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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3259/2022

ATA/923/2023 du 29.08.2023 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3259/2022-FORMA ATA/923/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Sophie MOREILLON, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 2003, a commencé en août 2019 un apprentissage de dessinateur (orientation architecture, section conception et planification), à plein temps auprès B______ (ci-après : B______).

b. En juin 2020, il a été promu en deuxième année d'apprentissage.

c. Au terme de cette deuxième année, en juin 2021 il ne satisfaisait pas aux normes de promotion. Le 12 juin 2021, il a adressé une demande de redoublement à la direction du B______, en faisant valoir à la fois des problèmes de santé auxquels il avait dû faire face pendant l'année et sa forte motivation à obtenir son certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC).

d. Par décision du 15 juillet 2021, la direction du B______ a autorisé A______ à redoubler sa deuxième année.

e. Au terme du premier semestre de la deuxième année répétée, soit en février 2022, A______ satisfaisait aux normes de promotion (moyenne générale de 4.1, moyenne des branches théoriques de 4.0, moyenne des branches pratiques de 4.2, quatre disciplines insuffisantes avec des moyennes de 3.5).

B. a. Le mardi 15 mars 2022, A______ a été absent aux deux premières heures de cours, en mathématiques (H1) et mathématiques appliquées (H2), manquant ainsi un contrôle dans cette dernière discipline. Convoqué par la suite à une session de rattrapage, il a obtenu la note de 3.

b. Le lundi 23 mai 2022, il a été absent toute la journée, soit au cours de méthodologie de projet (H1) et aux neuf heures d'« atelier dessin » (H2 à H11), n'étant ainsi pas en mesure de rendre l'un de ses travaux pour l'«atelier dessin » dans le délai imparti et obtenant ainsi la note de 3 à cette épreuve.

c. Le mardi 31 mai 2022, A______ a été absent durant les cinq heures de cours de dessin assisté par ordinateur (ci-après : DAO ; H7 à H11), raison pour laquelle il a rendu un de ses travaux de dessin en retard, obtenant un 3 à cette épreuve.

d. Le mardi 7 juin 2022, il a été absent durant six heures (H1 à H7), ce qui incluait l'heure de cours de croquis (H3) lors duquel il devait se soumettre à une épreuve de rattrapage, ce qui lui avait été annoncé le 31 mai 2022.

e. Le mardi 7 juin 2022, A______ a fourni au B______ un certificat médical (dactylographié et sur papier A4 libre) dont la teneur est la suivante :

« C______ (…)

D______

« Je soussigne Dr D______, docteur en médecine et pédiatre au soin des clinique C______.

« Les absences du mois de fin Février jusqu'à fin d'années scolaires on été dû à des problèmes de santé par M. A______

« Il est venu faire sa dernière consultation durant son année scolaire ce matin mardi 7 juin de 8h15 à 10h00.

« […] Certificat valable jusqu'au 17.06.2022 ».

f. Le 10 juin 2022, le directeur du B______ s'est entretenu avec A______ au sujet de la conformité du certificat médical précité.

g. A______ a écrit au directeur du B______ le lendemain, soit le 11 juin 2022. Il confirmait sa version des faits présentée la veille. Il n'avait ni menti ni inventé quoi que ce fût. Il s'était rendu à la clinique C______ et s'était adressé à la première personne présente devant l'entrée, soit un homme habillé en bleu et doté d'un badge de la clinique. Il lui avait demandé s'il faisait partie du personnel et s'il pouvait lui parler de son problème médical, et l'homme lui avait dit qu'il pouvait lui faire confiance. Au cours de la discussion, il avait mentionné son besoin d'obtenir un certificat médical. L'homme était rentré à l'intérieur de l'établissement, en était ressorti après dix minutes et lui avait tendu le document. Il lui aurait du reste été techniquement impossible de produire lui-même ledit document, car il n'avait pas accès à une imprimante.

h. Le 14 juin 2022, A______ a fait parvenir un certificat médical émis le jour même par la Dre E______, spécialiste en pédiatrie, dont la teneur était la suivante : « Pour des raisons médicales A______, ______2003, a dû manquer à plusieurs reprises depuis février 2022 (1er / 15 mars, 23 / 25 / 31 mai, 7 juin) ».

i. Par décision du 17 juin 2022, le directeur du B______ a réattribué quatre notes obtenues au cours du semestre par A______ et a « convoqué » ce dernier à une sanction disciplinaire sous forme de travail d'intérêt général consistant à nettoyer des salles de cours le mercredi 22 juin de 17h00 à 18h30.

Il avait remis le 7 juin 2022 à une maîtresse adjointe un certificat médical. La doyenne lui avait fait part de ses soupçons de faux, si bien qu'il avait convoqué l'entretien du 10 juin précité, et avait ensuite demandé à A______ de mettre par écrit sa version des faits. Le médecin‑conseil du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) avait ensuite contacté le médecin prétendument signataire du certificat, qui avait indiqué n'avoir pas établi un tel document, ni jamais vu A______ en consultation.

Se référant à l'art. 28 al. 1 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 (REST - C 1 10.31), qui prévoyait que toute fraude ou tentative de fraude entraînait l'annulation du travail concerné, il attribuait ou réattribuait quatre notes, à savoir : a) la note de 1 au rattrapage de mathématiques suite à l'absence du 15 mars 2022 (note obtenue précédemment : 3) ; b) la note de 2.5 (travail rendu en retard) à l'atelier de dessin du 23 mai 2022 (note obtenue précédemment : 3) ; c) la note de 2.5 (travail rendu en retard) au travail de DAO du 31 mai 2022 (note obtenue précédemment : 3), et d) la note de 1 au test de rattrapage en croquis suite à l'absence audit test le 7 juin 2022.

j. Le 19 juin 2022, le maître de classe de A______ a demandé à ce dernier, ainsi qu'à deux autres élèves, de lui fournir des justificatifs pour les absences du semestre.

k. Une avocate s'est constituée pour A______ le 21 juin 2022, en demandant au directeur du B______ de reconsidérer sa décision du 17 juin 2022.

L'art. 28 REST ne concernait que les fraudes à un examen. La double sanction prononcée à son encontre ne reposait sur aucune base légale ou réglementaire, et entraînerait un nouveau redoublement et ainsi son exclusion. Les notes de 3 obtenues précédemment devaient être maintenues, et la note de 1 « attribuée » le 17 juin 2022 annulée.

l. Le 23 juin 2022, le directeur du B______ a confirmé sa décision du 17 juin 2022 en indiquant la voie et le délai de recours. La réduction des notes ne découlait pas d'une fraude mais d'absences non excusées et de remise tardive de travaux au sens de l'art. 27 REST.

m. Par décision du 1er juillet 2022, le B______ a interrompu le contrat d'apprentissage de A______. Il ne répondait pas aux conditions de promotion car sa moyenne des branches théoriques (soit 3.9) était insuffisante. Conformément au règlement, un deuxième redoublement n'était pas possible.

C. a. Par acte du 18 juillet 2022, A______ a interjeté auprès de la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) un recours hiérarchique contre les décisions des 17 juin et 23 juin 2022 et du 1er juillet 2022, concluant à leur annulation, à la rectification de sa moyenne annuelle dans trois branches (mathématiques appliquées : 4 ; croquis : 4 et comportement : 4.5), à la rectification du relevé individuel des remarques disciplinaires (les absences des 15 mars, 23 mai, 25 mai, 31 mai et 7 juin 2022 devant être indiquées comme excusées) et à son admission en troisième année d'apprentissage.

Il maintenait sa version des faits concernant le certificat du 7 juin 2022. Les décisions attaquées omettaient de prendre en compte le nouveau certificat produit le 14 juin 2022. Ses absences et retards dans la remise de travaux devaient dès lors être considérés comme excusés. Les évaluations des 23 et 31 mai 2022 portaient sur l'ensemble des travaux réalisés sur une période de plusieurs semaines, alors qu'il n'avait été absent que quelques heures ces deux jours-là. Quant à l'épreuve de croquis du 7 juin 2022, il s'agissait d'une évaluation non annoncée, qui ne pouvait donner lieu à une note de 1 en cas d'absence.

L'autorité avait par ailleurs violé les art. 28 et 47 REST en réduisant ses notes sans fondement, la remise d'un faux certificat médical ne s'inscrivant pas dans le champ de ces dispositions.

Sans la réduction des quatre notes litigieuses, ses moyennes annuelles auraient été de 3.8 en mathématiques appliquées, 4 en atelier de dessin, 4 en DAO et 4 en croquis. La décision du 1er juillet 2022 devait dès lors également être annulée.

b. Par décision du 5 septembre 2022, la DGES II a rejeté le recours.

Au premier semestre, A______ cumulait 67 heures d'absence dont cinq non excusées. En début de second semestre, il s'était fréquemment absenté pendant des demi-journées voire des journées entières, en justifiant lui-même ses absences. Ses excuses avaient systématiquement été acceptées par son maître de classe. Ainsi, ses absences les 15 mars, 23 mai et 31 mai 2022 avaient été justifiées par ses soins et acceptées par le B______. La possibilité lui avait ainsi été offerte de rattraper le contrôle de mathématiques appliquées, et ses absences impliquant des retards dans la remise de deux travaux de dessin n'avaient pas été sanctionnées.

Cela étant, le 7 juin 2022, il avait manqué six heures de cours et avait fourni un faux certificat médical. Cette tentative de justifier ses absences, non seulement celle du 7 juin 2022 mais aussi celles allant du mois de février 2022 à la fin de l'année scolaire, était propre à remettre en cause la crédibilité de ses excuses. A______ n'avait pas fourni de certificat médical pour les contrôles et travaux des 15 mars, 23 mai et 31 mai 2022, alors qu'un tel document était exigé à partir de la troisième absence à une évaluation annoncée.

La force probante du second certificat médical remis le 14 juin 2022 était contestable, la médecin signataire n'ayant vu A______ qu'à la date susmentionnée et s'étant prononcée sur les seuls dires de son patient. C'était donc à juste titre que la direction du B______ n'avait pas tenu compte de ce certificat, délivré à tort.

Au vu du comportement de l'élève, de sa mauvaise foi crasse ainsi que de l'ensemble des éléments concordants du dossier propres à décrédibiliser les motifs allégués pour justifier ses nombreuses absences lors de contrôles et de travaux, c'était à juste titre également que la direction du B______ n'avait pas excusé lesdites absences, étant rappelé qu'il était prévu par le règlement que l'absence non excusée à un travail entraînait la note de 1 et que tout retard dans la remise de travaux était sanctionné.

Enfin, la moyenne des branches théoriques à 3.9 était une cause d'échec, et en l'absence de possibilité réglementaire de redoubler deux fois, la décision d'exclusion était elle aussi conforme au droit.

D. a. Par acte posté le 5 octobre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur recours précitée, concluant à son annulation, à celle des trois décisions auparavant contestées, à la rectification de ses moyennes semestrielle et annuelle dans trois branches (mathématiques appliquées : 3.5 au second semestre et 3.8 de moyenne annuelle ; croquis : 4.0 au second semestre et 4.0 de moyenne annuelle, et comportement : 4.5 au second semestre et 4.5 de moyenne annuelle), à la rectification du relevé individuel des remarques disciplinaires (les absences des 15 mars, 23 mai, 25 mai, 31 mai et 7 juin 2022 devant être indiquées comme excusées), à son admission en troisième année d'apprentissage et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Son droit d'être entendu avait été violé, la direction du B______ ne l'ayant jamais interpellé pour qu'il puisse se déterminer sur différentes questions (fondement de la décision du 17 juin 2022 uniquement sur l'art. 28 REST, changement d'argumentation dans la décision du 23 juin 2022 et négation de la force probante du second certificat médical par la DGES II). Il était contraint de se déterminer pour la première fois sur la force probante du second certificat médical et sur l'application de l'art. 43 REST devant une autorité de recours ne disposant pas du même pouvoir d'examen que la DGES II.

L'établissement des faits était inexact et incomplet. Contrairement à ce que laissait entendre l'autorité de recours, le second certificat médical était antérieur à la décision de la direction du B______. Ce n'était qu'après le prononcé de cette dernière que les absences aux dates qui y étaient mentionnées étaient devenues « litigieuses ».

L'intimée avait abusé de son pouvoir d'appréciation en appliquant l'art. 43 al. 3 REST, considérant à tort que le second certificat médical avait été produit en réaction à la décision du 17 juin 2022, que la Dre E______ ne l'avait pas reçu en consultation et que le document avait été établi sur les seuls dires du patient. Le 14 juin 2022, il avait reçu un traitement ambulatoire de premier recours, et son état avait justifié qu'il se rende quelques jours plus tard chez un spécialiste de la chirurgie digestive. Il produisait les justificatifs d'assurance-maladie relatifs à ces deux consultations. La référence à un effet rétroactif du certificat était inopérante, puisque les absences avaient déjà été excusées par le maître de classe, ce que l'intimée reconnaissait. Le B______ s'était montré extrêmement négligent dans le suivi des absences de ses élèves et la collecte des éventuels justificatifs, son maître de classe en ayant demandé seulement le 19 juin 2022. L'intimée se montrait ainsi de mauvaise foi.

L'art. 42 al. 6 REST avait aussi été violé, dans la mesure où les portfolios qui devaient être rendus lors de ou peu après les absences des 22 et 31 mai 2022 n'étaient pas des évaluations annoncées, mais des travaux continus s'étendant sur plusieurs semaines de cours.

La décision attaquée violait enfin l'interdiction de l'arbitraire. L'art. 28 REST visait uniquement les fraudes commises lors d'examens ou d'évaluations, et seul le conseil de discipline de l'école publique était habilité à prononcer le renvoi ou l'expulsion d'un élève pour une durée excédant 30 jours. Le changement de motivation de la direction du B______ ainsi que l'absence de prise en compte du second certificat médical étaient arbitraires.

b. Le 18 novembre 2022, la DGES II a conclu au rejet du recours.

Le droit d'être entendu du recourant avait été respecté, dès lors qu'il avait eu un entretien le 10 juin 2022 avec le directeur du B______, qui lui avait demandé des explications écrites.

Les faits avaient été constatés de manière complète et exacte. Que l'établissement et la production du second certificat médical aient eu lieu avant ou après la décision du 17 juin 2022 était sans pertinence.

S'agissant de ce document, il n'était pas contesté que le recourant avait vu la Dre E______ le 14 juin 2022. Celle-ci ne l'avait toutefois pas reçu lors de ses précédentes absences, si bien qu'elle ne pouvait certifier qu'il était absent pour raisons de santé à ces dates-là. Ce second certificat avait été demandé après l'entretien entre le recourant et le directeur du B______, le 10 juin 2022. L'art. 42 al. 6 REST, en lien avec l'art. 43 REST, avait ainsi été appliqué correctement.

Si le B______ avait dans un premier temps fondé sa décision sur l'art. 28 REST relatif à un cas de fraude commise pendant les examens, il avait bien mentionné dans sa décision du 17 juin 2022 que le certificat médical produit avait été reconnu comme faux. Le résultat attaché à une absence non excusée était l'attribution de la note de 1 pour l'absence à un examen et la réduction de la note pour un travail rendu en retard. Le résultat étant le même, on ne pouvait conclure à un arbitraire.

c. Le 30 novembre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 janvier 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 23 décembre 2022, le recourant a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

e. La DGES II ne s'est quant à elle pas manifestée.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 52 al. 5 REST).

2.             Dans un grief d'ordre formel qu'il convient de traiter en premier lieu, le recourant se plaint de la violation de son droit d'être entendu, arguant que la direction du B______ ne l'avait jamais interpellé pour qu'il puisse se déterminer sur différentes questions et qu'il était contraint de se déterminer pour la première fois devant la chambre de céans sur la force probante du second certificat médical et sur l'application de l'art. 43 REST.

2.1 Le droit d’être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). L'art. 29 al. 2 Cst. n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1). Par ailleurs, lorsque l'autorité envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue ni ne pouvait supputer la pertinence, elle doit donner au justiciable la possibilité de se déterminer à ce sujet (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et la jurisprudence citée).

2.2 Le droit d'être entendu implique aussi pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1). Elle ne doit, à plus forte raison, pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 2.4.1 et les arrêts cités).

2.3 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 et 67 LPA), lequel implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 : ATA/1190/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b et les références citées).

2.4 Un recours peut être rejeté par substitution de motifs, aussi bien au plan fédéral (ATF 132 II 257 consid. 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1357/2021 du 21 février 2023 consid. 2.3.2) qu'en procédure administrative genevoise (ATA/458/2023 du 2 mai 2023 consid. 5.7 in fine ; ATA/403/2023 du 18 avril 2023 consid. 2, pour une substitution de motifs opérée par le TAPI ; ATA/669/2022 du 28 juin 2022 consid. 9c pour une substitution de motifs opérée au stade de l'opposition).

2.5 En l'espèce, le recourant a été entendu par le directeur du B______ le 10 juin 2022 et a pu s'exprimer le lendemain par écrit pour donner sa version des faits. Assisté d'une avocate, il a présenté des observations le 21 juin 2022, ceci avant le prononcé de la décision du B______ sujette à recours le 23 juin 2022, décision qui a du reste pris en compte ses remarques au sujet de l'art. 28 REST. On ne voit dès lors pas en quoi son droit d'être entendu aurait été violé à ce stade.

Dans la décision sur recours, l'intimée a certes dénié toute force probante au second certificat médical, alors que ce thème n'était pas abordé dans la décision du B______. Cela étant, comme rappelé plus haut, une autorité de recours peut rejeter un recours par substitution de motifs. De plus et surtout, le recourant ne peut valablement soutenir qu'il ne pouvait supputer la pertinence de la question de la portée et de la force probante de son second certificat médical, si bien que ladite substitution de motifs ne saurait emporter violation de son droit d'être entendu.

Enfin, une éventuelle violation du droit d'être entendu pour ce dernier motif devrait être considérée comme réparée devant la chambre de céans, celle-ci disposant comme précédemment exposé d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit.

3.             Le recourant se plaint d'une constatation inexacte des faits pertinents, en particulier par rapport aux circonstances du second certificat médical.

3.1 Selon l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

3.2 En l'espèce, les arguments du recourant sur ce point tombent à faux. L'autorité intimée n'a en effet pas nié que la Dre E______ ait vu le recourant le 14 juin 2022, mais a uniquement retenu que ce dernier ne l'avait consultée qu'à cette date, et que le médecin précité ne l'avait donc pas reçu en consultation aux différentes dates mentionnées dans le certificat (1er et 15 mars, 23, 25 et 31 mai et 7 juin 2022). Le recourant n'apporte à cet égard aucun élément permettant de retenir le contraire.

Quant à la chronologie des événements, s'il est exact que le second certificat médical a été déposé avant que le B______ ne prenne sa décision, cela n'a pas d'incidence en l'espèce ; ce qui est en revanche déterminant est que ce dépôt soit intervenu après la mise en cause de l'authenticité du premier certificat médical lors de l'entrevue du 10 juin 2022.

Le grief sera écarté.

4.             Le recourant se plaint d'une violation de plusieurs dispositions du REST ainsi que du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée dans ce cadre.

4.1 L’instruction publique comprend six degrés de scolarité (art. 4 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 - LIP - C 1 10), parmi lesquels le degré secondaire II (art. 4 al. 1 let. c LIP) dont relève le B______ (art. 84 al. 1 let. c LIP). Selon l’art. 85 al. 1 LIP, les conditions d’admission, de promotion et d’obtention des titres, sont fixées ou précisées par voie réglementaire.

4.2 Les élèves sont évalués notamment par des travaux effectués en classe, des interrogations écrites ou orales, des travaux personnels ou de groupe (art. 27 al. 1 REST). Les notes égales ou supérieures à 4.0 sont suffisantes et celles inférieures à 4.0 sont insuffisantes. La note 1 est attribuée au travail non rendu, rendu en dehors des délais, non exécuté ou annulé sauf exception pour motif reconnu valable par la direction de l’établissement. Demeurent en outre réservées les situations visées à l'art. 43 REST (art. 27 al. 2 REST).

Toute fraude ou tentative de fraude, tout plagiat ou toute tentative de plagiat entraîne l'annulation du travail au cours duquel il a lieu (note 1) et, le cas échéant, une intervention pédagogique et/ou une sanction disciplinaire (art. 28 al. 1 REST).

4.3 La participation aux cours est obligatoire ; les directions d’établissements et les maîtres, par délégation, assurent le contrôle de la fréquentation scolaire (art. 42 al. 1 REST). Toute absence doit être immédiatement annoncée à l'établissement et faire l'objet, dès le retour à l'école, d'une demande d'excuse écrite par le parent de l'élève mineur, par l'élève majeur ou par l'employeur dans la voie duale (art. 42 al. 2 REST). Il appartient au responsable de groupe ou au maître de classe d'apprécier le motif invoqué pour excuser l'absence (art. 42 al. 3 REST).

Sont notamment considérés comme des motifs valables d'absence la maladie ou l'accident de l'élève (art. 42 al. 5 let. a REST). En principe, un certificat médical est exigé : a) lorsqu'une absence pour raison de maladie dure plus de trois jours en formation généraliste et plein temps et une semaine en formation duale ; b) lors d'une absence à un examen ; et c) à partir de la troisième absence à une évaluation annoncée (art. 42 al. 6 REST).

Toute absence pour laquelle aucune demande d'excuse n'a été remise dans le délai prescrit par la direction de l'établissement ou dont le motif n'a pas été reconnu valable est considérée comme une absence non excusée (art. 43 al. 1 REST). Sont également considérées comme non excusées les absences d'un élève coïncidant avec la période pour laquelle une demande de congé a été refusée par la direction de l'établissement (art. 43 al. 2 REST). Lorsque les circonstances permettent raisonnablement de conclure que le certificat médical a été délivré à tort, la direction de l’établissement peut décider de considérer l’absence comme non excusée (art.  43 al. 3 REST). L'absence non excusée à un examen ou à une évaluation annoncée entraîne la note de 1 (art. 43 al. 4 REST). Les absences non excusées peuvent en outre conduire à une intervention pédagogique ou au prononcé d'une sanction disciplinaire (art. 43 al. 6 REST).

4.4 Le B______ distribue annuellement aux élèves un « mémento » rappelant notamment les différentes exigences du centre quant à la présence et aux absences des élèves.

Selon le point 2.1 du mémento 2021-2022, intitulé « absences imprévisibles », en cas d’absence imprévisible et dans la mesure du possible, l'apprenti avertit son maître de classe par courriel ; sur un jour d’atelier, il informera au plus vite son maître d’atelier par téléphone. De plus, l’apprenti présentera spontanément à son maître de classe après l'absence un certificat médical ou une fiche d'excuse dûment signée. L’absence sera considérée comme injustifiée si l’apprenti n'effectue pas cette démarche dans les quinze jours au maximum suivant le début de l'absence. Un certificat médical est exigé dès le troisième jour d’absence pour maladie ou accident mais pourra, dans certains cas, être exigé dès le premier jour d’absence.

Selon le point 2.2 du mémento (« absence lors d'un travail »), si un travail noté (cours théoriques) a lieu lors d’une absence, la note de 1,0 sera automatiquement attribuée. Si l’absence a été excusée dans les délais, le travail pourra être refait. Il appartient à l’apprenti de se procurer l’enveloppe de travail à refaire au secrétariat et de la remettre au maître de discipline concerné. Cette démarche doit être entreprise dans les quinze jours suivant l’absence, faute de quoi la note 1.0 sera maintenue. En cas d’absence non excusée à ce travail, la note 1.0 sera également maintenue.

4.5 Selon l’art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Selon l’art. 9 Cst., toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi comprend notamment l’interdiction des comportements contradictoires (ATF 143 IV 117 consid. 3.2 ; 136 I 254 consid. 5.2).

4.6 En l'espèce, le recourant a été absent :

-          le 15 mars 2022, manquant un contrôle de mathématiques ; convoqué à une session de rattrapage, il a obtenu la note de 3 ;

-          le 23 mai 2022, ce qui lui a fait rendre un travail de dessin en retard, travail pour lequel il a obtenu la note de 3 ;

-          le 31 mai 2022, ce qui lui a fait rendre un travail de dessin en retard, travail pour lequel il a obtenu la note de 3 ;

-          le 7 juin 2022, lors d'une épreuve de rattrapage pour le cours de croquis ; c'est pour excuser cette absence qu'il a remis, le même jour, un certificat médical au B______.

Les conclusions de l'autorité intimée au sujet de ce certificat, à savoir l'absence d'authenticité de celui-ci, ne peuvent être que partagées. Ledit certificat n'a pas été établi sur papier à en-tête de la clinique, contient de très nombreuses fautes et ne correspond pas, par son style, à ce qu'un médecin aurait écrit en de telles circonstances. Le médecin prétendument signataire, contacté par l'autorité intimée, a nié en être l'auteur. Quant aux explications données par le recourant, notamment dans sa prise de position écrite du 11 juin 2022, elles n'emportent aucunement conviction : si un médecin en pause pourrait éventuellement aiguiller un patient ou lui donner quelques renseignements, il est invraisemblable qu'il dispense une consultation en extérieur et établisse un certificat médical sur papier libre à un patient qui lui est inconnu.

À la suite de l'entrevue avec le directeur et de la prise de position précitée, le recourant a consulté la Dre E______ le 14 juin 2022 et a déposé le certificat médical établi par cette dernière. Comme déjà exposé, ce médecin n'a vu le recourant qu'à cette date, ce qui a pour conséquence qu'elle ne pouvait attester d'un motif fondé d'absence pour des dates antérieures, à tout le moins pas sans exposer les éléments médicaux lui permettant de retenir a posteriori des motifs d'absence. Or le certificat ne fait état que de « raisons médicales », sans autre explication. Il s'ensuit que l'autorité intimée était fondée à ne pas accorder de valeur probante à ce certificat. Reste à déterminer les conséquences de la non-prise en compte de ces deux certificats.

L'absence du 7 juin 2022, directement concernée par le certificat médical inauthentique, pouvait ainsi être considérée comme non excusée (art. 43 al. 3 REST). En application de l'art. 43 al. 4 REST, et s'agissant d'une absence à une épreuve de rattrapage, l'attribution de la note de 1.0 à cette épreuve n'est pas critiquable.

Il en va différemment des trois autres notes rectifiées a posteriori. En effet, pour l'épreuve du 15 mars 2022 et les travaux devant être rendus les 23 et 31 mai 2022, une excuse avait été fournie par l'élève, sans joindre de certificat médical, et visiblement acceptée par le responsable de classe puisque le recourant avait pu rattraper son épreuve et voir ses travaux rendus en retard notés. Dès lors, revenir sur l'acceptation d'excuses – étant rappelé que selon l'art. 42 al. 6 REST, l'exigence d'un certificat médical est potestative (« en principe ») – constitue un comportement contradictoire de la part de l'autorité intimée. Le fait que le recourant ait essayé d'étendre la « couverture temporelle » des certificats médicaux qu'il a produits ne permettait pas encore d'en déduire que ses absences précédentes étaient nécessairement injustifiées. À cet égard, le recourant a démontré qu'après sa consultation du 14 juin 2022, il s'était rendu chez un spécialiste de la chirurgie digestive, si bien que l'on ne peut retenir avec l'autorité intimée que la présentation de certificats faux ou non pertinents était propre à remettre en cause la crédibilité de ses excuses passées et d'ores et déjà acceptées par le B______.

Quant à la gravité du comportement consistant à remettre un faux certificat médical, la chambre de céans ne saurait la nier, mais doit constater d'une part que le B______ a prononcé à ce titre une sanction disciplinaire (qui ne fait pas l'objet du présent litige), et d'autre part qu'elle a renoncé à rédiger une dénonciation pénale.

Il découle de ce qui précède que le recours doit être partiellement admis, et la décision attaquée annulée en tant qu'elle confirme la modification des notes consécutives aux absences des 15 mars, 23 et 31 mai 2022 ainsi que les conséquences de ces modifications. La cause sera renvoyée à l'intimé afin d'émettre de nouveaux bulletins de note, de recalculer la moyenne du recourant et de prendre le cas échéant les décisions qui s'imposent s'agissant de la suite de son cursus.

5.             Vu l'issue du recours, un émolument – réduit – de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe partiellement (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2022 par A______ contre la décision sur recours du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 5 septembre 2022 ;

 

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision sur recours du 5 septembre 2022 en tant qu'elle confirme la modification des notes consécutives aux absences des 15 mars, 23 et 31 mai 2022 ainsi que les conséquences de ces modifications ;

renvoie la cause au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 200.- ;

alloue à A______, à la charge de l'État de Genève, une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sophie MOREILLON, avocate du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :