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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3369/2019

ATA/1399/2021 du 21.12.2021 sur JTAPI/863/2021 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;PROCÉDURE FISCALE;PROCÉDURE DE TAXATION;PÉREMPTION;DÉNONCIATION SPONTANÉE;ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT);ACTIVITÉ LUCRATIVE DÉPENDANTE;CONVENTION DE DOUBLE IMPOSITION;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LIFD.152; LPFisc.61; LHID.53; LIFD.175; LHID.56.al1; LPFisc.69; LIFD.3.al1; LIPP.2.al1; aLIPP-I.2.al1; CV.31.par1; CV.31.par2; CV.26
Résumé : Conformément à la jurisprudence, les recourants ne remplissent pas la première condition cumulative d'impunissabilité de la dénonciation spontanée, une autorité fiscale les ayant informés antérieurement à celle-ci de l'ouverture d'une enquête à leur encontre. Selon les règles d'interprétation de la CV et la jurisprudence du Tribunal fédéral, la CDI CH-GB doit être interprétée au regard du dernier commentaire du MC OCDE. Il en résulte que les modalités du versement de la rémunération du recourant ne sauraient à elles seules conditionner l'application de l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB, compte tenu des éléments retenus pour déterminer son activité lucrative dépendante. Les revenus en question doivent ainsi être imposés au Royaume-Uni et pris en compte pour la détermination du taux de l'impôt en Suisse. Confirmation du jugement querellé au surplus. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3369/2019-ICCIFD ATA/1399/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 décembre 2021

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Danilo Delgado, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2021 (JTAPI/863/2021)


EN FAIT

1) Depuis le mois d’août 1977, Madame et Monsieur A______ sont domiciliés dans le canton de Genève.

Les 1er mars 2005, 2 octobre 2009 et 30 septembre 2016, M. A______ a conclu trois contrats intitulés « Consultancy Agreement » avec B______ AG (ci-après : B______ CH).

Selon le registre du commerce zurichois, B______ CH, inscrite le 16 septembre 1999, devenue C______ AG à compter du 1er avril 2014, est active dans le domaine des télécommunications, de l’internet et de l’informatique.

2) Les contribuables ont été taxés sur la base de leurs déclarations d’impôts 2005 à 2014. Les bordereaux de taxation de ces années fiscales sont tous entrés en force.

3) Le 12 juin 2015, la division principale de la taxe sur la valeur ajoutée
(ci-après : TVA) de l’administration fédérale des contributions (ci-après :
AFC-CH) a invité le contribuable à lui remettre une copie des bilans et comptes de résultat de son activité d’ingénieur conseil en télécommunications pour les années 2009 à 2014, afin d'examiner si son entreprise remplissait les conditions d'assujettissement à la TVA.

4) Le 12 novembre 2015, l’AFC-CH a informé le contribuable de l’ouverture d’une enquête relevant du droit pénal administratif à son encontre en raison de soupçons laissant présumer qu’il s’était rendu coupable d’infractions à la loi régissant la TVA durant les années 2009 à 2014, notamment en ne respectant pas l’obligation de s’annoncer, en ne déclarant pas les recettes de son activité entrepreneuriale et en donnant des indications fausses ou incomplètes dans le cadre d’un contrôle.

5) Le 15 novembre 2015, le contribuable a répondu ne pas contester le fait de devoir s’acquitter de la TVA. Il ne l'avait pas déclarée car ses prestations étaient fournies uniquement à B______ UK Ltd, devenue ultérieurement C______ UK Ltd (ci-après : B______ UK), en Angleterre, et facturées par B______ CH.

6) Le 2 décembre 2015, les contribuables ont adressé une dénonciation spontanée concernant les périodes fiscales 2005 à 2014 à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE). Un tableau récapitulatif avec justificatifs pour ces années serait remis ultérieurement.

7) Le 15 décembre 2015, l’AFC-GE leur a répondu en les informant de l’ouverture de procédures en rappel et soustraction d’impôt pour les années susmentionnées.

8) Le 19 mai 2016, l’AFC-GE les a notamment invités à lui remettre un tableau récapitulatif indiquant, en francs suisses, la totalité des éléments soustraits faisant l’objet de leur dénonciation avec les justificatifs y relatifs pour les années 2005 à 2014.

9) Le 20 juin 2016, les contribuables ont remis à l’AFC-GE les comptes d’exploitation 2009 à 2014 de l’activité lucrative non déclarée par le contribuable ainsi qu’une copie d’un contrat intitulé « Consultancy Agreement » conclu le 2 octobre 2009 entre ce dernier et B______ CH, lequel était semblable à celui signé en 2005.

10) Le 4 août 2016, l’AFC-CH a informé l’AFC-GE que la procédure ouverte à l’encontre du contribuable, en raison de recettes non déclarées, allait être clôturée.

11) Le 8 septembre 2017, le contribuable a remis à l’AFC-GE une décision de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) du 14 août 2017, statuant sur son opposition à la décision de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) du 22 février 2017 refusant de l’affilier en tant qu’indépendant. L’OCAS avait considéré qu’il était salarié de B______ CH et qu'il revenait à cette dernière de retenir les cotisations sociales.

12) Les 16 et 24 janvier 2018, l’AFC-CH a transmis à l’AFC-GE une copie de son ordonnance de classement du 12 janvier 2018 concernant le contribuable. Après trois ans de procédure à l’encontre de ce dernier, elle considérait qu’il n’était pas assujetti à la TVA, son activité constituant une activité dépendante. Il ne pouvait ainsi être reconnu coupable des infractions qui lui étaient reprochées.

13) Le 12 février 2018, l’AFC-GE a informé les contribuables qu’elle ne retiendrait pas le caractère spontané de leur dénonciation, celle-ci étant postérieure à l’ouverture du contrôle TVA. Conformément aux décisions de l’AFC-CH et de l’OCAS, les revenus non déclarés, à savoir les montants de CHF 236’883.-, CHF 120’466.-, CHF 109’657.-, CHF 92’312.-, CHF 121’577.- et CHF 110’712.- pour les années 2009 à 2014, seraient considérés comme des salaires non déclarés, relevant de l’activité lucrative dépendante.

Ils devaient lui remettre le relevé du compte bancaire sur lequel ces salaires avaient été versés durant les années 2005 à 2008 ainsi que les attestations fiscales au 31 décembre des années 2005 à 2014 des deux comptes bancaires qui n’avaient pas été déclarés.

14) Les contribuables ont remis les documents réclamés.

15) Le 7 novembre 2018, l’AFC-GE les a informés que les procédures en rappel et soustraction d’impôt relatives aux années 2005 à 2014 étaient terminées.

Considérant que M. A______ avait exercé une activité lucrative dépendante durant cette période, elle leur remettait des bordereaux de rappel ICC et IFD 2005 à 2014 pour un montant total de CHF 586’395.95, et d’amendes ICC et IFD 2008 à 2014 pour un montant de CHF 291’779.-, les procédures étant terminées sans amende pour les années 2005 à 2007.

En ne déclarant pas les salaires perçus de B______ CH ainsi que deux comptes bancaires, il n'avait pas été imposé selon sa réelle capacité contributive. La soustraction avait été commise intentionnellement. Les montants qui avaient été omis au fisc (soit un revenu de CHF 1'738'788.- et la durée de l’infraction de dix ans) constituaient une circonstance aggravante. Néanmoins, vu sa bonne collaboration durant la procédure, la quotité de l’amende était fixée à une fois l’impôt soustrait.

16) Les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux.

Nonobstant la décision de l’OCAS du 14 août 2017, l’activité lucrative du contribuable était indépendante. Cette activité ayant été exercée essentiellement en Grande-Bretagne, elle ne devait pas être imposée en Suisse. Le caractère spontané de la dénonciation devait être reconnu.

17) Le 13 décembre 2018, l’AFC-GE les a invités à lui fournir une attestation originale des employeurs de M. A______, détaillant par année le nombre de jours travaillés en Suisse et à l'étranger.

18) Le 14 janvier 2019, le contribuable a remis à l’AFC-GE un fichier récapitulant le nombre de jours travaillés (par mois et par année) en Suisse et à l’étranger, ainsi qu’une attestation de B______ CH indiquant qu’il était employé comme « contractor » de 2005 à 2016, que la majeure partie de son activité, qui se déroulait hors de Suisse, consistait à traiter avec ses vendeurs au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens. B______ CH précisait qu’elle n’avait pas de bureau en Suisse.

Le nombre de jours travaillés en Suisse et à l’étranger se récapitulait ainsi :

 

Pays

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Angleterre

100

118

111

98

93

73

50

43

44

48

États-Unis d’Amérique

5

5

14

10

Émirats Arabes Unis

13

5

5

10

France

1

1

64

34

8

10

10

9

Allemagne

1

1

1

2

2

2

Suisse

1

2

2

1

Asie

9

10

9

Hongrie

4

4

Russie

8

Afrique du Sud

6

Pays-Bas

2

19) Le 20 mai 2019, le contribuable a indiqué ne pas avoir pu obtenir l'attestation demandée lors d'un entretien au mois d'avril 2019, confirmant que les salaires payés par B______ UK n’avaient pas été refacturés à B______ CH.

Le changement de direction et la reprise de l’ancienne société par de nouveaux actionnaires expliquaient ce silence. Il avait néanmoins remis les avis de crédit bancaires faisant état des versements sur son compte bancaire par B______ CH en 2005 et 2006, puis par B______ UK de 2007 à 2011. Selon lui, il n'y avait pas eu de refacturation à une entité suisse.

20) Le 11 juin 2019, l’AFC-GE a informé les contribuables de son intention de rectifier en leur défaveur les rappels d’impôt ICC 2012 à 2014 et les amendes y relatives. Elle envisageait d’imposer en plein uniquement les salaires payés par B______ CH ainsi que les salaires payés par B______ UK qui ne correspondaient pas à des jours de travail au Royaume-Uni. Les salaires payés par B______ UK qui correspondaient à des jours de travail au Royaume-Uni seraient pris en compte pour le taux d’imposition. Les contribuables étaient invités à se déterminer à ce sujet.

21) Les 20 juin et 23 juillet 2019, les contribuables ont maintenu leur position.

Ils contestaient le statut de salarié retenu par l’AFC-GE et rappelaient que l’activité de M. A______ avait été exercée à 99,99 % hors de Suisse (soit 1'043 jours sur un total de 1'049 jours), que l’AFC-GE n’avait jamais pris en compte qu’il avait, en tant qu’indépendant utilisant notamment ses propres bureaux, des frais devant être déduits de ses revenus bruts ; ceux-ci étaient d’ailleurs erronés. Un tableau récapitulant tous ces frais par année était annexé. Le caractère spontané de leur dénonciation devait être admis.

22) Par décision sur réclamation du 20 août 2019, l’AFC-GE a procédé à des dégrèvements partiels des rappels d’impôts ICC/IFD 2005 à 2011 et des amendes ICC/IFD 2008 à 2011, mais a maintenu les rappels d’impôts et les amendes IFD 2012 à 2014 et procédé à des suppléments de rappels d’impôts ICC et des amendes ICC 2012 à 2014.

Le caractère spontané de la dénonciation ne pouvait pas être retenu, étant donné que celle-ci était postérieure à l’annonce du contrôle de la TVA. Vu les décisions de l’OCAS et de la TVA, elle ne pouvait pas considérer le contribuable comme un travailleur indépendant. Elle avait procédé à la rectification annoncée, à savoir que les salaires payés par B______ CH ainsi que ceux payés par B______ UK pour les jours de travail effectués hors du Royaume-Uni étaient imposés en plein. En revanche, les jours travaillés au Royaume-Uni lors des années 2005 à 2011 n’étaient pris en compte que pour le taux de l'impôt. Seuls les salaires étaient imposés, excluant ainsi les remboursements de frais.

La réclamation pour l’année 2005 était admise en tenant compte uniquement des montants versés par B______ CH depuis le 1er avril 2005. De nouveaux bordereaux de rappel d’impôt et d’amende faisant état de dégrèvements/suppléments modifiant les montants des amendes étaient remis aux contribuables. Les rappels d’impôts (précédemment fixés au montant de CHF 586’395,95) étaient réduits de CHF 224’618.30 et le montant des amendes de CHF 291’779.- à CHF 152’854.-.

23) Par acte du 13 septembre 2019, les contribuables ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Ils ont fait valoir les points suivants :

-       M. A______ ayant eu une activité hors de Suisse, il ne pensait pas devoir la déclarer. Ce n’était qu’après avoir reçu la lettre de l’AFC-CH du 12 novembre 2015 qu’ils avaient adressé une demande spontanée pour le taux d'imposition. Les amendes devaient par conséquent être annulées ;

- durant les années concernées, le contribuable avait exercé son activité essentiellement à l’étranger. Seuls les six jours effectivement travaillés en Suisse pouvaient être imposés ;

- M. A______ n’était pas salarié, mais indépendant. En tant que tel et dès lors qu’il utilisait ses propres bureaux, il pouvait déduire ses frais d’exploitation.

24) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, en maintenant sa position.

25) Les contribuables ont répliqué, en concluant principalement à l’annulation des bordereaux de rappel ICC et IFD 2005 à 2014 et d’amende ICC et IFD 2008 à 2014, dès lors que B______ UK avait été l'employeur formel de M. A______ durant les années 2005 à 2016, les montants litigieux devant toutefois être pris en considération pour leur taux d’imposition global pour l’ICC et l'IFD 2005 à 2014.

Ils persistaient dans leurs précédents développements, en précisant qu'au moment où elle avait reçu cette dénonciation spontanée, l’AFC-GE ignorait l’existence de cette procédure, l’AFC-CH ne l’ayant informée que par courriel du 4 août 2016, soit huit mois plus tard.

Sur la base des critères de l’art. 15 par. 2 de la Convention entre la Confédération suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu du 8 décembre 1977 (CDI CH-GB - RS 0.672.936.712), il fallait considérer B______ UK comme un employeur de fait de M. A______. B______ CH n’avait été qu’un bureau de représentation. Elle n’avait jamais disposé de locaux en Suisse et n’avait été que l’employeur formel de M. A______. Celui-ci était pleinement intégré aux activités pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (Europ, Middle-East, Africa ; ci-après : EMEA) de B______ UK puis de C______ UK. Le matériel mis à sa disposition avait été rendu à cette dernière société et non pas à B______ CH. Pour ces raisons, le Royaume-Uni avait un droit d’imposition exclusif sur les rémunérations perçues par M. A______. Le fait que ce dernier eût été imposé ou non dans ce pays n’était pas pertinent pour l’issue du litige.

26) Dans sa duplique, l’AFC-GE a relevé au sujet des revenus imposables qu’il y avait lieu, ainsi que le recommandait la doctrine, d’interpréter la CDI CH-GB à la lumière du commentaire de 1992 du Modèle de convention OCDE (ci-après : commentaire MC OCDE 1992) et de s’en tenir à la notion formelle d’employeur, conformément à la position adoptée par la Suisse dans ses observations au commentaire de 1992. Ainsi, l’employeur de M. A______ devait être B______ CH. En outre, il n’était pas contesté que celui-ci séjournait au Royaume-Uni moins de cent quatre-vingt-trois jours par an durant les années litigieuses, ni que les rémunérations étaient versées par des succursales suisses exclusivement durant les années 2012 à 2014. Il n’était pas établi que le salaire était refacturé à B______ UK. Les trois conditions de la « clause du monteur » étant ainsi remplies, le droit d’imposer le contribuable durant ces trois années revenait à la Suisse. Si l’on devait néanmoins analyser le cas selon la notion de l’employeur économique (« substance over form »), il n’était pas démontré que B______ UK l'était durant la période litigieuse et que M. A______ était soumis aux instructions de celle-ci.

27) Les contribuables ont sollicité des mesures d’instruction, soit l'audition de témoins, afin de démontrer que B______ UK était effectivement l’employeur de M. A______ tant au niveau des instructions données que de l’organisation de ses missions à l'égard des clients du groupe B______.

Il ne fallait pas se fonder sur le commentaire de 1992 en suivant un seul avis de doctrine, alors que le Tribunal fédéral admettait une interprétation dynamique des conventions de double imposition. La position de l’AFC-GE était contradictoire, celle-ci retenant que l’employeur était B______ UK pour les années 2005 à 2011, mais B______ CH pour les années 2012 à 2014 au seul motif que cette dernière aurait assumé seule sa rémunération, alors qu’il s’agissait d’un critère d’importance secondaire et que les contrats avaient un contenu identique quant aux tâches confiées et aux modalités de leur exécution.

28) Sur demande du TAPI, les contribuables lui ont transmis des attestations écrites par Monsieur D______, « Manager Infrastructures », et Monsieur E______, « EMEA Head of Technical Operations » auprès de B______ UK, en anglais, accompagnées de leur traduction libre. Ils renonçaient à les faire entendre comme témoins.

Ces attestations confirmaient que le lieu de travail habituel de M. A______ était en Angleterre, où il recevait ses instructions de travail. C'était bien B______ UK qui assumait la responsabilité des tâches qu’il effectuait du fait que B______ CH n’avait pas d’employé. Ces attestations ne confirmaient pas que ses coûts salariaux aient été refacturés à B______ UK, alors que M. E______ était un des dirigeants d’importance de celle-ci, étant hiérarchiquement subordonné au directeur général. Si à ce niveau hiérarchique, M. E______ ne disposait pas de ces informations, il serait excessif de retenir que M. A______ n’avait pas été en mesure de prouver que sa rémunération était en réalité supportée par B______ UK ; cela reviendrait même à lui demander de prouver l’impossible. Ce type d’informations n’était pas aisément accessible et souvent à la connaissance exclusive des chefs des finances, raison pour laquelle, notamment, le commentaire OCDE retenait que le critère de la refacturation n’était pas déterminant dans la démonstration de l’employeur de fait. À titre d’indice, le salaire de M. A______ avait été directement payé par B______ UK entre les années 2005 à 2011.

a. Selon la première attestation, M. E______ avait travaillé pour B______ UK et C______ UK de 2003 à 2017, ayant sa place de travail au Royaume-Uni et occupant différentes fonctions. Il n’avait jamais été le supérieur direct de M. A______, dont le rôle était la négociation de contrats, et qui avait dû travailler à l’origine pour le « VP for Finance », puis pour M. D______ dont il était le supérieur direct jusqu’en 2013-2014. Les connaissances de M. A______ s’étaient toujours déployées dans la négociation contractuelle et l’approvisionnement : il négociait des contrats avec d’autres sociétés pour des services et produits proposés par B______ UK et C______ UK. Dans le cadre de ses activités pour M. D______, il se concentrait sur la négociation avec des fournisseurs d’espaces dédiés (sur des serveurs informatiques) à travers l’Europe pour obtenir des espaces et de la puissance suffisants pour B______ UK, C______ UK et les clients. Durant l’activité de M. A______ auprès de B______ UK et C______ UK, celles-ci avaient dirigé toutes les tâches qu’il avait exécutées pour la société, du fait que B______ CH n’employait qu’une seule, voire aucune personne. Le Royaume-Uni était le quartier général des opérations EMEA pour B______ UK.

b. D'après la deuxième attestation, le lieu de travail de M. D______ se situait au Royaume-Uni, mais il se déplaçait dans le monde entier pour assister à des réunions d’affaires. Il n’avait jamais travaillé en Suisse ni pour B______ CH ni pour C______ CH. Durant son emploi, il avait occupé différentes positions et titres. M. A______, qui travaillait déjà pour la société lorsqu’il avait commencé à travailler pour lui, était un consultant commercial. Ses responsabilités étaient d’identifier et contacter les vendeurs de tierces parties, négocier les prix et revoir les contrats de services pour s’assurer d’obtenir les meilleurs termes et solutions pour les clients. Sa responsabilité de supérieur hiérarchique de M. A______ était de lui attribuer sa charge de travail en fonction de ses connaissances commerciales, de projets et d'initiatives de nombreuses entreprises.

29) Le 26 avril 2021, le TAPI a informé les contribuables qu’il envisageait d’examiner si la totalité des revenus perçus en 2006 pour l’activité de consultant, versée par B______ CH et non par B______ UK, devait être imposée en plein, alors qu’une partie de ces revenus n’avait été prise en compte que pour le taux de l'impôt.

30) Dans le délai imparti pour se déterminer à cet égard, les contribuables ont notamment fait valoir qu’il leur semblait que les décisions de taxation afférentes à la période fiscale 2006 tenaient compte des montants perçus par M. A______ dans l’assiette fiscale et non pas seulement pour le taux d’imposition. Il n’y avait dès lors pas lieu d’effectuer une reformatio in peius.

31) L’AFC-GE a indiqué s’en rapporter à justice s’agissant de la reformatio in peius. Au surplus, elle n’avait pas d’observations à formuler, les contribuables n’avançant aucun argument nouveau et ne produisant aucune pièce déterminante.

32) Par jugement du 30 août 2021, le TAPI a admis partiellement le recours et annulé les taxations ICC/IFD 2005 et 2006, avec renvoi à l'AFC-GE pour nouvelles taxations ICC/IFD 2006 dans le sens des considérants. Il a confirmé les autres taxations et les amendes 2008 à 2014.

Compte tenu du délai de péremption de quinze ans pour procéder au rappel d'impôt, celui-ci ne pouvait plus porter que sur les années fiscales 2006 à 2014, à l'exclusion de l'année 2005. Peu importait que l'AFC-GE ne connaissait pas, le 2 décembre 2015, la procédure initiée par l'AFC-CH. Il suffisait qu'une autorité fiscale enquête sur les contribuables. Se tromper sur un élément de revenu ne justifiait en rien l'omission de le déclarer, la négligence n'étant pas acceptable. En cas de doutes sur leurs droits ou obligations, les contribuables auraient dû s'adresser à l'AFC-GE. Les amendes infligées étaient ainsi justifiées dans leur principe.

Vu le contrat du 2 octobre 2009 dont les éléments principaux étaient corroborés par les faits établis dans les décisions de l'AFC-CH et de l'OCAS, le contribuable n'avait jamais supporté le risque d'entreprise. De plus, les éléments du dossier démontraient que son activité de consultant n'était pas indépendante, en dépit de l'intitulé des contrats conclus avec B______ CH les 1er mars 2005, 2 octobre 2009 et 20 septembre 2016. La nature juridique desdits contrats n'était pas déterminante pour qualifier le type d'activité sous l'angle du droit fiscal et ce seul élément n'impliquait pas de s'écarter de la solution résultant de l'analyse des critères distinguant le type d'activité. Il y avait donc lieu d'écarter la déduction de frais d'exploitation liés à une activité indépendante. Les contribuables s'étaient contentés de demander la prise en compte des frais d'acquisition du revenu à titre d'activité dépendante, sans toutefois démontrer leur existence, alors que le fardeau de la preuve leur incombait.

Étant domiciliés en Suisse durant les années fiscales en cause, ils y étaient imposables de manière illimitée, dans la limite des conventions de double imposition. Le TAPI se référait à sa jurisprudence, retenant qu'il fallait utiliser le commentaire en vigueur au moment de la CDI CH-GB pour l'interpréter, soit le commentaire de 1992. Il n'avait pas été établi que la rémunération versée par B______ UK pour les années 2007 à 2011 avait été mise à la charge de B______ CH, ni que celle versée par cette dernière avait été supportée finalement par la première. Le contribuable avait travaillé au Royaume-Uni physiquement mais jamais plus de 183 jours durant les années 2006 à 2014. Conformément à la position adoptée par la Suisse dans ses observations au commentaire MC OCDE 1992, il y avait lieu de s'en tenir à la notion formelle d'employeur, en référence au droit civil. Le contribuable avait donc travaillé pour un employeur britannique durant les années 2007 à 2011 en raison du fait qu'il avait perçu un salaire de B______ UK, même si les deux contrats couvrant cette période avaient été signés avec B______ CH. Rien n'excluait l'existence d'un contrat de fait, l'employeur suisse ne se plaignant pas d'une violation du point 13 du contrat puisque cela advenait à l'intérieur du groupe B______. Le contribuable devait donc être imposé au Royaume-Uni pour les jours travaillés en Angleterre lors des années 2007 à 2011, la « clause du monteur » n'étant pas applicable. En revanche, elle l'était pour les jours travaillés au Royaume-Uni pendant les années 2006 et 2012 à 2014, puisque l'employeur du contribuable, B______ CH, n'était pas un résident britannique. Les rémunérations obtenues au titre du travail effectué durant ces jours étaient imposables à son lieu de résidence en Suisse.

L'AFC-GE avait jugé à tort que le contribuable avait eu une société britannique comme employeur en 2006. Elle avait donc faussement retenu qu'une partie des revenus versés par ladite société ne devait pas être prise en compte pour le taux de l'impôt. La taxation ICC/IFD 2006 des contribuables devrait être corrigée en ce sens.

Quant aux jours de travail effectués par le contribuable dans les autres États dans lesquels il avait été actif durant les années 2006 à 2014, il apparaissait que si le contribuable y avait travaillé physiquement, son employeur n'y était pas résident et n'y possédait aucun établissement stable ni base fixe, hormis peut-être aux États-Unis, fait toutefois non établi. La « clause de monteur » s'appliquait donc, de sorte que les salaires obtenus au titre du travail effectué durant ces jours étaient imposables en Suisse. L'AFC-GE avait valablement imposé les revenus perçus sur le sol des pays tiers et en Suisse, en prenant en considération ceux obtenus pour l'activité déployée au Royaume-Uni uniquement pour le taux de l'impôt.

33) Par acte du 5 octobre 2021, les contribuables ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation concernant les périodes fiscales 2006 à 2014, à l'annulation des bordereaux d'amende pour ICC/IFD pour les périodes fiscales 2008 à 2014, au refus d'imposer en Suisse les rémunérations perçues par M. A______ au Royaume-Uni entre les années 2006 à 2014 et au renvoi de la cause à l'AFC-GE pour statuer dans le sens des considérants. Subsidiairement, ils demandaient à être mis au bénéfice de la dénonciation spontanée non punissable, de sorte que les bordereaux d'amende ICC/IFD 2008 à 2014 devaient être annulés.

Ils ne contestaient pas le fait que M. A______ était considéré par l'AFC-GE comme un travailleur salarié et non indépendant. En revanche, ils contestaient le jugement sur deux points : le refus de constater l'inapplicabilité de l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB du fait que la notion d' « employeur » au sens de cette disposition devait être interprétée de manière économique (principe « substance over form ») et non de manière formelle, ainsi que le déni du caractère spontané de l'annonce faite à l'AFC-GE le 2 décembre 2015 et la confirmation des amendes infligées.

S'agissant des faits, ils se référaient au jugement attaqué, sous réserve de précisions factuelles concernant les circonstances ayant précédé leur « dénonciation spontanée », B______ CH et les trois « consultancy agreement » de 2005, 2009 et 2016, ainsi que le déroulement de la procédure judiciaire, en renvoyant à leurs précédentes écritures.

Concernant la dénonciation spontanée, le 2 décembre 2015, les informations pertinentes n'étaient pas dans la sphère cognitive de l'AFC-GE et ce n'était que le 4 août 2016 qu'elle avait été informée par l'AFC-CH. La procédure initiée par l'AFC-CH s'était achevée le 12 janvier 2018 par une ordonnance de classement, de sorte qu'il était possible de se demander si elle aurait effectivement communiqué à l'AFC-GE le résultat de la procédure. Le prononcé d'amende revêtant un caractère pénal, le doute devait leur profiter.

L'art. 15 par. 1 et 2 CDI CH-GB ayant une teneur semblable à celle de l'art. 15 par. 1 et 2 MC-OCDE, la CDI CH-GB pouvait être interprétée au regard des commentaires de la MC-OCDE. Retenir que la CDI CH-GB ne pouvait être interprétée qu'à l’aune du commentaire MC OCDE 1992 était contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Ce dernier n'avait jamais restreint l'interprétation d'une convention de double imposition au seul commentaire en vigueur au moment de son entrée en force, soit in casu au seul commentaire MC OCDE 1992 pour toutes les CDI antérieures à celui-ci. Il s'agissait aussi de la position de l'OCDE. Le Tribunal fédéral préconisait une interprétation dynamique des conventions de double imposition. La position du TAPI allait également à l'encontre de la jurisprudence en matière de siège effectif des personnes morales ou de domicile effectif des personnes privées, accordant une place prépondérante aux éléments de faits effectifs d'un dossier donné pour déterminer le lieu de l'administration ou du domicile d'une personne morale ou physique, sans tenir compte des critères formels. Il n'était pas souhaitable que l'interprétation d'une disposition légale soit figée dans le temps et ne puisse résister à l'évolution de la pratique des affaires. Une telle approche était susceptible de conduire à apprécier des situations identiques de manière différente sans justification objective. La notion d' « employeur » contenue à l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB devait donc être interprétée selon le commentaire 2017. Cependant, les considérations spécifiques à la notion d' « employeur » avaient été introduites par la modification du commentaire en 2010 et n'avaient pas été modifiées depuis lors. Cette dernière version était donc pertinente en l'occurrence.

Selon celle-ci, le droit d'imposer en Suisse pouvait être dénié si, en dépit d'une relation contractuelle formelle avec une entreprise suisse, l'employeur de fait du contribuable résident suisse était en réalité une société dont le siège était sis en Angleterre. La question de la prise en charge de la rémunération du contribuable résident suisse n'était alors pas un facteur déterminant permettant à lui seul de pouvoir faire basculer l'appréciation d'un côté ou de l'autre. Il était important de retenir que B______ CH n'était, dans les faits, qu'un bureau de représentation du groupe en Suisse. Dans la mesure où les organes de B______ CH avaient toujours été majoritairement des représentants du groupe domiciliés à l'étranger, que les seuls représentants domiciliés en Suisse n'avaient jamais eu de lien avec les activités de la société et que celle-ci n'avait jamais disposé de locaux en Suisse, il s'imposait de constater qu'elle n'avait été qu'un bureau de représentation du groupe B______/C______ en Suisse. Seule B______ UK était en mesure de lui donner du travail et des instructions ainsi que de surveiller l'exécution de celles-ci. Elle était donc son employeur de fait. Il était incompréhensible que le TAPI ne l'admette que pour les périodes fiscales 2007 à 2011, alors que la situation de fait, et donc le travail effectué durant les périodes fiscales 2012 à 2014, avait été identique à celui fait durant les périodes fiscales 2006 à 2011. En réalité, le TAPI avait adopté une approche économique de la notion d' « employeur », et donc une interprétation dynamique de l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB, pour les périodes fiscales 2007 à 2011. Rien ne justifiait qu'il changeât d'approche pour les périodes fiscales 2006, 2012 à 2014 au seul motif que c'était l'employeur formel qui avait payé le salaire du recourant. Ce dernier avait été pleinement intégré aux activités EMEA de B______ UK, et devait répondre aux responsables de celle-ci. Les services qu'il avait rendus faisaient partie intégrante des activités de B______ UK. L'art. 15 par. 2 let. b CDI CH-GB ne pouvait pas s'appliquer dans son cas, puisqu'il n'avait jamais eu d'employeur suisse au regard d'une interprétation économique de la situation de fait. Son employeur avait toujours été B______ UK durant les années 2006 à 2014. La Suisse ne disposait donc pas du droit d'imposer les rémunérations perçues pour les années 2006 à 2014. En revanche, elle pouvait en tenir compte pour la détermination de leur taux d'imposition pour les périodes fiscales en question.

34) L'AFC-GE a répliqué en concluant au rejet du recours et au maintien de sa décision. Elle se référait à ses précédentes écritures ainsi qu'au jugement querellée. Aucun argument nouveau susceptible d'influer sur le sort du litige n'était avancé et aucune nouvelle pièce déterminante n'était produite.

35) Sur quoi, les parties ont été informés que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 LIFD).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la confirmation par le TAPI des taxations et des amendes ICC/IFD 2008 à 2014, ainsi que du refus d'imposer au Royaume-Uni les rémunérations perçues par le recourant pour l'année 2006. En d'autres termes, il s'agit de déterminer si le TAPI pouvait à bon droit considérer que les salaires perçus durant les années 2006 et 2012 à 2014 devaient être imposés en Suisse.

3) a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/1727/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3a). Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 3).

b. En l'espèce, le présent litige porte sur les taxations 2006 à 2014, tant en matière d'ICC que d'IFD. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes.

S'agissant de l'ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi.

Il s'ensuit que la présente cause est régie par les dispositions de l'ancien droit (aLIPP-I à V) pour les périodes fiscales de 2006 à 2009 et par le nouveau droit pour les périodes fiscales de 2010 à 2014.

La taxation de l'IFD et la poursuite des infractions pénales fiscales y relatives sont soumises aux dispositions de la LIFD et de sa législation d'application.

c. La question étant traitée de manière semblable en droit fédéral et en droit cantonal, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

4) Dans l'examen des recours qui leur sont soumis, tant le TAPI que la chambre administrative disposent d'un plein pouvoir d'examen. Ils peuvent à nouveau déterminer les éléments imposables, voire, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation au détriment de celle-ci (art. 143 et 145 LIFD en matière d'IFD et art. 11 al. 1 et 54 LPFisc en matière d'ICC).

5) a. La chambre de céans examine d'office la question de savoir si la créance fiscale réclamée est prescrite ou périmée, question de droit matériel, lorsqu'elle joue en faveur du contribuable (ATF 138 II 169 consid. 3.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_11/2018 du 10 décembre 2018 consid. 5 et les références citées ; ATA/74/2019 du 22 janvier 2019).

Les art. 152 al. 1 et 3 LIFD, 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) prévoient que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte.

b. En l'occurrence, le TAPI a retenu que le délai de péremption de quinze ans était échu pour l'exercice fiscal 2005 depuis le 1er janvier 2021, de sorte que le rappel d'impôt ne pouvait plus porter que sur les années fiscales 2006 à 2014.

À juste titre, les parties ne contestent pas ce point.

En outre, compte tenu de la date du présent arrêt, il y a lieu de constater que le rappel d'impôt demeure valable pour les exercices fiscaux 2006 à 2014, en particulier celui concernant la période fiscale 2006.

6) Est litigieuse la question de savoir si les conditions permettant de retenir une dénonciation spontanée non punissable sont remplies.

a. Aux termes de l'art. 175 LIFD, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (al. 1). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant et si elle est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2). Lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance (let. a), qu'il collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôt (let. b) et qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôt dû (let. c ; al. 3). Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l'amende est réduite au cinquième de l'impôt soustrait si les conditions prévues à l'al. 3 sont remplies (al. 4).

Les art. 56 al. 1 LHID et l'art. 69 LPFisc prévoient une réglementation similaire.

b. Selon la doctrine et la jurisprudence, la notion de dénonciation suppose que le contribuable annonce de lui-même son infraction à l'autorité fiscale, alors que celle-ci n'en a encore pas eu connaissance d'une autre manière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_281/2019 du 26 septembre 2019 consid, 7.2 ; 2C_370/2019 du 19 septembre 2019 consid. 5.2 ; 2C_797/2017 du 19 mars 2018 consid. 4.1 ; 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 6.1 et les références citées). Elle est possible aussi longtemps que l'autorité fiscale n'a pas eu connaissance de l'infraction d'une autre manière, soit par elle-même, soit par l'effet d'indications de tierces personnes (Peter AGNER/Beat JUNG/Gotthard STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2001, ad art. 175 n. 6c p. 482).

Le caractère spontané fait défaut lorsque la déclaration intervient alors que les autorités fiscales sont déjà en train d'enquêter sur le dossier du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_370/2019 précité 5.4.2 ; Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL/ Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2017, ad art. 175 LIFD n. 48c p. 1996). La déclaration spontanée de l'art. 175 al. 3 LIFD conduisant désormais à l'impunité, un parallèle peut en outre être fait en ce qui concerne la soustraction fiscale avec la déclaration spontanée de l'art. 13 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 - DPA - RS 313.0 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2009 du 7 juillet 2009 consid. 2.6 in StE 2010 B 101.9.12), dont la pratique déduit qu'elle n'est réalisée que lorsque l'auteur se dénonce spontanément (« de son propre mouvement ») dans un esprit de repentir (ATF 119 IV 220 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_76/2014 du 21 novembre 2014 consid. 9.1 ; ATA/1850/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3b confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020).

Il ne peut en d'autres termes être renoncé à la poursuite pénale que si les autorités fiscales ignorent tout de la soustraction au moment de la dénonciation spontanée (Message concernant la loi fédérale sur la simplification du rappel d'impôt en cas de succession et sur l'introduction de la dénonciation spontanée non punissable du 18 octobre 2006, FF 2006 8347, p. 8370). Le contribuable ne doit donc pas être amené à procéder à une déclaration spontanée sous l'emprise d'une crainte fondée quant à l'imminence de la découverte de la soustraction par l'autorité fiscale (Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., ad art. 175 LIFD n. 48c p. 1997 ; ATA/1427/2019 du 24 septembre 2019 consid. 2a ; ATA/687/2013 du 15 octobre 2013 consid. 17e).

c. La dénonciation spontanée doit comporter tous les éléments de revenus et de fortune non déclarés (ATA/687/2013 du 15 octobre 2013 consid. 17e ; Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., ad art. 175 LIFD n. 48c p. 1996). L'autorité fiscale a l'obligation d'aviser par écrit le contribuable de l'ouverture d'une procédure de rappel d'impôt (art. 153 al. 1 LIFD). Lorsque l'autorité fiscale constate, après l'ouverture d'une procédure de rappel faisant suite à une dénonciation spontanée, que la soustraction fiscale dépasse les éléments déclarés dans ladite dénonciation, l'exemption de peine ne peut plus être accordée (FF 2006-8347, 8375). À défaut, la dénonciation spontanée permettrait au contribuable de bénéficier de l'absence de sanction pénale également pour tous les éléments non déclarés découverts par l'autorité fiscale lors de la procédure de rappel d'impôt (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, III. Teil, Art. 102-222 DBG, 2015, ad art. 175 n. 63 p. 1139).

d. En l'espèce, s'il est vrai que l'AFC-GE n'enquêtait pas sur les recourants au moment où ceux-ci lui ont écrit le 2 décembre 2015, force est de constater que tel n'était pas le cas d'une autre autorité fiscale, à savoir l'AFC-CH.

En effet, selon les pièces du dossier, l'AFC-CH avait informé les recourants avoir ouvert une enquête relevant du droit pénal administratif à leur encontre en date du 12 novembre 2015, soit quelques jours avant le courrier des recourants du 2 décembre 2015. Malgré l'ordonnance de classement du 12 janvier 2018, le contrôle avait révélé des revenus non déclarés.

Bien que le contrôle de l'AFC-CH portât sur les années 2009 à 2014, le contexte ci-dessus exclut tout caractère spontané de la dénonciation des recourants du 2 décembre 2015, ceux-ci n'ayant d'autre possibilité que de porter à la connaissance de l'AFC-GE l'existence « d'éléments imposables non déclarés précédemment ».

En outre, il n'est pas pertinent que le résultat du contrôle fiscal de l'AFC-CH n'ait été communiqué aux recourants qu'en 2018 et ait abouti au classement de la procédure, dès lors que ce n'est qu'en raison de la crainte concrète de la découverte imminente de montants soustraits qu'ils ont écrit à l'AFC-GE le 2 décembre 2015. À cela s'ajoute que le signalement de l'AFC-CH à l'AFC-GE a bien eu lieu, à tout le moins, le 4 août 2016, la première informant alors la seconde qu'elle lui transmettrait les pièces utiles au terme de l'enquête.

Au surplus, force est de constater que la procédure en rappel et soustraction, ainsi que la procédure en tentative de soustraction a porté sur les années 2005 à 2014, si bien que ces périodes englobent bien les années 2009 à 2014 sur lesquelles portait le contrôle fiscal de l'AFC-CH.

Il convient donc d'admettre que la dénonciation des recourants ne remplit pas l'une des conditions cumulatives d'impunissabilité prescrites par l'art. 175 al. 3 LIFD, étant précisé que cette approche est conforme à la jurisprudence de la chambre de céans, confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_15/2021 du 27 mai 2021 consid. 6 confirmant l'ATA/1168/2020 du 17 novembre 2020 consid. 3 et 4).

Dans la mesure où la première condition cumulative n'est pas réalisée, il n'est pas nécessaire d'examiner les deux autres conditions, à savoir la question de la collaboration des recourants et de leurs efforts financiers pour s'acquitter du rappel d'impôt dû.

Le grief est mal fondé.

7) Les recourants font grief au TAPI d'avoir refusé d'appliquer l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB aux exercices fiscaux 2006 et 2012 à 2014, alors que la situation de fait avait été identique à celle en vigueur durant les périodes fiscale 2007 à 2011 et pour lesquelles les premiers juges avaient appliqué la « clause du monteur ».

a. Les conventions internationales en matière de double imposition ne contiennent que des règles visant à limiter les pouvoirs d'imposition des États, mais ne fondent pas l'imposition elle-même (effet négatif des conventions de double imposition ; ATF 143 II 257 consid. 5.1 ; 117 Ib 358 consid. 3 in fine et les références citées).

Par conséquent, il convient d'abord de s'assurer de l'existence d'un droit (interne) d'imposition, puis, le cas échéant, de vérifier que ce droit d'imposition n'est pas limité par une disposition conventionnelle visant à restreindre ou éliminer une éventuelle double imposition internationale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_436/2011 du 13 décembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_627/2011 du 7 mars 2011 consid. 3 ; 2C_436/2011 du 13 décembre 2011 consid. 2.1).

À ce stade, les recourants ne contestent plus le caractère dépendant de l'activité lucrative exercée par le mari durant les années 2006 à 2014. Ils ne contredisent pas davantage leur assujettissement illimité en Suisse en raison du rattachement personnel pour ces mêmes exercices fiscaux (art. 3 al. 1 LIFD, 2 al. 1 et 2 al. 1 de l'ancienne loi sur l'imposition des personnes physique [objet de l'impôt – assujettissement à l'impôt] du 22 septembre 2000 - aLIPP-I). Compte tenu des éléments d'extranéité relatifs au présent litige, il convient d'examiner si une convention de double imposition vient limiter leur imposition en Suisse. À cet égard, si les parties admettent l'application de la CDI CH-GB, elles divergent quant à l'interprétation de l'art. 15 par. 1 et 2 CDI CH-GB.

b. La CDI CH-GB s'applique aux personnes qui sont des résidents d’un État contractant ou des deux États contractants (art. 1 CDI CH-GB). Elle porte notamment sur les impôts fédéraux, cantonaux et communaux sur le revenu (revenu total, produit du travail, rendement de la fortune, bénéfices industriels et commerciaux, gains en capital et autres revenus ; art. 2 par. 1 let. b CDI CH-GB).

Selon l'art. 15 par. 1 CDI CH-GB relatif aux professions dépendantes, sous réserve des dispositions des art. 16, 18 et 19 CDI CH-GB, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’emploi ne soit exercé dans l’autre État contractant. Si l’emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État.

Nonobstant les dispositions de l'art. 15 par. 1 CDI CH-GB, les rémunérations qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi salarié exercé dans l’autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si : le bénéficiaire séjourne dans l’autre État pendant une période ou des périodes n’excédant pas au total 183 jours au cours de l’année fiscale considérée de cet État (let. a) et les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte d’un employeur qui n’est pas un résident de l’autre État (let. b) et la charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l’employeur a dans l’autre État (let. c ; art. 15 par. 2 CDI CH-GB).

c. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les règles de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV - RS 0.111) doivent être appliquées pour interpréter les conventions de double imposition. L'art. 26 CV prévoit que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. Selon l'art. 31 par. 1 CV, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité (interprétation littérale) dans leur contexte (interprétation systématique) et à la lumière de son objet et de son but (interprétation téléologique). En plus du contexte (art. 31 par. 2 CV), il sera tenu compte, notamment, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions (art. 31 par. 3 let. a CV). Les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu (interprétation historique) constituent des moyens complémentaires d'interprétation lorsque l'interprétation donnée conformément à l'art. 31 CV, laisse le sens ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (art. 32 CV).

L'art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux. Le sens ordinaire du texte du traité constitue toutefois le point de départ de l'interprétation. Ce sens ordinaire des termes doit être dégagé de bonne foi, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité. Le principe de la bonne foi implique notamment de la loyauté de la part de l'État contractant dans l'exécution de ses engagements. Un État contractant doit partant proscrire tout comportement ou toute interprétation qui aboutirait à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2015 du 16 février 2017 consid. 6.3.1).

S'agissant des conventions de double imposition, on peut résumer ces principes d'interprétation comme suit. Le texte est le point de départ et l'élément central de l'interprétation. En ce qui concerne l'objet et le but du traité, il faut partir de l'idée que les conventions de double-imposition visent principalement à lutter contre la double-imposition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2014 du 27 novembre 2015 consid. 3.3.1 et les références citées).

d. L'art. 15 par. 1 et 2 CDI CH-GB a en grande partie la même teneur que l'art. 15 par. 1 et 2 MC OCDE.

En effet, celui-ci prévoit que, sous réserve des dispositions des art. 16, 18 et 19 MC OCDE, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État (art. 15 par. 1 MC OCDE). Nonobstant les dispositions de l'art. 15 par. 1 MC OCDE, les rémunérations qu'un résident d'un état contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si : le bénéficiaire séjourne dans l'autre État pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours durant toute période de douze mois commençant ou se terminant durant l'année fiscale considérée (let. a) et les rémunérations sont payées par un employeur, ou pour le compte d'un employeur, qui n'est pas un résident de l'autre État (let. b) et la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable que l'employeur a dans l'autre État (let. c ; art. 15 par. 2 MC CODE).

Il est en conséquence possible de se référer aux commentaires du MC OCDE pour interpréter cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 2C_436/2016 du 21 décembre 2016 consid. 6.3 ; 2C_888/2014 du 7 juin 2015 consid. 5.3 et les références citées), sous réserve de divergences entre ces textes.

Concernant la question du commentaire du MC OCDE applicable pour interpréter l'art. 15 par. 1 et 2 CDI CH-GB afin de déterminer la notion d'employeur, le Tribunal fédéral a retenu à plusieurs reprises que l'art. 17 de la Convention entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales du 9 septembre 1966 (CDI CH-F - RS 0.672.934.91), dont le contenu était similaire à celui des art. 15 CDI CH-GB et 15 MC OCDE, pouvait être interprété à la lumière du commentaire MC OCDE dans sa version de 2014. Ainsi, bien que la CDI CH-F soit entrée en vigueur le 26 juillet 1967, de sorte qu'elle est antérieure à la CDI CH-GB datant de 1977, il pouvait être fait référence à un commentaire postérieur à leur entrée en vigueur pour interpréter la disposition en cause (arrêts du Tribunal fédéral 2C_436/2016 du 21 décembre 2018 consid. 6.3 et 6.3 ; 2C_628/2015 du 10 février 2017 consid. 6.5 ; 2C_604/2011 du 9 mai 2012 consid. 4.3 ; 2C_625/2008 du 30 janvier 2009).

e. Selon le commentaire MC OCDE 2017 (dans sa version actualisée de 2019, disponible sur le lien internet suivant : https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/modele-de-convention-fiscale-concernant-le-revenu-et-la-fortune-2017-version-complete_40aa6da5-fr#page1), l'approche selon laquelle une relation contractuelle formelle doit être ignorée en application du droit interne doit être appliquée selon des critères objectifs. Ainsi, un État ne peut pas soutenir que des services sont réputés, dans son droit interne, relever d'un emploi salarié alors que, étant donné les faits et circonstances, il est manifeste que ces services sont fournis au titre d'un contrat de prestations de services conclu entre deux entreprises distinctes. L'allégement accordé en vertu de l'art. 15 par. 2 MC OCDE deviendrait vide de sens si les États pouvaient considérer comme employeur une entreprise exploitée par un non-résident lorsqu'il est clair que cette entreprise fournit des services avec son propre personnel à une entreprise exploitée par un résident. Inversement, lorsque les services rendus par une personne peuvent être considérés à juste titre par un État comme rendus dans le cadre d'une relation d'emploi salarié et non d'un contrat de prestations de services conclu entre deux entreprises, cet État doit également considérer en toute logique que l'individu en question n'exerce pas ces activités pour le compte de l'entreprise qui est son employeur formel ; ceci peut être important, par exemple, lorsqu'il s'agit de déterminer si cette entreprise dispose d'un établissement stable à l'endroit où l'individu exerce ses activités (OCDE, commentaire MC OCDE 2017, n. 8.11 ad art. 15 MC OCDE, p. 15 et s.).

La nature des services fournis par l'individu est un facteur important, car il est logique de considérer qu'un salarié fournit des services qui entrent dans le cadre des activités de son employeur. Il sera donc important de déterminer si les services rendus par l'individu font partie intégrante des activités de l'entreprise à laquelle ces services sont fournis. À cette fin, un facteur essentiel sera la détermination de l'entreprise qui assume la responsabilité ou les risques des résultats obtenus du fait du travail de l'individu. Cependant, il est clair que cette analyse ne sera pertinente que si les services sont rendus directement par l'individu à une entreprise. Lorsque, par exemple, un individu fournit des services à un fabricant ou à une entreprise sous-traitante, les services de cet individu ne sont pas rendus aux entreprises qui obtiendront les produits ou services en question (OCDE, commentaire MC OCDE 2017, n. 8.13 ad art. 15 MC OCDE, p. 16).

Lorsqu'une comparaison de la nature des services rendus par l'individu avec les activités exercées par son employeur formel et par l'entreprise à laquelle les services sont fournis fait apparaître une relation d'emploi salarié qui diffère de la relation contractuelle formelle, les critères qui suivent peuvent aider à déterminer si c'est réellement le cas :

-          qui est habilité à donner au salarié des instructions sur la manière dont les travaux doivent être effectués ;

-          qui contrôle le lieu où le travail est effectué et qui en a la responsabilité ;

-          la rémunération de l'individu est directement facturée par l'employeur formel à l'entreprise à laquelle les services sont fournis ;

-          qui met à la disposition du salarié le matériel et l'outillage nécessaire à l'exécution du travail ;

-          qui détermine le nombre des salariés effectuant le travail et les compétences requises de ceux-ci ;

-          qui a le droit de choisir l'individu qui exécutera le travail et de mettre fin aux relation contractuelles qui seront engagées avec cet individu pour ce travail ;

-          qui a le droit d'imposer des sanctions disciplinaires liées au travail de cet individu ;

-          qui détermine les congés et l'horaire de travail de cet individu (OCDE, commentaire MC OCDE 2017, n. 8.14 ad art. 15 MC OCDE, p. 16 et s.).

Lorsqu'un individu qui est formellement un salarié d'une entreprise fournit des prestations de services à une autre entreprise, les arrangements financiers conclus entre les deux entreprises seront évidemment pertinents mais pas nécessairement déterminants pour savoir si la rémunération de l'individu est directement facturée par l'employeur formel à l'entreprise à laquelle les services sont fournis. Par exemple, si les montants facturés par l'entreprise qui emploie formellement l'individu représentent la rémunération, les avantages accessoires et autres coûts salariaux de cet individu liés aux services qu'il a fournis à l'autre entreprise, sans marge de bénéfice ou avec une marge de bénéfice qui est calculée en pourcentage de cette rémunération, des avantages accessoires et des autres coûts salariaux, cela indiquerait que la rémunération de l'individu est directement facturée par l'employeur formel à l'entreprise à laquelle les services sont fournis. Cependant, on considérerait que ce n'est pas le cas si les montants facturés pour les services rendus n'ont aucun lien avec la rémunération de l'individu ou si cette rémunération ne constitue que l'un des nombreux facteurs pris en compte dans la facturation au titre de ce qui constitue réellement un contrat de prestations de services (par exemple, lorsqu'une entreprise de consultants calcule sa facture au client sur la base d'un tarif horaire appliqué au temps passé par l'un de ses salariés pour l'exécution d'un contrat particulier et que ce tarifs tient compte des différents coûts de l'entreprise), sous réserve que cela soit conforme au principe de pleine concurrence si les deux entreprises sont associées. Il est cependant important de noter que la question de savoir si la rémunération de l'individu est directement facturée par l'employeur formel à l'entreprise à laquelle les services sont fournis ne constitue que l'un des facteurs subsidiaires à prendre en compte pour rechercher si les services rendus par cet individu peuvent être considérés à bon droit par un État comme fournis dans le cadre de prestations de services conclu entre deux entreprises (OCDE, commentaire MC OCDE 2017, n. 8.15 ad art. 15 MC OCDE, p. 17 et s.).

D'après les positions sur l'art. 15 MC OCDE et les commentaires y relatifs, la Suisse n'a plus formulé de réserve, hormis celle ajoutée le 23 juillet 1992, à savoir sur l'art. 15 par. 2 let. a MC OCDE, souhaitant insérer dans ses conventions les mots « au cours de l'année fiscale considérée » au lieu des mots « au cours de toute période de douze mois commençant ou se terminant durant l'année fiscale considérée » (OCDE, commentaire MC OCDE 2017, version du 15 juillet 2014, n. 19 ad art. 15 MC OCDE, p.30).

f. En l'espèce, les recourants estiment qu'il serait contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière de retenir que l'art. 15 par. 1 et 2 CDI CH-GB ne pouvait être interprété qu'au regard du commentaire MC OCDE dans sa version de 1992. La Haute Cour n'avait jamais restreint l'interprétation d'une convention de double imposition au seul commentaire en vigueur au moment de son entrée en force. L'OCDE partageait cette approche. Afin de garantir la sécurité du droit, la notion d' « employeur » à l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB devait être interprétée selon le commentaire MC OCDE dans sa version de 2010, dernier à contenir des considérations spécifiques à cet égard. Le droit d'imposer en Suisse pouvait donc être dénié si, en dépit d'une relation contractuelle formelle avec une entreprise suisse, l'employeur de fait du contribuable résident suisse était en réalité une société dont le siège était sis au Royaume-Uni. Outre la question de la prise en charge de la rémunération, il fallait tenir compte du fait que B______ CH n'était en réalité qu'un bureau de représentation du groupe en Suisse. Compte tenu des circonstances, B______ UK était son employeur de fait. Le seul motif que c'était l'employeur formel, soit B______ CH, qui avait versé au recourant son salaire durant les années 2006 et 2012 à 2014, ne suffisait pas à justifier l'inapplicabilité de l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB auxdites périodes.

À l'inverse, le TAPI a considéré que la « clause du monteur » était applicable pour les jours travaillés par le recourant au Royaume-Uni pendant les années 2006, 2012 à 2014, car l'employeur de celui-ci, B______ CH, n'était pas un résident britannique. Dès lors que la rémunération du recourant lui avait été versée par cette entité durant ces périodes, elle était imposable à son lieu de résidence en Suisse. En revanche, tel n'était pas le cas pour les années 2007 à 2011, dès lors que les rémunérations du recourant lui avaient été versées par B______ UK.

Concernant la question de la version du commentaire MC OCDE à prendre en considération pour interpréter la CDI CH-GB, force est de constater qu'il ressort clairement de la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'il convient de prendre en considération la dernière version applicable. Cette perspective se justifie tant par le but même des conventions de double imposition que la nécessité de prendre en considération l'évolution des situations fiscales et juridiques se présentant pour satisfaire ce but et ce, conformément aux règles d'interprétation de la CV susrappelées. Dans ce contexte, le TAPI a retenu à tort qu'il n'entendait pas s'écarter de sa position antérieure – contraire à celle du Tribunal fédéral et aux dispositions susmentionnées –, à savoir qu'il fallait utiliser le commentaire en vigueur au moment de l'adoption de la CDI CH-GB pour l'interpréter. Une telle approche ignore les règles du droit international, de même que le principe de la hiérarchie des normes.

S'agissant des jours de travail effectués par le recourant au Royaume-Uni durant les périodes fiscales 2006 à 2014, le TAPI a considéré, d'une part, que la période de 2007 à 2011 relevait de l'art. 15 par. 1 CDI CH-UK, tandis que, d'autre part, les années 2006 et 2012 à 2014 répondaient de la « clause du monteur », soit de l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB. Le motif, relevé par les premiers juges, expliquant cette différence de traitement tiendrait à la notion d'employeur au sens formel, soit au fait que c’était la société anglaise ou l'entité suisse qui avait versé les rémunérations au recourant. Cette position était ainsi justifiée par une seule condition, à savoir celle de l'art. 15 par. 2 let. c CDI CH-GB, dont la portée devait être relativisée compte tenu du contexte, qui était cependant resté identique. En d'autres termes, au regard des seules modalités de versement du salaire au recourant, le TAPI a retenu que son imposition était différente, bien que les circonstances économiques soient identiques. Cette position ne saurait être suivie.

Il est admis que, durant les années 2006 à 2014, le recourant a exercé une activité lucrative dépendante au profit du groupe B______, qu'à ce titre, il ne supportait aucun risque financier, que M. D______, travaillant au
Royaume-Uni, était son supérieur hiérarchique et que les décisions de l'AFC-CH du 12 janvier 2018 et de l'OCAS du 14 août 2017 établissaient qu'il se présentait à ses clients comme appartenant au groupe B______. Il est également admis que le recourant ne supportait pas le risque d'entreprise et que les membres dirigeants du conseil d'administration de B______ CH étaient essentiellement domiciliés au Royaume-Uni ou aux États-Unis d'Amérique. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il ne saurait être considéré que les seules modalités du versement de la rémunération du recourant conditionnent l'application de l'art. 15 par. 2 CDI CH-GB. En effet, conformément à ce qu'indique le commentaire MC OCDE sus-rappelé, si les arrangements financiers conclus entre les deux entreprises sont pertinents, ils ne sont pas nécessairement déterminants, dans la mesure où il s'agit d'un critère subsidiaire. De plus, force est de constater qu'il ne ressort pas du dossier que B______ CH devait être considérée comme un établissement stable en Suisse de B______ UK, aucun document comptable ou fiscal relatif à cette dernière permettant d'établir si les salaires en question avaient été imputés sur ses comptes n'ayant été produits.

En ces circonstances, il ne pouvait être retenu qu'une relation contractuelle de fait existait entre le recourant et B______ UK pour les exercices fiscaux 2007 à 2011, pour, simultanément, la dénier pour les années 2006 et 2012 et à 2014, au seul motif que la rémunération était alors versée par B______ CH, sans que la preuve de l'entité en supportant réellement le coût n'ait été apportée, malgré les autres éléments retenus permettant de retenir l'exercice d'une activité lucrative dépendante de la part du recourant pour B______ UK.

Quant aux jours de travail effectués par le recourant durant les années 2006 à 2014 dans les autres États où il a été actif, soit l'Allemagne, l'Afrique du Sud, les Émirats Arabes Unis, les États-Unis d'Amérique, la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Russie, celui-ci ne conteste, à juste titre, pas l'application de la « clause du monteur » à cet égard. Les salaires obtenus au titre du travail effectué durant ces jours sont donc bien imposables en Suisse.

Au vu de ce qui précède, le jugement querellé devra être annulé en tant qu'il retient que tous les montants réalisés durant les années 2006 et 2012 à 2014 en lien avec les jours de travail effectués en Angleterre doivent être pris en compte en plein. En effet, au même titre que pour les exercices fiscaux 2007 à 2011, le recourant devra être imposé au Royaume-Uni pour les jours travaillés en Angleterre durant les années 2006 et 2012 à 2014, de sorte que les revenus liés à cette activité ne devront être pris en compte que pour le taux de l'impôt. Le jugement attaqué sera confirmé pour le surplus. La cause sera donc renvoyée à l'intimée pour nouvelle taxation au sens des considérants.

8) Vu l'issue du recours, un émolument – réduit – de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- leur sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2021 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 août 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance en tant qu'il porte sur les années fiscales 2006 et 2012 à 2014 ;

le confirme pour le surplus ;

renvoie la cause à l'AFC-GE pour nouvelle taxation concernant les exercices fiscaux 2006 et 2012 à 2014 au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Madame et Monsieur A______, solidairement entre eux, à la charge de l'État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Danilo Delgado, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :