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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1755/2021

ATA/1064/2023 du 26.09.2023 sur JTAPI/54/2022 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 03.11.2023, 9C_693/2023, 9C_39/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1755/2021-ICCIFD ATA/1064/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 septembre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______et B______ recourants
représentés par Me Michel CABAJ, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2022 (JTAPI/54/2022)


EN FAIT

A. a. B______, né en ______, est le fils de C______, lequel est décédé le ______ 2009 à l'âge de ______ ans.

b. Il a épousé A______ en 2011.

B. a. Par courrier de son mandataire du 28 septembre 2018, B______ a informé l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) avoir reçu de son défunt père des avoirs intitulés « D______ Luxembourg – E______ n. 1______ » pour un montant de EUR 242'962.- au 31 décembre 2017. Cette déclaration spontanée concernait les périodes fiscales 2008 à 2017.

b. Par courriers recommandés du 13 décembre 2018, l’AFC-GE a informé les époux de l’ouverture d’une procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2008, 2011, 2012, 2013 et 2015.

c. Le 19 décembre 2019, ces procédures ont été étendues aux années fiscales 2009, 2014 et 2016. Les époux étaient priés de fournir les relevés fiscaux détaillés et complets, avec mention des rendements échus aux 31 décembre 2008 à 2016, de leurs titres déposés auprès de D______ Luxembourg – E______ n. 1______. Ils étaient également invités à justifier concrètement la provenance des fonds à hauteur d’environ EUR 243'000.- au moyen de tous documents.

d. Le 13 juillet 2020, après plusieurs prolongations de délai, l’AFC-GE a imparti aux époux un dernier délai au 31 juillet 2020 pour fournir les documents précités, sous peine de taxation d’office et d’amende.

e. Le 14 août 2020, l’AFC-GE a informé les contribuables de l’ouverture complémentaire d’une procédure en tentative de soustraction d’impôt pour l’ICC et l’IFD 2017, en leur demandant les mêmes documents que s'agissant des autres années.

f. Par courrier recommandé du 17 décembre 2020, l’AFC-GE a informé les époux que les procédures en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2008, 2009 et 2011 étaient terminées et leur a remis les bordereaux de rappel d’impôt pour ces années ainsi que des bordereaux d’amende ICC et IFD 2011. Les années 2008 et 2009 ne faisaient pas l’objet d’une amende.

 

 

Les reprises et les amendes étaient les suivantes :

Année fiscale

Supplément d'impôt ICC

Supplément d'impôt IFD

Amende ICC

Amende IFD

2008

CHF 129'324.05

CHF 51'400.80

2009

CHF 4'590.40

CHF 488.40

2011

CHF 3'525.05

CHF 390.--

CHF 3'525.-

CHF 390.-

Total

CHF 137'439.50

CHF 52'279.20

CHF 3'525.-

CHF 390.-

Les bordereaux d’amende ICC et IFD 2011, correspondant à une fois l’impôt soustrait, étaient motivés comme suit : « À teneur de la loi, lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d’impôt, il n’y a pas d’amende (dénonciation spontanée non punissable) à condition qu’aucune autorité fiscale n’en ait connaissance ; qu’il collabore sans réserve avec l’administration pour déterminer le montant du rappel d’impôt ; qu’il s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû. En cas de dénonciation spontanée non punissable, il est également renoncé à la poursuite pénale pour toutes les infractions commises dans le but de soustraire des impôts (usage de faux, détournement d’impôt à la source et autres actes délictueux). En l’occurrence, les conditions de la dénonciation spontanée non punissable ne sont pas remplies vu l’absence de collaboration. En outre, en ne déclarant pas la prestation appréciable en argent perçue par la [SI] vous n’avez pas été imposé selon votre réelle capacité contributive ».

g. Le même jour, soit le 17 décembre 2020, les époux étaient informés de la clôture des procédures en rappel et soustraction d’impôt relatives aux années 2012 à 2016 et les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende pour ces années leur ont été remis.

Les reprises et les amendes étaient les suivantes :

Année fiscale

Supplément d'impôt ICC

Supplément d'impôt IFD

Amende ICC

Amende IFD

2012

CHF 3'489.35

CHF 377.-

CHF 3'489.-

CHF 377.-

2013

CHF 3'551.10

CHF 390.-

CHF 3'551.-

CHF 390.-

2014

CHF 3'602.90

CHF 390.-

CHF 3'602.-

CHF 390.-

2015

CHF 3'160.70

CHF 338.-

CHF 3'160.-

CHF 338.-

2016

CHF 10'637.70

CHF 4'043.-

CHF 10'637.-

CHF 4'043.-

Total

CHF 24'441.75

CHF 5'538.-

CHF 24'439.-

CHF 5'538.-

C. a. Par courrier du 18 janvier 2021, les époux ont formé réclamation à l’encontre des l'ensemble des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende précités, concluant à leur annulation. Les bordereaux de rappel d’impôt étaient insuffisamment motivés. S’agissant de leur absence de collaboration, ils s’étaient efforcés de renseigner au mieux l’AFC-GE avec les éléments dont ils disposaient. La fiduciaire en charge de la comptabilité de la SI n’avait pas pu finaliser les états financiers de celle-ci car son employé avait été victime d’un cancer généralisé. En toute hypothèse, ils n’avaient eu ni la conscience ni la volonté de commettre une soustraction.

b. Par lettre du 5 février 2021, l’AFC-GE a expliqué aux époux qu’à défaut d’informations de leur part, malgré plusieurs délais accordés, elle avait considéré le solde au 31 décembre 2017 de EUR 242'962.- comme étant un revenu perçu en 2008. Elle avait à chaque fois repris ce solde en l’extrapolant pour les années 2008 à 2016 et calculé un rendement annuel y relatif de 1 %. Concernant la reprise de CHF 28'492.- en 2016, elle correspondait à des intérêts excessifs taxés comme un rendement de la fortune mobilière découlant d’une participation dans la SI.

Un délai était imparti aux époux pour leur permettre de préciser l’objet de leur réclamation. Passé ce délai, et sans réponse de leur part, une décision sur réclamation serait rendue sur la base de leur courrier du 18 janvier 2021.

c. Le 22 février 2021, les contribuables ont indiqué ne pas s’opposer aux reprises suivantes : a) les rendements de 1 % de la relation bancaire D______ Luxembourg pour chaque année fiscale ; b) le solde de EUR 242'962.- extrapolé sur les années 2008 à 2016 ; et c) la prestation appréciable en argent sous forme d’intérêts excessifs d’un montant de CHF 28'492.- pour l’année 2016.

En revanche, la reprise en revenu du solde de la relation bancaire D______ de EUR 242'962.- était formellement contestée, dès lors que ce montant provenait de fonds de la succession de feu le père du contribuable. Ils ont sollicité un délai supplémentaire au 15 mars 2021 afin de pouvoir remettre tout document pertinent quant à la provenance des fonds en question.

d. Par lettre du 2 mars 2021, l’AFC-GE leur a accordé un délai, non prolongeable, au 15 mars 2021 pour compléter leur réclamation.

e. Par décision sur réclamation du 15 avril 2021, l’AFC-GE a maintenu les bordereaux de rappel ICC et IFD 2008, 2009 et 2011 à 2016 ainsi que les amendes. Malgré le délai supplémentaire accordé, les époux n’avaient toujours pas apporté la preuve de leurs allégations. L’AFC-GE n’avait pu obtenir ni l’identité de l’ayant droit économique, ni les relevés fiscaux pour les années 2008 à 2017, ni les justificatifs de la provenance des fonds qui avaient permis d’alimenter le compte D______ Luxembourg – E______ n. 1______.

Force était ainsi de constater que les contribuables n’avaient pas pleinement collaboré à l’instruction des procédures. En conséquence, faute de justificatifs, les reprises étaient maintenues.

D. a. Par acte du 17 mai 2021, les époux ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation du 15 avril 2021, concluant principalement, à son annulation et à ce que de nouveaux bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008, 2009 et 2011 à 2016 ainsi que d’amende ICC et IFD 2011 à 2016 soient émis.

Au vu du faisceau d’indices qu'ils avaient établis par pièces, il fallait considérer que les avoirs du compte « E______ » avaient été acquis par voie successorale et qu’ils devaient bénéficier d’une exonération d’impôt.

b. Le 20 juillet 2021, l’AFC-GE a conclu à l’annulation des bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 et au rejet du recours pour le surplus.

Malgré les nombreuses prolongations de délai, les contribuables n’avaient jamais remis de justificatifs sur la provenance des fonds et sur l’ayant droit économique du compte litigieux.

Ainsi, au vu des pièces du dossier, les époux n’avaient pas apporté la preuve que les avoirs de EUR 242'962.- avaient été perçus par voie de succession en ligne directe impliquant une exonération fiscale. Partant, faute de documents répondant aux questions posées par l’AFC-GE, il se justifiait d’infliger une amende aux recourants pour manque de collaboration de leur part. Enfin, une erreur de plume s’était glissée dans les bordereaux d’amende ICC et IFD 2011 à 2015, dès lors que la motivation de la prestation appréciable en argent perçue de la SI n’aurait dû figurer que dans les bordereaux d’amende ICC et IFD 2016. Toutefois, cela n’avait pas de conséquence sur le fond du litige.

c. Le 1er septembre 2021, les époux ont persisté intégralement dans les conclusions de leur recours.

d. Par jugement du 24 janvier 2022, le TAPI a admis partiellement le recours, donnant acte à l'AFC-GE de ce qu’elle annulait les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 et rejetant le recours pour le surplus.

Par courrier du 28 septembre 2018, B______ avait procédé à la dénonciation spontanée du compte bancaire litigieux pour les années fiscales 2008 à 2017. Or, son père étant décédé le ______ 2009 et faute de justificatifs confirmant une éventuelle avance d’hoirie, sachant qu'il avait deux autres frères, l’on peinait à comprendre comment il aurait pu acquérir ce compte en 2008 par dévolution successorale. Malgré les multiples délais accordés par l’AFC-GE, les époux n'avaient pas établi la provenance des fonds sur le compte, ni fourni la preuve que M. C______ en était l’ayant droit économique ; les différents documents produits à l'appui de leurs allégations n'étaient pas probants. En conséquence, la reprise de ce montant dans l’année fiscale 2008 était confirmée.

S'agissant des amendes, la condition de la bonne collaboration n'était pas donnée dès lors que malgré les nombreuses prolongations de délai accordées par l’AFC‑GE, les époux n'avaient pas fourni les renseignements et justificatifs nécessaires (notamment les relevés fiscaux détaillés et complets, la justification de la provenance des fonds, ainsi qu’une attestation bancaire authentifiant l’identité de l’ayant droit économique). À cet égard, à la date de la lettre de dénonciation spontanée, soit le 28 septembre 2018, le délai de conservation de dix ans n’était pas échu pour les années 2008 à 2016. De plus, il était possible que les banques conservent les documents bancaires plus de dix ans, notamment sous un format informatique. La quotité des amendes n'étant pas contestée, celles-ci devaient être confirmées.

E. a. Par acte posté le 25 février 2022, les époux AB______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à la comparution personnelle des parties, à l'audition de trois personnes en lien avec F______ et à une expertise d'authenticité graphologique de la décharge du 30 novembre 1999, et principalement à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il confirmait les bordereaux de rappel d'impôts et d'amende.

L'origine des fonds était suffisamment démontrée, ce qui devait conduire à une exonération de la somme litigieuse.

L'AFC-GE avait annulé les bordereaux ICC et IFD 2009 compte tenu de la date de décès de C______, si bien que les bordereaux ICC et IFD 2008 devaient être annulés également pour ce motif.

S'agissant des amendes, ils avaient collaboré au mieux de leurs possibilités compte tenu du contexte du décès de C______, qui n'avait pas pris soin de remettre l'entier de la documentation relative à ce compte à son fils, ainsi que la faillite de G______, société qui administrait le compte par le biais de la société H______, et de l'absence de collaboration de l'D______ Luxembourg. Les amendes constituaient une double peine, en sus des bordereaux de rappel d'impôts qui qualifiaient les avoirs du compte de revenu imposable. Même si leur absence de collaboration était retenue, la quotité devait être réduite à un tiers des impôts soustraits, leur faute ne pouvant être « tout au plus que légère ».

b. Le 25 mars 2022, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Le 13 mai 2022, les époux AB______ ont persisté dans leurs conclusions.

L'objet de la cause, à savoir des rappels d'impôts et des amendes fiscales, imposait une stricte application des garanties de l'art. 6 § 1 et 3 let. d de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), en particulier le droit de ne pas s'auto‑incriminer et celui d'obtenir son audition ainsi que celle de témoins à décharge.

Lorsque les conditions de la dénonciation spontanée non punissable n'étaient pas remplies, les dispositions légales relatives à la soustraction, et en particulier le droit de ne pas s'auto‑incriminer, s'appliquaient. Il revenait donc à l'AFC-GE de prouver qu'il était titulaire des avoirs litigieux.

d. Par arrêt du 22 novembre 2022 (ATA/1177/2022), la chambre administrative a partiellement admis le recours, annulé le jugement attaqué en tant qu'il confirmait les bordereaux d'amende litigieux, fixé le montant des amendes aux trois quarts de l'impôt soustrait, confirmé le jugement pour le surplus, renvoyé la cause à l'AFC‑GE dans le sens des considérants, mis à la charge solidaire des époux un émolument de CHF 1'000.- et alloué solidairement aux époux une indemnité de procédure de CHF 500.-.

Bien que l'art. 6 CEDH s'appliquât à la cause dans la mesure où elle concernait le prononcé d'amendes fiscales, les demandes d'actes d'instruction étaient rejetées.

Les époux AB______ ne pouvaient être suivis lorsqu'ils considéraient avoir suffisamment prouvé que le compte litigieux avait été dévolu à B______ par voie successorale. Les éléments produits à propos de la titularité du compte n'étaient, comme retenu par le TAPI, pas probants. Ce qui était cependant déterminant pour la question d'une possible exonération d'impôt sur le revenu était l'absence totale de pièce probante relative à une dévolution successorale, telle que testament ou convention d'avance d'hoirie – le transfert de titularité du compte ayant eu lieu une année environ avant le décès de C______, qui avait plusieurs enfants.

Le principe du prononcé d'une amende était confirmé, mais l'on devait retenir que les amendes auraient dû correspondre aux trois quarts de l'impôt éludé et non à l'entier de celui-ci.

F. a. Par acte du 17 janvier 2023, les époux AB______ ont interjeté un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt précité, concluant préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur une demande de révision déposée auprès de la chambre administrative le 17 janvier 2023 (laquelle a été ouverte sous numéro de procédure A/181/2023), principalement à l'admission du recours, à la réforme de l'ATA/1177/2022 en tant qu'il confirmait les bordereaux de rappel d'impôts ICC et IFD 2008 et 2011 à 2016 ainsi que les bordereaux d'amende ICC et IFD 2011 à 2016.

b. Par arrêt du 20 juin 2023, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours s'agissant des amendes prononcées pour les années 2011 à 2016. L'arrêt attaqué était partiellement annulé et la cause renvoyée à la chambre administrative pour qu'elle procède dans le sens des considérants puis statue à nouveau. Pour le surplus, l'arrêt attaqué était confirmé s'agissant de la procédure de rappel d'impôts pour les années 2008 et 2011 à 2016.

Les pièces nouvelles devaient être écartées. La requête en suspension était rejetée, la demande de révision semblant ne reposer sur aucun motif déterminant pour la révision, et l'avancement de la prescription commandant de privilégier un règlement rapide du cas. Le droit de procéder au rappel d'impôts n'était pas prescrit.

C'était à tort que la chambre administrative avait refusé d'entendre les époux AB______ oralement (débats publics) concernant la procédure de soustraction d'impôt ayant conduit au prononcé d'amendes à leur encontre s'agissant des périodes fiscales 2011 à 2016. En effet, quand bien même les contribuables n'avaient exprimé le souhait d'être entendus oralement que devant la dernière instance cantonale, ils l'avaient fait dans le cadre de l'échange d'écritures ordonné par la chambre administrative, par une demande claire. En conséquence, la cause devait être renvoyée à la chambre administrative pour qu'elle entende les époux oralement dans le cadre de la procédure de soustraction d'impôt. Le recours devait ainsi être admis sur ce point, et il n'y avait par conséquent pas lieu de se prononcer sur les griefs des recourants quant à l'absence de fondement des amendes et de leur quotité. Il n'y avait par contre pas lieu de donner suite à leur demande d'auditions de témoins sur la base de l'art. 6 § 3 let. d CEDH.

S'agissant des rappels d'impôts, les allégations des contribuables relatives à la titularité dudit compte étaient appellatoires et ne remettaient nullement en question l'imposition du montant de EUR 242'962.- à titre de revenu imposable supplémentaire pour l'année 2008.

Le recours devait dès lors être rejeté s'agissant de la procédure de rappel d'impôts pour les périodes fiscales 2008 et 2011 à 2016, mais devait être admis s'agissant de la procédure de soustraction d'impôt (amendes) pour les années 2011 à 2016 tant en matière d'IFD que d'ICC, en ce sens que la cause était renvoyée à la chambre administrative pour qu'elle procède conformément à l'art. 6 § 1 CEDH. 

G. a. Sur la base de cet arrêt, les parties ont été convoquées à une audience de comparution personnelle et de plaidoiries.

b. Lors de cette audience qui s'est tenue le 5 septembre 2023, le recourant a eu l'occasion de s'exprimer sur la cause. L'avocat des recourants a plaidé et déposé des conclusions ainsi que des pièces, à savoir celles remises à l'appui de la demande en révision du 17 janvier 2023 (à savoir un courrier du 13 janvier 2023 de I______, ancien directeur et administrateur de F______ (ci‑après : F______), qui y joignait « un relevé historique de performance du compte ouvert par C______ (…) remontant au 1er septembre 2002, de ladite relation n° 1______ au 1er avril 2011 de la banque D______ (Luxembourg) SA » et « un récapitulatif interne du groupe F______ relatif à la performance de ce compte au 28 avril 2008 »).

Les recourants concluaient ainsi préalablement à ce que soit ordonnée la jonction des causes A/1755/2021 et A/181/2023, et principalement à : 1) constater que les recourants n'avaient pas acquis les avoirs litigieux sous forme de revenu ; 2) constater que le recourant avait acquis lesdits avoirs par dévolution successorale de son père ; 3) constater que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôts était périmé à tout le moins depuis le 1er janvier 2013 ; 4) réformer le jugement du TAPI en tant que les bordereaux de rappel d'impôts devaient être annulés ; 5) réformer le jugement du TAPI en tant que les bordereaux d'amende devaient être annulés. Subsidiairement, le jugement du TAPI devait être réformé en tant que seuls des rappels d'impôt sur la fortune soient prononcés. Très subsidiairement, les amendes devaient être ramenées à un quart des impôts soustraits.

L'AFC-GE a quant à elle conclu au refus de la jonction des procédures, à l'irrecevabilité des pièces produites et à la confirmation des amendes fixées aux trois quarts des impôts soustraits.

À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger, avec l'accord des parties présentes.

c. Par arrêt rendu ce jour, la chambre administrative a statué sur la demande de révision des recourants.

EN DROIT

1.             Le présent arrêt fait suite à au renvoi de la cause à la chambre de céans par l'arrêt du Tribunal fédéral du 20 juin 2023 (9C_39/2023).

1.1 En application du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès. La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).

1.2 Le mémoire de réplique ne peut contenir qu'une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 n. 927). Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/773/2022 du 9 août 2022 consid. 2b ; ATA/1221/2021 du 16 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/434/2021 du 20 avril 2021 consid. 1b).

1.3 Dans son arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral a clairement limité l'admission du recours à la question des amendes fiscales (lesquelles sont relatives aux années 2011 à 2016) et partiellement annulé l'ATA/1177/2022 en renvoyant la cause à la chambre administrative pour qu'elle procède dans le sens des considérants (audition des recourants conformément à l'art. 6 CEDH) puis statue à nouveau. Il a confirmé l'arrêt attaqué pour le surplus, rejetant le recours s'agissant de la procédure de rappel d'impôts pour les périodes fiscales 2008 et 2011 à 2016.

Dès lors, toutes les conclusions des recourants qui tendent à revoir le traitement des rappels d'impôts (conclusions principales 1 à 4 ci-dessous et conclusion subsidiaire) sont irrecevables. Seules sont recevables la conclusion préalable en jonction – de nature procédurale –, la conclusion principale 5) visant à l'annulation des bordereaux d'amende et la conclusion très subsidiaire tendant à ramener lesdites amendes à un quart des impôts soustraits.

2.             Lors de l'audience de plaidoiries, les recourants ont produit des pièces nouvelles, qui sont les mêmes que celles présentées à l'appui de la demande en révision enregistrée sous numéro de cause A/181/2023.

2.1 Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10), étant précisé que ni la LIFD, ni la LPFisc ne prévoient de réglementation à ce sujet. La loi ne fixe pas de « dernier délai » pour le dépôt d'une pièce nouvelle.

2.2 En l'espèce, le dépôt de ces nouvelles pièces ne pose pas de problème de recevabilité, dès lors que la chambre de céans les a reçues avant que la cause ne soit gardée à juger, étant rappelé que l'autorité intimée a pu en prendre connaissance et a pris des conclusions à leur sujet lors de l'audience de plaidoiries, laquelle s'est tenue plus de trois semaines avant le prononcé du présent arrêt.

Force est toutefois de constater que ces pièces tendent à étayer les conclusions – irrecevables, comme cela a été vu au considérant précédent – en annulation des rappels d'impôts. Elles visent en effet à prouver que l'argent au crédit du compte bancaire litigieux appartenait au père du recourant, et ne concernent donc pas la seule question encore litigieuse, à savoir le principe et la quotité des amendes. Elles seront donc adjointes au dossier, mais ne seront pas prises en compte plus avant dans le présent arrêt.

3.             Les recourants concluent à titre préalable à la jonction des procédures A/1755/2021 et A/181/2023.

3.1 L’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (art. 70 al. 1 LPA). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (art. 70 al. 2 LPA).

3.2 Aux termes de l’art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b). En vertu de l’art. 81 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1). La demande de révision doit être toutefois présentée au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

3.3 Les arrêts du Tribunal fédéral acquièrent force de chose jugée le jour où ils sont prononcés (art. 61 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

3.4 En l'espèce, quand bien même les deux causes sont désormais gardées à juger, il n'y a pas lieu de joindre les deux procédures. En effet, la procédure de révision est une voie de droit extraordinaire, qui obéit à d'autres délais et conditions que le recours. En outre, dans son arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral a séparé la question des rappels d'impôt – lesquels ont été confirmés et sont donc entrés en force le 20 juin 2023 – et celle des amendes, pour lesquelles la procédure n'est pas définitive. La jonction de la présente procédure et de celle concernant la demande en révision compliquerait ainsi à l'excès la question de l'entrée en force des différents prononcés, si bien que la chambre de céans statuera par le biais de deux arrêts – de manière toutefois concomitante, les deux arrêts étant prononcés le même jour – et rejettera la demande de jonction.

4.             Les recourants concluent à l'annulation des bordereaux d'amende.

4.1 S'agissant du droit applicable, la présente cause est régie, pour l’ICC, par la LIPP, dans sa teneur en vigueur durant les exercices litigieux, ainsi que par la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), là aussi dans sa teneur en vigueur durant les exercices litigieux ; et, pour l'IFD, aux dispositions de la LIFD et de sa législation d'application, dans leur teneur en vigueur durant les exercices litigieux.

4.2 En ce qui concerne la prescription relative à la soustraction d'impôt, l'autorité intimée a rendu, le 17 décembre 2020, deux bordereaux d'amendes séparés pour les années 2011, d'une part, et 2012 à 2016, d'autre part, soit moins de dix ans après la fin de ces périodes fiscales. En application du nouveau droit, qui prévoit que la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente avant l'échéance du délai de prescription de dix ans à compter de la fin de la période fiscale, la poursuite pénale n'est pas prescrite (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 et al. 2 LIFD ; art. 58 al. 2 let. a et al. 3 LHID, directement applicable à Genève dès lors que la LPFisc n'est pas conforme – art. 72 LHID et arrêts du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 6.2 ainsi que 2C_872/2021 du 2 août 2022 consid. 4.1, destiné à la publication). Il en va de même en application de l'ancien droit, qui prévoyait un délai absolu de quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée (ancien art. 184 al. 1 let. b et al. 2 LIFD [RO 1991 1184] en relation avec l'art. 333 al. 6 let. b du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 - et l'ATF 134 IV 328 ; ancien art. 58 al. 2 et 3 LHID [RO 1991 1256]).

L'ancien droit ne constituant dès lors pas une lex mitior, et l'exercice fiscal le plus ancien visé par la présente procédure étant 2011, la poursuite pénale n'est pas prescrite.

5.             Les recourants invoquent leur droit déduit de l'art. 6 § 2 CEDH à ne pas s'auto‑incriminer.

5.1 Le principe nemo tenetur se ipsum accusare, déduit de l'art. 6 § 1 et 2 CEDH par la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH), selon lequel personne ne doit être contraint de s'incriminer lui-même, s'applique à la procédure pénale fiscale, y compris la procédure en soustraction d'impôt. Il ne s'applique qu'à ladite procédure pénale fiscale et il n'est donc pas possible d'en tirer des conclusions pour l'organisation de la procédure de rappel d'impôt, que celle-ci soit menée avant, parallèlement ou après la procédure pénale. Il n'est donc pas possible de déduire de l'interdiction de l'obligation de s'auto-incriminer un « effet préalable » sur les procédures non pénales. Il serait manifestement excessif d'étendre la protection des droits fondamentaux de l'art. 6 § CEDH à cette procédure et de permettre ainsi au contribuable de se soustraire au moins partiellement (en raison de l'inadmissibilité des obligations ou d'une éventuelle taxation discrétionnaire consécutive à leur non‑exécution) à son obligation fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_288/2018 du 1er février 2019 consid. 2.2 et 2.4).

5.2 Selon l'art. 183 al. 1 LIFD, l'ouverture d'une procédure pénale pour soustraction d'impôt est communiquée par écrit à la personne concernée. Celle-ci est invitée à s'exprimer sur les griefs retenus à son encontre et informée de son droit de refuser de déposer et de collaborer. L'art. 76 al. 1 LPFisc a la même teneur.

5.3 En l'espèce, les recourants soutiennent que le droit de refuser de s'incriminer conduirait à retenir que c'était à l'AFC-GE de prouver qu'il était bien le titulaire des avoirs litigieux.

Outre que le grief ne concerne en définitive pas la seule question encore litigieuse, à savoir les amendes, et qu'il est donc a priori irrecevable, les recourants ne peuvent être suivis. Comme déjà exposé, selon le Tribunal fédéral, la procédure de rappel d'impôt en tant que tel est purement fiscale et n'est pas soumise à l'art. 6 CEDH. La CourEDH, dans un arrêt cité par les recourants, fait du reste une différence nette entre le requérant, qui s'était toujours opposé à la remise de documents susceptibles de l'incriminer, et « un contribuable qui avoue spontanément avoir fraudé le fisc dans l’espoir d’être moins sévèrement puni » (ACEDH Chambaz c. Suisse du 5 avril 2012, req. 11663/04, § 57), ce qui est précisément le cas du recourant dans la présente espèce. Le fait que l'une des conditions de cette réduction de peine ne soit le cas échéant pas remplie n'y change rien, et retenir que c'est aux intimées de prouver la titularité de fonds que le contribuable a spontanément décrits comme siens confinerait à l'absurde, ce d'autant plus qu'en l'occurrence, les recourants prétendent que le montant litigieux est exonéré d'impôt, ce qui constitue typiquement un fait que le contribuable doit lui-même prouver.

6.             Est également litigieuse la question de savoir si les conditions permettant de retenir une dénonciation spontanée non punissable sont remplies en lien avec les éléments annoncés par les recourants le 28 septembre 2018.

6.1 Aux termes de l'art. 175 al. 3 LIFD, lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance (let. a), qu'il collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôt (let. b) et qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôt dû (let. c). Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l'amende est réduite au cinquième de l'impôt soustrait si les conditions prévues à l'al. 3 sont remplies (al. 4).

Comme en témoigne l'emploi de la conjonction « et » dans l'énumération précitée, ces conditions sont cumulatives (ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 10 ; ATA/646/2012 du 25 septembre 2012 consid. 7 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, chap. 7 n. 78).

Les art. 56 al. 1 LHID et l'art. 69 LPFisc prévoient une réglementation similaire.

6.2 Selon la doctrine et la jurisprudence, la notion de dénonciation suppose que le contribuable annonce de lui-même son infraction à l'autorité fiscale, alors que celle‑ci n'en a encore pas eu connaissance d'une autre manière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_281/2019 du 26 septembre 2019 consid, 7.2 ; 2C_370/2019 du 19 septembre 2019 consid. 5.2 ; 2C_797/2017 du 19 mars 2018 consid. 4.1 ; 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 6.1 et les références citées). Elle est possible aussi longtemps que l'autorité fiscale n'a pas eu connaissance de l'infraction d'une autre manière, soit par elle-même, soit par l'effet d'indications de tierces personnes (Peter AGNER/Beat JUNG/Gotthard STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2001, n. 6c ad art. 175 p. 482 ; ATA/1399/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6a). La déclaration spontanée de l'art. 175 al. 3 LIFD n'est réalisée que lorsque l'auteur se dénonce spontanément (« de son propre mouvement »), sans pression extérieure (arrêts du Tribunal fédéral 2C_14/2021 précité consid. 6.2 ; 2C_370/2019 précité consid. 5.2 et les références citées).

6.3 La dénonciation spontanée doit comporter tous les éléments de revenus et de fortune non déclarés (ATA/1399/2021 précité consid. 6c ; ATA/687/2013 précité consid. 17e ; Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 48c ad art. 175 LIFD). L'autorité fiscale a l'obligation d'aviser par écrit le contribuable de l'ouverture d'une procédure de rappel d'impôt (art. 153 al. 1 LIFD). Lorsque l'autorité fiscale constate, après l'ouverture d'une procédure de rappel faisant suite à une dénonciation spontanée, que la soustraction fiscale dépasse les éléments déclarés dans ladite dénonciation, l'exemption de peine ne peut plus être accordée (FF 2006-8347, 8375). À défaut, la dénonciation spontanée permettrait au contribuable de bénéficier de l'absence de sanction pénale également pour tous les éléments non déclarés découverts par l'autorité fiscale lors de la procédure de rappel d'impôt (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, III. Teil, Art. 102-222 DBG, 2015, ad art. 175 n. 63 p. 1139).

6.4 Il découle de la condition de collaboration (« soutien », dans la version allemande de la LIFD et de la LHID) sans réserve avec l'autorité fiscale qu'une dénonciation spontanée doit inclure intégralement tous les revenus et valeurs patrimoniales non déclarés jusqu'alors et que les documents nécessaires ou exigés doivent, dans la mesure du possible, être remis intégralement et dans les délais ; la dénonciation spontanée ne doit pas contenir de nouvelles inexactitudes ou lacunes (Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH [éd.], DBG - Basler Kommentar, 4ème éd., 2022, n. 67 ad art. 175 LIFD). Ne peut en outre prétendre à l'impunité celui qui ne fait que donner des indices sur l'existence de la soustraction d'impôt, sans répondre aux questions de l'administration fiscale nécessaires à l'établissement des faits (Rolf BENZ, Die Gültigkeitsvoraussetzungen der erstmaligen Selbstanzeige im Recht der direkten Steuer, Revue fiscale 2011 182-202, p. 193).

Le devoir de collaboration mentionné ici correspond à l'obligation générale de collaborer du contribuable dans la procédure ordinaire de taxation et de rappel d'impôt selon l'art. 126 LIFD ; la limite de cette obligation de collaborer est toujours l'exigibilité en tant qu'aspect du principe de proportionnalité (Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH [éd.], op. cit., n. 67a ad art. 175 LIFD et les références citées). La conséquence d'un manque de collaboration n'est toutefois pas ici une sanction au sens de l'art. 174 LIFD, mais l'engagement de la poursuite ordinaire pour soustraction selon l'art. 175 LIFD (Peter LOCHER, op. cit., 2015, n. 62 ad art. 175 LIFD).

6.5 En l'espèce, la réalisation de la condition de spontanéité n'est pas contestée, mais c'est celle de collaboration sans réserve qui a été niée par l'intimée.

Certes, la collaboration demandée ne peut l'être que dans la mesure du possible, et les recourants ont apparemment eu des difficultés à obtenir des pièces en raison de la cessation d'activité de certaines sociétés et d'une certaine rigidité administrative de la part de la banque luxembourgeoise. Ils n'ont toutefois fourni, dans quelque trois ans séparant la première demande de renseignements de l'AFC-GE et le prononcé de l'ATA/1177/2022, aucun des documents demandés, pas même des attestations bancaires de clôture annuelle pour les exercices récents au moment de la dénonciation spontanée, bien qu'ils se soient vu octroyer de multiples délais. Ils devaient pourtant s'attendre, en s'adressant à l'AFC-GE, à ce que celle-ci leur demande de plus amples renseignements sur la titularité du compte et l'origine des fonds.

Force est dès lors de constater qu'ils n'ont pas rempli leur devoir de collaborer et que l'une des conditions de l'impunissabilité n'est pas remplie. Le principe du prononcé d'amende pour soustraction ne peut dès lors qu'être confirmé.

7.             Se pose enfin la question de la quotité des amendes fiscales litigieuses. Dans leur recours auprès de la chambre de céans, les recourants invoquent que même si leur absence de collaboration était retenue, la quotité des amendes devrait être réduite à un tiers des impôts soustraits, leur faute ne pouvant être « tout au plus que légère ». Dans leurs dernières conclusions, ils demandent une réduction des amendes au quart des montants soustraits.

7.1 En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6c).

La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s).

7.2 Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

7.3 En l’espèce, les montants en jeu sont relativement importants, et le compte bancaire litigieux n'a pas été déclaré pendant presque dix ans, ce qui constitue deux éléments à charge, de même que le caractère intentionnel de l’infraction, commise à tout le moins par dol éventuel, ainsi que la mauvaise collaboration des recourants.

Il y a cependant lieu de tenir compte, à la décharge des recourants, du fait qu'ils ont spontanément fait part de l'existence du compte. En outre, l’ancienneté de l’infraction, qui remonte à 2008, sera également prise en compte en leur faveur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_14/2021 précité consid. 7 ; ATA/709/2022 du 5 juillet 2022 consid. 8).

Ce dernier critère revêt un poids certain, si bien que l'on doit retenir que les amendes auraient dû correspondre aux trois quarts de l'impôt éludé et non à l'entier de celui‑ci, ce que l'autorité intimée ne conteste pas puisqu'elle a conclu en dernier lieu à la « confirmation » des amendes fixées aux trois quarts des impôts soustraits.

Le recours sera dès lors, dans cette mesure, admis partiellement, et l'affaire renvoyée à l'AFC-GE pour édition de nouveaux bordereaux d'amende en ce sens.

8.             L'arrêt de renvoi n'est pas clair sur la question de la confirmation ou non de la répartition des frais devant l'instance cantonale, dès lors qu'il n'a pas annulé l'ATA/1177/2022 sur ce point. Il convient néanmoins de prendre en compte l'entier de la procédure devant la chambre de céans, si bien que la chambre de céans annulera en tant que de besoin le dispositif de l'ATA/1177/2022 et statuera à nouveau sur ces points.

En l'espèce, vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent en grande partie (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure – réduite – de CHF 500.- leur sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

statuant après renvoi par le Tribunal fédéral :

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 25 février 2022 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2022 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2022 en ce qu'il confirme les bordereaux d'amende IFD et ICC 2011 à 2016 ;

fixe le montant des amendes précitées aux trois quarts de l'impôt soustrait ;

confirme le jugement attaqué pour le surplus ;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale au sens des considérants ;

annule en tant que de besoin la répartition des frais et indemnités opérée dans l'ATA/1177/2022 du 22 novembre 2022 ;

met à la charge solidaire de A______et B______ un émolument de CHF 1'500.- ;

alloue à A______et B______, pris solidairement, une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel CABAJ, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :