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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2350/2023

ATA/830/2023 du 09.08.2023 sur JTAPI/812/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2350/2023-MC ATA/830/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 juillet 2023 (JTAPI/812/2023)


EN FAIT

A. a. A______, alias B______ ressortissant du Malawi, né le ______1995, a été reconnu comme originaire du Nigeria à la suite de son audition par une délégation de ce pays organisée à Berne le 18 octobre 2022.

b. Il est arrivé en Suisse, pour la première fois, le 20 décembre 2013 en tant que requérant d’asile, sa demande ayant toutefois été rejetée par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : le SEM) le 10 avril 2014 et son expulsion de Suisse ordonnée.

c. Le 4 avril 2022, A______ et quatre autres personnes séjournant illégalement en Suisse ont été appréhendés par les services de police genevois dans un appartement. La police a saisi un total de 209,8 gr brut de cocaïne conditionnée sous différentes formes dans les affaires personnelles de l’intéressé.

Lors de son audition, ce dernier a admis vendre de la cocaïne dans les rues, afin de payer les frais médicaux de sa mère atteinte d'un cancer. Il n’avait aucun moyen légal de subsistance, ni famille ou attaches particulières en Suisse et à Genève.

d. Par jugement du 24 août 2022, le Tribunal de police a condamné A______ à une peine privative de liberté de huit mois, sous déduction de 143 jours de détention avant jugement, pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Son expulsion de Suisse a été ordonnée pour une durée de trois ans (art. 66abis al.  1 du code pénal suisse ; CP - RS 311.0).

e. Il ressort du dossier, qui ne contient toutefois pas le casier judiciaire de A______, qu’auparavant, il a été condamné à six reprises entre le 2 janvier 2015 et le 25 février 2021 pour des infractions à la LStup, entrées et séjours illégaux et empêchement d’accomplir un acte officiel au sens de l’art. 286 al. 1 CP.

B. a. Le 1er janvier 2023, A______ a été libéré par les autorités pénales et remis à la police en vue de son refoulement.

Au bénéfice d'un laissez-passer, il était inscrit sur un vol pour le Nigeria au départ de Genève le 9 janvier 2023.

b. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de trois mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI , en lien avec l'art. 75 al. 1 let. g de cette même loi, ainsi que de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI.

Au commissaire de police, A______ a indiqué qu'il refusait de retourner au Nigeria.

c. Entendu par le Tribunal administratif de première instance (ci après : TAPI) le 3 janvier 2023 A______ a notamment déclaré qu’il était d'accord de prendre le vol prévu. Durant sa détention, on l'avait informé que sa mère était décédée.

d. Par jugement du 3 janvier 2023, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 31 mars 2023.

e. Le 9 janvier 2023, A______ a refusé d'embarquer à bord du vol prévu.

C. a. Par requête du 25 janvier 2023, A______ a déposé une demande de mise en liberté devant le TAPI. Il était « totalement contre l'idée de partir en Afrique » et souhaitait quitter rapidement le territoire suisse.

b. Lors de son audition, il a précisé qu'il n'avait pas été opposé à un retour en Afrique jusqu'à ce qu'on le présente à une délégation d'un pays africain. Il n'avait pas très bien compris ce qui s'était passé à ce moment-là. Depuis lors, il souhaitait se rendre dans un autre pays européen, plus spécifiquement en Espagne, où il avait un enfant en bas âge. Il avait déposé une demande d'asile dans ce pays, puis une autre en Suisse, et depuis lors était retourné à quelques reprises en Espagne, où il n’avait pas de titre de séjour. Une demande dans ce sens était toutefois en cours avant son arrestation à Genève au mois d’avril 2022.

Selon la représentante de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), un nouveau vol, avec escorte policière, était prévu pour le 22 février 2023.

c. Par jugement du 31 janvier 2023, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté, aucun changement significatif n'étant intervenu depuis son jugement du 3 janvier précédent. A______ avait démontré par ses précédentes condamnations pénales qu'il n'était pas particulièrement enclin à respecter l'ordre juridique. Il avait refusé de prendre place à bord du vol prévu le 9 janvier 2023, affirmait ne pas vouloir retourner en Afrique, et vouloir se rendre dans un pays d'Europe sans toutefois disposer d'un titre quelconque l'y autorisant. Aucune mesure moins incisive que sa détention administrative paraissait pouvoir assurer l'exécution de son expulsion qui répondait toujours à un intérêt public.

d. Le 15 février 2023, A______ a déposé une demande d'asile auprès du SEM.

e. Le vol avec escorte policière (DEPA) en direction du Nigéria prévu le 22 février 2023 a donc été annulé.

D. a. Le 20 mars 2023, l'OCPM a sollicité du TAPI la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 31 juillet 2023 inclus.

b. Lors de l'audience du 28 mars 2023, A______ a déclaré n'avoir pas encore reçu de réponse à sa demande d'asile.

La représentante de l'OCPM a indiqué que ce dernier était d'autant moins enclin à proposer des mesures subsidiaires à la détention administrative que la demande d'asile constituait un motif prévu par la loi de prononcer une détention administrative. Le laissez-passer délivré par les autorités du Nigéria n'étant valable que jusqu'au 6 avril 2023, il faudrait vraisemblablement en solliciter un autre, sans pouvoir préciser le délai pour l’obtenir.

c. Par jugement du 28 mars 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 31 juillet 2023 inclus.

d. Le 29 juin 2023, la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par le SEM.

Par décision incidente du 21 juillet 2023, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a, à titre de mesures provisionnelles, autorisé A______ à attendre en Suisse l'issue de la procédure suite au recours déposé contre la décision du SEM précitée.

E. a. Le 14 juillet 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois.

b. Devant le TAPI le 25 juillet 2023, A______ a exposé que l’entretien qui s’était déroulé à Frambois le 1er juin 2023 dans le cadre de sa demande d’asile ne s’était pas bien passé. Il avait trouvé cette discussion discriminatoire et « étonnamment », les personnes en face de lui ne semblaient pas le croire.

La représentante de l’OCPM a déclaré que compte tenu de la décision du TAF du 21 juillet 2023, l’exécution du renvoi était suspendue, de sorte qu'ils ne pouvaient pas aller de l’avant pour l’obtention d’un laissez-passer.

Le conseil de A______ a conclu à la libération immédiate de ce dernier, subsidiairement à ce que soit ordonnée une mesure moins incisive que la détention administrative.

c. Par jugement du 25 juillet 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 31 octobre 2023

Les circonstances qui l’avaient conduit, dans ses précédents jugements, à retenir que les conditions de la détention de A______ étaient remplies existaient toujours, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur cette conclusion. La proportionnalité de la détention avait été examinée et confirmée dans ces jugements. Toute autre mesure moins incisive qu'une détention administrative serait vaine pour assurer la présence de A______ le jour de son expulsion puisque, notamment, il ne disposait d'aucun lieu de séjour en Suisse, était dénué de tout document d'identité et de moyens d'existence réguliers, étant rappelé que par son comportement, il démontrait clairement une opposition à son renvoi de Suisse.

Le dépôt d'une demande d'asile en Suisse, s'il suspendait provisoirement la possibilité d'exécuter son expulsion, ne saurait être considéré en lui-même comme une circonstance en repoussant l’échéance pour une durée indéterminée.

La durée de la prolongation requise ne paraissait pas excessive dans les circonstances du cas d'espèce où le TAF devait statuer sur le recours de A______ contre la décision du SEM et où, dans l'hypothèse d'un rejet du recours, un nouveau laissez-passer devrait être sollicité, puis un nouveau vol réservé - à supposer encore que A______ ne fasse pas recours contre la décision du TAF. Si la durée de trois mois pouvait apparaître longue, elle était de loin inférieure au maximum prévu à l’art. 79 LEI.

F. a. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 28 juillet 2023 et reçu le 2 août suivant à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation dudit jugement et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement moyennant toute mesure de substitution jugée utile comme une assignation territoriale, ainsi qu’une obligation de se présenter à intervalles réguliers aux autorités migratoires et de s’adresser à l’aide aux migrants de l’Hospice général afin de bénéficier des prestations d’aide d’urgence.

Il avait quitté son pays natal à l’âge de 5 ans et vécu dans différents pays limitrophes du Malawi, notamment le Nigéria, jusqu’à son départ pour l’Europe. Sa première demande d’asile en Suisse n’avait pas été rejetée sur le fond, mais avait fait l’objet d’une non-entrée en matière dans la mesure où il avait déjà été enregistré en Espagne. Sa demande d’asile déposée le 15 février 2023 était fondée sur son vécu au Malawi, où son père et son frère avaient été assassinés, et sur son orientation sexuelle qui l’exposait à des risques sérieux en cas de renvoi « dans l’un de ces deux pays ». La durée moyenne de traitement des recours par le TAF s’élevait à neuf mois et pouvait aller jusqu’à dix ans.

Le jugement entrepris violait son droit d’être entendu à plusieurs égards, en tant que le TAPI n’avait pas discuté ses arguments, pourtant pertinents, soulevés lors de l’audience du 25 juillet 2023. Il en allait ainsi du caractère tardif de sa demande d’asile qui découlait directement de ses difficultés à exprimer son orientation sexuelle avant d’y être contraint par les circonstances, de sorte qu’il ne pouvait être retenu comme un élément supplémentaire justifiant sa détention. Le TAPI avait sans autre écarté de son examen l’autorisation délivrée par le TAF qui lui permettait de demeurer en Suisse jusqu’à droit connu sur son recours, élément pourtant soulevé lors de l’audience. Le jugement querellé ne lui permettait pas de comprendre clairement les motifs ayant conduit le TAPI à écarter les arguments soulevés.

La décision du TAF équivalait en pratique à une suspension de l’exécution de l’expulsion. Il en découlait que son renvoi était en l’état inexécutable, un éventuel futur changement de circonstances à cet égard ne modifiant en rien ce constat. Les conditions de détention posées par l’art. 76 al. 1 LEI n’étaient dès lors actuellement plus données. La prolongation de sa détention ne reposait sur aucune base légale et violait cette disposition en lien avec l’art. 36 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). Elle violait le principe de la proportionnalité dans la mesure où le traitement de son recours au TAF pouvait durer de nombreux mois, voire des années. Les mesures de substitution proposées permettaient d’assurer sa présence si par impossible sa demande d’asile devait être rejetée, dans la mesure où elles pallieraient le manque de ressources ainsi que l’absence de lieu de séjour en Suisse.

b. L’OCPM a conclu le 2 août 2023 au rejet du recours.

Il a notamment relevé que A______, malgré son transfert le 10 juin 2014 vers l’Espagne en exécution du renvoi ordonné par le SEM, était revenu en Suisse à tout le moins au mois de décembre 2014 et y avait été condamné à réitérées reprises. Les autorités espagnoles avaient refusé sa réadmission en novembre 2015. Le dépôt récent de sa demande d’asile apparaissait de toute évidence destiné à retarder l’exécution du renvoi. Son droit de demeurer en Suisse découlant du dépôt de sa demande d’asile ne valait que pendant le traitement de la requête et n’annulait en aucune façon l’expulsion judiciaire définitive et exécutoire dont il faisait l’objet. Une telle expulsion était un motif d’exclusion d’asile selon l’art. 53 let. c de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31).

Une prolongation de la détention administrative jusqu’au 31 octobre 2023 était un minimum pour atteindre le but recherché de l’exécution de l’expulsion en tenant compte des délais nécessaires au traitement complet de la demande d’asile, puis de la commande et de l’obtention d’un billet d’avion. Le dépôt de cette demande d’asile ne rendait pas moins vraisemblable le risque que le recourant ne disparaisse dans la clandestinité s’il devait être mis en liberté, au contraire, compte tenu de sa situation personnelle.

c. Dans une réplique du 7 août 2023, A______ a relevé que l’OCPM ne s’était pas exprimé sur les conséquences de la décision de suspension du TAF du 21 juillet 2023 et en conséquence sur le fait que les conditions d’une détention selon l’art. 76 LEI n’étaient en l’état plus remplies.

d. Les parties ont été informées le 7 août 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10).

1.2 Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 2 août 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2.             Dans un premier grief d’ordre formel, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, le jugement du TAPI souffrant selon lui d’un défaut de motivation dans la mesure où tous ses griefs, tels qu’articulés lors de l’audience, n’auraient pas été discutés.

2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel que prévu à l’art. 29 al. 2 Cst., le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités). Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision ; il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à ceux qui lui apparaissent pertinents (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 136 V 351 consid. 4.2 et les références). Il suffit que le juge discute les griefs et moyens de preuve du recourant qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

2.2 En l’espèce, il apparaît que la décision entreprise contient tous les éléments permettant de la contester en toute connaissance de cause, ce que le recourant a d’ailleurs fait. Le recourant semble confondre le défaut de motivation, qui relève du droit d’être entendu, avec son désaccord au sujet de la motivation présentée dans le jugement attaqué.

Il découle du procès-verbal de l’audience du 25 juillet 2023 que le recourant ne s’est pas exprimé précisément, alors qu’il en avait l’occasion, sur les motifs fondant sa demande d’asile. Il s’est borné à indiquer que l’entretien qui s’était déroulé le 1er juin 2023 ne s’était pas bien passé et qu’il avait trouvé la discussion discriminatoire et qu’« étonnamment » les personnes en face de lui ne semblaient pas le croire. Il n’a donc nullement invoqué les assassinats de membres de sa famille au Malawi, pas plus qu’une problématique liée à son orientation sexuelle. Dans la bouche de son conseil, certes seules ont été mises les conclusions. En tout état, les éléments présentés à la base de sa demande d’asile n’avaient pas à être discutés plus avant par le TAPI puisqu’ils le sont dans le cadre du recours pendant au TAF à la suite de la décision du SEM rejetant ladite demande. Quant à la prise en compte ou non, dans le cas de l’examen de la prolongation de la détention administrative du recourant, du caractère prétendument tardif du dépôt de sa demande d’asile, il s’agit là d’une question qui doit être abordée avec le fond, étant rappelé que la chambre de céans dispose d’un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 61 LPA) et même en en opportunité vu la matière (art. 10 al. 2, 2ème phrase LaLEtr).

Enfin, le TAPI a examiné suffisamment la question de l’effet sur la détention administrative du dépôt de la demande d’asile, et partant de la décision de mesures provisionnelles du TAF du 21 juillet 2023, à savoir que s’il « suspend provisoirement la possibilité d'exécuter [l’]expulsion, ne saurait être considéré en lui-même comme une circonstance repoussant pour une durée indéterminée l'échéance de [l’] expulsion ».

Le grief d’une violation du droit d’être entendu doit être rejeté.

3.             Il y a lieu d’examiner si les conditions générales de la mise en détention administrative et de sa prolongation sont réunies.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

3.2 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. g LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si celle-ci elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif.

3.3 L’art. 75 al. 1 let. f LEI, auquel renvoie également l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, prévoit un autre motif de détention, lorsque la personne concernée séjourne illégalement en Suisse et dépose une demande d’asile dans le but manifeste d’empêcher l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion, tel pouvant être le cas notamment lorsque le dépôt de la demande d’asile aurait été possible et raisonnablement exigible auparavant et que la demande est déposée en relation chronologique étroite avec une mesure de détention, une procédure pénale, l’exécution d’une peine ou la promulgation d’une décision de renvoi.

3.4 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

3.5 Le recourant ne conteste, à juste titre, pas que les conditions légales de sa détention sont remplies, ce qui a déjà été jugé maintes fois par le TAPI.

En effet, une décision d’expulsion pénale a été rendue le 24 août 2022 pour une durée de trois ans. Les conditions d’une détention administrative fondée sur les l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et art. 75 al. 1 let. g LEI sont réunies vu sa condamnation pour un trafic de cocaïne, soit une infraction susceptible de mettre sérieusement en danger la vie ou l’intégrité corporelle d’autres personnes, son refus d’être renvoyé au Nigéria, de précédentes condamnations pénales démontrant qu’il n’est pas particulièrement enclin à respecter l’ordre juridique et sa situation en Suisse. Or, ces circonstances n’ont pas changé.

Il n’a jamais quitté le territoire et a refusé d’embarquer sur un vol prévu le 9 janvier 2023, de sorte que son expulsion n’a pas été exécutée à ce jour et que la garantie de son exécution fonde toujours la détention administrative.

À cela s’ajoute qu’il a déposé une demande d’asile le 15 février 2023, alors qu’un rapatriement par un vol avait escorte policière était programmé le 22 février 2023, entraînant l’annulation de ce dernier. Or, il était détenu pénalement depuis le 4 avril 2022 puis administrativement à compter du 1er janvier 2023 et séjournait en Suisse, pour la seconde fois, après un refus d’entrée en matière du SEM sur sa demande d’asile le 20 décembre 2013. Aussi, la chronologie dans laquelle s’inscrit sa – seconde – demande d’asile peut conduire à la considérer comme visant à empêcher l’exécution de son renvoi, ce qui permet de fonder sa détention également sur l’art. 75 al. 1 let. f LEI par renvoi de 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI.

La mise en détention du recourant a par ailleurs été prononcée le 1er janvier 2023, soit il y a un peu plus de sept mois et les conditions d’une prolongation sont toujours réalisées au sens de l’art. 79 al. 2 LEI, comme examiné ci-après.

Il suit de là que les conditions de la détention sont réunies.

Le recourant soutient toutefois que la décision incidente du TAF du 21 juillet 2023, l’autorisant à attendre en Suisse l’issue de la procédure pendante devant lui à la suite du recours déposé contre la décision du SEM rejetant sa demande d’asile, équivaudrait à une suspension de l’exécution de l’expulsion, de sorte que son renvoi serait en l’état inexécutable, un éventuel futur changement de circonstances à cet égard ne modifiant en rien ce constat. Les conditions de détention posées par l’art. 76 al. 1 LEI ne seraient dès lors actuellement plus données.

Il ne saurait être suivi. Si l’autorité intimée concède que du fait de cette décision, l’exécution du renvoi est suspendue, de sorte qu’elle ne peut pas aller de l’avant pour l’obtention d’un laissez-passer, cette situation n’est que momentanée.

Il ne suffit à cet égard pas de se référer à des statistiques de durée d’une procédure au TAF pour en déduire que dans le cas présent il ne statuera pas avec toute la diligence voulue, d’autant plus que cette instance a connaissance de la détention administrative du recourant.

Enfin, le recourant ne soutient à juste titre pas que l’autorité intimée n’aurait pas effectué les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). L’inactivité temporaire de l’autorité intimée repose en effet dans le cas présent en première ligne sur le comportement de la personne concernée elle-même, qui a refusé de monter dans un premier vol puis a déposé une demande d’asile avec pour effet l’annulation du second vol prévu avec escorte policière (ATF 139 I 206 consid. 2.1).

4.             Le recourant critique la proportionnalité de la détention.

En l’espèce, il n’est pas douteux que l’exécution du renvoi du recourant correspond à un intérêt public certain. Celui-ci séjournait au moment de son interpellation du mois d’avril 2022 de manière illégale en Suisse, où il ne dispose d’aucun moyen de subsistance, d’aucun logement ni d’aucun domicile fixe et ne fait pas valoir d’attaches. Il a été condamné à plusieurs reprises. Il a encore récemment manifesté son opposition à son renvoi au Nigéria. L’opportunité de son maintien en détention aux fins de garantir l’exécution de ce renvoi ne fait dès lors aucun doute, le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité étant avéré.

Pour le surplus, la durée de la procédure, et partant de la détention, a été prolongée du fait du refus de collaborer puis du dépôt de la demande d’asile par le recourant, à des fins probablement dilatoires. Il ne tient qu’à lui de coopérer à l’exécution de son renvoi, ce qui lui permettrait de retrouver rapidement la liberté.

Enfin, aucune mesure moins incisive que la détention ne saurait entrer en compte dans le cas d’espèce où le recourant a fait fi d’un premier envoi exécuté en juin 2013, revenant en Suisse quelques mois plus tard seulement, où il est sans domicile fixe ni revenus. Même à considérer qu’il pourrait prétendre à une aide d’urgence le temps que soit inscrite sa demande d’asile, par exemple sous la forme de la mise à disposition d’une chambre dans un centre pour requérants, et quand bien même il lui serait fait une obligation ponctuelle de s’y présenter, ou à une autorité, de telles mesures ne sont manifestement pas suffisantes pour empêcher qu’il ne se trouve dans la clandestinité et ne puisse être retrouvé au moment où une place d’avion lui serait réservée.

Les griefs seront écartés.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juillet 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :