Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1619/2023

ATA/722/2023 du 04.07.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1619/2023-FORMA ATA/722/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juillet 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure, agissant par ses parents B______ et C______ recourante

contre

SERVICE ÉCOLES ET SPORT, ART, CITOYENNETÉ intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 2011, pratique le tennis, à l’instar de sa sœur jumelle.

b. Elle sera en neuvième année lors de la rentrée scolaire en automne 2023.

B. a. A______ a demandé son admission dans le dispositif sport, art, études (ci-après : SAE) par requête du 9 février 2023. Elle était scolarisée en huitième année à l’école de Pâquis-Centre et devait commencer sa neuvième année au cycle d’orientation en août 2023. Elle pratiquait le tennis, ne disposait pas d’une Swiss Olympic Talent Card et n’était sélectionnée dans les cadres ni au plan national ni au plan régional. Elle pratiquait dans la catégorie U12. Elle s’entraînait huit heures par semaine du lundi au vendredi et détaillait ses résultats et son planning.

Bien qu’ayant commencé les tournois sur le tard, en avril 2022, à cause de la
Covid-19, elle avait pu atteindre le niveau R5, avait pu jouer plus de 45 matchs lors de sa première année de compétition et avait participé aux qualifications des championnats suisses en novembre 2022 grâce à sa forte progression au classement. Elle participerait au recrutement pour les cadres genevois en avril 2023.

b. Par courrier du 20 mars 2023, le service écoles et sport, art, citoyenneté – SAE (ci-après : SESAC) a informé B______ et C______, parents de A______ (ci-après : les parents) que le dossier de leur fille avait été évalué et que le niveau sportif requis n’était pas atteint, A______ étant classée en R5 selon le classement mensuel de Swiss Tennis au 3 mars 2023, alors que le degré R4 était exigé.

c. Par courriel du 29 mars 2023, B______ a relevé que A______ et sa sœur faisaient partie des meilleures joueuses de tennis du canton dans leur catégorie d’âge. Elles avaient toutes deux participé à la finale des championnats genevois en U12, l’une contre l’autre. Elles avaient régulièrement pris part à des tournois régionaux (Fribourg, Berne, Vaud, Neuchâtel) et faisaient partie des meilleures joueuses de Suisse romande, avec des résultats très prometteurs. Elles avaient commencé les tournois en avril 2022 et n’avaient pas pu, en raison des restrictions liées à la Covid-19, accéder aux compétitions et accumuler des points en catégorie U10 notamment. Elles avaient fait un bond remarquable au classement durant une très courte période en atteignant un classement R5 à quelques places du R4 au 24 février 2023. Leurs entraîneurs soutenaient « fortement » leur demande d’accès au dispositif SAE. Une non-admission serait un frein certain à leur développement sportif et une grande déception au vu des efforts consentis pour y être éligible. Les deux sœurs avaient par ailleurs d’excellents résultats scolaires.

Une attestation du « responsable compétition du tennis club de Carouge » était jointe. Il confirmait son soutien au projet des deux sœurs « qui mériteraient d’intégrer le programme SAE dès la rentrée 2023/2024 ». Elles avaient le profil sportif pour atteindre le haut niveau, avaient démontré un degré de motivation et d’engagement hors du commun et avaient les compétences pour participer aux championnats nationaux, « ce qui était remarquable ». Leur entourage était très impliqué dans ce projet de sport/performance et les efforts consentis par les parents pour les emmener en tournois très régulièrement étaient importants.

d. Par décision du 12 avril 2023, le SESAC a constaté que les critères d’admission dans le dispositif SAE n’étaient pas remplis par A______ pour l’année scolaire 2023-2024 et a rejeté la requête.

C. a. Par acte du 12 mai 2023, les parents ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée et ont conclu à son annulation et à ce que l’admission de leur fille dans le dispositif SAE soit ordonnée. À titre provisionnel, A______ devait être admise en SAE jusqu’à droit jugé.

Il était regrettable que l’unique critère pris en considération soit le classement au 3 mars 2023 de leur fille et que leurs commentaires sur ses progrès rapides et significatifs, son niveau de jeu, ses résultats prometteurs, sa motivation et son haut potentiel sportif reconnu par ses entraîneurs aient été occultés. Elle pouvait justifier d’un niveau R4 au 3 mars 2023 compte tenu de ses résultats sportifs malgré le classement officiel, ajusté quelques semaines plus tard. Elle avait passé en R4 en mai 2023, en fonction de résultats antérieurs au 3 mars 2023. Il devait être retenu qu’elle avait acquis le niveau requis à la date butoir. Le canton de Genève pratiquait des critères d’éligibilité plus contraignants que ceux des cantons voisins. Dans le cadre de son parcours sportif, elle était amenée à jouer régulièrement contre des joueuses résidant dans ces cantons et au bénéfice d’un parcours sport/études leur permettant de concilier au mieux leurs études et leurs entraînements. La non admissibilité de leur fille au programme SAE genevois péjorerait ses chances sur un plan romand.

b. Le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département), responsable du SESAC, a conclu au rejet du recours.

Les critères retenus par le SESAC avaient été élaborés avec l’association régionale Genève Tennis, association cantonale faîtière de la discipline et étaient basés sur la politique de la relève de Swiss Tennis, association faîtière suisse de la discipline. C’était en conséquence Swiss Tennis qui définissait les classements requis pour intégrer l’une des équipes nationales.

c. La recourante n’a pas souhaité répliquer dans le délai au 16 juin 2023 qui lui avait été imparti.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 3 du Règlement sur le dispositif sport-art-études du 26 août 2020 - RDSAE - C 1 10.32 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus du SESAC d’intégrer la recourante dans le dispositif SAE pour l’année scolaire 2023-2024.

2.1 Aux termes de l’art. 24 al. 1 let. c de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), en référence aux finalités de l’école publique décrites à l’art. 10 LIP, le département met en place, dans chaque degré d’enseignement, des mesures intégrées à l’horaire régulier et complémentaires de soutien ainsi que des aménagements du parcours scolaire qui peuvent revêtir différentes modalités, destinées en priorité aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l’État.

Sous l’intitulé « Élèves à haut potentiel intellectuel, sportif ou artistique »,
l’art. 27 LIP prévoit que, pour permettre aux élèves dont les performances intellectuelles, sportives ou artistiques sont attestées par des organismes officiels reconnus par l’État de bénéficier d’aménagements de leur parcours scolaire, le département prend les mesures d’organisation adaptées selon les degrés d’enseignement, telles que l’adaptation de la durée de sa scolarisation ou l’admission en classe SAE.

2.2 Le canton contribue à la promotion des jeunes talents sportifs présentant un niveau d’aptitudes particulièrement élevé par le biais du programme sport-art-études et par le soutien à des centres nationaux et régionaux de performance
(art. 15 de la loi sur le sport du 14 mars 2014 - LSport - C 1 50).

2.3 Le dispositif a pour but de permettre aux élèves à haut potentiel sportif ou artistique de bénéficier d'un allègement ou d'un aménagement de l'horaire ou du parcours scolaire ou de formation professionnelle (art. 2 RDSAE).

L'accès au dispositif est réservé aux élèves pratiquant de manière intensive une discipline sportive individuelle ou collective reconnue par : a) le programme « Jeunesse et sport » de la Confédération ou b) l'association Swiss Olympic, dont en priorité les disciplines bénéficiant d'un concept de promotion de la relève (art. 3 al. 1 RDSAE).

La liste des critères sportifs et artistiques permettant l'admission et le maintien dans le dispositif est publiée chaque année sur le site Internet du département (art. 3
al. 3 RDSAE).

L'élève qui atteint les exigences minimales requises ne détient pas un droit à bénéficier d'une place dans le dispositif (art. 4 al. 5 RDSAE).

Le SESAC est chargé de la mise en œuvre du dispositif en collaboration avec les associations sportives faîtières nationales, régionales et cantonales, les écoles d'enseignement artistique visées à l’art. 106 LIP, ainsi qu’avec l’office cantonal chargé de la culture et du sport (art. 5 al. 1 RDSAE). Il détermine, en collaboration avec eux, les critères sportifs et artistiques d'admission dans le dispositif (art. 5 al. 4 RDSAE). Il évalue le dossier de l'élève au regard des critères sportifs ou artistiques d'admission ou de maintien et notifie aux parents ou à l’élève majeur une décision de constatation que ces critères sont remplis ou non (art. 5 al. 5 RDSAE).

2.4 Selon la brochure explicative, disponible sur le site de l’État, les critères sportifs minimaux à atteindre en tennis pour une fille née en 2011 pour l’admission dans le dispositif SAE pour l’année scolaire 2023-2024 est le niveau R4.

2.5 Dans une jurisprudence constante, la chambre de céans a confirmé les modalités mises en place par le DIP, selon lesquelles l’évaluation des candidatures se fait sur la base des résultats obtenus au cours de l’année écoulée à la date limite de dépôt des inscriptions. Le cadre de référence est ainsi objectivé et identique pour toutes les disciplines et pour les candidats de chaque discipline. Il est ainsi propre à assurer l’égalité de traitement entre les postulants (ATA/611/2020 du 23 juin 2020 ; ATA/752/2018 du 18 juillet 2018 consid. 3b ; ATA/1134/2017 du 2 août 2017 consid. 4 ; ATA/683/2016 du 26 août 2016 consid. 3 et les références citées).

2.6 En l’espèce, il ressort du dossier que la recourante avait atteint, au moment du dépôt des dossiers le 3 mars 2023, le niveau R5 et ne satisfaisait pas, à ce titre, à la condition de rang R4 exigée pour les filles nées en 2011 pour accéder au dispositif SAE. La recourante ne conteste ni la date fixée pour remplir les conditions ni le niveau R4 exigé.

Les parents allèguent que leur fille avait le niveau requis à la date du 3 mars 2023 indépendamment du classement officiel, ajusté ultérieurement. Or, les critères de sélection pour l’année 2023-2024 ont été fixés en collaboration avec l’association sportive faîtière nationale concernée. Comme le relève à juste titre l’autorité intimée, être vice-championne genevoise de sa catégorie d’âge et classée septième joueuse romande après un an de compétition ne sont pas des critères reconnus par les associations sportives faîtières nationales, régionales et cantonales en collaboration avec le SESAC. Il ressort du classement produit par la recourante qu’elle était 1122ème au niveau national au mois d’avril 2023 en R5, soit après la date déterminante du 3 mars 2023. Ce n’est que deux mois après la date de référence qu’elle a atteint le niveau R4, étant alors 576ème dans cette catégorie sur le plan national, ce dont il ne peut être tenu compte, au vu des règlements applicables et du respect du principe de l’égalité de traitement. Les conditions d’admission dans un dispositif similaire dans les autres cantons romands ne sont pas pertinentes pour l’application de la législation genevoise. Le grief n’est pas fondé.

En rejetant la requête des recourants, le DIP a fait une correcte application du droit en s’en tenant aux critères stricts définis par le règlement et la brochure les détaillant pour l’année scolaire 2023-2024, établie avec les associations faîtières sportives concernées, et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

Le recours sera rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet la requête de mesures provisionnelles.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante. Celle-ci, enfant mineure, ayant agi par ses parents, ces derniers se verront astreints au paiement dudit émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 mai 2023 par A______, agissant par ses parents B______ et C______ contre la décision du service écoles et sport, art, citoyenneté du 12 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge B______ et C______, pris solidairement, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17  juin  2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à B______ et C______ ainsi qu'au service écoles et sport, art, citoyenneté.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :