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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2510/2023

ATA/942/2023 du 01.09.2023 ( EXPLOI ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2510/2023-EXPLOI ATA/942/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 1er septembre 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Didier BOTTGE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI intimé

 



Attendu, en fait, que :

1) A______ SA (ci-après : la société) est une société anonyme inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève depuis le 18 janvier 2007. Son but social est : conception, achat, vente et commercialisation d'images sous toutes leurs formes et sur tous supports et du matériel nécessaire à leur réalisation ; placement privé de personnel ; accorder des prêts ou des garanties à des actionnaires ou à des tiers, si cela favorise ses intérêts. B______ en est l'administrateur et C______, résident français, en est le directeur, tous deux ayant la signature individuelle.

2) Le 19 janvier 2023, l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) a demandé à la société de lui remettre un dossier complet de demande d'autorisation de pratiquer le placement privé de personnel au plus tard le 19 mars 2023, en lui fournissant les documents nécessaires pour ce faire.

3) Par courrier du 18 avril 2023, la société a indiqué que son activité de placeur consistait uniquement à mettre en contact des mannequins étrangers avec des agences ou clients privés étrangers. Tout se passait à l'étranger et aucun contrat n'était soumis au droit suisse. Les mannequins n'étaient pas de nationalité suisse et ne résidaient pas en Suisse. Son activité n'entrait dès lors pas dans le champ d'application de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services, du 6 octobre 1989 (LSE - RS 823.11).

4) Le 23 juin 2023, le secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO), interpellé par l'OCE, a répondu à ce dernier que le raisonnement de la société ne pouvait être suivi, déjà parce que son siège était en Suisse. L'activité exercée relevait en outre matériellement de la LSE. Il ressortait des contrats produits que la société touchait une commission de 10%, si bien que l'on devait considérer que les activités de placement étaient exercées depuis le siège de la société en Suisse. La société devait donc déposer une demande d'autorisation.

5) Sommée à nouveau de déposer un dossier de demande d'autorisation, la société a répété le 29 juin 2023 que son activité n'était pas soumise à la LSE.

6) Par décision du 10 juillet 2023 déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCE a déclaré la société assujettie à la LSE et lui a interdit d'exercer toute activité jusqu'à l'obtention de l'autorisation de pratiquer le placement privé, à défaut de quoi il prononcerait les peines prévues notamment à l'art. 39 LSE.

7) Par acte déposé le 4 août 2023, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, au constat que la société n'était pas assujettie à la LSE et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'OCE n'avait aucun intérêt public prépondérant à l'exécution immédiate de la décision. Il avait laissé la société poursuivre son activité entre janvier et juillet 2023, ce qui montrait qu'il n'y avait pas d'urgence. Pour la société, le retrait de l'effet suspensif était préjudiciable à plusieurs niveaux, rendant incertaine l'exécution des contrats en cours et des activités concernées (la société exerçait aussi une activité de styliste).

8) Le 17 août 2023, l'OCE s'en est rapporté à justice concernant les mesures provisionnelles et le caractère exécutoire nonobstant recours de la décision attaquée.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre ou par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge.

2) a. Aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

b. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

c. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253‑420, 265).

d. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

3) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4) Lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur l'effet suspensif ou d'autres mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen  prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_34/2018 du 17 août 2018 consid. 3).

5) En l'espèce, la décision attaquée consiste en un constat d'assujettissement à la LSE et à une interdiction de déployer toute activité jusqu'à obtention de l'autorisation prévue par cette loi. À ce dernier égard, on ne voit cependant pas les motifs, et la décision n'en évoque pas, pour interdire d'autres activités de la société que celles ayant trait au placement de personnel, si bien que le dispositif de la décision attaquée apparaît à tout le moins ambigu.

S'agissant de la restitution de l'effet suspensif proprement dite, la recourante semble active dans le domaine du placement de personnel à l'étranger et de manière plutôt modeste, ce qui tend à atténuer l'intérêt public à l'exécution immédiate de la décision. L'autorité intimée ne s'oppose pas à la restitution de l'effet suspensif.

Dans ces conditions, la restitution de l'effet suspensif au recours sera accordée.

6) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Didier BOTTGE, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'emploi et au secrétariat d'État à l'économie.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :