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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3627/2022

ATA/879/2023 du 22.08.2023 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3627/2022-FPUBL ATA/879/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1966, a été engagé par la Ville de Genève (ci‑après : la ville) le 20 mars 1991, en qualité de menuisier, au service logistique et technique de la division de la voirie. Il est entré en fonction le 1er septembre 1991.

b. Lors de son engagement, A______ travaillait à la rue P______. Il a été rejoint par B______, menuisier. Au début de l’année 2014, ils ont déménagé à l’atelier de menuiserie du service des pompes funèbres, installé sur le site du cimetière Q______, où travaillaient C______ et D______.

Ces quatre menuisiers font partie de l’« unité des ateliers généraux » (ci‑après : UAG), comprenant environ 20 personnes, dont E______ est le chef. En raison de problèmes de santé, c’est son adjoint, F______, qui dirige l’UAG depuis avril 2019.

L’UAG dépend, à l’instar des unités « gestion des véhicules » et « matériel de fêtes » du service logistique et manifestation (ci-après : LOM), dirigé par
G______, chef de service, comprenant environ 78 postes au total. Le LOM faisait partie du département de l’environnement urbain et de la sécurité (ci‑après : DEUS) dirigé à l’époque par H______, devenu le département de la sécurité et des sports (ci-après : DSSP), dirigé depuis le 1er juin 2020 par I______, conseillère administrative.

J______ est directrice du département depuis le 1er février 2016.

c. A______ est membre de la commission du personnel du LOM depuis 2011 et en a assuré la présidence de mars 2016 à juin 2020.

B. a. Par décision du 26 août 2020, une enquête administrative a été ouverte à l’encontre de A______. Au vu des pièces du dossier, il apparaissait que ce dernier n’entretiendrait pas des relations dignes et respectueuses avec les autres membres du personnel, ne donnerait pas satisfaction dans l’exécution de ses tâches, ni ne justifierait la considération et la confiance dont les employés de la ville devaient être l’objet. En l’état du dossier, dix complexes de faits étaient mentionnés.

b. L’enquête a été conduite par deux juristes du service juridique de la ville.

Les auditions se sont déroulées entre le 8 septembre 2020 et le 24 septembre 2021. A______ a été entendu lors de sept audiences de comparution personnelle. Vingt témoins ont été entendus dont neuf à plusieurs reprises. Le dossier comprend 42 procès-verbaux d’auditions.

Le rapport concluait que la plupart des griefs apparaissaient réalisés. Trois ne l’étaient pas. De l’avis de la direction du LOM, le comportement de l’intéressé était problématique de longue date pour le fonctionnement du service. Le lien de confiance apparaissait être rompu et le point de non-retour atteint. Il devait toutefois être tenu compte, s’agissant des difficultés relationnelles entre A______ et sa hiérarchie, de la présence épisodique de la direction du LOM auprès des employés travaillant sur le site de Q______, de l’absence de participation de A______ à la fabrication d’une poupée ayant conduit au licenciement d’un autre employé et au passif ancien entre l’intéressé et son supérieur, E______, lequel avait, à quelques reprises, adopté une attitude inappropriée à l’égard de A______, « semble-t-il en lien avec le fait qu’il semblait être "à bout" ». Les enquêteurs soulignaient que si A______ avait déjà fait l’objet d’une enquête administrative en 2010, à la suite de laquelle il avait été sanctionné par un blâme le 17 mars 2011, il était âgé de 55 ans, membre du personnel de la ville depuis 31 ans et que la qualité de son travail était unanimement appréciée.

c. À sa demande, A______ a été entendu le 8 juin 2022 par une délégation du Conseil administratif (ci-après : CA) composée de K______, conseillère administrative, et d’L______.

C. a. Le 15 juin 2022, la ville a licencié A______. Par décision séparée du même jour, elle a rejeté sa demande de récusation à l’encontre de
I______ formulée le 16 mai 2022.

b. Par arrêt du 23 août 2022, la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) a admis le recours formé à l’encontre de la décision sur récusation et renvoyé la cause à la ville. Il était essentiel que la détermination de la conseillère administrative soit communiquée au recourant. La réparation de ce vice devant la chambre administrative n’était pas envisageable.

c. Le 7 septembre 2022, dans la mesure où la demande de récusation était à nouveau pendante devant le CA, la ville a retiré sa décision de résiliation des rapports de service du 15 juin 2022 et maintenu la suspension de l’activité de l’intéressé.

d. Statuant à nouveau, la ville a rejeté la demande de récusation de I______ par décision du 28 septembre 2022.

La chambre administrative a rejeté le recours interjeté contre cette décision par arrêt du 20 décembre 2022 (ATA/1281/2022). La cause est actuellement pendante devant le Tribunal fédéral. 

e. Par décision du 28 septembre 2022, le CA a résilié l’engagement de A______ pour le terme du 31 mars 2023 conformément à l’art. 34 al. 1 let. c du statut du personnel de la Ville de Genève du 29 juin 2010 (LC 21 151 ; ci-après : le statut). Il était libéré de son obligation de travailler.

Il avait contrevenu notamment aux art. 82, 83 let. a et c, 84 let. a, c, f et g du statut ainsi qu’à la directive relative à l’utilisation des systèmes d’information et des communications.

D. a. Par acte du 31 octobre 2022, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative. Il a conclu à l’annulation de la décision, à sa réintégration à son poste ou à un poste équivalent en termes notamment de rémunération. Subsidiairement, l’autorité intimée devait être condamnée à lui verser une indemnité correspondant à 24 mois de son dernier traitement brut, comprenant le 13ème salaire au prorata du nombre de mois fixés, à l’exclusion de tout autre élément de rémunération, avec intérêts à 5% l’an.

b. Par arrêt du 16 mai 2023, la chambre de céans a partiellement admis le recours, a constaté que la décision de résiliation des rapports de travail du 28 septembre 2022 était contraire au droit, a proposé la réintégration de A______ au sein de la ville, a ordonné à la ville, en cas de refus de procéder à cette réintégration, de lui transmettre immédiatement sa décision, a mis un émolument de CHF 500.- à la charge de la ville et a alloué une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______, à charge de la ville.

La décision querellée énumérait huit griefs, le neuvième consistant à conclure que « son comportement n’est pas compatible avec son statut d’employé de la ville ». Elle reprenait huit des dix complexes de fait soumis aux enquêteurs, deux n’étant pas établis.

La description de chacun des griefs était la reprise textuelle des conclusions du rapport d’enquête. Toutefois, les autres éléments de faits mentionnés dans les conclusions dudit rapport, en faveur du recourant, n’avaient été ni évoqués dans la décision querellée ni a fortiori analysés : il s’agissait de la présence épisodique de la direction du LOM auprès des employés travaillant sur le site de Q______, de l’absence de participation du recourant à la fabrication de la poupée ayant conduit au licenciement d’un autre employé et « au passif ancien entre l’intéressé et son supérieur, E______, lequel a[vait], à quelques reprises, adopté une attitude parfois inappropriée à l’égard du recourant, semble-t-il en lien avec le fait qu’il semblait être "à bout" ». L’autorité intimée n’indiquait pas non plus que ces éléments factuels ne seraient pas pertinents.

De même, le paragraphe conclusif du rapport selon lequel : « les enquêteurs souligneront également que l’intéressé est âgé de 55 ans, qu’il est membre du personnel de la Ville de Genève depuis 31 ans et que la qualité de son travail est unanimement appréciée » n’avait pas fait non plus l’objet ni d’une mention ni d’une analyse dans la décision.

Dans ces conditions, cette absence de prise en compte d’éléments pertinents, que les enquêteurs avaient pourtant mis en évidence dans les conclusions, relevait à tout le moins d’un défaut de motivation, voire d’un établissement incomplet des faits pertinents.

Par ailleurs, en reprenant textuellement une partie, exclusivement à charge, des conclusions de l’enquête, l’autorité intimée n’avait procédé à aucune analyse critique du rapport de 39 pages qui lui avait été soumis après l’audition de 20 témoins, certains ayant été entendus à plusieurs reprises après plus d’une année d’enquête et de nombreux incidents procéduraux.

Les enquêteurs, pour établir les faits, s’étaient fondés sur des documents, les interrogatoires et renseignements des parties ainsi que des témoignages et renseignements de tiers conformément à l’art. 20 al. 2 let. A à c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il leur appartenait toutefois, conformément à l’art. 20 al. 1 LPA, d’apprécier les moyens de preuve des parties. Or, tel n’avait pas été le cas. Pour chacun des griefs analysés, ils avaient rappelé les pièces, à charge, au dossier, le contenu de l’audition de chaque témoin sur la problématique avant de considérer le fait comme établi ou non. Ils n’avaient en revanche pas procédé à une appréciation des différents témoignages. Il suffisait que certains d’entre eux soient à charge pour qu’il soit considéré que le complexe de faits reprochés au recourant était établi. Aucune discussion, ni générale, ni à propos de chacun des griefs, n’avait été effectuée quant à la valeur probante de chacun des témoignages. Or, il aurait fallu analyser la pondération ou la crédibilité donnée à chacun d’entre eux compte tenu, par exemple, du fait qu’il s’agissait de propos rapportés par un tiers, examiner la position du tiers en question par rapport au recourant et la problématique, ou déterminer la pertinence du témoignage en fonction du lien ou du rôle du témoin. En effet, ceux‑ci différaient selon qu’il s’agissait de B______, binôme du recourant, de D______ et C______, binôme opposé au recourant, M______, ancien supérieur du recourant relatant des faits antérieurs à 2015, N______, membre de la commission du personnel ou de ses supérieurs, notamment F______ ou E______.

Cette analyse aurait été d’autant plus importante qu’elle s’inscrivait dans un contexte de conflits interpersonnels importants et un système manifestement clanique au sein du LOM. Or, si ce contexte avait, à quelques reprises, été évoqué par les enquêteurs, il n’avait pas fait l’objet d’un établissement des faits suffisant et complet, notamment sur les allégations que la hiérarchie participait ou en tous les cas était impliquée dans ce système de clans, ce que certains indices confirmeraient.

Si, certes, l’enquête administrative devait porter sur les faits reprochés au recourant, l’établissement de ceux-ci nécessitait de les appréhender dans leur contexte, ce que les enquêteurs n’avaient fait que partiellement en évoquant par exemple, dans la conclusion, l’épisode de la poupée, source à l’origine de tensions importantes entre A______ et son chef d’unité, E______.

À cela s’ajoutait que les tensions importantes vécues au sein du service dataient de nombreuses années sans avoir été résolues par les responsables hiérarchiques. Si une intervention en 2013 était évoquée, il n’était pas fait mention de prise en main de la problématique par le département à la suite de l’échec de cette mesure. De même, si le rapport d’enquête évoquait l’absence d’entretiens d’évaluation au sein du service pendant de nombreuses années, cette déficience institutionnelle n’était à aucun moment pondérée en faveur du recourant, alors même que son importance avait été mise en évidence dans le rapport de 2013 de l’unité de psychologie du travail de la direction des ressources (ci-après : DRH). Le rapport citait par ailleurs des faits remontant jusqu’en 1993, sans les nuancer en fonction de l’écoulement du temps, à condition encore qu’ils puissent être pertinents, voire pris en considération. L’évocation du « nombre assez fourni d’écrits divers et variés » « tout au long [du parcours du recourant ] en Ville de Genève » était assez symptomatique : y étaient mentionnés, sur un même plan, deux plaintes d’un collègue datant de plus de 15 ans, la séance du 11 juillet 2019 avec la direction du département à la demande du Groupe de confiance (ci-après : GdC), ainsi que huit « rappels à l’ordre » « rappel des règles » et « communication adressée à la direction du LOM ou à celle du département ou à la DRH, par F______ », postérieurement à la dénonciation du 11 juillet 2019 du recourant au GdC. À ce titre, si l’existence d’une plainte du recourant auprès du GdC était évoquée, aucun examen n’était effectué des conséquences de l’incitation du GdC auprès du recourant à s’ouvrir de ses difficultés relationnelles à sa hiérarchie. Par ailleurs, aucune suite ne semblait avoir été donnée par la direction du département à cette impulsion, pourtant apparemment voulue par le GdC. Ainsi, l’audition de O______ avait été refusée par les enquêteurs alors qu’il aurait pu être pertinent de savoir quelles mesures avaient été prises à la suite de la dénonciation, voire si aucune ne l’avait été, et les raisons de cette situation.

De même, si le rôle du recourant au sein de la commission du personnel depuis l’automne 2011 et sa présidence de mars 2016 à juin 2020 étaient évoqués, les implications de ce rôle dans le contexte précité de tensions n’étaient pas abordées.

En conséquence, en l’absence de toute pondération des témoignages, il devait être retenu que les faits avaient été établis de façon incomplète dans le rapport d’enquête et a fortiori dans la décision querellée qui avait même épuré les quelques nuances et éléments contextuels retenus par les enquêteurs.

Il était d’ailleurs révélateur que lorsque l’établissement des faits avait pu s’effectuer non seulement en fonction de témoignages, mais aussi sur la base de données objectives, telles que des extractions de données, les enquêteurs avaient considéré que, malgré des témoignages défavorables au recourant, le grief ne pouvait pas être retenu à son encontre, à l’instar du grief portant sur les heures optionnelles, sur la planification des vacances ainsi que sur la durée des pauses. Ce constat confortait l’importance, dans le présent dossier, au vu des tensions et du contexte conflictuel du LOM, de procéder à une analyse critique de chaque témoignage et de les mettre en perspective.

Sans nier qu’il pouvait exister des difficultés de collaboration avec le recourant, à l’instar de plusieurs autres personnes au sein du service, il ne pouvait être sans autre conclu, à l’issue de l’enquête administrative, que le recourant aurait adopté un comportement pouvant manquer de respect envers sa hiérarchie et agir de manière agressive, menaçante, défiante et contestataire (grief 2) ou que son attitude avait contribué à la création de clans au sein de l’UAG, lesquels avaient été la source de tensions parmi certains employés conduisant, parfois, à un climat délétère au sein du LOM (grief 3) sans que ces griefs n’aient été contextualisés. Certains autres reproches et griefs devaient être relativisés d’une part quant à la gravité de l’éventuel manquement, à l’instar pour l’exemple le plus évident, de l’utilisation en décembre 2013 et juillet 2019 de la photocopieuse à des fins privées ou de l’écoulement du temps notamment.

Dans ces conditions, en l’absence d’appréciation des moyens de preuve et de l’établissement du contexte précis, il ne pouvait être retenu, comme le concluait le rapport, que les faits étaient établis conformément à l’art. 20 LPA.

La décision querellée, se limitant à reprendre les conclusions, sans même évoquer le début du contexte mentionné dans le rapport, ne remplissait a fortiori pas la condition d’un établissement des faits pertinents exact et complet, au sens de l’art. 61 al. 1 let. b LPA. La décision querellée était en conséquence contraire au droit.

Le congé n’était toutefois pas abusif. Si certes, le recourant travaillait depuis 30 ans pour la ville, que la bien facture de son travail n’était pas contestée, que les tensions au sein du service perduraient depuis de nombreuses années et que le dossier ne contenait en l’état pas la démonstration que l’employeur avait pris des mesures efficaces pour protéger la personnalité des différents employés qui semblaient être en souffrance dans ce service depuis longtemps, notamment de ceux qui n’exerçaient aucune responsabilité hiérarchique, il ressortait des pièces du dossier, y compris de certains témoignages par exemple de M______, son ancien supérieur, voire même des évaluations faites depuis le début de son activité, que le comportement de l’intéressé n’était pas exempt de tous reproches. Même si les faits n’avaient pas été établis à satisfaction de droit, il ne pouvait être retenu que le recourant aurait été licencié pour l’un des motifs mentionnés aux let. a à e de l’art. 336 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) et que ce motif soit causal dans la fin des rapports de travail. De même, l’apparente demande de J______ à G______ de rédiger un rapport concluant à l’ouverture d’une enquête administrative, apparaissait critiquable mais portait sur la seule ouverture d’une enquête administrative et ne saurait suffire à considérer le licenciement comme abusif.

E. a. Par courrier du 21 juin 2023, la ville a informé la chambre administrative qu’elle refusait de procéder à la réintégration de A______. Le recourant n’était pas exempt de tout reproche et avait causé d’importantes difficultés de collaboration. Elle concluait à l’octroi du montant minimal de l’indemnité, équivalent à trois mois du dernier traitement brut.

b. A______ a persisté dans ses conclusions en paiement d’une indemnité équivalant à 24 mois de traitement. Il convenait de tenir compte de son âge (56 ans), du fait qu’il avait œuvré au service de la ville depuis plus de 30 ans, de la qualité unanimement reconnue de son travail, de la longueur et du caractère éprouvant de l’enquête administrative menée à son encontre (le dossier comprenant pas moins de 42 procès-verbaux d’audition), au terme de laquelle les enquêteurs étaient malgré tout parvenus à rendre un rapport d’enquêtes établissant les faits de manière manifestement incomplète, sans analyse critique ni mise en perspective des témoignages récoltés ainsi que des circonstances inadmissibles de son licenciement, par lequel l’autorité intimée avait tenté de lui faire porter le fardeau de l’intégralité des maux d’un service qui, en réalité, ne découlaient que du comportement injustifiable des supérieurs hiérarchiques et de la passivité coupable de l’intimée à cet égard, pour finalement rendre une décision de licenciement contraire au droit selon la chambre de céans.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La saisine de la chambre administrative fait suite à l'arrêt du 16 mai 2023 (ATA/503/2023), en application de l'art. 105 al. 1 et 2 statut.

1.1 Si la chambre administrative retient qu'un licenciement est contraire au droit, il peut proposer au Conseil administratif la réintégration de la personne intéressée. D'un commun accord, les parties peuvent convenir d'un transfert de la personne intéressée dans un poste similaire (al. 1). En cas de refus du Conseil administratif, la chambre administrative alloue à la personne intéressée une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à 3 mois et supérieur à 24 mois du dernier traitement brut (al. 2).

Le principe de l’art. 105 statut est similaire à l’art. 31 al. 3 et 4 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) sous réserve que l’indemnité minimale selon la LPAC est d’un mois.

1.2 En l’espèce, par courrier du 21 juin 2023, la ville a informé la chambre de céans qu'elle refusait la réintégration du recourant, proposée dans l'arrêt précité. Il convient en conséquence de fixer le montant de l’indemnité, lequel peut être de 3 mois au minimum et 24 mois au maximum.

2.             Pour fixer l'indemnité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, et de les apprécier sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects, comme le fait d'avoir ou non retrouvé un emploi en cours de procédure (ATA/274/2015 du 17 mars 2015 consid. 9b ; ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b et les références citées). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 11.2 ; 8C_421/2014 du 17 août 2015 consid. 3.4.2 ; 8C_436-437/2014 du 16 juillet 2015 consid. 9.2).

La chambre administrative a pour pratique de fixer l'indemnité pour refus de réintégration à un certain nombre de mois du dernier traitement brut de l'employé, conformément à l'art. 31 al. 4 LPAC (ATA/1042/2016 du 13 décembre 2016 consid. 13c ; ATA/258/2014 du 15 avril 2014 consid. 7). L'indemnité fondée sur cette disposition comprend le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés et n'est pas soumise à la déduction des cotisations sociales (ATA/1042/2016 précité consid. 13c ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016 consid. 17). En l'absence de conclusion sur ce point, les intérêts moratoires n'y sont pas additionnés (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/273/2015 du 17 mars 2015 consid. 17c ; ATA/193/2014 du 1er avril 2014 consid. 17).

2.1 Dans un cas de licenciement pour motif fondé, la chambre administrative a pris en compte la gravité de la violation du droit d’être entendue de l’intéressée, l’importante péjoration de sa situation financière, la recourante n’ayant eu d’autre choix que la retraite anticipée, et son activité de plus de vingt ans pour l’autorité intimée pour fixer l’indemnité à quinze mois (ATA/193/2014 du 1er avril 2014 consid. 17). Le Tribunal fédéral a toutefois considéré que ce montant allait au-delà des limites admissibles sous l’angle de l’arbitraire, au motif que le licenciement avait été invalidé en raison de la violation d’une garantie de procédure et que, sur le fond, il n’avait pas été constaté qu’il était injustifié. Le Tribunal fédéral a donc réduit le montant de l’indemnité à six mois de traitement, considérant au surplus que la collaboratrice avait été mise au bénéfice d’une pension de retraite, ce qui était de nature à atténuer les conséquences de la perte de son emploi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_421/2014 du 17 août 2015 consid. 4.2).

Dans un cas de licenciement par une autre commune, matériellement vicié en raison d’une violation des principes de la proportionnalité et de l’égalité de traitement, la chambre administrative a tenu compte de la gravité de la faute du recourant qualifiée de moyennement grave, de la violation du droit par l’autorité intimée dans le cadre du licenciement, du refus de réintégration malgré la disponibilité du recourant, de la durée des rapports de service de cinq ans, du fait qu’il n’avait pas retrouvé de travail, qu’il était âgé de soixante ans et qu’il lui serait difficile de retrouver un emploi, pour fixer l’indemnité à quinze mois (ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 consid. 5).

Dans une cause dans laquelle le licenciement avait été prononcé en l’absence de motifs fondés, la chambre administrative a notamment tenu compte de l’absence de tout reproche envers la recourante pendant près de quatre ans à compter de son engagement, de l’atteinte de longue durée à sa santé liée aux conditions de travail, de l’attitude déplacée de la collaboratrice, pouvant toutefois s’expliquer par l’attitude peu constructive et peu compréhensive de la part de sa hiérarchie, de l’absence de cohérence et d’empathie de la part de la nouvelle hiérarchie de l’intéressée face au contexte professionnel global, de l’absence de mesures prises par la hiérarchie afin de permettre à la collaboratrice de pouvoir maintenir son employabilité après sa longue maladie, de la durée des rapports de service de sept ans, du refus de réintégration, de la violation grave commise par l’autorité intimée en prononçant un licenciement en l’absence de motifs fondés et des conséquences sur les perspectives professionnelles futures de la collaboratrice, âgée de quarante-cinq ans. Elle a ainsi arrêté l’indemnité à douze mois (ATA/347/2016 précité consid. 11d). Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal fédéral.

Dans le cas d’une révocation contraire au droit car prononcée par une autorité incompétente, la chambre administrative a tenu compte du fait que les deux dénonciatrices de faits reprochés au recourant n’avaient pas été entendues au stade de l’enquête administrative, de la longue carrière sans accroc du recourant pour l’institution entre 1995 et 2012, de son acquittement par deux juridictions pénales pour les faits dénoncés par une des dénonciatrices, du refus de réintégration de l’autorité, de la gravité de la violation procédurale, ainsi que de l’âge de 60 ans et l’absence d’activité professionnelles du recourant depuis plusieurs années, facteurs compromettant son employabilité, pour fixer l’indemnité à vingt-quatre mois (ATA/1532/2017 du 28 novembre 2017 consid. 16 confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_78/2018 du 3 septembre 2018).

Dans le cas d’une résiliation des rapports de service contraire au droit, la chambre administrative a fixé le montant de l’indemnité à 21 mois de traitement, en tenant compte du caractère matériellement infondé du licenciement du recourant pour insuffisance de ses prestations et pour disparition durable d’un motif d’engagement, de la longueur des procédures, de plus de deux ans, de l’investissement du recourant dans son travail, de la qualité de son travail, du fait qu’il était au service de l’État de Genève depuis quarante ans au moment de son licenciement, du fait que l’autorité intimée l’a suspendu, l’a libéré de son obligation de travailler et a déclaré le licenciement exécutoire nonobstant recours, de l’absence de suite à sa demande « d’aide » dans une situation personnelle difficile, des incapacités de travail du recourant, auxquelles les procédures menées à son encontre avaient contribué, et le fait qu’âgé de 62 ans, il aurait vraisemblablement de grandes difficultés à retrouver du travail même s’il devait récupérer une capacité de travail suite à la fin de la procédure et de l’existence de quatre griefs partiellement fondés à son encontre (ATA/589/2018 du 12 juin 2018 consid. 31 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_547/2018 du 14 juin 2019 consid. 10.2).

Neuf mois ont été accordés à un fonctionnaire pour lequel il avait été tenu notamment compte du caractère matériellement infondé du licenciement pour insuffisance de ses prestations et pour inaptitude à remplir les exigences du poste, du contexte difficile dans lequel se trouvait le service, du comportement isolé, des excellentes compétences métier, son investissement, ainsi que son sens de l'initiative relevés dans ses différents EEDP ; du fait que le Conseil d'État l’avait libéré de son obligation de travailler et avait déclaré le licenciement exécutoire nonobstant recours, que l’intéressé n’avait pas retrouvé d'emploi, de son âge
(49 ans) et de ses années de service au sein de l'État (presque dix ans) ainsi que de l’existence de six reproches fondés ou partiellement fondés à l’encontre du recourant (ATA/1176/2018 du 6 novembre 2018 consid. 26 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 3 août 2020  8C_15/2019).

Récemment, la chambre de céans a octroyé six mois à  un fonctionnaire en tenant compte en particulier de la durée des rapports de service, de trois ans, du fait que le travail fourni par le recourant avait donné entière satisfaction, du résultat de l’enquête administrative et de sa mise à l’écart lors des premières auditions, du retrait de l’effet suspensif à la décision de révocation immédiate, du caractère infamant de la sanction prise par les intimés et de la reprise d’une activité un mois après la décision entreprise (ATA/587/2023 du 6 juin 2023  consid. 5.3).

Plus récemment encore, elle a fixé à huit mois l’indemnité d’un médecin. Il avait retrouvé un emploi dans un État étranger en décembre 2022, soit cinq mois après la décision entreprise, compte tenu de l’ensemble des circonstances, en particulier de la durée des rapports de service, de près de quatre ans, du fait que le travail fourni par le recourant a donné entière satisfaction, du résultat des enquêtes menées par la chambre administrative, du caractère non fondé du licenciement, du retrait de l’effet suspensif à la décision attaquée et de la reprise d’une activité cinq mois après la décision entreprise (ATA/751/2023 du 11 juillet 2023  consid. 7.5, non définitif).

2.2 En l’espèce, le recourant était âgé de 53 ans au moment de la décision d’ouverture de l’enquête administrative à son encontre et de 56 ans au moment du refus, par la ville, de le réintégrer malgré que le licenciement ait été jugé contraire au droit par la chambre de céans. Tant son âge actuel, que la durée de la procédure, doivent être pris en compte pour la fixation du montant de l’indemnité, ses possibilités de retrouver un emploi s’étant amenuisées au fil de ces trois années et étant aujourd’hui moindres.

Le recourant a été par ailleurs au service de la commune depuis 1991, soit pendant 30 ans.

L’autorité intimée n’a jamais contesté que la qualité du travail de l’intéressé n’était pas remise en cause.

À ces éléments, d’une indéniable importance dans le cadre de la fixation de l’indemnité, en faveur du recourant, doit s’ajouter le constat de la chambre de céans (consid. 4.4.1) qu’ils avaient été dûment mis en avant par les enquêteurs comme devant être pris en considération dans l’appréciation globale de la situation, recommandation dont l’autorité intimée n’a pas tenu compte.

La chambre de céans a retenu que l’autorité intimée n’avait pas établi les faits conformément à l’art. 20 LPA et que, sans nier qu’il puisse exister des difficultés de collaboration avec le recourant, à l’instar de plusieurs autres personnes au sein du service, il ne pouvait être sans autre conclu, à l’issue de l’enquête administrative, que les griefs émis à l’encontre du recourant étaient établis sans qu’ils n’aient été préalablement contextualisés.

Le rapport d’enquête administrative et la décision litigieuse n’ayant pas établi les faits pertinents, la chambre de céans n’a pas pu analyser l’application de l’art. 105 statut à un complexe de faits précis. S’il ne s’agit pas d’une invalidation du congé en raison d’une garantie de procédure comme dans l’arrêt précité 8C_421/2014, il ne s’agit pas non plus du constat, par la chambre de céans, de l’absence de motifs fondés de licenciement tel que dans l’ATA/347/2016 précité. Il ne peut cependant être considéré que l’absence de l’établissement correct et complet des faits ressortit de la seule responsabilité de l’autorité intimée. En effet, dès la décision d’ouverture d’une enquête administrative, le 26 août 2020, la procédure a fait l’objet de nombreux incidents soulevés par le recourant à l’instar des huit demandes de récusation des enquêteurs, toutes rejetées. Le nombre de témoins dont le recourant a sollicité l’audition voire la réaudition à plusieurs reprises, les nombreuses tensions ressortant des procès-verbaux, devenus verbatim en fin de procédure, quant au bien‑fondé d’une question posée par les enquêteurs ou le recourant, sa formulation, la formulation de la réponse donnée, tel que cela ressort, par exemple, des auditions de J______ le 6 juillet 2021 ou d’F______ le 25 juin 2021 pour ne prendre que les dernières, ainsi que les demandes de versement de diverses pièces à la procédure (courriers des 16, 21 septembre, 1er octobre, 2, 6, 8, 15, 16, 30 octobre 2020 pour ne mentionner que les premières semaines de la procédure) et l’important échange de correspondance entre le recourant et les enquêteurs en marge de l’enquête administrative, témoignent de conditions peu favorables à un établissement serein et efficient des faits pertinents, conditions essentiellement dues à l’attitude du recourant.

À cela s’ajoute que le comportement de l’intéressé sur son lieu de travail n’était pas exempt de tout reproche, ce qui ressort des pièces du dossier, y compris de certains témoignages, par exemple de M______, son ancien supérieur, voire même des évaluations faites depuis le début de son activité. Les reproches de comportement à son égard ont été constants tout au long de son contrat, ce qui tend à démontrer une absence de prise de conscience de la problématique par l’intéressé ou de volonté d’en changer.

Il doit cependant être retenu, en faveur du recourant, un contexte de tensions importantes au sein du service, datant de nombreuses années, sans avoir été résolu par les responsables hiérarchiques. De même, aucun entretien d’évaluation n’a été mené pendant de nombreuses années, alors même que leur importance avait été mise en évidence dans le rapport de 2013 de l’unité de psychologie du travail de la DRH. Enfin, l’autorité intimée a refusé de le réintégrer.

L’indemnité sera en conséquence, compte tenu des éléments précités, arrêtée à douze mois du dernier traitement mensuel brut du recourant. Elle comprendra le treizième salaire au prorata du nombre des mois fixés, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération. Elle n'est pas soumise à la déduction des cotisations sociales. La demande en fixation d’indemnité est ainsi partiellement admise.

Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de la ville (art. 87 al. 2 LPA). Ces émolument et indemnité s'ajoutent à ceux arrêtés le
16 mai 2023.

3.             Compte tenu des conclusions du recours et vu l’échelle des traitements de l’intimée, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2022 par A______ contre la décision de la Ville de Genève du 28 septembre 2022 ;

admet partiellement la demande en fixation d’indemnité de A______ ;

fixe l’indemnité due à A______ par la Ville de Genève, pour refus de réintégration, à douze mois de son dernier traitement mensuel brut, avec intérêts à 5% l’an à compter du 1er avril 2023 ;

condamne en tant que de besoin la Ville de Genève à verser ce montant sans délai, dès l’entrée en force du présent arrêt ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______ à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14 par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :