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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2404/2023

ATA/1227/2023 du 14.11.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;POUVOIR D'APPRÉCIATION;POLICE;MAINTIEN DU CONTRAT;SALAIRE
Normes : RGPPol.24.al2; Cst.29.al2; LPol.30; RGPPol.24.al3; LPol.18.al1; LPAC.6; LPAC.9.al2; LPAC.24; LPAC.31; LTrait.10.al1; RPAC.80.al2
Résumé : Recours d’une policière en période probatoire, dont la nomination n’a pas été demandée à l’issue de ladite période. Dans le cadre d’un recours antérieur, la chambre administrative avait retenu qu’elle avait subi une discrimination indirecte due au sexe et prolongé la période probatoire de quatre mois et dix jours. Elle réclame son salaire pour la période où elle n’exerçait plus sa fonction, estimant i) que le salaire devait lui être versé pour la période entre la fin de son contrat de durée déterminée et le nouveau contrat conclu pour respecter l’ordre de la chambre administrative et ii) pour la période postérieure, où elle estime qu’elle aurait été « automatiquement » nommée fonctionnaire. Or, elle ne peut fonder de prétentions financières sur une hypothétique nomination, et elle n’a pas exercé sa fonction de policière avant la conclusion du nouveau contrat pour quatre mois et dix jours. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2404/2023-FPUBL ATA/1227/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 novembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE intimée



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1993, a effectué l'école de police du 1er avril 2018 au 31 mars 2019. Elle a obtenu le brevet fédéral de policière en mars 2019 et a été engagée au sein de la police genevoise le 20 mars 2019, avec effet au 1er avril 2019, dans la fonction de policière 1 à titre d’épreuve.

b. La décision du 20 mars 2019, indiquait qu'elle était engagée pour deux ans à titre d'épreuve, et soumise à des évaluations. Cette période probatoire de deux ans pouvait être prolongée d'au maximum un an. Si la nomination n'était pas demandée à la fin de la période probatoire, l'engagement prenait fin d'office.

B. a. A______ a effectué un premier stage au sein de la police de proximité, au poste de Lancy-Onex, du 28 avril au 30 septembre 2019, puis un deuxième au poste de la Servette à partir du 1er octobre 2019, et un troisième au sein de la « police internationale » (ci-après : PI), à la section aéroport, à partir du 23 mars 2020.

b. Ses prestations ont été évaluées à plusieurs reprises, les 30 septembre 2019, 26 mars et 24 septembre 2020 :

Le compte rendu de l'entretien d'évaluation du 30 septembre 2019 (à six mois) comprend un critère évalué comme « très bon », dix évalués comme « bons », trois évalués comme « insatisfaisants », et un comme « largement insatisfaisant », à savoir la sécurité personnelle. L'évaluateur n'a pas fait de commentaires généraux.

Le compte rendu de l'entretien d'évaluation du 26 mars 2020 (à un an) comprend neuf critères évalués comme « bons », quatre évalués comme « insatisfaisants », et deux comme « largement insatisfaisants », à savoir la technique et tactique lors des interventions ainsi que l'utilisation des bases de données informatiques. Dans ses commentaires généraux, l'évaluateur a indiqué que « des objectifs intermédiaires lui ont été notifiés, mais ceux-ci n'ont pas été atteints […] ».

Le compte rendu de l'entretien d'évaluation du 24 septembre 2020 (à 18 mois) comprend un critère évalué comme « très bon », dix évalués comme « bons » et cinq évalués comme « insatisfaisants », aucun n'étant « largement insatisfaisant ». L'évaluateur a noté dans ses commentaires généraux que par rapport au moment de son arrivée à la section aéroport, elle avait pris confiance en elle, qu'elle devait exprimer plus souvent son avis et « pallier son manque cruel de curiosité dans son travail quotidien », qu'elle avait une bonne qualité rédactionnelle et qu'elle était très serviable.

C. a. Lors d'un entretien s'étant tenu le 3 mars 2021, A______ a été informée que sa période probatoire était prolongée d'une année, soit jusqu'au 31 mars 2022.

b. Au vu de la baisse des activités dans le domaine aéroportuaire, A______ a été à nouveau affectée au poste de Lancy-Onex, affectation qui devait commencer le 21 avril 2021. Toutefois, à partir du 4 mars 2021, elle a été en arrêt de travail, d'abord pour cause de maladie puis de maternité.

c. A______ a été en arrêt de travail, certificats médicaux à l'appui : du 16 octobre au 10 novembre 2019 ; du 24 janvier au 4 février 2020 ; du 18 février au 29 mars 2020 (à 50 % du 9 au 29 mars 2020) ; du 2 au 5 juillet 2020 ; du 30 septembre au 4 octobre 2020 ; du 25 au 28 janvier 2021. Elle a été absente pour cause de maladie, vacances et maternité du 4 mars 2021 au 31 mars 2022 au plus tôt. Elle a accouché le 15 décembre 2021, et a été en congé maternité à partir de cette date, congé se terminant le 14 avril 2022.

d. Par courrier du 8 mars 2022, la direction des ressources humaines (ci‑après : RH) de la police a informé A______ que ses rapports de service prendraient fin à l’échéance de son contrat le 31 mars 2022.

Au vu de ses absences pour raisons médicales, puis de son congé maternité, il n'avait pas été possible à sa hiérarchie de l'évaluer sur une période suffisante, notamment sur les différents points à améliorer. La période probatoire ne pouvant être prolongée qu'une seule fois, et sur décision de sa hiérarchie, il lui était communiqué que les termes de son contrat s'appliquaient et qu'en conséquence, conformément à l'art. 24 al. 2 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07), les rapports de service prendraient fin le 31 mars 2022.

D. a. Le 8 avril 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier précité, concluant principalement à ce que soient ordonnées la prolongation de sa période probatoire, ainsi que sa réintégration et à ce que soit constatée une discrimination au sens de l'art. 3 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) à son encontre.

La prise en compte d'une absence pour cause de maternité pour justifier le fait que la période d'activité n'aurait pas été assez longue constituait une discrimination indirecte à raison du sexe et était contraire à la LEg. La période probatoire aurait dû être prolongée d'une période équivalant à celle de la grossesse.

b. Par arrêt du 7 mars 2023, la chambre administrative a admis le recours et prolongé de quatre mois et dix jours la période probatoire de la recourante. Elle était donc « réintégrée dans sa fonction de policière stagiaire pendant la durée précitée ».

Le recours n’était recevable que sur la question de la discrimination liée au sexe, les autres griefs étant irrecevables, car le courrier constatant la fin des rapports de service à durée déterminée ne constituait pas une décision.

La recourante avait été victime d'une discrimination indirecte à raison du sexe. En effet, l'impossibilité de procéder à une évaluation finale et donc la fin du stage sans nomination au sein de la police avait fait suite à sa maternité et à ses absences pour d'autres causes. L'employeur aurait ainsi dû prolonger la période probatoire de la durée d'incapacité de travail de la recourante directement liée à sa grossesse et à sa maternité, du 21 novembre 2021 au 31 mars 2022, soit durant quatre mois et dix jours. En s'en abstenant, l'employeur n'avait pas respecté l'art. 3 LEg, disposition fédérale qui primait l'art. 24 RGGPol.

E. a. Le 4 avril 2023, A______, faisant suite à l’arrêt précité, a requis de la commandante de la police (ci-après : la commandante) le versement du salaire rétroactivement dû et le rétablissement sans délai de son droit au salaire. En outre, elle sollicitait dans les plus brefs délais un projet de plan de retour au travail.

b. Par courrier du 26 avril 2023, la commandante a informé A______ qu’elle allait être réintégrée dès le 1er mai 2023 dans sa fonction de policière stagiaire, pour une période de quatre mois et dix jours, avec le même statut et aux mêmes conditions salariales que celles qui prévalaient avant la fin des rapports de service à durée déterminée.

À l’issue de la période considérée, si ses prestations le permettaient, elle serait alors confirmée dans ses fonctions et un nouveau contrat conclu. Les traitements relatifs à la prolongation de la période probatoire, telle qu’ordonnée par la chambre administrative lui seraient versés pour une durée de quatre mois et dix jours, à compter du 1er mai 2023.

Enfin, s’agissant du « versement rétroactif d’éventuels salaires dus », A______ était invitée à indiquer à quelle période elle faisait référence.

c. Par courrier du 17 mai 2023, le département a formalisé la prolongation de la période probatoire, soit l’engagement de A______ dans la fonction de policière 1 à titre d’épreuve, du 1er juin au 10 octobre 2023 en classe 15, position 02.

d. Le 1er juin 2023 s’est tenu un entretien entre la recourante et son responsable hiérarchique direct, concernant la formalisation des horaires de travail ainsi que les objectifs intermédiaires à la suite de sa « réintégration à la police du 01.06.2023 ».

e. Par courrier du 6 juin 2023, A______ a requis de la commandante sa réintégration effective, afin qu’elle ne subisse aucune perte de salaire. Dans la mesure où les rapports de service avaient pris fin de manière injustifiée, il convenait de lui verser rétroactivement le traitement qu’elle aurait perçu si les rapports de travail n’avaient pas pris fin.

f. Par décision du 14 juin 2023, la commandante a refusé de donner une suite favorable à la requête de A______. Cette dernière n'avait pas formulé une demande d'effet rétroactif dans le cadre de son recours du 8 avril 2022. Elle ne pouvait donc pas se prévaloir du fait que ses rapports de travail n'avaient jamais cessé. En outre, la recourante n'avait pas exercé son activité de policière stagiaire entre le 1er avril 2022 et le 31 mai 2023, étant d'ailleurs en congé maternité durant une partie de cette période et donc en incapacité de travail à 100 %. La demande de versement de salaire à titre rétroactif était infondée.

F. a. Par acte du 17 juillet 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative à l'encontre de la décision précitée, concluant principalement à son annulation, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité équitable valant participation à ses honoraires d'avocat. Au préalable, elle a conclu à la comparution personnelle des parties, ainsi qu'à l'audition de témoins.

Elle avait fait l'objet d'une décision l'empêchant d'être nommée au sein de la police, qui avait été annulée par la chambre de céans, laquelle avait ordonné sa réintégration. Par conséquent, il convenait qu'elle soit traitée comme si elle avait pu continuer à exercer ses fonctions en l'absence de la décision illicite précitée. Or, si elle avait pu continuer à exercer, il « ne [faisait] pas de doute qu’[elle] aurait déjà été nommée en tant que policière, à l’issue de la période probatoire prolongée ».

En effet, les évaluations qui figuraient au dossier démontraient que son parcours avait eu lieu sans problème. Les critiques dont elle avait fait l’objet lors de sa formation n’étaient nullement établies mais découlaient au contraire des difficultés auxquelles elle avait été injustement confrontée et des conséquences de ces expériences néfastes sur sa santé.

Il convenait donc de lui verser, à titre de salaire rétroactif, le montant qui lui aurait été versé lors de la prolongation de la période probatoire, du 31 mars 2022 au 10 août 2022, et le montant du salaire qui aurait été versé à la suite de sa nomination, soit le salaire entre le 11 août 2022 au 31 mai 2023, « veille de la date à laquelle [elle] a été réintégrée ».

b. Dans ses observations du 11 septembre 2023, la commandante a conclu au rejet du recours.

La demande préalable de comparution personnelle des parties devait être rejetée, la recourante ne développant pas les raisons pour lesquelles elle sollicitait des auditions.

La recourante avait été engagée au statut de stagiaire. Elle n’avait jamais acquis le statut de fonctionnaire. Les dispositions relatives à ces derniers ne pouvaient pas lui être appliquées. Son contrat de stagiaire avait pris fin à son échéance au 31 mars 2022. Elle avait donc cessé d’exercer au sein de la police cantonale du 1er avril 2022 jusqu’au 1er juin 2023, date à laquelle la période probatoire avait repris, pour quatre mois et dix jours par le biais d’un nouveau contrat. Elle n’avait pas été indemnisée durant cette période car elle n’occupait aucun poste au sein de la police.

Il n’était pas question de réintégration mais bien de la prolongation de la période probatoire, comme policière 1, à titre d’épreuve. L’art. 31 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ne s’appliquait pas au cas d’espèce, la recourante n’étant pas fonctionnaire et n’ayant pas fait l’objet d’une décision de résiliation des rapports de service.

Enfin, la recourante ne pouvait fonder ses prétentions financières sur une hypothétique nomination. Elle avait vu sa période probatoire prolongée d’un an, en raison de l’insuffisance de ses prestations professionnelles et elle n’avait pas été nommée à l’issue de ladite période. Ses évaluations de stage, contrairement à ses allégations, n’étaient pas bonnes.

c. Dans sa réplique du 13 octobre 2023, la recourante a argué que la distinction entre les fonctionnaires et sa propre situation ne reposait sur aucune base légale, et constituait une discrimination supplémentaire au sens de la LEg, « l’objectif étant manifestement de la priver de revenus en raison de sa grossesse ». Le dispositif de l’ATA/210/2023 correspondait matériellement à une réintégration.

Son contrat avait illicitement pris fin le 31 mars 2022 et elle avait été empêchée d’occuper son poste en raison d’une discrimination à raison du sexe. Partant, « le versement rétroactif du traitement non-perçu [constituait] une réparation équitable pour les inconvénients subis ». La prolongation de sa période probatoire était liée à ses absences. Les reproches concernant ses capacités professionnelles étaient contestés, ceux-ci étant non étayés et vagues.

d. Les parties ont été informées le 17 octobre 2023 que la cause était gardée à juger.

e. La commandante a dupliqué le 25 octobre 2023, rappelant les motifs pour lesquels le recours devait être rejeté.

Elle a ajouté ne pas comprendre pourquoi la recourante persistait à citer les cas de réintégration des fonctionnaires, l’art. 31 al. 2 LPAC ne s’appliquant pas à une policière stagiaire et l’échéance de son contrat de durée déterminée étant un simple fait objectif et non un licenciement. La recourante n’avait pas formulé de demande de versement rétroactif de son salaire dans le cadre de son recours du 8 avril 2022. Enfin, le recours concernait, à teneur des conclusions, uniquement le versement rétroactif de son salaire et non la contestation de l’absence de nomination de la recourante à l’issue de la période probatoire.

f. Sur ce, les parties ont été informées le 25 octobre 2023 que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 1 al. 1 let. b LPAC, applicable par le biais de l'art. 18 al. 1 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 - LPol - F 1 05).

2.             La recourante sollicite à titre préalable la comparution personnelle des parties et l’audition de témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, la recourante a pu s’exprimer par écrit devant la chambre de céans et produire toutes pièces utiles. Elle n’expose pas quelles informations supplémentaires, utiles à la solution du litige, la comparution personnelle des parties et l’audition de témoins pourrait apporter, étant souligné qu’elle demande son audition sur la question des motifs de prolongation de sa période probatoire, injustifiés selon elle et liés au climat de travail dans ses différents stages, grief jugé irrecevable par l’ATA/210/2023. La recourante n’indique au demeurant pas ce qu’elle pourrait ajouter oralement qui ne figurerait pas déjà dans ses diverses écritures. L’audition de témoins, sans mentionner de noms ni sur quels éléments ils devraient être entendus, n’apparait pas nécessaire, la présente cause étant restreinte à des prétentions financières. Les parties ont eu en outre l’occasion lors des échanges d’écritures de se déterminer de manière circonstanciée sur les prises de position de leur partie adverse et ont joint à leurs mémoires de nombreuses pièces. La chambre de céans considère ainsi être en possession d’un dossier complet en état d’être jugé. Aussi, par appréciation anticipée des preuves, il ne sera pas donné une suite favorable aux demandes d’actes d’instruction formulées par la recourante.

3.             Le litige porte sur le versement du salaire de policière à titre d’épreuve du 1er avril au 10 août 2022, ainsi que du salaire de « policière nommée » du 11 août 2022 au 31 mai 2023, la recourante estimant qu’elle aurait dû être nommée fonctionnaire automatiquement à compter du 11 août 2022.

3.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée dans le cas d’espèce.

3.2 Aux termes de l'art. 30 LPol, intitulé « conditions d'admission », le département fixe les conditions d’entrée dans la police.

À l’issue de l’école de police, les policiers sont engagés par le Conseil d’État pour deux ans à titre d’épreuve ; durant cette période, ils sont soumis à des évaluations (art. 24 al. 1 RGPPol). Au terme de la période probatoire de deux ans, celle-ci peut être prolongée d’au maximum un an (art. 24 al. 2 RGPPol). Si la nomination n’est pas demandée au terme de la période probatoire, l’engagement prend fin d’office (art. 24 al. 3 RGPPol).

3.3 Le personnel de la police est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, en particulier son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC ‑ B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC). Il est, de même, soumis à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) et à ses dispositions d’application.

3.4 La LPAC s'applique aux membres du personnel administratif, technique et manuel de l’administration cantonale (art. 1 al. 1 let. a LPAC). Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d’employés, d’auxiliaires, d’agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4 al. 1 LPAC). Est un fonctionnaire le membre du personnel régulier ainsi nommé pour une durée indéterminée après avoir accompli comme employé une période probatoire (art. 5 LPAC). Est un employé le membre du personnel régulier qui accomplit une période probatoire (art. 6 al. 1 LPAC). Est un stagiaire, un membre du personnel engagé en cette qualité pour notamment acquérir ou compléter une formation professionnelle (art. 9 al. 2 LPAC)

3.5 À teneur de l'art. 24 LPAC, qui se trouve dans la section 3, intitulée « autres membres du personnel » de la loi, tandis que la section 2 concerne les « fonctionnaires et employés », lorsqu'un contrat est conclu pour une durée déterminée, les rapports de service prennent fin à l'échéance dudit contrat (al. 1), la même solution prévalant qu’en matière de relations de travail de droit privé. En effet, le contrat de durée déterminée prend fin sans qu’il soit nécessaire de donner un congé (art. 334 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 ; ATA/946/2016 du 8 novembre 2016 consid. 5c). Ainsi, le contrat de durée déterminée prend fin ipso jure et automatiquement par le seul écoulement du temps, sans qu’une résiliation soit nécessaire (Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 4e éd., 2019, p. 612). En revanche, lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service en respectant le délai de congé. La personne concernée est entendue par l'autorité compétente ; elle peut demander que le motif de la résiliation lui soit communiqué (al. 2).

Il n'existe pas de droit au renouvellement du contrat de durée déterminée (ATA/560/2020 du 9 juin 2020 consid. 3b ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 6). L'échéance d'un contrat de durée déterminée ne constitue pas un licenciement ou une sanction disciplinaire ; c'est un simple fait objectif qui n'est pas susceptible de recours (ATA/569/2010 du 31 août 2010 consid. 1a). Le courrier par lequel l’employeur rappelle l'échéance du contrat n'est donc pas une décision car il ne crée, ne modifie ou n'annule pas de droits ou d'obligations (ATA/768/2014 du 30 septembre 2014 consid. 2b ; ATA/142/2006 du 14 mars 2006 consid. 3). La chambre de céans a d'ailleurs retenu qu'un courrier qui ne se prononçait pas sur la prolongation d'un contrat de travail ni n'y mettait fin, mais se rapportait à la fin d'un contrat de durée déterminée ne constituait pas une décision au sens de l'art. 4 LPA (ATA/742/2021 du 13 juillet 2021 consid. 6b).

3.6 L’art. 31 LPAC accorde au membre du personnel un recours à la chambre administrative contre une décision de résiliation des rapports de service. Si la chambre retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne la réintégration (art. 31 al. 2 LPAC). Si elle considère que le licenciement est pour une autre raison contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (art. 31 al. 3 LPAC).

3.7 Selon l’art. 10 al. 1 LTrait, le droit au traitement prend naissance le jour de l’entrée en fonctions et s’éteint le jour de la cessation des rapports de service. La LTrait n’est pas applicable aux auxiliaires, aux stagiaires et aux apprentis, qui sont soumis à une règlement spéciale (art. 1 al. 2 LTrait). Selon l’art. 80 al. 1 et 2 RPAC, l’indemnité mensuelle du stagiaire est fixée par l’office du personnel. Le stagiaire a droit à son indemnité dès le jour où il occupe sa fonction, jusqu’au jour où, pour toute raison, il cesse de l’occuper (art. 80 al. 2 RPAC).

3.8 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b).

3.9 En l’espèce, conformément aux dispositions du RGPPol précitées, la recourante n’avait aucun droit à la prolongation de son contrat et aucun avis de fin de contrat ne s’imposait, le contrat de durée déterminée prenant fin à son échéance. Dans ces conditions, la contestation relative au contenu de ses évaluations et à l’absence injustifiée de nomination, ne sont pas recevables, l’ATA/210/2023 ayant déjà jugé que le courrier constatant la fin de l’engagement de la recourante à titre de policière 1 à titre d’épreuve ne constituait pas une décision et l’objet du présent recours concernant uniquement les prétentions salariales rétroactives réclamées par la recourante.

La recourante estime qu’elle devrait se voir appliquer les dispositions concernant la réintégration des fonctionnaires, et être traitée comme si elle n’avait jamais cessé de travailler. Or, entre le 1er avril 2022 et le 1er juin 2023, la recourante n’a occupé aucun poste au sein de la police. Son contrat de travail de durée déterminée a pris fin d’office le 31 mars 2022, et un nouvel acte administratif lui a été notifié pour formaliser la prolongation de la période probatoire ordonnée par la chambre de céans dans l’ATA/210/2023. Contrairement à ce qu’elle allègue, l’utilisation des termes « réintégration dans sa fonction de policière stagiaire pour la période considérée » figurant dans l’arrêt précité n’implique pas l’application à son cas des dispositions concernant les fonctionnaires, a fortiori celles concernant la réintégration de ces derniers en cas de résiliation illicite des rapports de service. En effet, la réintégration prévue dans l’ATA/210/2023 intervient comme conséquence d’une discrimination indirecte contraire au droit. Elle n’avait pour but que de replacer la personne ayant fait l'objet de cette discrimination dans la situation telle qu’elle existait avant la fin du contrat. Elle ne tendait pas à créer des rapports de travail différents. L'intimée a ainsi, à juste titre, prolongé, par le biais d’un nouveau contrat de durée déterminée, la période probatoire de la recourante. Le dispositif de l’ATA/210/2023 n’indique pas non plus que la recourante aurait dû être nommée fonctionnaire, mais se limite à constater l’existence d’une discrimination indirecte due au sexe, en raison de ses absences liées à sa grossesse durant la période probatoire et ordonnant la prolongation de ladite période pour la durée concernée. C’est donc de manière erronée que la recourante souhaite l’application de ces dispositions à son cas et elle ne peut obtenir par ce biais le versement rétroactif d’un salaire auquel elle n’avait pas droit.

Finalement, rien n’indique, contrairement à ses allégations, qu’elle aurait automatiquement été nommée fonctionnaire à l’issue de la période d’épreuve, une telle issue étant seulement hypothétique. Au contraire, sa nomination n’a jamais été demandée par sa hiérarchie, ni à l’échéance de la période de stage de deux ans, ni après la prolongation de cette dernière d’une année, et les évaluations figurant au dossier n’indiquent pas, contrairement à ce qu’elle soutient, qu’elle aurait dû être « nommée » à la fin de sa période probatoire, tous les objectifs n’étant pas atteints. Elle ne peut donc se fonder sur cet élément, simple conjecture au demeurant non soutenue par les éléments du dossier, pour solliciter le versement du salaire de « policière nommée » pour la période entre le 11 août 2022 et le 31 mai 2023.

Entièrement mal fondé voire téméraire, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours et du traitement annuel de base de la recourante, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2023 par A______ contre la décision de la commandante de la police du 14 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commandante de la police.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :