justifie pas le renouvellement presque quotidien de la médication, il conviendra d'en tenir compte lors de la fixation de la sanction.

Il en résulte donc que c'est à juste titre que la commission de surveillance a retenu une violation de la loi sur la santé.

Ce grief est donc mal fondé.

9.             Reste à examiner la quotité de la sanction. La recourante reproche une violation du principe de proportionnalité en raison du montant de CHF 50'000.- de l'amende qui a été infligée.

9.1 Les mesures disciplinaires infligées à un membre d’une profession libérale soumise à la surveillance de l’État ont principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance que leur témoignent les citoyens ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (ATF 143 I 352 consid. 3.3). Le prononcé d’une sanction disciplinaire tend uniquement à la sauvegarde de l’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 12.1 ; ATA/775/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.2).

9.2 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé ‑, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 144 I 306 consid. 4.4.1 ; ATA/775/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.2).

Conformément au principe de proportionnalité applicable en matière de sanction disciplinaire, le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 du 13 mai 2019 consid. 6.2.2 et les références citées). Les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation d’une sanction disciplinaire prévue par la LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 précité consid. 12.2 ; ATA/775/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.3) ; il en est de même s'agissant de la mise en œuvre de la LS.

9.3 En l'espèce, la commission de surveillance a infligé le montant maximal de l'amende, mais pas la sanction la plus importante, qui serait la limitation ou le retrait de l'autorisation d'exploitation (art. 127 al. 3 let. b LS).

La commission de surveillance motive ce montant par le fait qu'elle a retenu plusieurs violations de la loi, alors qu'en réalité, il n'y a qu'un seul reproche formulé contre la recourante, quand bien même il est grave. Ce comportement remonte ensuite à plusieurs années déjà, puisque les faits litigieux ont eu lieu entre octobre 2014 et l'été 2015. Malgré les mesures d'instruction effectuées par la commission de surveillance (auprès des médecins traitants, des HUG, de l'assureur, du Ministère public R______), cette dernière n'a finalement pas constaté d'autres éventuelles violations de la LS. Il convient donc de tenir compte de l'écoulement du temps pour atténuer la sanction.

De même, s'il est juste que la commission de surveillance rappelle qu'une procédure disciplinaire antérieure avait déjà eu lieu sur une problématique partiellement identique (injection d'un analgésique opioïde, sans critère d'urgence), il faut aussi tenir compte du fait que cette décision remonte au 17 décembre 2008, soit il y a plus de quatorze ans. Cela ne peut donc pas être un motif déterminant pour imposer le montant maximal de l'amende.

Le deuxième motif mis en avant par la commission de surveillance est moins convaincant : elle reproche à la recourante d'avoir transmis ses factures à la notaire responsable de la succession. La recourante explique, sans être contredite, avoir été interpellée par la notaire sur les factures ouvertes, et il paraît cohérent et raisonnable de transmettre les factures ouvertes. Il n’est pas allégué que la recourante aurait entamé des démarches de recouvrement particulières, avec des rappels pressants, une poursuite, voire une demande en paiement. La recourante n'a pas non plus agi contre l'assurance pour les factures non remboursées du 14 mars 2015 au 14 juillet 2015. Le simple envoi de factures à une notaire – même à supposer que celle-ci ne les ait pas réclamées – ne constitue pas un motif justifiant une sanction. En effet, si la commission de surveillance critique le « côté mercantile », il convient de rappeler que la plupart des institutions de santé exercent aussi une activité économique, ce qui implique l'émission de factures.

Enfin, le raisonnement de la commission de surveillance visant à additionner les factures payées par l'assurance et les factures ouvertes pour fixer le montant de l'amende ne convainc pas. En effet, l'importance de la lésion, ou du profit retiré de l'infraction aux règles, ne constitue que l'un des facteurs à prendre en compte pour fixer la quotité d'une amende. En outre, si l'amende correspond aux revenus considérés comme excessifs, alors les factures payées par l'assurance ne sont pas considérées excessives, puisque l'assurance les a payées. Il n'y aurait donc pas de raison objective de tenir compte de factures valables pour fixer une amende. Par ailleurs, si l'amende correspond aux revenus encaissés, alors les factures impayées de CHF 27'000.- ne doivent pas être prises en considération : à nouveau, ce chiffre n'est pas transposable pour la quotité de l'amende. De surcroît, l'amende ne peut pas correspondre aux coûts de l'activité médicale, car le montant des factures correspond aux revenus, encaissés ou souhaités, de la recourante : les coûts devraient ainsi être inférieurs aux revenus, si bien que ce chiffre n'est pas non plus transposable pour la quotité de l'amende.

Le montant de l'amende devra donc être réduit.

Par conséquent, le temps écoulé depuis les faits (2014-2015), la durée de la procédure (2015-2022) et l'existence d'un complexe unique de faits identiques doivent être mis à décharge de la recourante. À l'inverse, la violation de la LS (malgré l'établissement de rapports d'intervention) et l'existence d'une infraction antérieure, même il y a quatorze ans, doivent être mis à sa charge. Une amende de CHF 15'000.- paraît ainsi proportionnée.

Le recours sera donc partiellement admis, l'amende étant fixée à CHF 15'000.- et la décision attaquée étant confirmée pour le surplus.

10.         Vu l'issue de la procédure, qui prévoit que la recourante succombe sur le principe de la sanction, mais obtient une réduction de celle-ci, un émolument, réduit, de CHF 1'500.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure, elle aussi réduite, de CHF 1'500.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 novembre 2022 par A______ SA contre la décision rendue par la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 10 octobre 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement et réduit le montant de l'amende à CHF 15'000.- ;

confirme la décision attaquée pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______ SA, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques ROULET, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges, David HOFMANN, juge suppléant

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :