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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3383/2021

ATA/897/2023 du 22.08.2023 sur JTAPI/1170/2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.10.2023, rendu le 13.11.2023, REJETE, 9C_624/2023
Descripteurs : OBJET DU LITIGE;DÉDUCTION DES FRAIS D'ACQUISITION(DROIT FISCAL);FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LPA.65; LIFD.3; LIFD.6.al1; LIFD.10.al1; LIPP.2; aLIPP-I.2; LIPP.5.al1; aLIPP-I.5.al1; LIPP.9.al1; aLIPP-I.9.al1; LIFD.18; LIPP.17; aLIPP-IV.1; LIPP.27.letj; aLIPP-IV.10.leti; LIFD.18; LIPP.19; aLIPP-IV.3; LIFD.25; LIPP.28; aLIPP-V.1; LIFD.27; LIPP.30; aLIPP-V.3.al3; LIFD.27.al2; LIFD.31.al1; LIPP.30.alf; aLIPP-V.3.al3.letf; LIFD.18.al3; LIFD.58.al1
Résumé : Refus de déduction de pertes alléguées de la LLC américaine du recourant par l'AFC-GE dans le cadre de la taxation de ce dernier. La LLC doit en l'espèce être traitée de manière transparente sur le plan fiscal. Les titres en relation avec lesquels les pertes sont alléguées ne font pas partie de la fortune de la société, par essence commerciale, mais de la fortune du recourant, qui peut être commerciale ou privée. Le recourant a échoué à démontrer qu'ils appartenaient à sa fortune commerciale. Il s'agit de pertes en capital sur la fortune privée, non déductibles. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3383/2021-ICCIFD ATA/897/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par C______, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 novembre 2022 (JTAPI/1170/2022)


EN FAIT

A. a. Les 20 février et 17 avril 2015, A______ et B______, époux et contribuables dans le canton de Genève, ont procédé à une dénonciation spontanée auprès de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) pour les années 2005 à 2011, déjà taxées, en relation avec des honoraires, rendements de comptes et de titres et la fortune y relative réalisés à travers la société D______ LLC (ci-après : D______), qui avait cessé son activité en 2009.

b. Le 15 décembre 2015, l'AFC-GE a informé les contribuables de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) pour les années 2005 et suivantes.

c. Le 18 mars 2016, les contribuables ont tous deux signé la formule de demande pour dénonciation spontanée non punissable pour l'IFD et l'ICC 2005 à 2010.

d. Le 31 mars 2016, les contribuables ont remis à l'AFC-GE les relevés de placements auprès de E______AG (ci-après : E______) de 2006 à 2010 et lui ont proposé une méthode de détermination des rendements de placements, dès lors qu'ils n'avaient pas d'indications des dates d'achat et de vente.

e. Le 1er novembre 2016, les contribuables ont transmis à l'AFC-GE des comptabilités pour les années 2005 à 2013, qu'ils avaient établies sur la base des extraits de E______. Ils partaient de l'idée qu'il s'agissait d'une activité professionnelle et d'une fortune commerciale. Les bilans et comptes de résultats 2005 à 2013 annexés faisaient état d'une perte de CHF 1'334'744.92 en 2008, d'un bénéfice de CHF 94'019.55 en 2009 et d'une perte de CHF 210'686.89 en 2010.

f. Le 20 avril 2017, les contribuables ont produit les extraits de compte pour la période de 2005 à 2013.

g. Le 27 avril 2017, l'AFC-GE a soumis aux contribuables un tableau des reprises brutes envisagées, soit pour les années 2008 et 2010 :

 

2008

2009

2010

Fortune

CHF 2'067'393.-

CHF 2'067'342.-

CHF 1'732'260.-

Revenus bruts

CHF 14'663.-

CHF 21'251.-

CHF 1'837.-

Frais bancaires

CHF 2'211.-

CHF 1'251.-

CHF 1'666.-

Honoraires encaissés

CHF 180'130.-

CHF 7'677.-

CHF 1'666.-

h. Le 1er mai 2017, les contribuables ont rappelé qu'il s'agissait d'une activité professionnelle, qui donnait droit à la déduction des frais d'acquisition et devait également inclure les bénéfices et les pertes en capital sur la fortune comerciale. Les reprises étaient donc les suivantes, pour les années 2008 à 2010 :

 

2008

2009

2010

Fortune

CHF 2'067'393.-

CHF 2'067'342.-

CHF 1'732'260.-

Résultat net

CHF 1'149'455.- (perte)

CHF 118'398.- (bénéfice)

CHF 214'923.- (perte)

i. Le 11 octobre 2019, l'AFC-GE a informé les contribuables que les procédures en rappel d'impôt et pour soustraction d'impôt portant sur les années 2005 à 2010 étaient terminées. Vu leur pleine et entière collaboration à la suite de leur dénonciation spontanée non punissable pour la première fois, aucune amende n'était infligée et il était renoncé à la poursuite pénale.

Étaient notamment annexés les bordereaux de rappel d'impôt pour l'ICC et l'IFD 2008 à 2010, le montant du rappel d'impôt étant nul pour l'IFD 2010. Les avis de taxation rectificatifs ICC et IFD 2008 à 2010 ne tenaient pas compte des bénéfices et pertes en capital figurant dans les bilans et comptes de résultat 2005 à 2013 produits par le contribuable.

B. a. Le 31 octobre 2019, les contribuables ont élevé réclamation contre chacun des bordereaux du 11 octobre 2019, en particulier ceux relatifs à l'ICC et l'IFD 2008, 2009 et 2010, concluant notamment à la déduction d'une perte en capital sur dossier de titres de CHF 1'334'744.92 pour 2008 et à la prise en compte d'une perte reportable de CHF 959'898.- pour 2009 concernant l'exercice 2008 et d'une perte reportable de CHF 759'400.- pour 2010 concernant les précédents exercices. La réclamation portait également sur d'autres éléments, qui ne sont plus litigieux.

b. Par décision sur réclamation du 3 septembre 2021, l'AFC-GE a rejeté les réclamations et a maintenu les impositions ICC et IFD 2005 à 2010.

Les pertes de la LLC ne pouvaient pas être déduites en Suisse car il s'agissait de pertes privées en capital sur une participation.

C. a. Par acte du 1er octobre 2021, les contribuables ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant notamment à la déduction d'une perte en capital de CHF 1'334'744.92 pour l'année 2008, au report de la perte de 2008 en 2009 et à la déduction d'une perte en capital de CHF 210'686.89 pour 2010. Le recours portait également sur d'autres points, qui ne sont plus litigieux.

Une LLC était dans la plupart des cas assimilable à une société de personnes. La LLC avait en l'occurrence eu une activité commerciale, de sorte que sa fortune était une fortune commerciale. L'AFC-GE avait laissé les bénéfices en capital dans le résultat imposable mais refusait les pertes en capital comme déduction. Les bénéfices et pertes en capital réalisés par une LLC étaient imposables et déductibles, puisqu'il ne s'agissait pas de bénéfices et pertes en capital privés. La perte 2008 était reportable jusqu'en 2015, et donc en 2009, et augmentée de la perte de l'exercice de 2010.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours quant à la déduction des pertes et des pertes reportées.

L'activité du contribuable était scindée en deux : l'activité de consulting, que l'AFC‑GE avait admise comme activité indépendante et l'activité de gestion de titres. S'agissant de cette dernière, il n'y avait pas de bénéfices ni de pertes qui ressortaient des pièces produites. Les éléments lacunaires versés à la procédure ne permettaient pas de vérifier si les critères jurisprudentiels de l'activité indépendante étaient remplis et donc si le contribuable avait exercé une activité professionnelle en lien avec le commerce de titres. Il s'agissait dès lors d'une simple gestion du patrimoine privé, de sorte que ni les bénéfices, ni les pertes ne pouvaient être admis. À admettre l'hypothèse d'une activité indépendante, il faudrait non seulement déduire les pertes, mais également imposer les gains en capital, ce que l'AFC-GE n'avait pas fait. Par ailleurs, dans ce cas, l'exercice 2008 se solderait par une perte et il n'y aurait pas eu de rappel d'impôt. Or, sans réouverture de la taxation 2008, il n'aurait pas été possible de faire valoir un éventuel report des pertes de l'année 2008 sur les années subséquentes. Par conséquent, en l'absence d'éléments permettant de qualifier l'activité professionnelle de dépendante, alors que le fardeau de la preuve incombait aux contribuables, l'AFC-GE avait à juste titre considéré que les éléments liés à l'activité de gestion de titres relevaient du domaine privé et en conséquence imposé la fortune résultant des comptes et placements et les revenus bruts en découlant ainsi qu'admis les frais bancaires en déduction.

c. Dans leur réplique, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions relatives aux pertes.

B______ exerçait son activité professionnelle à travers deux structures, F______ SA, dont il était salarié, pour les mandats de clients domiciliés en Suisse et la LLC à G______, dont il était associé, pour les mandats internationaux, sans rémunération de son travail. La LLC tenait sa comptabilité sous forme de journal américain, faisant état, à l'actif, des comptes bancaires et d'un dossier de titres et au passif de sa fortune. Les bénéfices et les pertes en capital réalisés par une entreprise astreinte à tenir des livres faisaient partie du résultat de l'entreprise. Les années 2005, 2006, 2007 et 2009 avaient produit un bénéfice en capital net, inclus dans le bénéfice imposable ressortant de la comptabilité. La déduction des pertes en capital net réalisées pour les exercices 2008 et 2010 ne pouvait être refusée. Les réclamations 2009 et 2010 restaient ouvertes pour le report de la perte de l'exercice 2008.

d. L'AFC-GE a maintenu ses conclusions.

e. Le 30 juin 2022 s'est tenue une audience de comparution personnelle devant le TAPI.

Selon le représentant des contribuables, les honoraires provenaient d'une activité professionnelle. Les titres étaient le fruit de cette activité professionnelle, de sorte qu'il s'agissait bien de fortune commerciale. Le contribuable exerçait une activité de chasseur de têtes dans le monde entier. Son activité pour ses clients hors de Suisse, de loin la plus importante, était déployée à travers la LLC. Concernant cette activité, la fortune accumulée en vue de sa retraite avait été gérée par sa banque à Genève, E______. La LLC était une société offshore non imposable aux États-Unis. Il n'était pas contesté qu'il s'agissait d'une société transparente au regard du droit suisse et que le contribuable aurait dû en tout cas déclarer la fortune. Le raisonnement de l'AFC-GE revenait à dissocier le revenu de l'activité commerciale de la société et les revenus du patrimoine de celle-ci, les rendements de titres ayant été imposés au titre de la fortune commerciale, les bénéfices et les pertes en capital en ayant été exclus.

Les représentants de l'AFC-GE ont expliqué que les éléments au dossier et notamment les indications relatives à la LLC ne lui avaient pas permis d'examiner la situation dans sa globalité. Le contribuable n'avait pas fourni d'indications relatives au traitement fiscal de la LLC par les États-Unis. L'AFC‑GE n'avait pas d'éléments suffisants pour considérer que l'activité de gestion de titres faisait partie intégrante de l'activité de la LLC. Si les honoraires avaient été reconnus comme le fruit d'une activité commerciale, rien ne permettait d'établir que les titres provenaient de ces honoraires. L'AFC-GE n'était pas parvenue à qualifier la LLC de société de capitaux ou de société de personnes et n'avait dès lors pu considérer que l'activité indépendante de « chasseur de têtes », sans être en mesure de faire le lien entre celle-ci et les placements à défaut de nouvelles pièces. Il n'était pas possible de faire le lien entre le montant des honoraires et celui de la fortune, dont l'écart était considérable. L'AFC-GE n'avait aucune date de création de la LLC, aucun acte constitutif, et la qualification de la LLC dépendait de celle opérées par les États‑Unis.

À l'issue de l'audience, le TAPI a indiqué au contribuable souhaiter un descriptif de l'activité et du fonctionnement de la LLC au quotidien.

f. Le 15 juillet 2022, l'AFC-GE a sollicité la production de toute pièce permettant d'apprécier la qualification de la LLC par les autorités américaines (déclarations d'impôt, taxations, courriers d'exonération, etc.), une copie du bail à loyer concernant les locaux de la LLC à G______, la copie des contrats signés par la clientèle de la LLC, une copie de l'acte constitutif de la LLC, une attestation bancaire authentifiant l'ayant droit économique du portefeuille n1______ auprès de E______ (formulaire A), une copie du mandat entre le titulaire dudit portefeuille et l'ayant droit économique dudit compte, une copie du contrat de mandat de gestion de fortune, toute pièce permettant de justifier l'utilisation commerciale du portefeuille de titres. Elle a par ailleurs interrogé le contribuable sur la détention de la citoyenneté américaine.

g. Le 3 août 2022, les contribuables ont versé de nombreuses pièces à la procédure, parmi lesquelles l'acte de fondation de la LLC et de nombreuses pièces bancaires de 2004 à 2011.

La LLC était exonérée des impôts américains sur le bénéfice, à condition de n'avoir aucune activité aux États-Unis et de ne pas détenir de compte bancaire dans ce pays. Elle était inconnue de l'Internal Revenue Service (ci-après : IRS) tout en étant inscrite au registre du commerce. Vu son activité, la société n'avait pas besoin d'un siège administratif ni de locaux et payait une société pour avoir un Registered Agent and Office.

h. Le 31 août 2022, l'AFC-GE a maintenu sa position.

Les contribuables n'avaient pas remis le descriptif de l’activité quotidienne de la LLC et il n’était pas possible d’appréhender la marche des affaires ni l’organisation de la société. Aucune pièce produite ne permettait de connaître le statut fiscal américain de la LLC et de confirmer que celle-ci était exonérée des impôts américains sur le bénéfice. La LLC avait un bureau à H______. Le contribuable s’était contenté de remettre les offres proposées à ses clients, sans remettre les contrats signés et ces documents ne concernaient que l’activité de consulting, à l’exclusion d’une éventuelle activité de gestion de titres. En 2012, les contribuables avaient mentionné que la société était active dans le domaine de la recherche de cadres de haut niveau pour des sociétés internationales, sans préciser qu'elle avait également une activité de gestion de fortune. Seul le nom de la LLC sur les documents bancaires liait la société au portefeuille de titres, alors qu’un faisceau d’indices permettait d’établir qu’il s’agissait d’un portefeuille strictement personnel.

Lors de l'audience, le représentant des contribuables avait expliqué qu’il s’agissait, pour le contribuable, de se constituer un patrimoine en vue de sa retraite. I_______ SA était la titulaire du portefeuille et le gérait. Les ayants droit économiques étaient non seulement le contribuable, mais également la contribuable et leurs enfants, et non pas la LLC. C’était d’ailleurs la société mandataire qui avait demandé une carte au nom du recourant et non pas au nom de la LLC. Cette fortune était ainsi utilisée dans un cadre strictement personnel. Aucune des pièces produites ne permettait de constater que le contribuable avait exercé à titre personnel une activité indépendante de commerce de titres. Au contraire, la gestion de ce patrimoine, qui ne pouvait être que privée, était effectuée par une société tierce et rien ne permettait de considérer que le portefeuille était utilisé dans le cadre de l’activité lucrative de consulting.

i. Le 27 septembre 2022, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

Il n'existait pas de décision d'exonération fiscale des autorités américaines. Il suffisait de ne pas avoir de compte bancaire et de ne pas émettre de factures à des clients aux États-Unis. Toute société commerciale pouvait détenir un portefeuille de titres et le gérer, sans que cela soit spécifiquement prévu dans ses statuts. Le compte était un compte « rubrique » mis à disposition par la fiduciaire à ses clients, parmi lesquels le contribuable. Il s'agissait de la fortune d'une entreprise astreinte à tenir des livres et d'une activité de gestion de titres professionnelle.

j. Le 14 octobre 2022, l'AFC-GE a maintenu sa position.

Les nouvelles pièces produites corroboraient son appréciation, dans la mesure où le contribuable avait mandaté un professionnel pour gérer son portefeuille et où les comptes étaient utilisés par lui et sa famille de manière privée et non pour son activité professionnelle. Il n'y avait pas de gestion de titres professionnelle, d'autant plus que la gestion était faite par un tiers et non par le contribuable lui-même.

k. Par jugement du 3 novembre 2022, le TAPI a partiellement admis le recours sur des points qui ne sont plus litigieux, le rejetant quant à la déductibilité des pertes en capital des années 2008 et 2010.

Sur la base de son acte constitutif, notamment son art. 9 relatif à la survivance de la société en cas de décès, départ à la retraite, démission, expulsion, faillite, etc. d'un membre de la société, et à défaut d'un document officiel des autorités G______ qualifiant le type de société au regard du droit de l'État d'incorporation, la LLC correspondait plutôt à une société de personnes et devait être traitée de manière transparente sur le plan fiscal. Les titulaires des comptes bancaires auprès de E______ n'étaient ni la LLC, ni le contribuable, mais la société I_______. Les ayants droit économiques étaient le contribuable, son épouse ainsi que leurs enfants.

La raison sociale de la LLC figurait uniquement comme rubrique, à côté des numéros de compte bancaire. L'activité du contribuable était celle de « chasseur de têtes » dans le monde entier. La fortune ainsi accumulée devait servir à assurer sa retraite et était gérée par E______ à Genève. Il n'avait pas démontré que les avoirs accumulés sur le compte bancaire concerné étaient nécessaires au développement de l'activité commerciale de la LLC, ni qu'ils avaient effectivement été utilisés à cette fin. Même si ce compte bancaire avait pu être alimenté par des revenus provenant de l'activité lucrative exercée au travers de la LLC, les fonds concernés n'étaient pas restés affectés au patrimoine commercial de la société mais avaient été attribués au patrimoine privé du contribuable. Il devait être retenu que les transactions financières opérées durant les années 2007 à 2010 ne relevaient pas d'une activité commerciale mais d'une simple gestion du patrimoine privé du contribuable, de sorte que les gains et pertes en capital résultant de cette gestion n'étaient pas imposables. L'AFC-GE n'avait au demeurant pas imposé les gains en capital allégués par les contribuables.

Dans le cadre de la procédure de rappel d'impôt, les contribuables avaient indiqué, le 1er novembre 2016, avoir établi une comptabilité pour les années en cause sur la base des extraits de compte de leur banque. Ils s'étaient contentés de reproduire le détail des relevés de comptes bancaires sur des listes intitulées « Comptabilité journal – Grand livre », qu'ils avaient établies pour les besoins de la cause. Celles‑ci ne suffisaient pas à prouver les pertes en capital de CHF 1'334'744.92 et CHF 210'686.89 alléguées pour 2008 et 2010. Ces montants ne ressortaient pas des pièces versées au dossier et il n'était pas possible de comprendre quand et comment les pertes ou les gains résultant des opérations d'achat/vente étaient déterminés. Même à admettre une activité indépendante de gestion de titres, les pertes alléguées n'étaient pas prouvées à satisfaction de droit et leur déduction devrait de toute manière être refusée.

D. a. Par acte du 7 décembre 2022, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), sans prendre de conclusions formelles mais en contestant le refus de déductibilité des pertes en capital subies par la LLC.

La LLC devait être assimilée à une société à responsabilité limitée, astreinte à s'inscrire au registre du commerce et à tenir des livres. Le compte de la LLC auprès de E______ ne pouvait être attribué à la fortune privée de son associé. Pour les sociétés de personnes, il n'y avait pas de distinction entre la fortune commerciale et la fortune privée. Elles n'avaient qu'une fortune commerciale. Pour qu'un bien passe dans la fortune privée, il fallait un acte concluant et manifeste du propriétaire. Même si un bien figurant aux actifs de la société devait être attribué à l'associé, il pouvait très bien faire partie de la fortune commerciale de ce dernier et pas uniquement de la fortune privée. Par conséquent, un bien figurant au bilan d'une société ne faisait jamais partie de la fortune privée de l'associé. Le moment du passage de la fortune commerciale à la fortune privée était celui où le contribuable manifestait sa volonté de l'effectuer, soit en l'occurrence à la liquidation de la LLC et au transfert des avoirs du compte survenu en 2013. Le compte était géré par E______ dans le cadre d'un mandat de gestion et avait enregistré un grand nombre de transactions, ce qui constituait un élément important pour conclure à une activité professionnelle. Les comptes, établis sous forme de journal américains, comptabilisaient les pertes sur placements 2008 dans la colonne « total fortune », La perte en capital 2008 avait été réalisée par une société obligée de tenir des livres. Le refus de déduction des pertes en capital violait la doctrine et la jurisprudence.

b. Le 20 janvier 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, en l'absence d'argument nouveau susceptible d'influer le sort du litige.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Il convient préalablement d'examiner la recevabilité du recours quant à sa forme ainsi que l'objet du litige.

2.1 Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (al. 2). La juridiction administrative applique le droit d'office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

2.2 Compte tenu du caractère peu formaliste de l'art. 65 LPA, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 2b et l'arrêt cité ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 807 n. 5.8.1.4). L’absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture de recours ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions (art. 65 al. 4 LPA ; ATA/854/2021 du 24 août 2021 consid. 2c).

2.3 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).

2.4 En l'espèce, il ressort clairement de l'acte de recours que les contribuables contestent le jugement attaqué en tant qu'il refuse la déduction des pertes en capital alléguées.

Les recourants ne précisent cependant pas quelles années fiscales sont concernées par leurs conclusions. Il ressort toutefois du recours devant le TAPI qu'ils contestent le refus de déduction des pertes 2008 et 2010 et de report de la perte 2008 en 2009.

Si le TAPI a indiqué dans son jugement que le litige ne portait plus que sur la déductibilité des pertes en capital des années 2008 et 2010, il était implicite qu'il portait, en cas d'admission de ladite déductibilité, également sur le report de la perte de 2008 en 2009, question que l'instance précédente n'a cependant pas eu à examiner puisqu'elle a confirmé le refus de la déduction des pertes en capital des années 2008 et 2010.

Par conséquent, le recours est recevable et porte sur le refus de déduction d'une perte en capital de CHF 1'334'744.92 pour l'ICC et l'IFD 2008, d'une perte reportable de 2008 en 2009 – chiffrée à CHF 959'898.- dans la réclamation – et d'une perte en capital de CHF 210'686.89 en 2010.

Il sera néanmoins relevé qu'aucun rappel d'impôt n'a été prononcé pour l'IFD 2010, de sorte que les recourants n'ont pas d'intérêt à contester le bordereau y relatif (art. 60 al. 1 let. b LPA), lequel est dès lors exorbitant au présent litige.

En définitive, le recours porte uniquement sur les pertes et le report des pertes en relation avec la fixation de l'ICC et de l'IFD 2008 et 2009 ainsi que de l'ICC 2010.

3.             Le litige porte sur les années fiscales 2008 à 2010, de sorte qu'il convient d'examiner le droit applicable.

3.1 De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3a). Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (ATF 140 I 68).

3.2 S'agissant de l'ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques. La LIPP s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la LIPP (art. 72 al. 1 LIPP).

3.3 En l'espèce, en tant qu'elle porte sur l'ICC, la présente cause est régie par l'ancien droit pour les périodes fiscales 2008 et 2009 et la LIPP pour la période fiscale 2010. S'agissant de l'IFD, elle est soumise aux dispositions de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et de sa législation d'application, dans leur teneur au moment des périodes fiscales litigieuses.

4.             Les recourants affirment que la LLC correspondrait à une société à responsabilité limitée.

4.1 Selon l'art. 3 al. 1 et 2 LIFD, les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse. L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité mais ne s’étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l'étranger (art. 6 al. 1 LIFD).

Chacun des héritiers ou des associés ajoute à ses propres éléments imposables sa part du revenu de l'hoirie, de la société simple, de la société en nom collectif ou de la société en commandite (art. 10 al. 1 LIFD). Les entités visées à l'art. 10 al. 1 LIFD sont les communautés organisées selon le droit suisse qui n'ont pas la personnalité juridique et ne constituent donc pas des sujets fiscaux indépendants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2014 du 30 septembre 2015 consid. 10.1, in RDAF 2015 II 563). La jurisprudence retient toutefois que cette disposition s'applique également en relation avec l'attribution de revenus provenant d'une entité étrangère lorsque cette entité doit être considérée comme transparente d'un point de vue fiscal suisse. Pour savoir si tel est le cas, il convient d'examiner si cette entité possède ou non la personnalité juridique. Dans l'hypothèse où l'entité étrangère n'a pas la personnalité juridique, ses revenus sont alloués aux associés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_110/2018 consid. 3.1 ; 2C_123/2014 du 30 septembre 2015 consid. 10.1 ; 2C_664/2013 du 28 avril 2014 consid. 5.1).

L'art. 3 al. 1 et 2 LIFD a son pendant, en droit cantonal, à l'art. 2 al. 1 et 2 LIPP, identique à l'art. 2 al. 1 et 2 de l'ancienne loi sur l'imposition des personnes physiques – objet de l'impôt – assujettissement à l'impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP-I). L'art. 6 al. 1 LIFD correspond en tout point aux art. 5 al. 1 1ère phr. LIPP et 5 al. 1 1ère phr. aLIPP-I. Les art. 9 al. 1 LIPP et 9 al. 1 a LIPP-I ont la même teneur que l'art. 10 al. 1 LIFD.

4.2 La LLC est une forme de société reconnue dans tous les États des États‑Unis, qui combine les avantages d'une corporation, dont la responsabilité est limitée à l'actif social, et les avantages fiscaux d'une société de personnes (partnership). En tant que partnership, elle est traitée de manière transparente sur le plan fiscal, comme une société de personnes suisse. Les associés peuvent toutefois demander, en vertu de la réglementation dite « check-the-box » de l'État membre concerné, que la société soit traitée fiscalement comme une personne morale (corporation). Par ailleurs, en raison des normes dispositives en vigueur dans les différents États, il existe une très grande liberté dans l'organisation de la société. Il est généralement reconnu qu'une LLC américaine présente, de par sa structure, aussi bien des éléments d'une société de personnes que d'une société de capitaux (arrêt du Tribunal fédéral C_894/2013 et 2C_895/2013 du 18 septembre 2013 consid. 3.2).

4.3 En l'espèce, le recourant affirme que la LLC devrait être assimilée à une société à responsabilité limitée, et non à une société en nom collectif, sans toutefois tirer de conclusion de cette affirmation, si ce n'est que la société serait astreinte à s'inscrire au registre du commerce et à tenir des livres.

Or, il ressort de la jurisprudence susmentionnée qu'en tant que partnership, la LLC est en principe traitée de manière transparente sur le plan fiscal, sauf demande en vertu de la réglementation dite « check-the-box ». Or, l'existence d'une telle demande n'a pas été établie ni même alléguée en l'espèce, les recourants prétendant uniquement que la LLC ne serait pas soumise aux impôts aux États-Unis. Par ailleurs, comme l'a à juste titre constaté le TAPI, l'art. 9 de l'acte constitutif de la LLC prévoit la dissolution de la société en cas de décès d'un associé, sauf décision unanime contraire des autres associés, ce qui conforte la conclusion que cette dernière doit être considérée comme une société de personnes au regard du droit fiscal suisse.

Au surplus, les recourants eux-mêmes ne contestent pas à proprement parler le traitement en transparence de la LLC, puisqu'ils ne contestent les bordereaux rectificatifs que par rapport aux pertes et non de manière globale par rapport à la manière dont l'autorité intimée a pris en considération les éléments relatifs à la LLC. Ils ont, au demeurant, expressément indiqué lors de l'audience devant le TAPI ne pas contester que la LLC devait être traitée comme une société transparente au regard du droit fiscal, ce qu'admettait en outre déjà implicitement le contenu de leur dénonciation spontanée. Pour le reste, ils orientent leur argumentation sur la distinction entre fortune commerciale et fortune privée, admettant ce faisant également implicitement le traitement en transparence de la LLC.

Par conséquent, le TAPI a à juste titre constaté que la LLC devait être considérée comme une société de personnes suisse et traitée de manière transparente sur le plan fiscal.

5.             Les recourants demandent la déduction des pertes de 2008 et 2010 et le report de de la perte de 2008.

5.1 L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD ; art. 17 LIPP ; art. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques – impôt sur le revenu [revenu imposable] - aLIPP-IV). Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1).

Les gains en capital réalisés lors de l’aliénation d’éléments de la fortune privée ne sont pas imposables (art. 16 al. 3 LIFD ; art. 27 let. j LIPP ; art. 10 let. i aLIPP-IV).

Sont imposables tous les revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD ; art. 19 al. 1 LIPP ; art. 3 al. 1 aLIPP-IV). Tous les bénéfices en capital provenant de l’aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d’éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l’activité lucrative indépendante. Le transfert d’éléments de la fortune commerciale dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable sis à l’étranger est assimilé à une aliénation. La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l’exercice de l’activité lucrative indépendante ; il en va de même pour les participations d’au moins 20% au capital-actions ou au capital social d’une société de capitaux ou d’une société coopérative, dans la mesure où le détenteur les déclare comme fortune commerciale au moment de leur acquisition. L’art. 18b LIFD est réservé (art. 18 al. 2 LIFD ; art. 19 al. 2 et 3 LIPP ; art. 3 al. 2 et 3 aLIPP-IV).

Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD, ainsi qu'aux art. 29 à 37 LIPP et 2 à 8 de l'ancienne loi sur l'imposition des personnes physiques – détermination du revenu net – calcul de l'impôt et rabais d'impôt – compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP‑V ; art. 25 LIFD ; art. 28 LIPP ; art. 1 aLIPP-V). Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD ; art. 30 LIPP ; art. 3 al. 3 aLIPP‑V).

5.2 Les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu’elles aient été comptabilisées, font notamment partie de ces frais (art. 27 al. 2 LIFD). Les pertes subies durant les trois périodes de calcul précédentes peuvent être déduites du revenu moyen de la période de calcul (art. 43 aLIFD), à condition qu’elles n’aient pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable des années précédentes (art. 31 al. 1 LIFD, dans sa teneur avant le 1er janvier 2014).

Font notamment partie des frais justifiés par l'usage commercial ou professionnel les pertes de sept exercices au plus précédant la période fiscale, pour la part qui n'a pas pu être déduite dans la taxation de l'impôt d'années antérieures (art. 30 let. f LIPP ; art. 3 al. 3 let. f aLIPP-V)

5.3 Lorsque l’activité indépendante est exercée sous la forme d’une société de personnes, la distinction entre fortune privée et fortune commerciale n’a plus lieu d’être pour la société puisque la fortune d’une société, de personnes comme de capitaux, est toujours commerciale. Une société de personnes n’est par ailleurs pas autorisée à porter dans son bilan la fortune privée de ses associés. La difficulté ne disparaît pas pour autant. Il s’agit alors de distinguer entre la fortune de la société et celle de l’associé, la première étant forcément commerciale et la seconde subdivisée entre fortune commerciale (la part dans la société de personnes) et privée. La référence à la comptabilité de la société joue dans ce cas un rôle important ; on considère que les associés d’une société de personnes n’inscrivent dans les livres comptables de celle-ci que les éléments de fortune qui doivent effectivement servir au commerce qu’ils exploitent en commun. Mais il s’agit là d’une règle générale, qui peut souffrir des exceptions. Un immeuble propriété commune de deux associés d’une société en nom collectif peut être rangé dans leur fortune commerciale même s’il n’est ni inscrit au registre foncier au nom de la société en nom collectif ni comptabilisé dans ses livres, lorsque, au vu de l’ensemble des circonstances, l’entreprise est économiquement en mesure de disposer dudit immeuble (Yves NOËL in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [édit.], Commentaire romand de la LIFD, 2e éd., 2017, n. 75 ad art. 18 et les références citées).

5.4 Selon la jurisprudence, la distinction entre un gain privé en capital – non imposable sur le revenu – et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante – imposable sur le revenu –, dépend des circonstances concrètes du cas d'espèce au moment de l'aliénation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_349/2009 du 16 novembre 2009 consid. 4.1.2 ; 2C_893/2008 du 10 août 2009 consid. 2.2).

On entend par activité lucrative indépendante toute activité entreprise par une personne à ses propres risques, avec la mise en œuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie dans le but d'obtenir un gain (ATF 125 II 113 consid. 5b ; 122 II 446 consid. 3c). Une telle activité peut être exercée à titre principal ou accessoire, de manière durable ou temporaire. Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une activité lucrative indépendante, il convient de se fonder sur l'ensemble des circonstances du cas; les différents critères ne doivent pas être examinés de manière isolée, et peuvent être réalisés avec une intensité variable (ATF 125 II 113 consid. 5b ; 122 II 446 consid. 3a).

La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés d'impôt ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si l'activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_455/2011 précité consid. 5.1 et les références citées).

La jurisprudence considère que valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur (re-)vente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire même – exceptionnellement – isolément s'il revêt une intensité particulière, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante (ATF 125 II 113 consid. 3c et 6a ; 122 II 446 consid. 3b). En matière de commerce de titres, la manière de procéder systématique et planifiée, ainsi que l'utilisation de connaissances techniques spéciales ont une importance moindre ; en revanche, il faut donner plus de poids aux critères du volume des transactions et de l'engagement de fonds étrangers importants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 7.3.1 ; 2C_375/2015 du 1er décembre 2015 consid. 2.2, in RDAF 2016 II 88 ; 2C_1255/2012 du 26 juin 2013 consid. 7.3 ; 2C_868/2008 du 23 octobre 2009 consid. 2.7). 

5.5 Les règles générales du fardeau de la preuve s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 143 II 661 consid. 7.2 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1087/2018 du 29 juillet 2019 consid. 4.1 ; ATA/685/2021 du 29 juin 2021 consid. 8b). Par ailleurs, le contribuable doit prouver l'exactitude de sa déclaration d'impôt et de ses explications ultérieures. On ne peut pas, en revanche, lui demander de prouver un fait négatif et de démontrer, par exemple, qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_960/2016 du 15 juin 2017 consid. 5.1 et les références citées ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8). Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables non déclarés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'informations révélant l'existence de tels éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations (ATF 121 II 257 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 et les références citées ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8). L’omission ou l’échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.373/2003 du 1er avril 2004 consid. 3.2.2 ; 2A.483/2003 du 5 mars 2004 consid. 5 ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8 et les références citées).

Selon l'art. 18 al. 3 LIFD, qui renvoie à l'art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable des contribuables indépendants qui tiennent une comptabilité en bonne et due forme comprend en particulier le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, lorsqu'ils ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial (let. b). La loi énonce de cette manière le principe de l'autorité du bilan commercial (ou principe de déterminance), selon lequel le bilan commercial est en général déterminant en droit fiscal (ATF 141 II 83 consid. 3.1). Si un indépendant ne tient pas de comptabilité conformément à l'usage commercial, il doit au moins joindre à sa déclaration fiscale un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés (art. 125 al. 2 LIFD ; arrêt du Tribunal fédéral 2C 639/2022 du 14 octobre 2022 consid. 9.2). L'exigence de comptabilisation apparaît aussi à l'art. 27 al. 2 let. b LIFD en relation avec les pertes effectives sur des éléments de fortune commerciale. A défaut de comptabilité tenue en bonne et due forme, ces pertes doivent alors figurer dans le relevé des recettes et des dépenses au sens de l'art. 125 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.5). Les exigences auxquelles doivent répondre les pièces comptables dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, elles doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlées dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêts du Tribunal fédéral 2C 639/2022 du précité consid. 9.2 ; 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.5 ; 2C_551/2012 du 16 mai 2013 consid. 3.1). Cette exigence est d'autant plus importante lorsque le contribuable entend alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale, ce qui lui incombe de prouver (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.5), conformément aux règles générales sur la répartition du fardeau de la preuve en droit fiscal (ATF 140 II 248 consid. 3.5).

5.6 En l'espèce, les recourants allèguent des pertes relatives à un portefeuille de titres. Il convient donc d'examiner si ce portefeuille de titres fait partie de la fortune de la LLC, laquelle est par essence commerciale, ou s'il appartient à la fortune du recourant, auquel cas elle pourrait être qualifiée de fortune commerciale si une activité indépendante de commerce de titres devait être reconnue ou, dans la négative, de fortune privée du contribuable.

Or, comme l'ont à juste titre constaté l'instance précédente et l'autorité intimée, les documents bancaires relatifs aux comptes auprès du E______ nos 2______, 3______et 1______démontrent que leur titulaire est la société I_______ SA, soit la société du mandataire des recourants dans la présente procédure. Par ailleurs, les bénéficiaires économiques de ces comptes sont les recourants et leurs enfants, qui ont également le pouvoir de signature, et non la LLC, laquelle est uniquement inscrite comme rubrique après I_______ SA, conformément à ce qui a été demandé dans les documents d'ouverture de comptes. Finalement, la demande de carte Maestro a été faite en faveur du recourant.

Pour le reste, les seuls éléments désignés comme comptables figurant au dossier sont ceux préparés pour les besoins de la présente cause, de sorte que ces pièces ne peuvent être déterminantes et ne suffisent pas à contrebalancer les indices susmentionnés.

Au vu de ces éléments et en l'absence de tenue d'une véritable comptabilité par la LLC, les titres doivent être considérés comme appartenant à la fortune du recourant et non à la fortune de la société.

5.7 Reste à déterminer s'ils appartiennent à la fortune commerciale ou à la fortune privée du recourant, et donc s'il doit être considéré que ce dernier exerce une activité indépendante accessoire de commerce de titres.

Les recourants affirment que le compte était géré dans le cadre d'un mandat de gestion et avait enregistré un grand nombre de transactions, ce qui constituerait un élément important pour conclure à une activité professionnelle.

Les recourants n'expliquent cependant pas de quelles transactions il s'agirait en relation avec les pièces figurant au dossier ou, le cas échéant, en produisant de nouvelles pièces à l'appui de leurs allégations. Ils demandent pourtant la qualification d'activité indépendante pour obtenir la déduction de pertes, de sorte qu'ils supportent le fardeau de la preuve s'agissant d'éléments diminuant leur taxation. Or, sous réserve de la nouvelle constitution et de la liquidation de certains placements à terme, les relevés E______ versés à la procédure ne dénotent pas une courte durée de possession des titres ni des transactions d'une fréquence élevée pour les années 2008 à 2010. Par ailleurs, le recourant a confié la gestion du portefeuille de titres à un mandataire et ceci avec pour objectif de constituer sa retraite et n'exerce donc pas à titre personnel d'activité de commerce de titres dans un but d'en retirer un revenu immédiat. Finalement, les recourants n'ont pas allégué que des fonds étrangers importants auraient été engagés.

Au vu de ce qui précède, le recourant a échoué à établir que les titres appartiennent à sa fortune commerciale, de sorte qu'il s'agit de pertes en capital sur la fortune privée, non déductibles.

Il sera au surplus relevé, d'une part, que le montant des pertes alléguées n'est pas établi, en l'absence de comptabilité en bonne et due forme spécifique à l'activité de commerce de titres et de pièces permettant de les établir et les chiffrer, et que la déduction des pertes supposerait également la taxation des gains en capital provenant de l'aliénation des titres, par exemple pour la liquidation des placements à terme survenus en 2008 ou la vente de titre survenue le 23 septembre 2008, taxation à laquelle l'autorité intimée n'a pas procédé.

Dans ces circonstances, le grief sera écarté et le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 décembre 2022 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ,

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à C______, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :