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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1596/2022

ATA/780/2023 du 18.07.2023 sur JTAPI/1276/2022 ( DOMPU ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2023, 1C_487/2023
Descripteurs : DROIT PUBLIC;AUTONOMIE COMMUNALE;SÉPARATION DES POUVOIRS;ENTRETIEN DES ROUTES;TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION);ROUTE COMMUNALE;ROUTE PRINCIPALE
Normes : Cst.3; Cst.43; Cst.47; Cst.49; Cst.50.al1; Cst.83; Cst-GE.2; Cst-GE.132; Cst-GE.133; LCdF.1; LCdF.25.al1; LCdF.29; LDPu.1.leta; LDPu.2; LRoutes.1; LRoutes.4; LRouTes.17; LRoutes.19; LRoutes.22; LRoutes.25; LRoutes.96
Résumé : Recours déposé par une commune contre la décision du Conseil d’État lui ordonnant de procéder à l’exécution de travaux de remise en état d’un ouvrage d’art, en l’occurrence un pont, qui doit être considéré comme une voie publique communale. Le litige peut être jugé en application du droit cantonal, notamment le règlement concernant la classification des voies publiques du 27 octobre 1999 (RCVP), sans qu’il soit nécessaire de mobiliser le droit fédéral. Le grief de violation du principe de la séparation des pouvoirs est écarté. Recours rejeté
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1596/2022-DOMPU ATA/780/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2023

1ère section

 

dans la cause

 

COMMUNE DE A______ recourante
représentée par Me Steve ALDER, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé
représenté par Me Tobias ZELLWEGER, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2022 (JTAPI/1276/2022)


EN FAIT

A. a. Dans le cadre de l'aménagement de l'autoroute de contournement de Plan‑les‑Ouates, des travaux portant sur la construction d'un passage routier ont été exécutés en 1997 afin de relier la route des Jeunes à la route de Saint-Julien. Le réaménagement routier du carrefour du Bachet-de-Pesay et l'arrivée de l'autoroute ont entraîné la construction de trois passages routiers franchissant les voies de chemin de fer.

Il s'agit de trois ouvrages d'art (ci-après: OA) distincts, mais parallèles :

-          OA n° 1______, passage supérieur voie latérale Est ;

-          OA n° 2______, raccordement au viaduc de la voie centrale ;

-          OA n° 3______, passage supérieur voie latérale Ouest.

Ces ouvrages ont été réalisés au-dessus des parcelles nos 4'385, 4'396, 4'404 et 4'834 de la commune de A______ (ci-après: la commune), lesquelles font partie de son domaine public communal. Ils franchissent également la parcelle n° 5'203 appartenant aux Chemins de fer fédéraux (ci-après : CFF).

La voie latérale Est (entre les parcelles nos 4'385 et 4'404) et la voie latérale Ouest (entre les parcelles nos 4'396 et 4'834) relient la route des Jeunes à la route de Saint‑Julien. Le viaduc de la voie centrale se situe au bout de la tranchée couverte du Bachet-de-Pesay et permet à l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates de se raccorder sur la route des Jeunes.

b. Le 24 septembre 1999, trois conventions ont été conclues entre les CFF et le canton de Genève (ci-après: le canton), concernant respectivement la voie latérale Est, la voie latérale Ouest et le raccordement au viaduc de la voie centrale. Celles‑ci règlent entre autres les questions de propriété desdits ouvrages, du partage des frais de construction, d'entretien et de renouvellement, de responsabilité ainsi que de restrictions de circulation.

Ces conventions ont un contenu identique, à part la détermination de leur objet. Elles indiquent toutes que : le canton est le maître de l'ouvrage aussi bien pour les travaux routiers que pour l'ouvrage dénivelé (art. 3) ; les CFF cèdent gratuitement au canton de Genève, au point de croisement, l'usage du domaine dont ils sont et demeurent propriétaires, conformément à l'art. 25 al. 2 de la loi fédérale sur les chemins de fer du 20 décembre 1957 (LCdF - RS 742.101) (art. 6) ; le coût des travaux est intégralement pris en charge par le canton de Genève (art. 7) ; le nouveau passage supérieur comprenant la structure porteuse, le tablier, les appuis, les piles, les culées, les murs, ses équipements, ainsi que ses accès routiers sont propriétés du canton (art. 8) ; le canton est responsable de l'entretien et du renouvellement de l'ouvrage, ainsi que des accès routiers dont il deviendra propriétaire. Il en prend tous les frais à sa charge, y compris les prestations fournies par les CFF (art. 9).

c. De leur réalisation à 2014, la commune a assumé l'exploitation et l'entretien courant des passages supérieurs voies latérales Est et Ouest, pour pallier les problèmes sécuritaires, et a assuré le service hivernal.

d. Le 28 juillet 2014, la direction des ponts et chaussées (ci-après : DPC) du département devenu depuis lors celui de la santé et des mobilités (ci-après : département) a informé la commune qu'en 2013, une inspection avait mis à jour une dégradation importante des joints de dilatation du passage supérieur de la voie latérale Ouest, en lui demandant d'exécuter et de prendre à sa charge les travaux nécessaires à la remise en état dudit passage.

Le 11 novembre 2014, la commune a refusé de réaliser les travaux au motif que vu les conventions conclues en 1999 entre le canton de Genève et les CFF, elle n'était pas propriétaire des OA. Selon un avis de droit du professeur B______du 3 novembre 2014, l'unique propriétaire des ouvrages et débiteur de leur entretien était l'État de Genève, conformément auxdites conventions, dès lors qu'il n'en existait aucune plus récente transférant les droits et obligations à la commune. Par ailleurs, aucune tentative de déclassement ou de désaffectation des voies latérales Est et Ouest en route communale, sur la base de l'art. 5 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10), n'avait pu être identifiée. L'art. 3 du règlement concernant la classification des voies publiques du 27 octobre 1999 (RCVP - L 1 10.03) n'avait jamais été modifié depuis son adoption et les travaux préparatoires de la loi portant révision de la classification des voies publiques cantonales et communales (PL 7749-A) du 5 novembre 1998, sur laquelle s'était fondé le Conseil d'État pour établir le RCVP, ne mentionnaient à aucun moment qu'un déclassement desdits tronçons était à prévoir.

e. Le 10 octobre 2017, la DPC a informé la commune que vu la dégradation des joints de dilatation et son refus de s'occuper de l'ouvrage, une inspection serait réalisée afin d'évaluer leur état, la possibilité de les réparer ou la nécessité de les changer.

Le 9 février 2018, la DPC a communiqué à la commune le rapport « Inspection urgente des joints de chaussées » établi le 4 décembre 2017, lequel révélait que les joints de dilatation du passage supérieur voie latérale Ouest étaient fortement dégradés et présentaient en plusieurs endroits des signes d'une ruine localisée. Elle allait procéder à l'exécution des travaux de remplacement nécessaires dans les deux mois à venir. Elle a répété que cette intervention, menée en tant qu'autorité cantonale de surveillance, ne l'engageait nullement quant à la procédure de détermination de la propriété de l'ouvrage en cours.

f. Le 22 juin 2020, des inconnus ont provoqué un incendie sous le passage supérieur voie latérale Est. Une inspection a révélé un défaut de résistance de la structure primaire de l'ouvrage. Une réduction conséquente du poids des véhicules autorisés à circuler sur l'ouvrage, puis un étayage provisoire, ont été mis en place en urgence par la DPC et un projet de remise en état a été établi, lequel devait faire l'objet d'une autorisation de construire.

g. Par pli du 26 janvier 2021, l'office cantonal du génie civil (ci-après : OCGC) a sollicité de la commune qu'elle appose sa signature sur le formulaire de demande d'autorisation de construire en tant que requérante et propriétaire de la chaussée, dès lors qu'il s'agissait d'une route communale principale appartenant à son domaine public.

La commune a répondu qu'elle ne le pouvait pas en tant que requérante, dès lors qu'elle n'était pas propriétaire de l'OA, mais uniquement en tant que propriétaire des parcelles adjacentes nos 4'404 et 4'385.

h. Après que la DPC a proposé en vain une rencontre avec la commune et que celle‑ci a confirmé sa position, l’OCGC a, le 21 mai 2021, rappelé à la commune les dégâts constatés et l'urgence d'effectuer les travaux permettant de rétablir la capacité portante du pont latéral Est sur les voies CFF et d'assurer la durabilité de la structure endommagée.

Sur sollicitation de l'OCGC, Maîtres C______ et D______ ont rédigé un avis de droit. Ils arrivaient à la conclusion que la propriété et l'entretien desdits OA revenaient à la commune en vertu du droit cantonal.

i. Par courrier recommandé du 8 octobre 2021, le Conseiller d'État en charge du département a indiqué à la commune que le passage supérieur voie latérale Est était une voie publique communale principale selon la carte annexée à la LRoutes et au RCPV. Sur la base de cette classification et conformément aux art. 22 et 25 LRoutes, les travaux de construction, d'élargissement et de correction des voies publiques et des OA qui en dépendaient, étaient étudiés et exécutés sous la direction de la commune et lui incombaient. La commune n'avait formulé aucune opposition lors de la procédure de consultation qui avait précédé l'adoption de la loi cantonale portant révision de la classification des voies publiques cantonales et communales du 5 novembre 1998 (PL 7749-A), sur laquelle était fondée le RCVP. Elle avait donc tacitement accepté cette classification et s'y était d'ailleurs conformée pendant de nombreuses années. Elle ne pouvait rien tirer des conventions conclues entre le canton et les CFF, auxquelles elle n'était pas partie.

j. Le 17 novembre 2021, la commune a répondu qu'elle considérait toujours que la prise en charge des frais d'entretien et de réfection de l'OA incombait à l'État de Genève.

B. a. Le 30 mars 2022, le Conseil d'État a ordonné à la commune de procéder, dans un délai de 30 jours, à l'exécution des travaux de remise en état de l'OA n° 1______.

b. Par acte du 16 mai 2022, la commune a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI), concluant à son annulation.

Les passages supérieurs se situaient en surplomb d'une voie ferrée appartenant aux CFF. En conséquence, les art. 24 ss LCdF s'appliquaient. Ces dispositions étaient déjà applicables au moment de la construction de l'ouvrage, étaient reprises dans le contenu matériel des conventions, et l'étaient également concernant la réfection de l'ouvrage. Il n'était pas envisageable pour le canton de ne pas appliquer le droit fédéral au profit de dispositions de droit cantonal. L'art. 29 LCdF déterminait qui devait exécuter les travaux d'entretien et en assumer les coûts. La jurisprudence du Tribunal fédéral avait confirmé cette conclusion à propos de l'art. 31 al. 2 LCdF.

À l'origine, tel que le confirmaient les conventions conclues en 1999 avec les CFF, le canton était propriétaire de l'OA dont la réfection était envisagée. Il n'existait aucun acte, notamment une convention entre les parties au litige, qui aurait eu pour conséquence de lui transférer la propriété de cet ouvrage. Il appartenait donc au canton d'accomplir les travaux nécessaires à la sécurisation du passage supérieur et d'en supporter les coûts. Les règles de la LRoutes permettant de déterminer qui du canton ou d'une commune devait exécuter sur le réseau routier cantonal ou communal des travaux d'entretien et les assumer financièrement, ne s'intéressaient pas à l'identité du propriétaire du tronçon mais uniquement à la classification administrative de la voie publique en question. En revanche, dès lors que la voie publique concernée croisait une voie ferrée, les règles de la LCdF s'appliquaient. Le canton, en tant que propriétaire de l'ouvrage endommagé, était également perturbateur par situation, dès lors que l'identité des individus responsables de l'incendie était inconnue. En effet, ni le canton ni la commune ne pouvaient être considérées comme perturbateurs par comportement, n'étant pas à l'origine de l'incendie.

c. Le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

Le pont latéral Est était situé sur une partie de la route des Jeunes, laquelle, selon la carte annexée à la LRoutes et le RCVP, était une route communale principale appartenant à la commune.

Selon la LRoutes, la propriété de l'OA n'était pas déterminante. Seule la classification administrative en voie publique communale l’était. Dès lors que la route des Jeunes n'était pas classée en voie publique cantonale et qu'elle n'appartenait pas à un propriétaire privé, elle était une voie publique communale ex lege.

Les dispositions de la LRoutes n'entraient pas en conflit avec les normes de la LCdF. L'OA n° 2______ (raccordement au viaduc de la voie centrale) appartenait au réseau des routes nationales et, en 1997, la construction et l'entretien des routes nationales revenaient encore aux cantons. Les OA nos 1______ et 3______ ayant été réalisés en parallèle, il était logique que le canton fût également intervenu en qualité de maître d'ouvrage. Ces trois ouvrages franchissaient une voie des CFF, de sorte que l'art. 25 LCdF trouvait à s'appliquer, d’où les conventions liant le canton et les CFF.

En vertu du droit cantonal, la commune devait être qualifiée de propriétaire de l'OA concerné. Les conventions bilatérales entre le canton et les CFF ne constituaient pas du droit fédéral, dès lors qu'elles ne contenaient aucune règle de droit. Selon le principe de relativité des contrats, elles ne liaient que les parties signataires et ne déployaient aucun effet juridique à l'égard des tiers. Dès lors, une éventuelle incohérence entre le droit cantonal et les clauses contractuelles desdites conventions ne constituait pas une violation du principe de la primauté du droit fédéral. Le fait que le canton y soit désigné comme propriétaire, en sa qualité d'autorité de surveillance, ne préjugeait pas de la répartition des tâches entre le canton et ses communes. L’OA n° 2______ (raccordement au viaduc de la voie centrale) désignait aussi le canton comme propriétaire, mais était entretenu par la Confédération.

La théorie du perturbateur par situation ne s'appliquait pas au cas d'espèce dès lors que selon le droit cantonal, le devoir d'entretenir la route communale principale incombait uniquement à la commune.

d. Dans sa réplique, la commune a souligné que la problématique ne ressortait pas de la LRoutes mais de la LCdF. En tout état, aucune de ces lois ne permettait de déterminer l'identité du propriétaire, laquelle ressortait des conventions conclues avec les CFF.

Les droits réels, dont faisait partie le droit de propriété, déployaient un effet erga omnes. Aucune loi, ni aucune convention ayant pour effet de transférer la propriété de l'ouvrage concerné n'avait été adoptée ni conclue. Le RCVP avait pour seule conséquence de procéder à une classification administrative du réseau routier cantonal en application de la LRoutes et était entré en vigueur postérieurement à la conclusion par l'État de Genève des conventions avec les CFF. La classification issue du RCVP reposait sur la loi portant révision de la classification des voies publiques cantonales et communales du 5 novembre 1998. Ainsi, lorsque le canton avait négocié et paraphé ces conventions, le tronçon en question ressortait déjà au réseau routier communal, sans que la commune n’ait été associée d'une quelconque façon à leur conclusion. Il était ainsi clair que tant au moment de leur conclusion qu’à ce jour, le canton était le propriétaire.

e. Dans sa duplique, le Conseil d’État a relevé qu’il appartenait au droit cantonal de définir quelle était la nature du droit sur le domaine public, à quelle collectivité il appartenait et quels étaient les usages des dépendances domaniales, comme c'était le cas pour l'OA litigieux, lequel appartenait au domaine public artificiel. Lors de la conclusion des conventions, la route des Jeunes appartenait déjà aux voies publiques communales. L'adoption du RCVP avait simplement confirmé ce classement, qui valait également pour l'OA concerné.

f. Par jugement du 28 novembre 2022, le TAPI a rejeté le recours de la commune.

La voie latérale Est, reliant la route des Jeunes à la route de Saint-Julien franchissait la parcelle n° 5'203 appartenant aux CFF. Les art. 25 ss LCdF s'appliquaient donc pleinement, ce que les parties ne contestaient pas. Cette norme prévoyait uniquement le principe selon lequel « le propriétaire de la nouvelle voie de communication supportera les frais de toute l'installation au lieu de croisement », ce qui comprenait également les frais d'entretien et de rénovation. La formulation de cette norme – ni aucune autre disposition de la LCdF – ne permettait de déterminer concrètement le propriétaire de la voie de communication concernée.

Il ressortait expressément de l'art. 6 des conventions des 24 septembre 1999 que celles-ci avaient été établies sur la base de l'art. 25 LCdF. Si les termes des conventions exposaient que le canton était responsable de l'entretien et du renouvellement de l'ouvrage concerné, ainsi que des accès routiers dont il deviendrait propriétaire (art. 9), il ne fallait pas perdre de vue qu'elles avaient été conclues dans le but de régler les rapports entre les CFF et le canton. Le message relatif à la LCdF exposait que celle-ci avait pour but de supprimer ou d'alléger les obligations imposées aux CFF au profit des administrations publiques de la Confédération ou des cantons, en vue de mettre en œuvre les objectifs de développement de l'infrastructure ferroviaire et les liens qu'elle entretenait avec d'autres infrastructures de transport, notamment l'infrastructure routière dans sa globalité. Il ne s'agissait dès lors à l'évidence pas d'interférer avec les compétences résiduelles des cantons, lesquelles devaient être préservées en vertu de l'art. 47 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Dans cette mesure, le terme de « canton » utilisé dans ces conventions ne déployait pas la portée que lui prêtait la recourante et faisait en réalité référence au canton en tant qu'entité juridique directement inférieure à la Confédération, sans préjudice des règles de répartition des compétences infra-étatiques instituées par celui-ci. En outre, ces conventions ne contenaient manifestement aucune règle de droit, mais uniquement des dispositions bilatérales, de sorte que ces actes n’étaient pas visés par l'art. 49 Cst. Partant, le régime d'entretien et d'exploitation des routes et des OA qui en dépendaient devait s'examiner à rigueur du droit cantonal.

La classification administrative opérée par le canton se limitait à déterminer le régime d'appartenance des voies de communication entre le domaine public cantonal ou communal et ne faisait ainsi pas obstacle au droit fédéral dès lors que celui-ci ne contenait pas de normes ou de critères déterminant l'identité du propriétaire d'une route autre que les routes nationales. De plus, il ressortait sans équivoque du RCVP que l'OA litigieux était dépendant du tronçon situé entre les parcelles nos 4'385 et 4'404, lequel appartenait au réseau communal principal et faisait partie du domaine public de la commune.

En conséquence, conformément à l'articulation prévue par le droit cantonal, notamment par l'art. 25 LRoutes, il revenait à la commune de A______ d'entretenir et de remettre en état l'OA n° 1______.

C. a. Le 16 janvier 2023, la commune a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle a conclu, principalement, à l’annulation de la décision du 30 mars 2022, subsidiairement à son annulation et au renvoi du dossier au TAPI pour nouvelle décision.

La théorie de l’autorité validée par le TAPI, selon laquelle il était inutile de rechercher qui était le propriétaire de l’OA, ne pouvait être suivie, puisque l’art. 25 LCdF prévoyait que le propriétaire de l’ouvrage devait effectuer les travaux nécessaires. Cette disposition ne permettant pas de connaître l’identité du propriétaire, il fallait, conformément aux règles de répartition des compétences prévues par la Cst., déterminer si le canton avait dans son arsenal législatif une règle qui déterminait qui était propriétaire des voies publiques sur son territoire, étant rappelé que domaine public et propriété étaient deux choses distinctes. Le droit cantonal ne contenait pas de dispositions relatives à l’acquisition et au transfert de la propriété des voies publiques. Il convenait en conséquence d’appliquer le droit civil fédéral. En premier lieu, il fallait que la collectivité publique ait acquis le bien avant de l’affecter au domaine public. Il ressortait en l’espèce sans ambiguïté des conventions entre le canton et les CFF qu’à l’époque de la construction de l’ouvrage le canton en était propriétaire. Il n’existait aucun acte dans le dossier qui démontrait un transfert de la propriété en sa faveur. Le seul acte qui pouvait éventuellement entrer en ligne de compte était la collocation de l’ouvrage au domaine public communal. Mais cet acte n’avait pas eu pour conséquence de lui transférer la propriété. Si telle avait été la volonté du canton, il aurait fallu qu’il conclue avec elle une convention, comme avec la Confédération s’agissant du viaduc de la voie centrale de la route des Jeunes et de la jonction de la Praille. Le canton devait ainsi, sur la base de l’art. 25 LCdF cum 29 LCdF, exécuter et prendre à sa charge les travaux de réfection car il était propriétaire actuel de l’OA litigieux.

Le résultat serait identique si le litige devait être résolu sur la base de la LRoutes. Dès lors que l’ouvrage en cause était un pont, il revenait au canton d’exécuter les travaux de rénovation. En se prévalant du RCVP, qui classait à son réseau communal la partie de la route des Jeunes sise entre la limite du territoire de la commune de Carouge et la route de St-Julien, dont l’ouvrage litigieux, l’autorité intimée violerait le principe de la séparation des pouvoirs.

b. Le 6 mars 2023, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

La législation cantonale sur le domaine public était pleinement applicable. L’OA litigieux étant un bien du domaine public, son affectation était réglée par le droit cantonal genevois, conformément à l’art. 664 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en sorte qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer le droit fédéral civil pour déterminer la propriété du bien. Par ailleurs, selon l’art. 4 al. 3 LRoutes, l’OA appartenait au réseau routier communal. Il ressortait sans équivoque de la carte annexée à la LRoutes et du RCVP que l’ouvrage en cause appartenait au réseau communal principal et faisait partie de son domaine public.

Il a versé à la procédure les courriers envoyés par l’OCGC à toutes les communes genevoises le 18 janvier 2022. Elles étaient invitées à vérifier, sur la base de listes répertoriant les OA, si elles en étaient les propriétaires. À titre d’exemple, la Ville de Genève a répondu être notamment propriétaire de l’encorbellement Pont CFF de la Jonction, du Pont de la Machine ou du Pont du Mont-Blanc. Pour sa part, la commune a répondu par une liste provisoire. Elle a indiqué être propriétaire de plusieurs ponts dont le Viaduc des Grandes-Communes, le Pont du Gué, le Pont du Petit-Voiret ou le Pont des Semailles.

c. Le 28 avril 2023, la commune a persisté dans ses conclusions.

L’OA 4020 était un pont qui, en tant que tel et en application de l’art. 4 al. 2 LRoutes appartenait ex lege au réseau routier cantonal. Cela emportait la conséquence qu’il revenait au canton de pourvoir à son entretien en vertu de l’art. 17 cum 19 al. 2 LRoutes.

d. À la demande de la chambre administrative, le service des routes de l’OCGC lui a transmis, le 9 juin 2023, la carte mentionnée à l’art. 4 al. 2 LRoutes (ci-après : la carte).

e. La recourante s’est déterminée le 26 juin 2023 sur ladite carte. Le tronçon litigieux était colloqué dans le réseau routier communal par le RCVP et il n’était pas surprenant de retrouver la même collocation sur la carte. Elle a pour le reste repris ses explications relatives à l’appartenance des ponts au réseau routier cantonal.

f. L’intimé a également repris ses explications et persisté dans ses conclusions.

g. Le 27 juin 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

h. La teneur des pièces du dossier sera pour le surplus reprise dans la partie en droit, dans la mesure utile au traitement du recours.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 63 al. 1 let. c LPA).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimé ordonnant à la recourante de procéder à l’exécution des travaux de remise en état de l’OA n° 4020.

2.1 Selon l’art. 3 Cst., les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Cst. et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération. À teneur de l’art. 43 Cst., les cantons définissent les tâches qu’ils accomplissent dans le cadre de leurs compétences.

L’art. 47 Cst. prévoit que la Confédération respecte l’autonomie des cantons (al. 1). Elle laisse aux cantons suffisamment de tâches propres et respecte leur autonomie d’organisation. Elle leur laisse des sources de financement suffisantes et contribue à ce qu’ils disposent des moyens financiers nécessaires pour accomplir leurs tâches (al. 2).

Le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire (art. 49 al. 1 Cst.). Au sens de cette disposition, le droit fédéral englobe toutes les règles de droit adoptées au niveau fédéral, y compris par une unité décentralisée de l’administration fédérale, ainsi que les règles de droit fédéral non écrites, en particulier les règles coutumières. Les actes ne contenant aucune règle de droit ne sont, quant à eux, pas visés par l’art. 49 Cst. Le droit cantonal au sens de l’art. 49 Cst. englobe toutes les règles de droit adoptées par, dans ou entre cantons. La notion englobe dès lors aussi le droit intercantonal, le droit communal et le droit intercommunal (Vincent MARTENET in Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, n. 18-20 ad art. 49 Cst.).

2.2 Selon l’art. 83 Cst., la Confédération et les cantons veillent à garantir l’existence d’une infrastructure routière suffisante dans toutes les régions du pays (al. 1). La Confédération assure la création d’un réseau de routes nationales et veille à ce qu’il soit utilisable. Elle construit, entretient et exploite les routes nationales. Elle en supporte les coûts. Elle peut confier ces tâches en partie ou en totalité à des organismes publics, privés ou mixtes (al. 2). Selon Markus KERN (in Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, n.12 ad art. 83 Cst.), la première phrase du second alinéa ancre implicitement la compétence législative de la Confédération dans le domaine des routes nationales. Dans la mesure où cette compétence se rapporte explicitement aux routes nationales, elle doit être considérée comme globale et pourvue d’un effet dérogatoire subséquent. Toutefois, les cantons disposent toujours de la possibilité de construire des routes à haut débit suprarégionales sous une autre appellation, de même que de réglementer leur aménagement, leur exploitation et leur entretien.

2.3 La LCdF régit la construction et l’exploitation des chemins de fer (art. 1 al. 1). Avec cette loi, il s’agit essentiellement de supprimer ou d’alléger certaines obligations imposées aux chemins de fer au profit des administrations publiques de la Confédération ou des cantons (message du Conseil fédéral sur le projet de LCdF du 3 février 1956 ; FF 1956 I 205, p. 222). Avec le LCdF, le Conseil fédéral espérait avoir réussi à grouper en une seule loi les dispositions essentielles qui règlent les rapports entre les chemins de fer et l’État (…) (message du Conseil fédéral sur le projet de LCdF du 3 février 1956 ; FF 1956 I 205, p. 222). Le chemin de fer comprend l’infrastructure et les transports effectués sur celle-ci (art. 1 al. 2).

Selon l’art. 25 al. 1 LCdF, lorsqu’un croisement doit être établi entre une nouvelle voie de chemin de fer servant au trafic public et une route publique ou entre une nouvelle route publique et le chemin de fer, le propriétaire de la nouvelle voie de communication supportera les frais de toute l’installation au lieu du croisement.

L’art. 29 LCdF prévoit que les art. 25 à 28 s’appliquent par analogie aux frais des travaux d’entretien ou de renouvellement ainsi que de toutes mesures temporaires ou permanentes prises aux croisements en vue de prévenir les accidents, de même qu’aux frais occasionnés par le service des installations établies à cet effet.

2.4 En l’espèce, il n’est pas contesté que l’OA n° 1______, passage supérieur voie latérale Est, reliant la route des Jeunes à la route de Saint-Julien, franchit la parcelle n° 5'203 qui appartient aux CFF. Il n’est pas non plus contesté que si l’art. 25 LCdF est ici applicable, cette disposition ne permet pas de déterminer qui est le propriétaire de l’ouvrage. Elle indique en effet uniquement « le propriétaire de la nouvelle voie (…) ». La LCdF ne contient aucune disposition qui le déterminerait.

Selon la recourante, les conventions CFF permettraient de désigner le canton comme propriétaire de l’ouvrage litigieux. Certes, ces conventions, fondées sur l’art. 25 LCdF (art. 6), prévoient que le canton est responsable de l’entretien et du renouvellement de l’ouvrage concerné, ainsi que des accès routiers dont il deviendra propriétaire (art. 9). Mais, comme l’ont retenu les premiers juges, ces conventions s’inscrivent dans le but désigné par le Conseil fédéral dans son message précité, à savoir alléger les obligations imposées aux CFF. Ces conventions ne sont pas de nature à remettre en cause l’autonomie cantonale garantie par la Cst. Le canton de Genève a légiféré en matière de routes et de domaine public et, comme cela sera examiné ci-dessous, le présent litige peut être résolu en mobilisant le droit cantonal sans que cela ne remette en cause les obligations du canton à l’égard des CFF ou ne viole la LCdF. Comme l’ont retenu les premiers juges, le droit cantonal est ainsi applicable au cas d’espèce.

3.             L’art. 1 let. a de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5) dispose que constituent le domaine public les voies publiques cantonales et communales dès leur affectation par l’autorité compétente à l’usage commun et dont le régime est fixé par la LRoutes. Le Conseil d’État exerce la surveillance générale du domaine public (art. 2 LDPu).

3.1 Selon l’art. 1 LRoutes conformément à la LDPu, les voies publiques cantonales et communales affectées par l’autorité compétente à l’usage commun font partie du domaine public.

Aux termes de l’art. 4 LRoutes, les voies publiques sont divisées du point de vue administratif en voies publiques cantonales et voies publiques communales (al. 1). Les voies publiques cantonales comprennent les routes cantonales, selon carte annexée à la LRoutes, ainsi que les quais, ponts, places et tunnels (al. 2). Les voies publiques communales comprennent les voies qui ne sont pas classées comme voies publiques cantonales ou qui n’appartiennent pas à des propriétaires privés. Les voies publiques communales sont classées en routes communales principales et en routes communales secondaires (al. 3). Le conseil d’État établit par voie réglementaire la liste des voies publiques selon cette classification (al. 4).

L’art. 17 LRoutes prévoit que les travaux de construction, d’élargissement et de correction des voies publiques cantonales et des OA qui en dépendent sont étudiés et exécutés sous la direction du département.

L’art. 19 LRoutes dispose que l’État pourvoit à l’entretien des voies publiques cantonales (al. 1). L’entretien comprend la mise en état des chaussées et de leurs dépendances, l’entretien des OA et le nettoiement de la chaussée (al. 2).

Les travaux de construction, d’élargissement et de correction des voies publiques communales et des OA qui en dépendant sont étudiés et exécutés sous la direction de la commune (art. 22 LRoutes).

Selon l’art. 25 LRoutes, l’exécution des travaux d’entretien des voies publiques communales incombe aux communes (al. 1). L’entretien des voies publiques communales comprend la mise en état des chaussées et de leurs dépendances, l’entretien des OA et le nettoiement de la chaussée (al. 2).

À teneur de l’art. 96 LRoutes, le Conseil d’État fixe par des règlements les dispositions relatives à l’application de la LRoutes (al. 1). Il établit les listes descriptives des routes cantonales et des routes communales principales figurant sur la carte annexée à la LRoutes (al. 2).

3.2 Selon l’art. 3, A______, ch. 4 RCVP, sont classées comme routes communales principales : les parties de la route des Jeunes, de la limite communale Carouge à la route de Saint-Julien (RC 3).

3.3 En l’espèce, la solution retenue par les premiers juges doit être suivie dès lors que, comme cela ressort du RCVP et de la carte, l’OA litigieux constitue un tronçon situé entre les parcelles nos 4'385 et 4'404. Ce tronçon est une voie publique communale, classé comme route communale principale, et il constitue le domaine public communal.

4.             La recourante soutient ensuite que même à supposer que le litige serait résolu sur la base de la LRoutes et non de la LCdF, le résultat serait le même. La LRoutes prescrivant que les voies publiques cantonales comprennent les routes cantonales et les ponts, places et tunnels et attendu que l’ouvrage en cause est un pont, il reviendrait au canton d’exécuter les travaux de rénovation et d’en assumer le coût. En se prévalant du RCVP, l’autorité violerait le principe de la séparation des pouvoirs, la loi rattachant un pont au réseau routier cantonal et non communal.

4.1 Au niveau fédéral, le principe de la séparation des pouvoirs est implicitement contenu dans la Constitution fédérale (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER /Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 458). Il s'agit d'un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen (ATF 130 I 1 consid. 3.1). Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe ; en particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ;
138 I 196 consid. 4.1 ; 134 I 322 consid. 2.2 ; 119 Ia 28 consid. 3 ; 118 Ia 305 consid. 1a).

Dans le canton de Genève, l'art. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif incombe au Grand Conseil
(art. 80 Cst-GE). Le Conseil d'État est chargé de l'exécution des lois et adopte à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). À moins d'une délégation expresse, le Conseil d'État ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles étaient conformes au but de la loi (ATF 134 I 313 consid. 5.3 ; 133 II 331 consid. 7.2.2 ; 130 I 140 consid. 5.1 ; 114 Ia 286 consid. 5a ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2 ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008
consid. 3a ; ACST/28/2018 du 12 décembre 2018 consid. 8b).

Le mécanisme de la délégation législative est solidement ancré dans le droit public cantonal (ATA/426/2023 du 25 avril 2023 consid. 3.2 ; ATA/52/2015 du
13 janvier 2015 consid. 2b ; ATA/585/2014 du 29 juillet 2014 consid. 4e). Le gouvernement peut édicter des règles de droit soit dans des ordonnances législatives d'exécution, soit dans des ordonnances législatives de substitution fondées sur une délégation législative. Les ordonnances d'exécution concrétisent les règles qui figurent dans la loi en précisant les modalités pratiques de son application, les questions d'organisation et de procédure, ou les termes légaux vagues et imprécis. Elles doivent rester dans le cadre tracé par la loi ; elles ne peuvent contenir que des normes dites secondaires. Une norme secondaire est une règle qui ne déborde pas du cadre de la loi, qui ne fait qu'en préciser certaines dispositions et fixer, lorsque c'est nécessaire, la procédure applicable. Par contre, les ordonnances de substitution fondées sur une délégation législative contiennent des normes dites primaires. Une norme primaire est une règle dont on ne trouve aucune trace dans la loi de base, une règle qui étend ou restreint le champ d'application de cette loi, confère aux particuliers des droits ou leur impose des obligations dont la loi ne fait pas mention. Ces normes primaires doivent toutefois respecter le cadre légal défini par la clause de délégation législative ; celle-ci doit notamment être ancrée dans la loi formelle et indiquer le contenu essentiel de la réglementation (ATF 134 I 322 consid. 2.4 ; 133 II 331 consid. 7.2.2 ; 132 I 7 consid. 2.2 ; 104 Ib 205 consid. 3b ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2c ; ATA/571/2014 du 29 juillet 2014 consid. 6 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 540 ss ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 244 ss et 251 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 323 ss et 371).

Pour déterminer l'étendue du pouvoir réglementaire, il faut interpréter la loi quelle que soit la nature de la norme (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 244 ss).

4.2 L’autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal (art. 50 al. 1 Cst.). Selon l’art. 132 Cst-GE, les communes sont des collectivités publiques territoriales dotées de la personnalité juridique (al. 1). Leur autonomie est garantie dans les limites de la constitution et de la loi (al. 2).

L’art. 133 Cst-GE prévoit que la répartition des tâches est régie par les principes de proximité, de subsidiarité, de transparence et d’efficacité (al. 1). La loi fixe les tâches qui sont attribuées au canton et celles qui reviennent aux communes. Elle définit les tâches conjointes et les tâches complémentaires (al. 2).

Il appartient au droit cantonal de définir quelle est la nature du droit sur le domaine public, à quelle collectivité il appartient et quels sont les usages des dépendances domaniales (Pierre MOOR/Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, Droit administratif, vol. II : L’organisation des activités administratives. Les biens de l’État, 2018, p. 645).

4.3 En l’espèce, l’OA en cause est un pont comme cela ressort notamment des conventions avec les CFF (art. 2). L’art. 4 LRoutes pourrait être compris comme le suggère la recourante. Cette interprétation implique toutefois que le législateur aurait souhaité que le canton entretienne tous les quais, ponts, places et tunnels situés sur le territoire cantonal, ce qui paraît douteux. La solution défendue par la recourante ne sera quoi qu’il en soit pas retenue pour les raisons suivantes : l’art. 19 LRoutes prévoit que l’État pourvoit à l’entretien des voies publiques cantonales, cet entretien comprenant celui des OA. L’art. 25 LRoutes prévoit pour sa part que l’exécution des travaux d’entretien des voies publiques communales incombe aux communes, cet entretien comprenant celui des OA. Dès lors qu’on ne voit pas, au sens de l’art. 25 LRoutes, qu’une commune devrait entretenir autre chose que les OA compris dans les voies publiques communales, on ne voit pas non plus, au sens de l’art. 19 LRoutes, que l’État devrait entretenir autre chose que les OA compris dans les voies publiques cantonales. L’art. 4 LRoute aurait certes mérité une rédaction plus claire à l’image de la loi vaudoise sur les routes du 10 décembre 1991 (LRou - 725.01). La LRou définit en effet d’abord ce que comprend une route (art. 2 al. 1) et précise d’emblée que les ouvrages nécessaires tels que les ponts ou tunnels font également partie de la route (art. 2 al. 2). Plus loin, elle expose ce que sont les routes cantonales (art. 5) et les routes communales (art. 6). Il n’est dès lors pas choquant de comprendre l’art. 4 LRoutes comme le fait l’intimé, à savoir que le pont litigieux n’étant pas classé comme une voie publique cantonale, il est une voie publique communale. Cela présente notamment l’avantage qu’une même entité, en l’occurrence la commune, est appelée à entretenir toute la voie principale communale sans qu’il soit nécessaire de faire appel au canton pour entretenir les quelques mètres que constituent le tronçon du pont litigieux.

En éditant le RCVP, le Conseil d’État n’a ainsi pas violé le principe de la séparation des pouvoirs. Ce grief sera également écarté de sorte qu’il revient à la recourante d’entretenir et de remettre en état l’OA n° 1______.

Infondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 janvier 2023 par la Commune de A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la commune de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Steve ALDER, avocat de la recourante, au Conseil d'État ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

 

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Eleonor McGREGOR, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :