Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1807/2023

ATA/707/2023 du 28.06.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1807/2023-FPUBL ATA/707/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 28 juin 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE intimée


Vu, en fait, la décision du 26 avril 2023 de la Commandante de la police (ci-après : la commandante), déclarée exécutoire nonobstant recours, résiliant les rapports de service de A______ avec effet au 31 mai 2023 en application des dispositions sur la fin des rapports de service pendant la durée d’un stage ; que les motifs de la résiliation avaient été exposés à l’intéressé lors des entretiens des 28 février et 3 mars 2023 ; que son comportement et les propos inappropriés et sexistes tenus à l’encontre, entre autres, de deux aspirantes de sa classe n’étaient pas en adéquation avec ce qu’il était permis d’attendre d’un futur policier ; qu’il avait eu l’occasion de formuler des observations le 27 mars 2023 ; qu’il avait admis avoir tenu des propos qu’il qualifiait de « lourds, graveleux et inadéquats » tout en évoquant des blagues, tant à l’égard des hommes que des femmes, sans intention de blesser ; qu’il lui avait été signalé à plusieurs reprises que son comportement dépassait les limites du cadre fixé par l’académie de police ; que son comportement avait été inadmissible dès le début de la formation, mais que sa gravité n’avait été portée à la connaissance de la commandante que tardivement ; que les excuses et les regrets qu’il avait formulés démontraient sa prise de conscience, mais ne justifiaient pas ses actes ; que son attitude, qu’il avait largement admise, était aux antipodes des valeurs de la police genevoise ; que la posture de A______ ne lui inspirait en conséquence pas la confiance indispensable pour envisager la poursuite de la collaboration ;

vu le recours expédié le 26 mai 2023 par A______ à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, dont il demande l’annulation, concluant à sa réintégration immédiate à l’académie de Savatan à son poste d’aspirant policier ; qu’à titre préalable, il a requis la restitution de l’effet suspensif ; qu’il a exposé qu’à la suite d’une intervention d’un lieutenant dans sa classe le 27 février 2023, il avait été convoqué pour une audition le lendemain ; que, le même jour, il s’était vu notifier son renvoi de l’académie alors que son audition n’était pas encore terminée ; qu’il avait été transféré de Savatan à son domicile genevois dans un véhicule de fonction, accompagné d’un policier et qu’une psychologue, et était arrivé à 23h30 à son domicile ; qu’il était choqué par les conditions de son départ ; qu’il avait été libéré de son obligation de travailler le 3 mars 2023 avec effet immédiat ; qu’il avait reconnu immédiatement certains des faits qui lui étaient reprochés, affirmant n’avoir jamais eu l’intention de blesser une ou un camarade de classe ; qu’il contestait être misogyne et avoir un problème avec les aspirantes féminines, affirmant faire des blagues visant tant les hommes que les femmes ; qu’il était habitué au milieu militaire après avoir vécu douze années au sein de la gendarmerie française ; qu’il avait lui-même fait l’objet de blagues récurrentes de la part de ses camarades et même de supérieurs hiérarchiques, notamment en lien avec sa nationalité française et son emploi dans la gendarmerie de ce pays ; qu’il n’était pas le leader négatif décrit dans les auditions de ses camarades de classe, mais organisait des événements comme des soirées aux bains de Lavey ou un repas de Noël ; qu’il était bienveillant à l’égard de ses camarades et n’hésitait pas à les aider, notamment les femmes ; que son incompréhension était en conséquence grande ; qu’il pensait ses relations bonnes et cordiales avec, notamment, les aspirantes auditionnées ; que les messages échangés démontraient plutôt une ambiance sympathique ; que la résiliation de ses rapports de service ne reposait pas sur un motif fondé ; qu’aucune des évaluations n’évoquait des propos blessants, misogynes qui seraient un problème pour les membres de sa classe ; qu’il ne s’était pas douté que ses propos pouvaient être blessants et n’avait jamais eu l’opportunité de corriger son attitude ; que la décision était disproportionnée ; qu’il avait émis de profonds regrets et présenté des excuses, preuve de sa prise de conscience et de sa volonté de continuer sa formation en améliorant son comportement ; qu’il n’avait aucun antécédent et que ses états de service au sein de la gendarmerie française étaient exemplaires ; qu’un avertissement formel avec mention des risques encourus aurait été plus proportionné ; que l’autorité intimée n’avait pas instruit à décharge ; que le caractère immédiatement exécutoire de la décision l’entravait dans sa formation ; que ce retard serait difficilement réparable en cas de réintégration ; que l’académie avait attendu huit jours pour prendre des mesures à son encontre en raison notamment du tournage d’un reportage télévisé ; qu’il était donc possible de le laisser continuer à se former jusqu’au terme de la procédure ;

que la commandante a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif ; qu’elle a relevé que le recourant était au bénéfice d’un contrat d’engagement en qualité d’aspirant de police, portant sur une période de douze mois ; qu’il n’avait pas le statut de fonctionnaire ; qu’un motif fondé n’était pas nécessaire pour mettre fin à ses rapports de service ; que si la chambre de céans devait retenir que la résiliation des rapports de service était contraire au droit, ce qui était fermement contesté, elle pourrait tout au plus proposer la réintégration du recourant ; que l’autorité intimée n’entendait pas poursuivre les relations de travail avec l’intéressé ; que les propos sexistes et le comportement de celui-ci, à l’encontre, entre autres, de deux aspirantes de sa classe, n’étaient pas en adéquation avec ce qu’il était permis d’attendre d’un futur policier ; que l’employeur devait veiller à la protection de la personnalité de tous les membres de son personnel ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a fait valoir que la commandante n’expliquait pas pour quels motifs il avait pu poursuivre son activité pendant sept jours alors que les raisons qui motivaient son licenciement étaient connues ; qu’aucun intérêt prépondérant ne s’opposait à la poursuite de sa formation à l’académie de Savatan ; que les conséquences de sa mise à l’écart sur son avenir professionnel étaient graves ; que l’autorité intimée ne présentait aucune justification spécifique à l’exclusion de l’effet suspensif ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu’en l’espèce, il ressort de la lettre d’engagement au sein de l’administration cantonale en qualité d’aspirant de police du 13 juillet 2022 que la durée de la formation académique du recourant est de douze mois (art. 1), débutait le 1er septembre 2022 (art. 1) et que l’engagement pouvait prendre fin en tout temps si, entre la signature du contrat et la fin de la formation, l’aspirant de police, notamment, ne répondait plus aux critères d’admission, n’était plus en adéquation avec la charte éthique de l’administration cantonale, ou avait commis une violation avérée, grave ou répétée des règles internes à l’académie de police de Savatan ou des prescriptions de service (art. 11) ;

que, s’il ressort de certaines pièces que le recourant est apprécié de certains de ses camarades, voire qu’il a organisé des événements festifs pour ceux-ci, les propos évoqués par les deux aspirantes sont prima facie grossiers et méprisants à l’encontre des femmes à l’instar de « les grosses vont devant parce qu’elles vont lentement » ; « ferme ta gueule tu ne sers à rien » ; « elle n’a rien à faire là » ; « bon appétit à tous, sauf aux femmes parce qu’elles puent de la chatte et elles avalent du sperme » ; « Amanda, je lui chie sur la gueule » « je me réjouis de voir l’aspirante au parcours Agility pour la voir galérer » ;

que, si l’intérêt du recourant à pouvoir poursuivre sa formation est important, celui de l’administration publique à offrir, notamment à ses collaboratrices, des conditions, non seulement de travail, mais de formation, adéquates et respectueuses de leur personnalité prime l’intérêt du recourant ;

que l'employeur jouissant d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités), les chances de succès du recours n’apparaissent de prime abord pas évidentes ;

qu’il ressort prima facie de la jurisprudence de la chambre de céans ne peut pas ordonner la réintégration d’un employé (ATA/110/2020 du 3 février 2020, consid. 5d) ;

qu'ainsi, en cas d'admission du recours, elle ne pourrait que proposer la réintégration du recourant ; partant, la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de le réintégrer pendant la durée de la procédure, irait au-delà des compétences de la chambre administrative, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/641/2020 du 1er juillet 2020 consid. 7 et 8 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu’ainsi la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête d’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1005 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;


 

communique la présente décision à Me Pierre OCHSNER, avocat du recourant, ainsi qu'à la Commandante de la police.

 

 

 

La présidente :

 

 

 

Valérie LAUBER

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :