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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4115/2010

ATA/193/2014 du 01.04.2014 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 02.06.2014, rendu le 17.08.2015, PARTIELMNT ADMIS, 8C_785/12, 8C_421/2014
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; FONCTIONNAIRE ; RÉSILIATION ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : LPAC.21.al3 ; LPAC.22 ; LPAC.31.al3
Résumé : Violation du droit d'être entendu lors de la résiliation des rapports de service pour motif fondé, la fonctionnaire n'ayant pas pu s'exprimer avant que soit prise la décision de la licencier. Le licenciement étant contraire au droit, il est annulé. Le licenciement étant intervenu par décision exécutoire nonobstant recours, l'employeur n'étant pas revenu sur sa décision en cours de procédure, la chambre a retenu qu'il ne voulait pas la réintégrer. De surcroît, la recourante étant à la retraite anticipée, elle ne pouvait plus être réintégrée. Contrairement aux dernières jurisprudences de la chambre administrative, le versement d'une indemnité au sens de l'art. 31 al.3 LPAC n'est pas limité au cas où la réintégration peut encore intervenir. Revirement de jurisprudence. Dans la fixation de l'indemnité précitée il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce et de les apprécier sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects comme le fait d'avoir retrouvé ou non un emploi en cours de procédure. En l'occurrence indemnité arrêtée à quinze mois du dernier traitement brut de la recourante, sans intérêts moratoires en l'absence de conclusions sur ce point.
En fait
En droit

 

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4115/2010-FPUBL ATA/193/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er avril 2014

 

dans la cause

 

Madame X______
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Pierre Martin-Achard, avocat

 



EN FAIT

1) Madame X______, née le ______ 1948, a été engagée par les Institutions universitaires de gériatrie (ci-après : IUG), qui ont par la suite été intégrées aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en qualité de psychologue à 50 % en classe 16-18 (16/3) à partir du 1er mars 1990.

2) Dès le 1er octobre 1992, le taux d’activité de Mme X______ a passé à 75 %.

3) Le 1er mars 1993, Mme X______ a été nommée fonctionnaire. Son poste a été colloqué en classe 18 avec 4 annuités ; son salaire mensuel s’élevait à CHF 5’429,80.

4) Elle a fait l’objet d’une évaluation le 25 octobre 2001, qui n’a révélé aucun point à améliorer. Elle a souligné les points forts, tels les connaissances professionnelles, la qualité et le volume des prestations, l’autonomie et la flexibilité. Ces critères positifs ont été mis en perspective par l’évaluateur avec le rôle essentiel joué par l’intéressée dans le bon fonctionnement de la polygériatrie.

5) A la suite d’un changement de fonction, effectif au 1er décembre 2002, Mme X______ est devenue psychologue 2. Son salaire mensuel brut, correspondant à la classe 20 annuité 11, s’élevait à CHF 7’351,70.

6) L’Unité de gériatrie communautaire (ci-après : UGC) dans laquelle était employée l’intéressée, a été dirigée ad interim par la Doctoresse P______ depuis l’année 2004, soit depuis le départ du professeur Q______. Madame Y______ était responsable des ressources humaines de ladite unité.

7) Un certificat de travail intermédiaire du 29 janvier 2007 délivré par les HUG a mis en exergue les compétences et l’expérience professionnelle de l’intéressée. De nature indépendante, elle savait travailler de manière autonome et entretenait de très bons rapports avec les patients et usagers de l’unité. Elle collaborait quotidiennement et efficacement avec ses collègues au sein d’une équipe multidisciplinaire, à l’entière satisfaction de son employeur.

8) A partir du 18 juin 2007, Mme X______ a été affectée au site « campagne » de l’UGC, comprenant les établissements de Loëx et Belle-Idée, le site des Pâquis étant fermé. Les conditions d’emploi demeuraient inchangées.

9) Progressivement, les conditions de travail de Mme X______ ont évolué, son rattachement au site « campagne » l’éloignant de la plupart de ses patients résidant en ville et rendant sa mission plus difficile. A son avis, les relations avec sa hiérarchie étaient devenues plus tendues, ce qui l’avait incitée à interpeller l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) à propos du respect des conditions de travail.

10) A partir du 26 octobre 2009, Mme X______ s’est trouvée en incapacité totale de travailler pour cause de maladie. Son médecin-traitant, le Docteur Philippe MOURON, a diagnostiqué un épuisement physique et psychique.

Il a effectué des investigations plus complètes, et notamment un bilan sanguin, qui ont révélé des anomalies inexplicables. Ce praticien a alors adressé l’intéressée à la Doctoresse France LAURENCET, hématologue et oncologue, laquelle a poursuivi les investigations.

11) Madame Elisabeth CONNE PERREARD, médecin et inspecteur du travail, ainsi que Monsieur Mauro GERETTO, inspecteur du travail, travaillant tous deux à l’OCIRT, ont eu un entretien avec Mmes P______ et Y______ à Belle-Idée. Les inspecteurs ont également procédé à une inspection du site de Loëx.

Selon leur rapport du 23 novembre 2009, le service de gériatrie communautaire avait connu des changements importants les dernières années, avec une importante réduction du personnel, son redéploiement sur les sites de Loëx et de Belle-Idée, ainsi que la fermeture du site des Pâquis. Cette transition avait été vécue douloureusement par le personnel et avait coïncidé avec la mise en place d’outils de gestion administrative plus contraignants. L’activité des psychologues, qui se déroulait également au domicile des patients lorsque ces derniers n’étaient pas hospitalisés, engendrait des heures supplémentaires du fait des déplacements entre la ville et la campagne, avec les problèmes liés à leur décompte et leur rémunération. Cependant, l’égalité de traitement paraissait respectée pour la gestion des horaires, heures supplémentaires et récupérations. Le rapport aboutissait à des constats d’ordre général sur l’organisation du service, auxquels les HUG ont répondu par courrier du 15 janvier 2010.

12) Par lettre du 10 décembre 2009, les HUG ont invité Mme X______, qui n’avait pas repris le travail, à se présenter le 18 décembre 2009 à la consultation de la Doctoresse Chantal BONFILLON, leur médecin d’entreprise.

13) La Dresse BONFILLON a adressé un courriel aux HUG le 18 janvier 2010. Elle avait reçu l’intéressée en consultation le 11 janvier 2010. Mme X______ lui était apparue assez fragile sur le plan psychologique. Elle se sentait de plus en plus dévalorisée dans son activité, mal intégrée et vivant très mal la nouvelle manière de travailler imposée par la hiérarchie. Elle lui avait fait part de son désir de changer de service. En conséquence, la doctoresse avait proposé aux HUG d’examiner les modalités de reprise de travail de cette collaboratrice.

14) En janvier 2010, le Dr MOURON a eu un contact avec la Dresse BONFILLON pour faire le point de la situation et lui a expliqué les investigations en cours.

15) Entre les 8 mars et 5 avril 2010, Mme X______ a recommencé à travailler à 50 %, suivant l’avis médical du Dr MOURON. Dans le courant de ce même mois, la Dresse LAURENCET a cependant considéré que l’évolution de l’état de santé de l’intéressée nécessitait un arrêt de travail complet. Elle a donc délivré en avril 2010 un certificat d’incapacité de travail à 100 %, que le Dr MOURON a prolongé par la suite jusqu’à la fin de l’année 2010.

16) Pendant la période de reprise partielle de travail de Mme X______, soit en mars 2010, les HUG ont souhaité, en accord avec la Dresse BONFILLON, que leur collaboratrice soit soumise à une évaluation professionnelle.

17) Par courriel du 23 mars 2010, Mme X______ a indiqué à Mme  P______ qu’elle n’était pas en état de se soumettre à un tel entretien. Elle ne manquerait pas de faire savoir aux HUG à quel moment une telle évaluation serait envisageable.

18) Par pli du 4 mai 2010, les HUG ont soumis la situation de Mme X______ à leur médecin-conseil, le Docteur Christophe ANDREY, médecin généraliste. Ils ont invité l’intéressée à se présenter au cabinet de ce praticien le 17 mai 2010. Celle-ci ne s’est pas rendue à ce rendez-vous.

19) Le 25 mai 2010, le Dr ANDREY a informé les HUG qu’il avait reçu en consultation Mme X______. Pour l’instant, son incapacité de travail était justifiée mais il souhaitait avoir rapidement l’avis de la Doctoresse Véronique BÄHLER, psychiatre, concernant l’évaluation de la reprise de l’activité professionnelle de l’intéressée. Cette dernière avait émis le souhait de changer de poste de travail.

20) Par pli du 7 juin 2010, pour faire suite à sa récente visite chez le médecin-conseil et à son absence de longue durée, Mme Y______ a convoqué l’intéressée à un entretien fixé au 15 juin 2010, lequel a été reporté au 24 juin 2010 puis au 22 juillet 2010. Mme X______ a obtenu de pouvoir être accompagnée lors de cette entrevue à laquelle participerait également Monsieur  Z______, directeur des ressources humaines.

21) Sur requête de Mme X______, les HUG l’ont informée par courriel du 13 juillet 2010 que la réunion prévue porterait sur son absence de longue durée et sur la visite de l’OCIRT quant à ses conditions de travail, ainsi que sur un éventuel changement d’affectation qu’elle avait demandé.

22) Le 22 juillet 2010, l’entretien prévu a eu lieu, auquel ont participé Mme X______, assistée de Monsieur A______, représentant syndical, M. Z______ et Mme  Y______. Aucun procès-verbal n’en a été tenu.

23) Par courriel du 23 juillet 2010, l’intéressée a indiqué aux HUG que, suivant l’avis de son médecin qui n’était pas favorable à cette démarche, elle renonçait à consulter un expert psychiatre, contrairement à ce que son employeur avait préconisé.

24) Par courrier du 28 juillet 2010, les HUG ont confirmé à Mme X______ les éléments évoqués lors de la réunion du 22 juillet 2010.

Ils avaient pris connaissance de la prolongation de son incapacité de travail pour une durée indéterminée, sans retour envisageable à court terme, malgré le conseil du Dr ANDREY, qui préconisait un retour progressif sur le lieu de travail.

Il était ressorti des visites chez le médecin d’entreprise et chez le médecin conseil que l’absence de l’intéressée était liée à ses conditions de travail et à un conflit avec sa hiérarchie. Mme X______ n’ayant pas souhaité s’exprimer sur ce sujet, ils lui demandaient de se déterminer à ce propos, oralement ou par écrit pour évaluer la situation et favoriser son retour au travail. Un délai au 1er septembre 2010 lui était imparti à cet effet.

Compte tenu de son absence de longue durée, des démarches pour une annonce de son cas à l’assurance-invalidité (AI) allaient être entreprises par la responsable des ressources humaines, en collaboration avec l’infirmière de santé publique. Conformément à la demande du Dr ANDREY, elle devrait se soumettre à l’expertise d’un autre médecin-conseil, la Dresse BÄHLER, afin d’évaluer les possibilités de reprise de son activité professionnelle. Selon les dispositions statutaires de l’établissement, elle avait l’obligation de se soumettre à une telle expertise.

25) Le 4 août 2010, les HUG ont invité l’intéressée à se présenter à la consultation de la Dresse BÄHLER le 3 septembre 2010.

26) Dans un courriel du 1er septembre 2010, Mme X______ a informé les HUG que la Dresse BÄHLER avait annulé le rendez-vous lorsqu’elle avait appris qu’elle-même souhaitait se faire accompagner par M. A______. Pour sa part, n’ayant plus confiance dans la hiérarchie des HUG, elle n’accepterait plus aucun entretien de quelque nature qu’il soit sans être accompagnée de son avocat ou de M. A______. Pour le surplus, elle autorisait son psychothérapeute, le Docteur Daniel SMAGA, à transmettre aux HUG toutes les informations souhaitées.

27) Dans un courrier du 10 septembre 2010, les HUG ont répondu à Mme X______. Elle entravait fortement les démarches visant son retour en emploi, notamment en exigeant de se rendre avec un représentant syndical à la consultation de la Dresse BÄHLER demandée par le Dr ANDREY, alors que ces entretiens étaient strictement confidentiels et que la présence d’un tiers n’était pas acceptée.

Le manque de confiance évoqué suite à des expériences passées n’était pas admissible. Ils lui transmettaient une convocation à une consultation fixée le 23 septembre 2010 auprès de la Dresse BÄHLER, à laquelle ils l’enjoignaient de se rendre seule.

Il avait été établi, suite à sa visite chez la Dresse BONFILLON le 11 janvier 2010, que son retour en emploi était fortement préconisé.

Par ailleurs, Mme X______ ne s’était pas déterminée dans le délai imparti au 1er septembre 2010, s’agissant de ses conditions de travail. Elle était dès lors convoquée à un entretien le 5 octobre 2010. En cas de non-respect de ces dispositions, les HUG se verraient dans l’obligation de prendre des mesures plus drastiques à son égard.

28) Par lettre du 24 septembre 2010, les HUG ont relevé que l’intéressée ne s’était pas rendue à la consultation de la Dresse BÄHLER le 23 septembre 2010, et ce sans avertissement préalable.

29) Par courriel du 29 septembre 2010, Mme X______ a rappelé que son absence de son lieu de travail était justifiée par un certificat médical.

En outre, le 25 mai 2010, le Dr ANDREY avait délivré un document certifiant que l’arrêt maladie dont elle bénéficiait était justifié.

Elle ne s’opposait pas à ce que son dossier médical soit ouvert à un tiers.

Mme X______ connaissait professionnellement la Dresse BÄHLER pour avoir fréquenté des séminaires au sein du service d’alcoologie, dont cette dernière était médecin-chef. Elle ne souhaitait pas qu’elle l’examine.

Pour le surplus, le courrier des HUG du 10 septembre 2010 ne contenait pas de convocation pour un rendez-vous fixé le 23 septembre 2010. Cela s’était déjà produit précédemment, lors du premier rendez-vous avec le Dr ANDREY. N’ayant pas reçu de convocation, Mme X______ n’avait pas pu se rendre au rendez-vous.

Ainsi qu’elle l’avait déjà demandé, elle souhaitait obtenir une copie du rapport de la Dresse BONFILLON affirmant que son retour au travail était fortement préconisé. A son souvenir, ce médecin lui avait affirmé le contraire. Par ailleurs, un retour partiel avait été décidé par le Dr MOURON et avait été tenté en avril 2010, suivi d’un arrêt rapide dû aux mauvais résultats de ses analyses médicales.

Suite à l’entrevue du 22 juillet 2010, acceptée sans obligation de sa part du moment qu’elle était en arrêt maladie, elle avait commencé la rédaction d’un document relatant les conditions de travail au sein de l’UGC. Elle avait d’ailleurs envoyé un courriel à M. Z______ pour obtenir une prolongation du délai imparti.

Les HUG lui reprochaient de n’avoir effectué aucune démarche, ce qu’elle contestait. Ce parti pris négatif la gênait et accentuait l’état de vulnérabilité dans lequel elle se trouvait. Aussi, suivant le conseil du Dr SMAGA, elle renonçait à la convocation du 5 octobre 2010.

30) Par décision du 22 octobre 2010, envoyée par plis simple et recommandé, les HUG ont licencié Mme X______ pour motifs fondés avec effet au 31 janvier 2011, conformément à l’art. 22 let. c de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

Lors de l’entretien du 22 juillet 2010, l’intéressée avait eu le loisir de s’exprimer, de sorte que son droit d’être entendu avait été respecté. Malgré un avis de retour en emploi de la Dresse BONFILLON depuis le mois de janvier 2010, Mme X______ n’avait pas réintégré son poste de travail et elle avait entravé les démarches liées à la gestion de son absence en omettant de se présenter chez le médecin-conseil spécialisé, et ce malgré deux convocations. Le lien de confiance les liant à cette collaboratrice était définitivement rompu. Ils ont invoqué la disparition durable d’un motif d’engagement. Ladite décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

31) Par acte du 1er décembre 2010, Mme X______ a formé recours auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), contre la décision des HUG du 22 octobre 2010. Elle a conclu, principalement, à la constatation de la nullité de celle-ci et, à titre subsidiaire, à la constatation que ladite décision était contraire au droit. Partant, elle a sollicité sa réintégration au sein des HUG. Si celle-ci était refusée, ces derniers devraient être condamnés au versement de la somme correspondant à vingt-quatre mois de salaire brut.

La décision de licenciement était nulle parce que son droit d’être entendu avait été violé. En effet, elle n’avait jamais été en mesure de s’exprimer sur une telle éventualité. La possibilité d’un licenciement n’avait pas été abordée lors de l’entretien du 22 juillet 2010, les discussions ayant porté sur son éventuel transfert dans une autre unité. Aucun grief n’avait été formulé à son encontre. M. Z______ s’était enquis des conditions de travail au sein de l’unité et du conflit entre elle-même et ses supérieurs hiérarchiques.

Le congé était également contraire au droit puisqu’il n’existait pas de motif fondé. Les HUG lui reprochaient de ne pas avoir offert sa prestation de travail à l’issue de l’entretien avec la Dresse BONFILLON et lui faisaient également grief de ne s’être pas présentée à deux reprises aux rendez-vous fixés avec la Dresse BÄHLER. Or, la Dresse BONFILLON n’avait pas indiqué que son incapacité de travail n’était pas réelle. Elle s’était contentée de préciser que les modalités d’un retour au travail devaient être discutées, relevant par ailleurs qu’elle lui était apparue fragile. Le Dr ANDREY, médecin-conseil des HUG, avait confirmé que son incapacité de travail n’était pas feinte. Le premier rendez-vous avec la Dresse BÄHLER avait été annulé par la doctoresse elle-même. Quant au second, elle n’en avait pas eu connaissance.

32) Le 21 janvier 2011, les HUG ont conclu au rejet du recours.

La recourante avait violé ses devoirs de service en refusant de se soumettre à une évaluation professionnelle au printemps 2010, alors qu’elle avait repris le travail, ainsi que de se rendre aux différents rendez-vous fixés par les HUG avec leur médecin-conseil. Elle avait en outre refusé de se déterminer, tant oralement que par écrit, sur les conditions de travail qui auraient été en lien avec son absence. Elle ne s’était pas rendue à l’entretien fixé par sa hiérarchie le 5 octobre 2010. Un tel comportement, qui entravait fortement les démarches liées à la gestion de son absence, voire à son retour en emploi, avait rompu le lien de confiance liant la recourante aux intimés. Aucune mesure moins incisive n’était envisageable, la recourante refusant tant de se soumettre à une expertise médicale que de revenir travailler, ou même d’entamer une discussion avec sa hiérarchie sur la problématique liée à son poste de travail.

En adoptant d’entrée de cause une attitude dilatoire, voire de refus systématique vis-à-vis des HUG et des possibilités que lui offraient ceux-ci pour faire valoir son point de vue, la recourante avait renoncé par actes concluants à son droit d’être entendu. Ainsi, alors même qu’elle était assistée par un représentant syndical, elle n’avait pas donné suite en toute connaissance de cause à la proposition des HUG de s’exprimer oralement ou par écrit sur ses conditions de travail, qui étaient en lien avec son absence. Elle avait par ailleurs expressément renoncé à l’entretien que lui avait fixé sa hiérarchie le 5 octobre 2010. Au vu de ce qui précédait, la décision querellée respectait les dispositions légales et réglementaires pertinentes, ainsi que les principes généraux du droit administratif. Si par impossible la chambre de céans devait prononcer l’annulation de la décision querellée, les HUG considéreraient que le versement d’une indemnité supérieure à un mois de traitement n’était pas justifié.

33) Le juge délégué a entendu les parties le 14 février 2011.

a. La recourante avait été en incapacité totale de travailler du 26 octobre 2009 jusqu’au 7 mars 2010. Elle avait repris le travail à 50 % le 8 mars 2010 et jusqu’au 5 avril 2010. Depuis le 6 avril 2010, elle était à nouveau en arrêt complet de travail. Le premier arrêt de travail avait été ordonné par son médecin-traitant, le Dr MOURON, le deuxième avait été ordonné par la Dresse LAURENCET, puis il avait été prolongé par le Dr MOURON jusqu’à la fin de l’année 2010. La Dresse LAURENCET avait poursuivi ses investigations et prescrit un traitement médicamenteux. Parallèlement, elle avait adressé la recourante au Dr SMAGA pour un soutien psychologique.

Dans le courant de l’année 2010, avant qu’elle ne reçoive la lettre de licenciement, les médecins avaient diagnostiqué une tumeur à l’estomac, dont ils ignoraient si elle était de nature cancéreuse. La recourante attendait d’être opérée. Ce n’était pas la seule affection qui avait été détectée.

Ses problèmes de travail avaient surgi lorsque Mme P______ avait repris la responsabilité de l’unité. Les critiques que cette dernière lui adressait l’avaient beaucoup affectée. Elles étaient très explicites. Elle s’était sentie discriminée et dénigrée. C’était la raison pour laquelle elle s’était adressée à l’OCIRT.

Elle contestait avoir refusé d’être évaluée. Un entretien avait été initialement prévu en septembre 2009, mais avait été repoussé par Mme P______. Peu de temps après la reprise du travail à temps partiel en mars 2010, elle avait été convoquée pour une nouvelle séance, qu’elle avait déclinée en raison de ses problèmes de santé et parce qu’elle avait rendez-vous avec la Dresse LAURENCET.

Lors de l’entretien du 22 juillet 2010, Mme Y______ lui avait demandé d’entrée de cause pourquoi elle ne travaillait pas alors qu’elle avait produit des certificats médicaux. Au cours de cet entretien, il n’avait jamais été question d’un licenciement. A ce moment-là, elle ne se sentait pas assez en forme pour parler de ses problèmes de travail, qui l’avaient profondément affectée. C’était pour cette raison qu’elle avait accepté, à la demande de ses interlocuteurs, de s’exprimer par écrit. Par courriel du 2 septembre 2010, elle avait demandé à M. Z______ de prolonger le délai qui lui avait été imparti. Au cours de l’entretien du 22 juillet 2010, M. Z______ lui avait indiqué qu’une demande d’AI allait être formulée par les HUG. Ces derniers n’entendaient pas la transférer dans un autre service. M. Z______ était également surpris qu’elle n’ait pas fait l’objet d’évaluations depuis 2001.

Elle avait refusé de se rendre seule au rendez-vous chez la Dresse BÄHLER parce qu’elle la connaissait à l’époque où elle travaillait en alcoologie. Elle était dans un état d’extrême faiblesse et rien que le fait de se déplacer était un problème. Pour le surplus, elle avait délié son psychothérapeute de son secret médical pour répondre aux questions des HUG. Le 5 octobre 2010, elle était toujours en arrêt maladie et le Dr SMAGA lui avait fortement déconseillé de se rendre à l’entretien en raison de son état de santé. Ce dernier praticien lui avait délivré un certificat médical daté du 4 octobre 2010, attestant qu’elle était dans l’incapacité de participer à un entretien professionnel pour des raisons médicales. Elle avait omis de transmettre ce document aux HUG. Elle l’a produit en audience.

b. Selon Mme Y______, qui représentait les HUG, ceux-ci ne connaissaient pas la situation médicale de la recourante dans le détail. Jusqu’à la lettre de licenciement, toute la période d’incapacité de travail avait été couverte par des certificats médicaux d’arrêt de travail émanant de son médecin-traitant. La Dresse BONFILLON était intervenue en janvier 2010 et, par la suite, la recourante avait été examinée par le Dr ANDREY, qui était le référent médical des HUG. Ce dernier avait admis son incapacité de travail mais souhaitait l’avis d’un spécialiste pour confirmer son opinion. Comme la rencontre avec la Dresse BÄHLER n’avait pas pu avoir lieu en raison de l’opposition de la recourante, les HUG avaient considéré qu’elle était apte au travail.

Le but de l’entretien du 22 juillet 2010 était d’examiner les modalités de reprise de travail de la recourante. Il s’agissait de déterminer si un autre poste pouvait lui convenir. Le 13 juillet 2010, Mme  Y______ avait confirmé à Mme X______ les sujets qui seraient abordés le 22 juillet 2010. Elle avait précisé que les HUG voulaient déterminer dans quelle mesure il serait possible de proposer un changement d’affectation, mais également aborder la question des conditions de travail dont se plaignait la recourante. L’OCIRT avait effectué une enquête et dressé un rapport qui n’avait révélé aucun mobbing ni traitement différencié des collaborateurs. Selon les HUG, la plainte de la recourante n’était pas fondée.

Au cours de l’entrevue du 22 juillet 2010, M. A______ avait évoqué les conflits de Mme X______ avec sa hiérarchie. La responsable des ressources humaines en ignorait l’existence. Elle savait seulement que Mme  P______ avait souhaité procéder à une évaluation de la recourante, qui n’avait jamais pu avoir lieu. Interpellée sur cette question, Mme X______ avait refusé de s’exprimer. Les HUG lui avaient alors demandé de formuler ses griefs par écrit et un délai au 1er septembre 2010 lui avait été accordé à cet effet. A cette occasion, les HUG lui avaient également indiqué qu’elle serait examinée par la Dresse BÄHLER, qui était le seul spécialiste psychiatre médecin-conseil des HUG dans ce domaine. Ces derniers étaient obligés de s’adresser aux médecins-conseil désignés avec lesquels ils avaient des conventions. La Dresse BÄHLER n’avait aucun problème d’ordre déontologique à recevoir la recourante. La décision de licenciement avait été prise suite à l’annulation de l’entretien du 5 octobre 2010. Les HUG n’avaient pas reçu le certificat médical du 4 octobre 2010.

34) En date du 19 septembre 2011, le juge délégué a procédé à l’audition de témoins, à savoir MM. Z______ et A______, et les docteurs MOURON et SMAGA.

a. M. Z______ avait participé au rendez-vous du 22 juillet 2010 à la demande de Mme  Y______, qui avait des difficultés à entrer en contact avec Mme X______. Selon la Dresse BONFILLON, la recourante était susceptible de reprendre le travail en janvier 2010. Le Dr ANDREY avait confirmé le fait qu’elle était incapable de travailler en mai 2010. Cependant, il souhaitait obtenir l’avis d’un médecin psychiatre. Les docteurs BONFILLON et ANDREY savaient qu’elle désirait changer de service et en avaient informé le service des ressources humaines. Il voulait comprendre les raisons de ce désir. L’entretien du 22 juillet 2010 avait trois objectifs. Tout d’abord, entendre la recourante sur sa situation et ses intentions de retour au travail, ainsi que sur les raisons pour lesquelles elle souhaitait changer de service. Ensuite, l’informer de ce que la responsabilité de l’employeur était d’entreprendre des démarches pour annoncer son cas à l’AI. Enfin, lui rappeler ses obligations, notamment celle de consulter un médecin-conseil spécialisé, sur proposition du Dr ANDREY. Mme X______ n’avait pas voulu s’exprimer sur les raisons pour lesquelles elle voulait changer de service. Il lui avait imparti un délai pour le faire par écrit. Il n’avait pas le souvenir d’avoir reçu un courriel lui demandant de prolonger ce délai. Elle n’avait fait aucun commentaire sur la question de la rente AI. Sur le moment, elle ne s’était pas opposée à la rencontre avec un médecin-conseil spécialisé, mais l’avait fait par courrier dès le lendemain. A son souvenir, le risque d’un licenciement n’avait pas été évoqué lors de l’entrevue du 22 juillet 2010. Il avait cependant mentionné le risque que les HUG prennent des mesures plus drastiques si elle ne suivait pas leurs injonctions.

Le 10 septembre 2010, M. Z______ avait signé un courrier à l’attention de Mme X______ pour lui fixer un nouvel entretien pour le 5 octobre 2010. Ce courrier n’était parti que le 13 septembre 2010, accompagné d’une convocation invitant la recourante à se présenter le 23 septembre 2010 chez la Dresse BÄHLER. La décision de la licencier avait été prise par le bureau du conseil d’administration des HUG, suite à son refus de se laisser examiner par la Dresse BÄHLER et de se rendre à la convocation du 5 octobre 2010. Il n’avait pas eu de contact avec la Dresse BONFILLON. Il n’avait pas le souvenir que celle-ci ait fourni d’autres certificats ou avis médicaux concernant la recourante après celui du 18 janvier 2010.

b. Selon M. A______, à aucun moment il n’avait été question de licenciement au cours de l’entretien du 22 juillet 2010. La recourante avait demandé s’il était possible de changer de poste mais M. Z______ lui avait répondu que cela n’était pas envisageable à ce stade. A la fin de l’entretien, M. Z______ avait remercié la recourante de s’être déplacée car elle n’y était pas obligée, en raison de sa maladie.

c. Le Dr MOURON avait été consulté pour la première fois par Mme X______ en janvier 2009, dans le cadre d’un bilan général de santé. Le problème des conflits sur le lieu de travail avait surgi à l’automne 2009, lorsqu’il lui avait prescrit un arrêt de travail. Elle avait fait l’objet d’évaluations négatives, dont elle ne comprenait pas le sens ni la justification. De ce fait, elle n’arrivait plus à travailler de manière satisfaisante. Il avait effectué des investigations plus complètes et le bilan sanguin avait révélé des anomalies inexplicables. Au début de l’année 2010, la recourante souffrait de problèmes de sommeil, d’appétit et elle perdait du poids. Il l’avait envoyée chez la Dresse LAURENCET, qui avait poursuivi des investigations. En avril 2010, cette dernière avait considéré que l’évolution nécessitait un arrêt de travail complet. Selon le dossier du Dr MOURON, la recourante avait été adressée à un gastro-entérologue pour effectuer une gastroscopie en octobre 2010. Cet examen avait révélé une tumeur neuroendocrine de l’estomac. Mme X______ avait été envoyée au service de gastroentérologie des HUG, qui avait poursuivi les investigations car la thérapeutique de ce genre d’affection n’était pas évidente. En juin 2011, elle avait subi l’ablation de la moitié des lésions constatées. Elle devait faire l’objet d’une nouvelle opération. Ainsi, depuis le certificat d’incapacité de travail de la Dresse LAURENCET, Mme X______ avait toujours été en incapacité de travail complète. Sa patiente l’avait déliée du secret médical vis-à-vis des HUG.

En janvier 2010, il avait fait le point de la situation avec la Dresse BONFILLON, en lui expliquant les investigations en cours. Il avait été contacté à une reprise en mai 2010 par le Dr ANDREY. Ce dernier était d’avis, qu’à cette date, Mme X______ n’était pas capable de travailler. Il voulait qu’elle consulte un spécialiste pour évaluer son état psychologique.

Depuis l’été 2010, la recourante était également suivie par un médecin psychiatre, le Dr SMAGA. Le Dr MOURON l’avait revue le 9 août 2010. A cette occasion, elle ne lui avait pas indiqué que le service des ressources humaines des HUG voulait qu’elle consulte un médecin-conseil psychiatre. Ce n’était qu’en septembre 2010 qu’elle lui avait fait part de son obligation de se rendre chez la Dresse BÄHLER. Comme elle connaissait professionnellement celle-ci, elle ne voulait pas se rendre seule à ce rendez-vous. Il ne s’était jamais opposé à ce que Mme X______ rencontre ce médecin-conseil. Il l’avait toujours encouragée à se rendre à ces rendez-vous, de préférence accompagnée, puisqu’elle avait tendance à ne pas avoir confiance en l’institution qui l’employait.

d. Le Dr SMAGA suivait Mme X______ depuis juillet 2010. Elle l’avait sollicité car il était spécialiste du stress et du stress traumatique. Lorsqu’elle l’avait consulté, elle présentait un état de stress très important et de vives tensions. Elle avait tendance à se culpabiliser et à se blâmer des difficultés qu’elle rencontrait dans sa profession. Sur le plan psychiatrique, sa capacité de travail était nulle car elle souffrait de perte de concentration et d’attention, ce qui la rendait incapable de travailler. Elle avait extrêmement peur de se rendre sur son lieu de travail. Cela engendrait quasiment une peur panique. Elle avait été suivie à la même époque par le Dr MOURON et par d’autres médecins au sujet de ses problèmes physiques. Des investigations étaient en cours, avec des craintes qu’elle souffre d’une tumeur cancéreuse. Toutefois, ce qui l’affectait le plus était sa situation professionnelle. La confrontation avec sa hiérarchie et le service des ressources humaines des HUG avait constitué le sujet de la majeure partie des entretiens qu’ils avaient eus en été 2010, car elle éprouvait des difficultés à affronter ces épisodes. Il avait dressé une anamnèse de sa patiente et, en fonction de ce qu’il avait pu reconstituer, il avait constaté qu’elle avait toujours eu une grande capacité à s’adapter de manière adéquate aux situations difficiles, sans avoir besoin de soutien psychiatrique. En revanche, il avait l’impression qu’en 2010 la pression extérieure et le sentiment de rejet et d’exclusion avaient pris le dessus. Elle souffrait d’un manque de considération extrême, et c’était ce qui la touchait le plus. Elle était très méfiante par rapport à l’institution. De ce fait, tout entretien avec ses employeurs était susceptible de générer une incompréhension. En septembre 2010, sa patiente était très déprimée. Il ne pouvait pas exclure le risque de suicide. Il lui avait déconseillé de se rendre chez la Dresse BÄHLER. Il était préférable qu’elle puisse se rendre à ces rendez-vous accompagnée. Cela l’aurait aidée à apaiser la situation. Il avait bien établi le certificat médical du 4 octobre 2010. Il avait tout de même proposé à Mme X______ d’aller à l’entretien. Si elle n’y arrivait pas, elle pourrait produire ce certificat médical. Il ne se rappelait pas si sa patiente l’avait délié du secret médical pour permettre aux HUG d’obtenir des informations. En été et automne 2010, il avait vu la recourante une fois par semaine. Actuellement, il la voyait beaucoup moins. Il ne lui avait jamais prescrit de traitement médicamenteux, même s’ils en avaient discuté.

35) Par pli du 18 octobre 2011, les HUG ont indiqué au juge délégué que la recourante était au bénéfice d’une pension de retraite mensuelle de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (ci-après : CEH) depuis le 1er février 2011. Il n’était donc pas exclu qu’elle soit également au bénéfice de prestations de l’AI.

36) Dans un courrier remis le 7 novembre 2011 au greffe de la chambre administrative, Mme X______ a confirmé qu’elle était au bénéfice d’une pension mensuelle s’élevant à CHF 5’018,35, à titre de retraite anticipée dès le 1er février 2011.

La proposition de prendre une retraite anticipée avait été formulée par le service des ressources humaines des HUG. Sans ressources à partir du 1er février 2011, et après avoir examiné les inconvénients respectifs du chômage et de la retraite anticipée, elle avait opté pour cette deuxième solution. Cependant, ce choix lui faisait perdre environ CHF 300.- par mois sur le montant de sa pension jusqu’à la fin de ses jours. Elle n’aurait jamais choisi de prendre une retraite anticipée si elle n’y avait pas été contrainte par son employeur. Pour le surplus, elle maintenait toutes ses conclusions.

37) Le même jour, la Doctoresse B______ a été entendue comme témoin lors d’une nouvelle audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

a. Elle avait été employée comme médecin interne aux HUG d’octobre 2006 à septembre 2007. Elle avait travaillé pendant six mois à l’Hôpital des Trois-Chênes, puis durant six mois à Loëx. Dans ce dernier hôpital, elle avait collaboré avec la recourante dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire. Celle-ci était composée de trois à quatre médecins, d’un à deux psychologues, d’une assistante sociale, sans compter les ergothérapeutes et infirmières. L’ambiance était tendue en raison d’un processus de restructuration au sein des HUG, qui touchait essentiellement la gériatrie et la psychiatrie. Il lui était arrivé plusieurs fois de se rendre au domicile de certains patients en compagnie de Mme X______ pour effectuer des évaluations.

A diverses reprises, Mme P______ lui avait téléphoné pendant ces visites pour s’assurer que la recourante l’accompagnait. Elle n’avait jamais reçu de tels appels téléphoniques lorsqu’elle était accompagnée d’autres personnes. Mme  P______ ne lui avait jamais fourni d’explications sur les raisons de ces appels. Elle n’avait que peu de contacts avec elle. Selon toute vraisemblance, le seul objet de ces appels était de s’assurer que Mme X______ se trouvait bien avec elle. A la place de la recourante, elle ne les aurait pas appréciés. Cette dernière avait eu connaissance de ces appels puisqu’elle se trouvait à ses côtés lorsqu’elle les recevait.

D’une manière générale, elle avait constaté, notamment au cours de colloques, que des personnes qui n’avaient pas la qualification professionnelle requise se permettaient de faire des remarques critiques sur le travail de la recourante en réunion de service. Celui-ci était composé essentiellement de personnel féminin et certains membres avaient une personnalité un peu « hypertrophiée ». Certaines personnes espéraient prendre la place d’autres dans le service. Mme X______ n’était pas la seule à « être en souffrance » dans cette unité. Elle-même avait reçu les confidences d’une infirmière qui se plaignait des pressions qu’elle subissait de la part d’autres collaborateurs. Selon elle, Mme  P______ n’exerçait pas ses fonctions d’organisatrice de manière adéquate.

La Dresse B______ avait toujours été satisfaite des évaluations de patients que Mme X______ avait effectuées à sa demande. Elle connaissait bien leurs dossiers lorsqu’elle se rendait à leur domicile et elle était compétente dans leur prise en charge.

b. Mme X______ avait appris sa mise à la retraite anticipée par courrier de la CEH du 27 janvier 2011. N’ayant pas fait de demande en ce sens, elle avait réclamé des explications à la CEH. Elle avait été reçue par Madame  C______, qui lui avait indiqué que c’était une décision des HUG. Elle avait été étonnée que la recourante n’ait pas sollicité le PLEND. Mme C______ avait téléphoné à Mme  Y______, qui lui avait confirmé qu’il s’agissait d’une mise à la retraite sans PLEND.

c. Mme Y______ n’avait aucun souvenir de cet entretien téléphonique. La mise à la retraite anticipée de la recourante n’était pas intervenue à l’initiative des HUG. Quant au PLEND, il devait être sollicité par le bénéficiaire. Tout départ d’un collaborateur était signalé à la CEH. Les HUG ne demandaient pas de mise à la retraite.

d. Lors de cette audience, la recourante a produit une copie écran du mail du 2 septembre 2010 demandant à M. Z______ le report du délai du 1er septembre 2010. Les HUG se sont opposés à la production de ce document, le considérant tardif. Le juge délégué a imparti un délai au 17 novembre 2011 aux HUG pour se prononcer sur la validité de cette pièce, la suite de la procédure devant être fixée ultérieurement.

38) Après avoir sollicité une prolongation du délai imparti, les HUG se sont déterminés le 28 novembre 2011.

Selon leur service informatique, le contenu d’un message n’était récupérable que dans le délai de trente jours. Ce message datant de septembre 2010, il était impossible de déterminer si ce courriel avait été reçu par les HUG, voire même réellement envoyé par la recourante. S’il avait été reçu, il aurait été classé dans le dossier de la recourante, ce qui n’était pas le cas. Envoyé le 2 septembre 2010, le courriel était tardif puisque le délai imparti expirait le 1er septembre 2010.

39) Par courrier du 1er décembre 2011, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 5 janvier 2012 pour formuler des observations finales, la cause étant ensuite gardée à juger. A la demande des parties, ce délai a été prolongé au 16 janvier 2012.

40) Dans leurs écritures du 16 janvier 2012, les parties ont développé en substance l’argumentation déjà exposée précédemment et ont persisté dans leurs conclusions respectives.

Pour le surplus, Mme X______ a fait valoir que la décision de licenciement était également nulle pour le motif qu’elle lui avait été notifiée en octobre 2010 alors qu’elle venait de découvrir qu’elle souffrait d’une tumeur neuroendocrine de l’estomac. En conséquence, ladite résiliation était intervenue en temps inopportun, pendant la période de protection de cent quatre-vingts jours.

41) Le 19 janvier 2012, les HUG ont répliqué au dernier argument soulevé par la recourante. Les symptômes de cette tumeur gastrique existaient déjà lors du premier arrêt de travail en automne 2009 ; par conséquent, la période de protection était terminée lorsque la décision de licenciement lui avait été notifiée.

42) Le 24 janvier 2012, le juge délégué a retourné aux HUG leur écriture spontanée du 19 janvier 2012, puisqu’ils n’étaient pas autorisés à répondre à l’argumentation développée par la recourante dans ses observations finales.

43) Par courrier du 26 janvier 2012, les HUG ont renvoyé à la chambre administrative leur réplique du 19 janvier 2012, en invoquant des jurisprudences qui, à leur sens, les autorisaient à déposer une telle écriture.

44) Le 23 avril 2012, le juge délégué a informé les parties que la recevabilité des écritures du 19 janvier 2012 serait traitée en même temps que le fond du litige.

45) Selon le bulletin de salaire de janvier 2011, le dernier traitement mensuel brut de la recourante s’élevait à CHF 8’080,50.

46) Le juge délégué a informé les parties par pli du 3 juillet 2012 que la cause était gardée à juger.

47) Le du 21 août 2012, la chambre administrative a rendu un arrêt, dont le dispositif principal était le suivant :

« à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2010 par Madame  X______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 22 octobre 2010 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate que la décision des Hôpitaux Universitaires de Genève du 22 octobre 2010 prononçant le licenciement de Madame X______ est contraire au droit ;

dit que les Hôpitaux Universitaires de Genève doivent verser à Madame  X______ le montant correspondant à vingt-quatre mois de son dernier traitement brut, sous déduction des montants qu’elle a perçus et percevra à titre de rente à partir du 1er février 2011 jusqu’au 31 janvier 2013 ;

les y condamne en tant que de besoin ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame X______ une indemnité de procédure de CHF 2’000.- à la charge des Hôpitaux Universitaires de Genève ».

Le droit d’être entendu de la recourante n’avait manifestement pas été respecté avant de la licencier. En effet, l’entretien du 22 juillet 2010 n’avait pas porté sur l’éventualité d’un licenciement et elle n’avait jamais eu l’occasion de se déterminer à ce propos. Les HUG avaient totalement méconnu la situation personnelle dans laquelle leur collaboratrice se trouvait. Ils avaient persisté à étudier les modalités de reprise du travail en se fondant sur un avis médical de janvier 2010 alors même que les médecins qui suivaient la recourante, ainsi que leur propre médecin-conseil, avaient ultérieurement constaté sa réelle incapacité de travail pour des raisons médicales. Alors même que celle-ci affrontait de sérieux problèmes de santé, le fait qu’ils aient nié la gravité de son cas avait contribué à provoquer une perte de confiance en elle. Même si la réticence de la recourante à être examinée par la Dresse BÄHLER pouvait se comprendre, le fait qu’elle n’ait pas été en mesure, comme les HUG le lui avaient demandé, d’exposer les difficultés qu’elle rencontrait était moins compréhensible. En fonction de l’ensemble de ces circonstances, la violation de son droit d’être entendu n’avait pas pour conséquence la nullité du licenciement mais son annulation.

Comme la recourante était à la retraite depuis le 1er février 2012, elle ne pouvait plus être réintégrée. En cas de licenciement contraire au droit sans possibilité de réintégration, l’art. 31 al. 3 LPAC prévoyait le versement d’une indemnité, non pas dans le but de réparer un éventuel tort moral ou de sanctionner un licenciement abusif mais dans celui de pallier le refus de l’employeur de réintégrer la personne qui aurait été licenciée à tort. En l’espèce, la recourante s’était trouvée contrainte d’accepter une mise à la retraite anticipée, avec un important préjudice financier lié à la diminution de ses revenus. Son cas différait de celui du fonctionnaire licencié sans droit qui avait la possibilité de retrouver du travail et qui pourrait obtenir une indemnisation couvrant la période où il n’en aurait pas retrouvé. Elle avait donc droit au paiement d’une indemnité représentant la différence entre le dernier salaire qu’elle avait perçu et le montant de sa rente de retraitée.

48) Les HUG ont interjeté un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt précité, concluant à son annulation.

La chambre administrative avait établi les faits de manière inexacte en retenant que leur collaboratrice avait été obligée d’accepter une mise à la retraite anticipée. En effet, jamais ils n’intervenaient auprès de la caisse de retraite pour demander la mise à la retraite anticipée d’un membre de leur personnel. C’était Mme X______ qui, de manière délibérée, avait décidé de ne pas s’inscrire au chômage et demandé sa mise à la retraite anticipée.

La chambre administrative avait en outre appliqué de manière arbitraire le droit cantonal en les condamnant à lui verser une indemnité de licenciement. La juridiction cantonale avait fait fi de sa jurisprudence, à teneur de laquelle elle avait toujours considéré que l’indemnité ne pouvait être accordée en cas de licenciement contraire au droit que si la réintégration pouvait encore intervenir, l’indemnité n’ayant pas une fonction punitive ou réparatrice. Ainsi, ils avaient été condamnés à tort à lui verser une indemnité puisqu’elle avait pris sa retraite. Le recours de la recourante contre le refus de lui verser une indemnité à la suite de la fin des rapports de service aurait dû être déclaré irrecevable, faute d’intérêt actuel.

49) Mme X______ a conclu au rejet du recours.

La chambre administrative avait à juste titre retenu qu’elle s’était trouvée dans l’obligation d’accepter sa mise à la retraite anticipée, n’ayant aucun choix si elle ne voulait pas tomber à l’assistance publique.

Concernant la question de l’indemnisation à la suite d’un licenciement contraire au droit, la présente cause révélait l’inadéquation de la jurisprudence restrictive de la chambre administrative, qui conditionnait le versement d’une indemnité à la possibilité de réintégrer la collaboratrice. Sous cet angle, la solution adoptée par l’instance de recours n’avait rien d’arbitraire.

50) Par arrêt du 5 mars 2013 (8C_785/2013) le Tribunal fédéral a admis le recours des HUG et annulé l’arrêt précité. Celui-ci, par ses conséquences, allait à l’encontre de la jurisprudence constante de la chambre administrative, selon laquelle l’indemnité de licenciement n’avait pas de fonction punitive ou réparatrice mais dépendait de la possibilité de réintégration du collaborateur. La chambre de céans avait certes considéré que le cas d’espèce différait de celui du fonctionnaire licencié de manière contraire au droit et qui pouvait retrouver un emploi équivalent. Elle s’était cependant fondée sur des éléments de fait non clairement établis, soit l’obligation de Mme X______ d’accepter sa mise à la retraite anticipée et le préjudice financier qui s’en serait suivi, soit la perte de la différence en son dernier traitement et le montant qu’elle percevait de sa caisse de retraite. En outre, la chambre administrative n’avait pas motivé de manière claire les raisons qui l’avaient conduite à s’écarter de son interprétation traditionnelle des règles légales en matière d’indemnisation. La cause devait lui être retournée, pour qu’elle améliore la motivation de sa décision ou qu’elle l’annule.

51) A réception de cet arrêt, le juge délégué a ordonné un nouvel échange d’écritures pour compléter l’instruction au sujet des circonstances dans lesquelles Mme X______ avait pris sa retraite anticipée et les conséquences que cela avait eu sur le plan financier.

52) La recourante s’est déterminée le 21 mai 2013. Elle persistait dans ses conclusions.

Sa mise à la retraite anticipée était consécutive à une décision des HUG. Elle avait reçu le 27 janvier 2011 un courrier de la CEH lui annonçant qu’elle avait fait valoir son droit à la retraite alors qu’il n’en était rien. Renseignements pris, ce qui avait déclenché ce courrier était une annonce de démission transmise par les HUG à la caisse de prévoyance.

Elle versait à la procédure une copie dudit courrier. A teneur de celui-ci, la CEH l’avisait avoir été informée par son employeur qu’elle faisait valoir ses droits à la retraite dès le 1er février 2011. Elle avait le choix entre le versement d’une pension ordinaire de retraite d’un montant de CHF 5’018,35, celui d’une pension réduite de retraite d’un montant mensuel de CHF 4’819,75 et d’une pension complémentaire temporaire versée jusqu’à 60 ans de CHF 2’320.- ou au transfert d’un montant de libre passage brut de CHF 853’326,95.

Suite à la réception de ce courrier, elle s’était rendue à la CEH. Elle avait avisé Mme C______, la gestionnaire de son dossier, qu’elle n’avait jamais démissionné mais qu’elle avait été licenciée. Selon celle-ci, la CEH avait reçu par avis informatique l’annonce de sa démission. Elle l’avait alors informée qu’elle avait contesté son licenciement et demandé que la CEH cesse ses démarches, ce que Mme C______ avait refusé.

En fonction de sa situation, elle n’avait pas eu la possibilité de refuser sa mise à la retraite anticipée et s’était résolue à communiquer ce choix à la CEH. En effet, elle ne devait plus percevoir de traitement dès le 1er février 2011. Or, à cette époque, elle se trouvait en incapacité de travail pour raisons médicales. Elle ne pouvait donc ni exercer une activité professionnelle à titre de salarié ou d’indépendant, ni percevoir de prestations de chômage en raison de son inaptitude au placement. Si ce n’était une assurance-vie et un petit appartement de vacances en Valais, elle n’avait aucune fortune personnelle. Elle ne pouvait pas compter sur le soutien d’un conjoint, celui-ci étant décédé. En raison de la fin des rapports de service, si elle n’avait pas pris sa retraite, l’assurance aurait pris fin dès le 1er février 2011 et elle aurait perdu la possibilité de bénéficier d’une rente servie selon le principe de la primauté des prestations. Si elle n’avait pas accepté de prendre sa retraite, elle aurait certes pu jouir d’un avoir de prévoyance professionnelle en capital versé sur un compte de libre passage mais aurait risqué de se retrouver sans revenu d’ici l’âge légal de la retraite, vu les difficultés inhérentes au marché de l’emploi et vu son âge.

La décision de licenciement lui avait causé un préjudice financier indéniable. La perception d’une rente de vieillesse anticipée diminuait le montant de sa rente de vieillesse de CHF 300.- par mois (CHF 5’308,50 au lieu de CHF 5’018,35 à 64 ans). En outre, si elle avait pu continuer à travailler jusqu’à l’âge de la retraite, elle aurait continué à percevoir son traitement brut de CHF 8’080,50.

La chambre administrative avait, dans le cas d’espèce, considéré à juste titre qu’elle avait droit à une indemnisation en raison d’une décision de licenciement non conforme au droit. L’interprétation qu’elle avait faite à cette occasion de l’art. 31 al. 3 LPAC étaient cohérente et conforme à la volonté du législateur, de même qu’aux principes d’équité et d’égalité de traitement. L’interprétation que la chambre administrative avait développée au travers de sa jurisprudence, à laquelle les HUG se référaient, qui liait l’indemnisation à un préjudice subi par l’agent public licencié, était contraire au droit. En effet, le législateur n’avait jamais voulu autoriser les différentes collectivités publiques à licencier leur collaborateur de manière contraire au droit mais en toute impunité. Dans des situations similaires à la sienne il y avait lieu en tous les cas de prévoir, à l’instar de ce qui était prévu en droit privé, une indemnisation en cas de licenciement donné en temps inopportun, au sens des art. 336 et 336a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220).

53) Les HUG ont répondu le 17 juin 2013, persistant dans leurs conclusions et concluant au rejet du recours.

La décision de prendre sa retraite anticipée avait appartenu à la recourante. Ils avaient appris par hasard en automne 2011 que celle-ci était à la retraite. Le courrier du 27 janvier 2011 de la CEH à la recourante était un courrier type adressé aux assurés âgés de plus de 58 ans et dont ils avaient annoncé la sortie à la suite d’une démission ou d’un licenciement. Ce courrier faisait état des différents choix qui s’offraient aux collaborateurs. Si la recourante percevait une retraite anticipée depuis le 1er février 2011, c’était par choix propre.

Dans l’exposé de sa situation financière consécutive à son arrêt de travail pour raison de santé, la recourante avait oublié qu’elle aurait également eu la possibilité, compte tenu de sa longue incapacité de travail, de solliciter des prestations de l’AI, comme son employeur l’en avait informée le 17 novembre 2010, proposition qu’elle avait refusée. Elle aurait alors pu bénéficier d’une pension d’invalidité provisoire le temps que l’AI se détermine. En outre, à défaut d’une telle pension et pour autant que son incapacité de travail perdure, elle aurait pu solliciter l’aide sociale. Le fait qu’elle ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une telle aide en raison de sa fortune ne saurait conduire à admettre qu’elle avait été contrainte à accepter une retraite anticipée. En outre, la recourante avait retrouvé sa pleine capacité de travail quelques mois plus tard et aurait eu alors droit à des prestations d’assurance-chômage. La thèse qu’elle soutenait selon laquelle elle avait été contrainte de prendre sa retraite, n’était pas défendable.

Sur le plan juridique, le raisonnement de la chambre administrative, selon lequel la recourante aurait subi un préjudice financier sans avantages compensatoires, était erroné. Sa décision de prendre sa retraite avait un avantage qui consistait dans le fait qu’elle n’avait plus à travailler. Pour le surplus, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative en matière d’indemnisation suite à un licenciement sans droit, un droit à l’indemnité n’existait que lorsque la réintégration pouvait encore intervenir ou était encore possible. Par application de cette jurisprudence, le recours de Mme X______ devait être déclaré irrecevable pour défaut d’intérêt actuel. Il n’y avait pas place pour un changement de jurisprudence. Le texte de la loi était clair et seul le législateur était capable de le modifier. Le licenciement d’un fonctionnaire ne pouvait intervenir que dans des hypothèses bien délimitées. S’il était contraire au droit, il pouvait donner lieu à une indemnité, mais à condition que le fonctionnaire soit réintégrable et que l’employeur refuse cette réintégration. Il n’y avait pas place à une application par analogie des dispositions du droit privé sur le licenciement abusif, ainsi que la recourante le soutenait dans ses dernières écritures.

54) Le juge délégué a procédé à une nouvelle comparution personnelle des parties et à des enquêtes complémentaires le 9 septembre 2013.

a. Mme C______ a été entendue comme témoin. Gestionnaire auprès de la CEH et en charge du dossier de Mme X______, elle avait reçu en janvier 2011 un message informatique émanant du service des ressources humaines des HUG, sous forme d’une banque codée comportant un code signifiant « démission ». La bande annonce comportait le code chiffre 4, qui signifiait « démission » ou « fin des rapports de services ». Si le code avait été le chiffre 1, cela aurait signifié « prise de retraite ». La recourante ayant plus de 58 ans, elle avait droit à une retraite anticipée. Dès lors, la communication par les HUG de la sortie d’une collaboratrice était traitée comme une annonce de prise de retraite. Une telle annonce générait l’envoi par la CEH d’une lettre au collaborateur l’avisant de ses droits. C’était la raison d’être de la lettre du 27 janvier 2011. Mme X______ était venue la voir le 31 janvier 2011. Elle lui avait fait part du litige avec les HUG. Toutefois, après l’annonce d’une démission communiquée par ceux-ci, le collaborateur qui cessait son activité devait répondre au courrier adressé par la CEH pour communiquer son choix face aux différentes options qui s’offraient à lui. Le 23 février 2011, la recourante lui avait écrit qu’elle optait pour une pension ordinaire de retraite, soit la première solution de la proposition du 27 janvier 2011, et lui avait transmis un formulaire de demande d’ouverture de prestations, complété et signé par elle.

b. Madame D______ a été entendue comme témoin. Elle était responsable de suivre les cas délicats liés au paiement des pensions au sein de la CEH. Son témoignage n’a apporté aucune information supplémentaire car elle n’avait jamais rencontré la recourante, si ce n’était à propos du code utilisé pour l’annonce par bandes informatiques qui déclenchaient l’envoi de la lettre à l’assuré. Le code chiffre 1 signifiait « retraite », le code chiffre 2 « invalidité », le code chiffre 3 « décès » et le code chiffre 4 « démission ».

c. A la suite de l’audition des témoins précités, la recourante a apporté diverses précisions en rapport avec la façon dont elle avait opté pour une retraite.

Elle confirmait avoir retourné la demande d’ouverture de prestation reçue de la CEH et opté pour la pension ordinaire de retraite. Elle avait reçu le courrier du 27 janvier 2011 quelques jours avant la prise d’effet de son licenciement. Elle était atteinte dans sa santé. Sa tumeur n’avait pas encore été détectée et des recherches étaient en cours. Elle était cependant très faible et inapte au travail, selon les informations que le service du chômage lui avait fournies. Elle ne pouvait donc pas toucher de prestations de chômage. Ses médecins lui avaient indiqué qu’il était prématuré d’effectuer des démarches auprès de l’AI car l’origine de son problème de santé n’était pas encore déterminée. Elle se trouvait dans une situation financière délicate, sans revenu dès le 31 janvier 2011. Son état de santé affectait sa capacité de résistance et elle avait opté pour la retraite. A cette époque, elle avait son fils à charge et il n’avait pas droit au chômage, après avoir obtenu son deuxième diplôme. Les circonstances avaient fait qu’elle avait opté pour une retraite. Si elle avait eu le choix, il n’était pas certain qu’elle aurait opté pour la pension complète.

Elle a versé à la procédure les documents relatifs à sa demande d’ouverture de prestation, auxquels elle s’était référée au cours de son audition.

55) A l’issue de l’audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Les décisions qui peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral doivent contenir les motifs déterminants de fait et de droit, notamment les dispositions légales appliquées (art. 112 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Si une décision attaquée ne satisfait pas aux exigences fixées à l’alinéa 1, le Tribunal fédéral peut soit la renvoyer à l’autorité cantonale en invitant celle-ci à la parfaire, soit l’annuler (art. 112 al. 3 LTF).

Le recours adressé à la chambre administrative par la recourante a pour objet de déterminer la conformité au droit de la décision de la licencier, subsidiairement, de la réintégrer et, en cas de refus, de condamner les HUG à l’indemnisation. Bien que les HUG aient exclusivement dirigé leur recours en matière de droit public contre le volet du dispositif de l’arrêt du 21 août 2012 de la chambre de céans les condamnant à indemniser la recourante, la chambre administrative, dans la mesure où l’arrêt précité a été entièrement annulé par le Tribunal fédéral, se doit de statuer à nouveau sur les deux aspects du contentieux rappelés ci-dessus qui au demeurant sont interdépendants.

2) Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

3) Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans sa teneur au 31 décembre 2010).

4) Les HUG ont dupliqué le 19 janvier 2012, suite à l’échange d’écritures après enquêtes du 16 janvier 2012. La question de la recevabilité d’une telle détermination se pose.

Selon l’art. 74 LPA, la juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires.

De plus, l’exercice du droit de se déterminer sur les écritures de la partie adverse est garanti par l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 133 I 98 ; ATF 132 I 42 ; SJ 2007 I 487), étant précisé que cette notion s’applique uniquement aux personnes protégées par la convention précitée, ce qui n’est pas le cas des autorités dans une procédure administrative (ATA/51/2011 du 1er février 2011).

Peu importe à cet égard qu’en matière de contentieux de la fonction publique le Tribunal fédéral ait reconnu aux établissements publics médicaux, au nombre desquels figurent les HUG, la qualité pour recourir parce qu’en tant qu’employeurs de droit public, ils sont touchés par les arrêts constatant la nullité du licenciement d’un de leurs employés d’une manière analogue à un employeur privé (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_450/2007 du 26 mars 2008). Ils n’en demeurent pas moins des établissements de droit public cantonal.

Au vu des principes rappelés ci-dessus, il y a lieu d’écarter la duplique des HUG du 19 janvier 2012.

5) a. Selon l’art. 21 al. 3 LPAC, l’autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Les modalités sont fixées par règlement.

b. A teneur de l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration, soit notamment en raison de l’insuffisance des prestations (let. a), de l’inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b), de la disparition durable d’un motif d’engagement (let. c).

c. L’autorité motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé.

d. La résiliation doit intervenir en respectant le délai de résiliation de l’art. 21 LPAC.

6) Si le supérieur hiérarchique d’un fonctionnaire entend faire valoir à l’encontre de ce dernier l’existence d’un manquement par celui-ci à ses devoirs, il doit le lui signifier au travers d’un entretien de service convoqué conformément aux exigences de l’art. 44 LPAC.

7) Selon l’art. 31 al. 1 LPAC, tout membre du personnel dont les rapports de service ont été résiliés peut recourir à la chambre administrative pour violation de la loi. Si cette dernière retient que le licenciement est contraire au droit, elle peut proposer à l’employeur la réintégration (art. 31 al. 2 LPAC). En cas de décision négative de celui-ci, elle fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois du dernier traitement brut, ni supérieur à six mois pour les employés, respectivement vingt-quatre mois pour les fonctionnaires (art. 31 al. 3 LPAC).

8) La recourante se plaint de la violation de son droit d’être entendu par les HUG, faute d’avoir pu s’exprimer avant que ne soit prise la décision de la licencier.

a. La résiliation des rapports de service est une décision (art. 1 et 4 LPA), prise par une autorité administrative (art. 5 let. f LPA). Les règles de cette loi sont ainsi applicables à la procédure de recours (art. 32 al. 6 et 7 LPA) et doivent être respectées par l’autorité intimée. Tel est le cas de l’art. 41 LPA notamment, selon lequel « les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires », sous réserve des exceptions énumérées exhaustivement à l’art. 43 LPA, dont aucune n’est réalisée en l’espèce.

b. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A.12/2006 du 23 août 2006 consid. 3.1 ; 1P.179/2002 du 2 septembre 2002 consid. 2.2 ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 et les arrêts cités ). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2 et les arrêts cités). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2 et les arrêts cités ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 603 n. 1315 ss ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198). Quant à l’art. 6 § 1 CEDH, il n’accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité, garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 ss et les références citées). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b p. 274 ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc p. 197). En matière de rapports de travail de droit public, des occasions relativement informelles de s’exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d’être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu’une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_560/2008 du 6 avril 2009 et 1C_103/2007 du 7 décembre 2007 consid. 5.3). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu’une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (consid. 5.2 non publié aux ATF 136 I 39 de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 ; Arrêt du Tribunal fédéral 8C_643/2011 du 21 juin 2011 consid. 4.3 et les arrêts cités).

c. La réparation d’un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d’être entendu, n’est possible que lorsque l’autorité dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure (ATA/452/2008 du 2 septembre 2008 consid. 2b ; ATA/430/2008 du 27 août 2008 consid. 2 ; Pierre MOOR, Droit administratif, Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, ch. 2.2.7.4 p. 283). Tel n’est pas le cas en l’espèce, la chambre de céans ne pouvant revoir l’opportunité d’une décision de licenciement et substituer, dans ce cadre, sa propre appréciation à celle de l’autorité intimée (ATA/525/2011 du 30 août 2011).

9) En l’espèce, les enquêtes ont démontré que l’entretien du 22 juillet 2010 avait porté sur la gestion de l’absence de longue durée de la recourante, les modalités de sa reprise de travail ainsi que les problèmes qu’elle avait rencontrés avec sa hiérarchie. A aucun moment au cours de cette réunion n’avait été évoquée l’hypothèse d’un licenciement. De même, dans l’échange de correspondance qui a suivi entre les parties, l’éventualité d’un licenciement n’a pas été mentionnée, les HUG se bornant à évoquer « des mesures plus drastiques à son égard » dans leur courrier du 10 septembre 2010. Il n’a pas été indiqué à la recourante qu’en omettant de se rendre à l’entretien du 5 octobre 2010 elle s’exposait à un licenciement. Aucune procédure de licenciement n’a été ouverte à son encontre. L’existence d’un motif fondé n’a jamais été instruite. La recourante n’a été ni entendue à ce sujet, ni invitée à participer à l’administration des preuves. Partant, la résiliation des rapports de service viole le droit d’être entendu de la recourante.

La violation de cette garantie procédurale est manifeste et grave puisque la recourante n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur un éventuel licenciement, et elle était décelable par les intimés. L’argumentation des HUG, selon laquelle celle-ci aurait renoncé à exercer son droit d’être entendu, ne résiste pas à l’examen. En effet, la recourante ne pouvait pas renoncer à ce droit dès lors que l’éventualité d’un licenciement n’avait même pas été évoquée.

Il résulte au contraire de la procédure que les HUG ont totalement méconnu la situation personnelle de leur collaboratrice. Ils ont en effet persisté à étudier les modalités d’une reprise du travail en se fondant sur un avis médical de janvier 2010, alors même qu’un retour en emploi avait été tenté au printemps 2010 et qu’il avait échoué, les docteurs MOURON et LAURENCET ayant renouvelé puis prolongé l’arrêt maladie de la recourante. Les HUG n’ont pas tenu compte de l’avis de leur propre médecin-conseil, le Dr ANDREY, qui avait examiné la recourante en mai 2010 et avait considéré que son incapacité de travail était justifiée, faisant toujours référence à la visite médicale de janvier 2010. L’audition de la Dresse B______ a encore démontré que le contexte professionnel dans lequel évoluait la recourante était de nature à provoquer une perte de confiance en elle et un épuisement physique et psychologique, sans doute aggravés par la maladie qui a été découverte plus tard, alors que l’attitude des HUG avait consisté à nier la gravité du cas de la recourante.

A la décharge des intimés, cette dernière n’a pas collaboré activement avec eux. Si sa réticence à être examinée par la Dresse BÄHLER peut être compréhensible, il est à tout le moins curieux qu’elle n’ait pas été en mesure d’exposer par écrit ses difficultés avec sa hiérarchie alors qu’elle avait été expressément invitée à le faire, disposant d’un délai supérieur à un mois à cet effet. Cependant, malgré leurs difficultés à communiquer avec leur collaboratrice, il n’en demeure pas moins que les HUG ont pris leur décision de licenciement en ne respectant pas les droits procéduraux de cette dernière et que cette décision n’est pas conforme au droit.

10) Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est en principe pas nulle, mais annulable (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.207/2001 du 12 novembre 2001 consid. 5a et les arrêts cités ; ATA/32/2010 du 11 mai 2010 et les références citées ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, ch. 916, p. 312). D’après la jurisprudence, la nullité d’une décision ne doit être retenue que si le vice dont celle-ci est entachée est particulièrement grave, s’il est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATA/386/2011 du 21 juin 2011 et les références citées ; Thierry TANQUEREL, op.cit., ch. 910, p. 310).

La violation du droit d’être entendu de la recourante est d’une gravité certaine, compte tenu du caractère essentiel notoire du respect de cette garantie procédurale. Dans le cas d’espèce, un tel constat ne peut toutefois plus entraîner la nullité de la décision de résilier les rapports de service, pour des raisons tenant principalement à la sécurité du droit, compte tenu notamment des dispositions prises depuis lors par les deux parties. Le licenciement de la recourante, même non conforme au droit, ne peut pas être annulé compte tenu de la teneur de l’art. 31 al. 2 LPAC, qui ne permet à la chambre de céans ni d’annuler formellement le licenciement d’un fonctionnaire ni d’imposer sa réintégration mais uniquement de proposer cette dernière à son employeur, puis si cela n’est plus possible de traiter la question d’une indemnisation en vertu de l’art. 31 al. 3 LPAC.

11) En l’espèce, la recourante a été licenciée dans le respect certes du délai de trois mois pour la fin d’un mois de l’art. 21 al. 3 LPAC mais par une décision déclarée exécutoire nonobstant recours et sur laquelle les HUG ne sont pas revenus au cours de la procédure. Cela permet de retenir une volonté de leur part de se séparer définitivement de leur collaboratrice. En outre, celle-ci est à la retraite anticipée depuis le 1er février 2011, année de ses 63 ans. Elle ne peut donc plus être réintégrée au sein du personnel des HUG, si bien qu’il y a lieu de déterminer si elle a droit, en vertu de l’art. 31 al. 3 LPAC, à l’indemnité à laquelle elle conclut.

12) Dans ses derniers arrêts en matière de licenciement d’agents publics cantonaux, la chambre administrative a régulièrement rappelé que l’indemnité prévue à l’art. 31 al. 3 LPAC n’avait pas pour but de réparer un éventuel tort moral ou de sanctionner un licenciement abusif, mais de pallier le refus de l’employeur de réintégrer une personne licenciée à tort. Il n’y avait dès lors lieu d’entrer en matière sur le paiement d’une telle indemnité que si la réintégration du collaborateur licencié pouvait encore intervenir.

C’est ainsi que la chambre de céans n’est entrée en matière sur l’indemnisation d’une fonctionnaire licenciée en violation de son droit d’être entendu qu’en rapport avec les deux mois durant lesquels celle-ci n’avait pas retrouvé de travail (ATA/525/2011 précité) et qu’elle a appliqué le même principe dans des arrêts ultérieurs relatifs à la fixation d’une indemnité consécutive à un licenciement contraire au droit (ATA/161/2013 du 20 mars 2013 ; ATA/787/2012 du 20 novembre 2012) et qu’elle a refusé toute indemnité dans deux autres arrêts portant sur un licenciement pour suppression de poste parce que les recourants avaient retrouvé immédiatement du travail (ATA/335/2012 et ATA/336/2012 du 5 juin 2012). L’ATA/525/2011 précité est en fait consécutif à un arrêt de la chambre de céans portant sur le licenciement d’un fonctionnaire communal dans lequel les mêmes principes ont été appliqués après constat que le statut du personnel communal ne prévoyait le versement d’une indemnité que pour « pallier la possibilité de réintégrer la personne licenciée à tort » (sic ; ATA/413/2011 du 28 juin 2011).

13) Le principe de l’indemnisation de l’agent public licencié à tort en cas de refus par la collectivité publique de le réintégrer n’est pas nouveau. Il était déjà énoncé à l’art. 30 de la loi relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 15 octobre 1987 (aLPAC - B 5 05) remplacée depuis le 1er mars 1998 par la LPAC, le texte de l’ancienne disposition légale précitée ne différant pas dans son principe de celui de l’art. 31 al. 3 LPAC.

Dans les arrêts rendus depuis l’entrée en vigueur de la LPAC par la juridiction de céans jusqu’à l’ATA/525/2011, les restrictions jurisprudentielles actuelles à l’indemnisation d’un agent public n’apparaissent pas, ou ne sont pas prises en considération (ATA/78/2011 du 8 février 2011 ; ATA/793/2010 du 16 novembre 2010 ; ATA/569/2008 du 4 novembre 2008 ; ATA/676/2001 du 30 octobre 2001 ; ATA/256/2000 du 18 avril 2000). De même ne sont-elles pas prises en compte dans un arrêt postérieur (ATA/604/2012 du 11 septembre 2012).

14) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge est, en principe, lié par un texte légal clair et sans équivoque. Ce principe n’est cependant pas absolu. En effet, il est possible que la lettre d’une norme ne corresponde pas à son sens véritable. Ainsi, l’autorité qui applique le droit ne peut s’en écarter que s’il existe des motifs sérieux de penser que le texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que de sa relation avec d’autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1 p. 565-566 ; 138 V 445 consid. 5.1 p. 451 ; 131 I 394 consid. 3.2 p. 396 ; 131 II 13 consid. 7.1 p. 31 ; 130 V 479 consid. 5.2 p. 484 ; 130 V 472 consid. 6.5.1 p. 475).

Dans le cas de l’art. 31 al. 3 LPAC ou de la disposition antérieure, les travaux préparatoires n’apportent pas d’information permettant de mieux appréhender le but poursuivi par cette indemnité. En revanche, il ressort clairement des débats parlementaires la volonté de prévoir des procédures de résiliation des rapports de service qui protègent les agents publics contre l’arbitraire, en échange d’un certain assouplissement du droit du licenciement (MGC 1997 IX 9641).

15) Par ailleurs, une application trop stricte de la jurisprudence récemment développée par la chambre de céans au sujet du lien entre droit à une indemnité et absence d’emploi reviendrait à écarter par trop l’aspect sanctionnateur, rappelé par le Tribunal fédéral dans un arrêt concernant le canton de Genève du 28 novembre 2006 dans la cause 2P.181/2006, de ce moyen d’obtenir réparation du caractère infondé d’un licenciement. Une telle restriction dans l’application du droit à l’indemnité pourrait par trop conduire l’employeur étatique à ne pas respecter ses obligations légales lorsqu’il entend licencier un fonctionnaire dès lors que le risque d’avoir à payer des indemnités n’existe plus si son collaborateur a retrouvé du travail ou n’est plus « réintégrable » pour un autre motif. Elle peut également être susceptible de diminuer la volonté de la personne licenciée de retrouver un emploi le plus rapidement possible, même moins bien rémunéré, puisque cela aurait un effet négatif sur l’indemnisation en cas de succès du recours, voire sur la recevabilité même de son recours.

C’est le lieu de relever également que la jurisprudence de la chambre de céans selon laquelle l’absence d’interruption entre la fin des rapports de service résiliés et un nouvel emploi entraînait la perte de l’intérêt au recours et, partant, son irrecevabilité, ne peut plus être appliquée sans nuance, au vu de l’évolution de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui a, par exemple, admis, dans une espèce genevoise, qu’un fonctionnaire révoqué conservait un intérêt au contrôle de la légalité de la sanction qui lui avait été infligée indépendamment du fait qu’il ait retrouvé ou non un emploi en cours de procédure (Arrêt du Tribunal fédéral 8C_897/2012 du 2 avril 2013).

16) Ainsi, dans la fixation de l’indemnité fondée sur le modèle de la LPAC, il y a lieu désormais de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, et de les apprécier sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects, comme le fait d’avoir ou non retrouvé un emploi en cours de procédure.

17) Dans le cas particulier, l’instruction complémentaire menée à la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral met en évidence que la recourante, par l’envoi de sa réponse du 23 février 2011 au secrétariat de la CEH, a déclenché sa mise à la retraite. Cependant, les enquêtes ont également révélé que cette prise de position avait été sollicitée par la CEH après que celle-ci avait été avertie par un avis informatique émanant de l’employeur que la recourante cessait ses activités au sein de l’hôpital. Or si cet avis informatique avait été adressé à la caisse de pension par les services des HUG malgré le recours interjeté par la fonctionnaire c’est parce que ces derniers avaient décrété exécutoire nonobstant recours leur décision de licenciement. Pour répondre aux interrogations du Tribunal fédéral, la chambre de céans retiendra que les deux parties ont joué un rôle dans le déclenchement du processus qui a débouché sur la mise à la retraite.

En fonction de la nouvelle interprétation de l’art. 31 al. 3 LPAC exposée ci-dessus, cette question perd cependant de son importance. Il est en effet établi que le licenciement de la recourante est contraire au droit. Dans la mesure où les intimés ont retiré tout effet suspensif à leur décision de licenciement et communiqué à la caisse de pension que leur collaboratrice quittait ses fonctions, ils refusaient toute idée de réintégration de leur collaboratrice si d’aventure le licenciement était annulé. Quelles que soient les démarches entreprises par la recourante pour bénéficier d’une retraite dès le 1er février 2011, celle-ci est donc en droit de percevoir une indemnité dont seul le montant reste à déterminer en fonction des circonstances du cas d’espèce.

La recourante a exercé ses activités pendant près de vingt ans au sein des HUG. Atteinte dans sa santé, elle a fait l’objet d’une décision de licenciement exécutoire nonobstant recours qui l’a conduite à devoir opter pour une mise à la retraite anticipée, n’étant plus au bénéfice d’aucun revenu et ne pouvant notamment pas percevoir de prestations de chômage en raison de son état de santé. Il en est résulté pour elle une importante péjoration de sa situation financière (CHF 8’080,50 à titre de salaire mensuel brut contre CHF 5’018,35 à titre de rente). La décision des HUG de se séparer d’elle lui a été signifiée en violation claire de son droit d’être entendu. Certes, il ressort du dossier que les deux parties n’ont pas réussi à communiquer d’une manière à éviter certains malentendus relatifs à la réalité de l’état de santé de la recourante. Il n’en demeure pas moins que si les HUG avaient avisé la recourante de leur intention de mettre fin définitivement aux rapports de travail avant de mettre leur projet à exécution, cette question aurait pu être clarifiée, l’exercice du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. ayant notamment cet objectif.

Au regard des circonstances ci-dessus rappelées, l’indemnité due à la recourante en vertu de l’art. 31 al. 3 LPAC sera arrêtée à quinze mois de son dernier traitement brut, sans intérêts moratoires en l’absence de conclusion sur ce point (art. 69 al. 1 LPA).

18) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des HUG (art. 87 al. 1 2e phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 3’000.- sera allouée à la recourante, à charge des HUG (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2010 par Madame X______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 22 octobre 2010 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate que la décision des Hôpitaux Universitaires de Genève du 22 octobre 2010 prononçant le licenciement de Madame X______ est contraire au droit ;

constate que la réintégration de Madame X______ n’est plus possible ;

dit que les Hôpitaux Universitaires de Genève doivent verser à Madame X______ une indemnité d’un montant correspondant à quinze mois de son dernier traitement brut ;

les y condamne en tant que de besoin ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 3’000.- à Madame X______, à la charge des Hôpitaux universitaires de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15’000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15’000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de la recourante, à Me Pierre Martin-Achard, avocat de Hôpitaux universitaires de Genève, ainsi qu’à la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :