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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1917/2023

ATA/964/2023 du 05.09.2023 ( CPOPUL ) , REJETE

Descripteurs : RÉSIDENCE PRINCIPALE;REGISTRE PUBLIC
Normes : LHR.3.letb; LHR.3.letc; Cst.24.al1; CC.23.al1
Résumé : Rejet du recours d’un couple marié avec trois enfants en bas âge, dont les deux aînés fréquentent une école privée à Genève, contre la décision de procéder à l’enregistrement de leur domiciliation dans le canton de Genève en tant que résidence principale. Les époux louent un appartement de 6,5 pièces à Vernier et l’époux travaille dans le canton de Vaud, à Etoy. L’épouse s’occupe des enfants dans le canton de Genève. La famille se retrouve tous les jours de la semaine dans l’appartement genevois, hormis les week-ends et les vacances scolaires où ils retournent dans leur maison en Suisse alémanique. Leur résidence effective au sens de l’art. 3 let. b et c LHR se trouve dans le canton de Genève, indépendamment des liens qu’ils conservent en Suisse alémanique (amis, famille, orthodontiste).
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1917/2023-CPOPUL ATA/964/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 septembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé



EN FAIT

A. a. A______ et B______, mariés en 2011 et de nationalité suisse, ont trois enfants, nés respectivement en 2011, 2014 et 2019. Disposant d’une maison à Winterthour dans le canton de Zurich, appartenant au père de l’épouse, la famille a emménagé, le 1er août 2022, dans un appartement de 6,5 pièces en location, situé au ______, route de C______, dans la commune de Vernier.

b. L’époux travaille à 100 % à Étoy, dans le canton de Vaud, dans une entreprise privée en tant que « Manager RAD » au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée. L’épouse n’a pas d’activité professionnelle et s’occupe de sa famille, avec l’intention à terme de retrouver un emploi à Zurich.

c. Les deux premiers enfants ont été scolarisés à l’École allemande de Genève, située en face de leur logement, lors de l’année scolaire 2022-2023, dès le 22 août 2022.

B. a. Le 23 décembre 2022, les époux ont annoncé leur arrivée au 1er août 2022 auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), au moyen d’un formulaire en ligne, en indiquant comme type de séjour « résidence secondaire » et comme adresse de provenance celle de la maison à Winterthour. Ils sollicitaient la délivrance d’un certificat de séjour pour confédérés.

b. Sur demande de l’OCPM, les intéressés ont apporté les précisions suivantes. Leur centre de vie où ils passaient leur temps libre et leurs vacances se trouvait à Winterthour, leur famille et leurs amis vivant dans cette ville ainsi que dans d’autres lieux de Suisse orientale. L’époux devait « être là seul en semaine, d’où la décision d’emmener la femme et les enfants ». La durée de leur séjour « hebdomadaire » à Genève n’était pas encore « définitive ».

c. Invités à exercer leur droit d’être entendus compte tenu de l’intention de l’OCPM de considérer le canton de Genève respectivement la commune de Vernier comme étant la résidence principale de la famille, les époux ont demandé à être enregistrés comme « résident hebdomadaire » en insistant sur le fait que leur centre de vie se trouvait à Winterthour et non à Vernier.

d. Par décision du 4 mai 2023, l’OCPM a refusé d’enregistrer la domiciliation de la famille à Genève en tant que résidence secondaire et a procédé à l’enregistrement de leur domiciliation dans le canton de Genève en tant que résidence principale au bénéfice d’un certificat de domicile pour confédérés.

C. a. Les époux ont, pièces à l’appui, formé recours en temps utile auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision en concluant à son annulation, à l’octroi d’une attestation en tant que « résident hebdomadaire » à Vernier et à ce que Winterthour soit reconnu comme étant leur résidence principale.

b. L’autorité intimée a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants ont répliqué et maintenu leur position, en concluant à l’audition de leurs enfants et à un transport sur place, tant dans leur appartement verniolan que dans leur maison zurichoise.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, y compris sur les actes d’instruction.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 4A al. 2 et 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’harmonisation des registres des habitants et d’autres registres officiels de personnes du 3 avril 2009 – LaLHR – F 2 25 ; art. 11 al. 3 du règlement d’application de la loi sur le séjour et l’établissement des Confédérés du 18 août 2009 – RSEC – F 2 05.01).

2.             Les recourants ont conclu à des mesures d’instruction afin de démontrer que leur centre d’intérêts et résidence principale est à Winterthour, dans le canton de Zurich.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

2.2 En l’espèce et pour les raisons mentionnées ci-dessous, la chambre administrative ne donnera pas suite à l’audition des enfants ni au transport sur place, que ce soit dans l’appartement de Vernier ou la maison de Winterthour, sollicités par les recourants. Le dossier contient des photographies de celle-ci et un plan de celui-là, ainsi qu’une attestation de l’école fréquentée par les deux enfants aînés. La chambre de céans dispose de tous les éléments utiles pour trancher le litige.

3.             Le litige concerne une inscription au registre cantonal des habitants tenu, à Genève, par l’OCPM (art. 2 let. a LaLHR). Les recourants contestent avoir leur résidence principale dans le canton de Genève, à l’adresse verniolane précitée. Ils s’opposent pour ce motif à l’enregistrement litigieux et demandent à être inscrits dans le registre genevois des habitants en tant que résident « hebdomadaire ».

3.1 La loi fédérale sur l’harmonisation des registres des habitants et d’autres registres officiels de personnes du 23 juin 2006 (LHR - RS 431.02) s’applique aux registres cantonaux et communaux des habitants (art. 2 al. 2 let. a LHR). Elle vise à simplifier (art. 1 al. 1 LHR) : la collecte de données à des fins statistiques par l’harmonisation des registres officiels de personnes (registres ; let. a) et l’échange, prévu par la loi, de données personnelles entre les registres (let. b). À cette fin, elle fixe, à l’art. 1 al. 2 LHR, le principe de l’exhaustivité et de l’exactitude des registres (let. c) et l’obligation de mettre à jour les registres des habitants (let. d).

3.2 L’art. 3 LHR pose plusieurs définitions. Par registre des habitants, elle vise le registre, tenu de manière informatisée ou manuelle par le canton ou la commune, dans lequel sont inscrites toutes les personnes qui y sont établies ou en séjour (let. a).

Selon l’art. 3 let. b LHR, la commune d’établissement est la commune dans laquelle une personne réside, de façon reconnaissable pour des tiers, avec l’intention d’y vivre durablement et d’y avoir le centre de ses intérêts personnels ; une personne est réputée établie dans la commune où elle a déposé le document requis ; elle ne peut avoir qu’une commune d’établissement.

L’art. 3 let. c LHR définit la commune de séjour en ces termes : il s’agit de la commune dans laquelle une personne réside dans un but particulier sans intention d’y vivre durablement, mais pour une durée d’au moins trois mois consécutifs ou répartis sur une même année, notamment la commune dans laquelle une personne séjourne pour y fréquenter les écoles ou est placée dans un établissement d’éducation, un hospice, un hôpital ou une maison de détention.

3.3 Les registres doivent contenir des données actuelles, exactes et complètes par rapport à l’ensemble des personnes visées (art. 5 LHR). L’art. 6 LHR règle le contenu minimal du registre des habitants pour chaque personne établie ou en séjour, notamment l’établissement ou le séjour dans la commune (let. o).

Selon l’art. 4 al. 1 LaLHR, pour chaque personne établie ou en séjour dans le canton, aux termes de l'art. 3 let. a à c LHR, les données prévues à l'art. 6 LHR figurent dans le registre des habitants. L’OCPM peut corriger d’office les données inscrites dans le registre cantonal des habitants, s’il s’avère que celles-ci ne correspondent pas à la situation de fait (art. 4A al. 1 LaLHR).

3.4 L’art. 11 LHR pose l’obligation de s’annoncer. Les cantons édictent les dispositions nécessaires afin que : toute personne physique qui déménage s’annonce au service du contrôle des habitants dans les 14 jours qui suivent l’événement (let. a) ; toute personne tenue de s’annoncer communique, de façon conforme à la vérité, les données énumérées à l’art. 6 LHR ainsi que, le cas échéant, les documents nécessaires (let. b).

Ces obligations sont précisées aux art. 5 ss LaLHR. En outre, tout Confédéré non domicilié dans le canton qui entend s'y établir ou y séjourner doit s'annoncer auprès de l'autorité communale compétente de son lieu de résidence ou de l'OCPM dans les 14 jours qui suivent son arrivée (art. 1 al. 2 de la loi sur le séjour et l’établissement des Confédérés du 28 août 2008 (LSEC – F 2 05). Selon l’art. 4 al. 4 LSEC, l’OCPM a pour tâche de statuer sur les contestations portant sur le domicile ou le séjour (let. c) et de corriger d’office les données inscrites dans le registre cantonal de la population s’il s’avère que les renseignements ne correspondent pas à la situation de fait (let. d).

3.5 À teneur de l’art. 6 LSEC, une personne ne peut avoir qu’un domicile (al. 1). Une personne est réputée avoir son domicile dans le canton lorsqu’elle y réside avec l’intention de s’y établir durablement et d’y avoir le centre de ses intérêts (al. 2). Sont considérées comme séjournant dans le canton les personnes qui y résident dans un but particulier et pour une durée d'au moins trois mois consécutifs ou répartis sur une même année civile (al. 3). Par but particulier assigné au séjour, il faut notamment entendre les études, les stages de formation, l'apprentissage ou le placement au pair dans une famille (al. 4). Sont réputés salariés domiciliés dans un autre canton ou à l'étranger les salariés journaliers et ceux ne logeant que de façon temporaire dans le canton (al. 5).

3.6 Relevant que les Suisses et les Suissesses ont le droit de s'établir en un lieu quelconque du pays en vertu de l’art. 24 al. 1 Cst., le Tribunal fédéral rappelle que la LHR et ses dispositions cantonales d’application règlent l’établissement devant être inscrit au registre des habitants. La notion d'établissement (au sens large), qui ne correspond pas à la notion de domicile au sens des art. 23 et ss du code civil (CC - RS 210), est une notion de police, qui désigne la résidence (ou établissement au sens étroit) ou le séjour, policièrement réguliers, d'une personne dans un lieu déterminé. Selon la jurisprudence, l'établissement présuppose l'existence de relations d'une durée et d'une intensité suffisantes avec le lieu où la personne souhaite être considérée comme établie. La liberté d'établissement ne permet ainsi pas à une personne de désigner un lieu quelconque comme lieu d'établissement sans que les conditions effectives pour ce faire soient remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.1 et les références citées).

L'établissement au sens large en un lieu suppose, selon l'art 3 let. b et c LHR, que l'intéressé réside effectivement à cet endroit, d'une façon reconnaissable pour les tiers. Le fait que la personne affirme conserver le centre de ses intérêts personnels dans un lieu n'implique pas qu'elle y demeure établie, l'établissement n'obéissant pas aux mêmes règles que le domicile civil ; il ne saurait donc y avoir d'établissement fictif à un endroit où l'on ne réside plus, seule la résidence effective étant de nature à constituer l'établissement (arrêts du Tribunal fédéral 2C_649/2020 précité consid. 6.1 et les arrêts cités ; 2C_478/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.1, 3.5 et 4.4).

3.7 Selon le Tribunal fédéral, l’établissement et le séjour au sens de la LHR sont des notions autonomes de cette loi, distinctes du domicile civil des art. 23 ss CC et des domiciles spéciaux (tels que le domicile fiscal, le domicile politique et le domicile d’assistance) qui sont déterminés par des autorités différentes au terme de procédures distinctes. Toutefois, ces différentes autorités se servent de critères analogues voire identiques, si bien que la jurisprudence rendue dans un domaine peut généralement être transposée dans un autre. La plupart du temps, le domicile civil sert de point de référence aux autres domaines du droit (en matière fiscale : ATF 132 I 29 consid. 4.1). Le message du Conseil fédéral du 23 novembre 2005 concernant l'harmonisation des registres officiels de personnes précise que l'art. 3 let. b LHR donne de l'établissement une définition qui s'appuie notamment sur la définition du Code civil (FF 2006 439 p. 469 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_341/2016 du 3 octobre 2016 consid. 4.2 ; 2C_413/2011 du 13 avril 2012 consid. 3.1 ; 2C_478/2008 précité consid. 3.5).

Selon la jurisprudence, ce sont régulièrement le domicile civil et les domiciles spéciaux qui permettent d'établir si une personne est établie dans une commune donnée au sens de l'art. 3 let. b LHR, et non l'inverse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_341/2016 du 3 octobre 2016 consid. 4.2 ; 2C_791/2011 du 4 avril 2012 consid. 1.3). Il ne faut cependant pas perdre de vue que le Code civil et la LHR poursuivent des buts différents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_919/2011 du 9 février 2012 consid. 3.2). À cet égard, l’inscription et la radiation du registre des habitants doivent refléter la réalité de l’établissement des habitants de la commune et ne peuvent être fictifs, de sorte que l’intention de la personne intéressée de maintenir son lieu d’établissement à un endroit déterminé importe peu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_117/2020 du 16 avril 2020 consid. 6.2).

3.7.1 En droit civil, selon l'art. 23 al. 1 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir. Lorsque la détermination du domicile d'une personne soulève des difficultés, tant le critère de l'intention de s'établir que la notion de centre de vie commandent de recenser tous les facteurs qui pourraient s'avérer importants. Chacun de ces facteurs, pris en lui-même, ne constitue donc rien de plus qu'un indice. Ainsi, le dépôt des papiers au contrôle de l'habitant, l'établissement du permis de séjour, l'exercice des droits politiques, le paiement des impôts ne sont jamais déterminants en eux-mêmes pour fonder le domicile civil volontaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_341/2016 du 3 octobre 2016 consid. 4.2).

En particulier, le Tribunal fédéral a déjà jugé que le seul choix de la personne intéressée, concrétisé par le dépôt de ses papiers au contrôle des habitants, de fixer son établissement en un lieu donné ne suffit pas. Il faut encore que ce choix soit corroboré par des circonstances extérieures et objectives manifestant sa volonté effective et reconnaissable pour les tiers de faire de ce lieu le centre de ses relations personnelles au sens de l’art. 3 let. b phr. 1 LHR. Le dépôt des papiers ne constitue qu’une simple présomption qui peut être renversée s’il apparaît que son centre de vie réel et effectif se trouve ailleurs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_413/2011 précité consid. 3.2).

En matière civile, le centre de vie correspond, en règle générale, au lieu de résidence de la famille, et non au lieu du travail. Le principe de l’unité du domicile prévu à l’art. 23 al. 2 CC commande de privilégier le lieu où se situe le centre des relations personnelles dans la mesure où l’intéressé y retourne fréquemment pendant son temps libre. Le droit fiscal consacre également la prévalence des relations personnelles sur les relations professionnelles ou sur les attaches économiques ; ainsi, le contribuable marié qui exerce une activité dépendante sans assumer de fonction dirigeante est considéré comme ayant son domicile fiscal au lieu de résidence de la famille, pour autant qu'il y rentre régulièrement pendant son temps libre, par exemple en fin de semaine (ATF 132 I 29 consid. 4.2 et 4.3). Il n'en va pas différemment, selon le Tribunal fédéral, pour déterminer la commune d'établissement d'une personne au sens de l'art. 3 let. b LHR, car cette disposition prévoit aussi le principe de l'unité de la commune d'établissement (3e phrase) et désigne expressément le centre des relations personnelles comme seul critère pertinent à prendre en considération (1ère phrase), sans même faire mention des relations professionnelles, contrairement à la jurisprudence relative à l'art. 23 al. 1 CC (arrêt du Tribunal fédéral 2C_413/2011 précité consid. 3.3).

3.7.2 Dans une affaire zurichoise examinant l’existence de l’établissement et du séjour au sens des let. b et c de l’art. 3 LHR à l’aune des critères développés par la jurisprudence fédérale relative au domicile fiscal, le Tribunal fédéral a admis que l’approche du droit fiscal pouvait être reprise pour interpréter ces notions de la LHR, en précisant que ces deux domaines juridiques se distinguaient même s’ils étaient sans doute plus proches entre eux que la LHR par rapport au CC. Dans la pratique juridique quotidienne, il existait un lien non négligeable entre le droit des registres et le droit fiscal, en ce sens que le traitement au sens du droit des registres revêtait au minimum le caractère d’indice sous l’angle fiscal. Il n’était ainsi pas arbitraire de s’appuyer sur les critères du droit fiscal pour résoudre une question portant sur le registre, ce d’autant plus que ceux-ci étaient plus précis que les définitions légales de la LHR (arrêt du Tribunal fédéral 2C_919/2011 du 9 février 2012 consid. 3.2).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la double imposition intercantonale, le domicile fiscal (principal) d'une personne physique exerçant une activité lucrative dépendante se trouve au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir durablement, soit au lieu où la personne a le centre de ses intérêts personnels. Ce lieu se détermine en fonction de l'ensemble des circonstances objectives et non sur la base des seules déclarations du contribuable, qui ne peut pas choisir librement son domicile fiscal (ATF 138 II 300 consid. 3.2). Dans ce contexte, le domicile politique ne joue aucun rôle décisif : le dépôt des papiers et l'exercice des droits politiques ne constituent, au même titre que les autres relations de la personne assujettie à l'impôt, que des indices propres à déterminer le domicile fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_994/2019 du 8 juin 2020 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Si une personne séjourne alternativement à deux endroits, ce qui est notamment le cas lorsque le lieu de travail ne coïncide pas avec le lieu de résidence habituelle, son domicile fiscal se trouve au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites (ATF 132 I 29 consid. 4.2 ; 131 I 145 consid. 4.2). Pour le contribuable exerçant une activité lucrative dépendante, le domicile fiscal se trouve en principe à son lieu de travail, soit au lieu à partir duquel il exerce quotidiennement son activité lucrative, pour une longue durée ou pour un temps indéterminé, en vue de subvenir à ses besoins (ATF 132 I 29 consid. 4.2). Pour le contribuable marié qui exerce une activité lucrative dépendante sans avoir de fonction dirigeante, ainsi que pour les personnes vivant en concubinage dans la même situation, les liens créés par les rapports personnels et familiaux (époux, enfants, concubin [pour autant que la relation avec celui-ci soit, au vu de sa durée et de son intensité, assimilable au mariage]) sont tenus pour plus forts que ceux tissés au lieu de travail ; pour cette raison, ces personnes sont imposables en principe au lieu de résidence de la famille, même lorsqu'elles ne rentrent dans leur famille que pour les fins de semaine et durant leur temps libre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_994/2019 précité consid. 6.2 et les arrêts cités).

3.8 En l’espèce, trois lieux entrent en ligne de compte : le lieu de travail de l’époux situé dans le canton de Vaud à Étoy, le lieu de scolarisation des enfants à Genève dans la commune de Vernier et le lieu de la maison où habitait antérieurement la famille à Winterthour dans le canton de Zurich.

Outre la proximité géographique entre Étoy et Vernier, les époux ont conclu un contrat de location pour un appartement genevois de 6,5 pièces, qui se trouve en face de l’école des enfants. L’épouse n’exerce pour le moment pas d’activité lucrative, son intention de reprendre un emploi à Zurich étant au stade du projet, et s’occupe des enfants à Genève. Par ailleurs, bien qu’ils ignorent combien de temps ils habiteront dans le canton de Genève et que leur appartement verniolan ne réponde pas aux mêmes qualités que leur maison zurichoise, les époux ont motivé leur présence à Genève par le fait que l’époux devait « être là seul en semaine, d’où la décision d’emmener la femme et les enfants ». Le déplacement de la famille à Genève permet ainsi à l’époux de voir son épouse et ses enfants, en semaine, après son travail, et de maintenir une vie de famille au quotidien. Le fait que la famille ait gardé des attaches affectives, notamment amis et parenté, et l’orthodontiste en Suisse alémanique et qu’elle s’y rende pendant son temps libre, à savoir les week‑ends et pendant les vacances scolaires notamment en été, est sans influence sur leur présence effective en semaine à Genève tout au long de l’année scolaire. C’est donc à raison que ces éléments ont conduit l’OCPM à considérer que les époux avaient leur résidence effective principale dans le canton de Genève, à leur adresse verniolane, dès le 1er août 2022.

La volonté des époux de ne rester dans le canton de Genève que temporairement et le sentiment des enfants de se sentir « chez eux » dans la maison de Winterthour ne sont pas suffisants au regard de la jurisprudence susmentionnée pour déterminer le centre des relations personnelles au sens de l’art. 3 let. b phr. 1 LHR. Le choix des personnes concernées doit se concrétiser de manière objective et reconnaissable pour les tiers. Or, compte tenu des éléments précités, la résidence effective de la famille se trouve à Genève où les enfants vont à l’école tous les jours de la semaine et retrouvent leurs parents chaque soir, après le travail du père situé à proximité de Genève, dans leur appartement verniolan. Le fait que celui-ci soit loué et moins confortable que la maison de Winterthour est sans pertinence, dans la mesure où il permet néanmoins à la famille de s’y retrouver chaque soir de la semaine et d’y habiter pendant l’année scolaire. Le lieu de résidence effective principale se trouve donc dans le canton de Genève. Par conséquent, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2023 par A______ et B______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 4 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'à l'office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :