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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1533/2023

ATA/928/2023 du 29.08.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1533/2023-FORMA ATA/928/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

 

A______

B______, enfant mineur représenté par son père, C______ recourants

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé

 



EN FAIT

A. a. Le 27 février 2023, C______ a déposé au stand tenu par le service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) à la Cité des métiers deux demandes de prestations pour l’année scolaire 2022-2023, la première pour son fils mineur B______, né le ______ 2007 et inscrit en première année au collège D______, la seconde pour sa fille majeure, A______, née le ______ 2004 et inscrite en troisième année à l’école de culture générale E______.

b. Par deux décisions identiques du 1er mars 2023, le SBPE a rejeté les demandes.

Celles-ci devaient être déposées au plus tard six mois après le début de l’année scolaire. Cette dernière avait débuté le 22 août 2022. Déposées le 27 février 2023, les demandes avaient été formées hors délai.

c. Le 31 mars 2023, C______ a formé deux réclamations identiques contre ces décisions.

Il avait téléphoné personnellement au service de la réception du SBPE pour demander « quelle était la date exacte et définitive pour déposer le dossier de la demande » et la réceptionniste lui avait répondu qu’il pouvait le déposer au plus tard le 27 février 2023, ce qu’il avait fait. La preuve pourrait être « vérifiée » par les services compétents dans ces domaines puisqu’il appelait toujours du même numéro.

En outre, par acquis de conscience, il était passé personnellement à la réception du SBPE au rez-de-chaussée et la réponse était aussi le 27 février 2023. Il s’était encore rendu à la réception du SBPE au 1er étage, où on lui avait donné la même réponse. Enfin, lorsqu’il avait remis les dossiers au « Monsieur de la réception », il lui avait demandé si c’était bien ce jour-là qui était le dernier jour pour déposer les dossiers, ce celui-ci lui avait « bien entendu » répondu par l’affirmative, après quoi il avait déposé les dossiers.

d. Par deux décisions identiques du 6 avril 2023, le SBPE a rejeté les réclamations.

La rentrée scolaire avait eu lieu le 22 août 2022 et il s’était montré plus souple en acceptant les demandes papier ou en ligne reçues jusqu’au 26 février 2023. Depuis le 27 février 2023, les demandes reçues n’étaient plus acceptées et considérées hors délai. Il était navré du problème de communication qu’il avait rencontré et il maintenait ses décisions du 1er mars 2023.

B. a. Par deux actes identiques remis à la poste le 5 mai 2023 et enregistrés sous le même numéro de procédure, C______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces décisions, concluant à leur annulation.

Il avait lui-même déposé les demandes de bourses à la réception du SBPE le 27 février 2023, soit la date limite pour le dépôt selon ce que lui avaient dit quatre différentes secrétaires auprès de qui il s’était renseigné auparavant, soit le vendredi 24 février 2023.

Il avait parlé à la première par téléphone, s’était présenté à la seconde à la réception du rez-de-chaussée du SBPE, la troisième délivrait des tickets d’attente au premier étage du SBPE et la quatrième personne était le secrétaire auquel il avait remis les deux dossiers.

Les réponses étaient « unanimes » : les dossiers pouvaient être déposés jusqu’au lundi 27 février 2023 « vu que la date limite décidée par le SBPE était le dimanche 26 février 2023, comme il [lui avait] été signifié par le service SBPE afin de justifier le refus d’entrer en matière ».

La date du dépôt ne correspondait pas à ses habitudes et s’expliquait par le fait qu’il croyait que ses enfants n’avaient pas droit à une bourse puisqu’il percevait des prestations complémentaires du service des prestations complémentaires (ci‑après : SPC) en complément de sa rente de l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS). Or, il était apparemment dans l’erreur. À leur âge, ses enfants avaient beaucoup de dépenses pour leurs études qu’il ne parvenait pas à assumer avec ses rentes.

Le vendredi précédant le dépôt des demandes, un ami rencontré par hasard l’avait convaincu qu’il avait certainement droit à une bourse pour ses enfants. C’était malheureusement le vendredi en fin d’après-midi, suivi du samedi et du dimanche, de sorte qu’il avait déposé la demande le lundi et non le dimanche.

b. Le 8 juin 2023, le SBPE a conclu au rejet du recours.

A______ avait déjà formé des demandes en 2019 et 2021, rejetées faute pour son père d’avoir fourni les décisions de rentes AVS et du SPC. La demande formée en 2022 avait été rejetée car la contribution parentale couvrait le découvert. L’opposition formée contre ce refus avait été rejetée.

Les allégations sur les assurances reçues par C______ étaient douteuses. La secrétaire du rez-de chaussée avait pour fonction d’accueillir les visiteurs du bâtiment, elle était affectée à l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC), dont le SBPE ne faisait pas partie, et n’était pas en mesure de communiquer les délais pour le dépôt des demandes de bourses. La secrétaire distribuant les tickets au premier étage ne donnait aucune information quant au délai, son rôle étant de diriger les visiteurs vers l’espace qui saurait répondre à leurs questions et le SBPE ne lui ayant pas communiqué les délais. Le dernier secrétaire était celui ayant reçu les demandes le lundi. S’agissant des renseignements que C______ aurait obtenu par téléphone le vendredi, ses nombreuses affirmations erronées faisaient douter de sa bonne foi.

C______ indiquait avoir rencontré son ami le vendredi en fin de journée, admettant ne pas avoir eu le temps de déposer une demande « papier » à temps. Il lui restait cependant la possibilité de déposer une demande en ligne ou de l’envoyer par la poste « puisqu’il aurait pu expédier sa demande jusqu’au dimanche 26 février ».

Les personnes en formation disposaient de six mois pour déposer leurs demandes. Le SBPE accordait quelques jours supplémentaires. Les délais étaient clairement mentionnés sur le site internet du SBPE, sur le dépliant disponible en ligne et sur le formulaire de dépôt de la demande utilisé par C______. Il n’était pas nécessaire de déposer une demande complète pour respecter le délai. Le service entendait garantir une « équité de traitement » pour toutes les demandes déposées et il n’était pas acceptable d’entrer en matière sur des demandes formées hors délai pour une autre raison qu’un cas de force majeure, lequel n’était manifestement pas réalisé en l’espèce.

c. Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti au 12 juillet 2023.

d. Le 20 juillet 2023, les parties ont été informées que la cause avait été gardée à juger.

e. La brochure du SBPE consacrée aux bourses et prêts d’études, disponible en ligne à l’adresse https://www.ge.ch/document/10519/telecharger, indique que les demandes peuvent être déposées à la Cité des métiers, 6, rue Prévost-Martin les lundis de 13h00 à 17h00, les mardis, mercredis et vendredis de 10h00 à 17h00 et les jeudis de 10h00 à 19h00. Une permanence téléphonique de renseignement est ouverte de 13h00 à 16h00 du lundi au vendredi. Dans un cartouche muni d’un signe « attention » est indiqué en rouge « Important ! Votre demande doit nous parvenir au plus tard 6 mois après la date officielle de la rentrée scolaire ».

Le site internet du SBPE, à la page de la procédure de demande de bourse ou de prêt, mise à jour le 6 juillet 2023 et consultée le 17 août 2023 à l’adresse https://www.ge.ch/obtenir-bourse-pret-etudes-apprentissage/procedure-demande-bourse-pret, indique en caractères gras « une demande complète, avec les pièces jointes exigées, doit être remise au plus tard six mois après le début de la rentrée scolaire ».

La page des questions fréquentes, mise à jour le 6 septembre 2022 et consultée en ligne le 17 août 2023 à l’adresse https://www.ge.ch/obtenir-bourse-pret-etudes-apprentissage/questions-frequentes, à la question « Si je dépose ma demande de bourse hors délai, puis-je quand mêmes espérer une aide ? », répond « Non. Si une demande de bourse est déposée hors délai, soit au-delà des six mois dès le début de la formation, aucune aide financière ne sera octroyée. »

Les formulaires de demandes « papier » complétés par les recourants, disponibles en ligne à l’adresse https://www.citedesmetiers.ch/app/uploads/2021/09/Formula ire-SBPE.pdf, mentionnent, dans un encadré en-tête de la première page, « La demande doit être déposée au plus tard six mois après le début de l’année scolaire et renouvelée chaque année. Si la demande est incomplète, des pièces complémentaires vous seront demandées ».

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige a pour objet le bien-fondé de la décision du SBPE déclarant les demandes tardives.

2.1 Selon l’art. 13 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20), les demandes de bourses ou de prêts doivent être déposées au plus tard six mois après le début de l'année scolaire ou académique.

2.2 Aux termes de l’art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé sauf en cas de force majeure.

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence Citée ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4 ; ATA/916/2015 préCité consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence Citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 133, n. 14 et 15 p. 1283).

2.3 Découlant directement de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). En outre, le principe de la bonne foi commande aux autorités comme aux particuliers de s’abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.3.1).

Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle‑ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1).

2.4 En l’espèce, il n’est pas contesté que la rentrée scolaire 2022-2023 a eu lieu le 22 août 2022, que le délai de six mois imparti par l’art. 13 LBPE pour déposer les demandes de bourses est arrivé à échéance le mercredi 22 février 2023 (art. 17 al. 2 LPA) et que les demandes ont été déposées le 27 février 2023.

L’intimé a exposé accorder un délai de grâce à tous les administrés et admettre les demandes reçues jusqu’au 26 février 2023.

Vu l’extension à bien plaire du délai, on peut comprendre qu’il faut que la demande ait été reçue le dimanche 26 février 2023 au plus tard.

Le dépôt des demandes le lundi 27 février 2023 apparaît ainsi tardif.

C______ soutient cependant qu’il aurait obtenu de quatre personnes différentes l’assurance qu’il pourrait valablement déposer ses demandes jusqu’au lundi 27 février 2023.

Il ne peut être suivi. Il n’établit pas ses allégations. Celles-ci apparaissent en outre peu vraisemblables, puisqu’il affirme avoir été convaincu par un ami le vendredi 24 février 2023 en fin de journée de déposer une demande, alors que la permanence téléphonique du SBPE fermait à 16h00 et les locaux à 17h00, selon les indications de la brochure, de sorte qu’il paraît difficile qu’il ait pu, après avoir discuté avec son ami, parler encore à un employé au téléphone puis se rendre dans les bureaux pour se voir confirmer par deux personnes différentes les assurances reçues.

L’intimé conteste que ces assurances aient pu lui être données, exposant que la réceptionniste du rez-de-chaussée n’est pas employée du SBPE et n’est pas informée sur les délais à observer en matière de bourses et que celle de l’étage se contentait d’orienter les administrés mais ne fournissait pas ce type d’informations.

C______ échoue ainsi à établir que des assurances lui auraient été données, en fonction desquelles il aurait pris des dispositions, et que le rejet des demandes pour tardiveté procéderait de la mauvaise foi de l’intimé.

C______ ne soutient pas par ailleurs qu’il se serait trouvé dans un cas de force majeure, à juste titre dès lors qu’il avait disposé de six mois pour vérifier s’il remplissait les conditions et que la rencontre fortuite d’un ami qu’il invoque n’a pas mis fin à un empêchement dirimant de se renseigner ou de procéder qui ne lui aurait pas été imputable.

À cela s’ajoute qu’il était loisible à C______ – ou à tout le moins à ses enfants, peut-être plus expérimentés compte tenu leur âge et de leur scolarisation – de procéder à temps et déposer en ligne les demandes le vendredi, le samedi ou le dimanche ou par poste le samedi.

Enfin, aucun formalisme excessif ne saurait être reproché au SBPE, qui justifie à bon droit l’application stricte de la loi par la nécessité d’assurer une égalité de traitement entre administrés.

La décision attaquée apparaît ainsi en tous points conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il n’est pas perçu d’émolument (art. du 11 règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, les recourants succombant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 5 mai 2023 par A______ et B______, agissant par son père, C______, contre les décisions du service des bourses et prêts d’études du 6 avril 2023 ;

 

au fond :

les rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, agissant par son père, C______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY et Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :