Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/665/2023

ATA/686/2023 du 27.06.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;PÉRIODE D'ESSAI;PROLONGATION
Normes : LPA.61; LPAC.4.al1; LPAC.5; LPAC.6.al1; RPAC.45.al1.leta; RPAC.47.al1; RTrait.5A.lete; LPAC.13; RPAC.45.al1.leta
Résumé : Prolongation de la période probatoire justifiée pour un cadre supérieur n’ayant pas suivi les instructions de sa hiérarchie et ayant choisi de saisir le GdC unilatéralement, sans concertation. S’ajoute une amélioration nécessaire de son comportement et de sa communication dans ses échanges avec ses collègues de travail et les partenaires extérieurs à l’administration dont il dépend. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/665/2023-FPUBL ATA/686/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE intimé



EN FAIT

A. a. Dès le 1er février 2021, A______ a été engagé en qualité de directeur du B______ (ci-après : B______), au sein du département de la cohésion sociale, transféré au sein du département des institutions et du numérique (ci-après : le département) depuis le 1er juin 2023, au taux d’activité de 100 % en classe 25, anuité 22.

Sa supérieure hiérarchique était la secrétaire générale du département.

Selon son cahier des charges, ses activités managériales visaient à : organiser et mettre en œuvre le programme en tenant compte du contexte ; fédérer ses collaborateurs et ses pairs autour de la stratégie et de la vision ; construire, de concert avec ses collaborateurs, un bon climat de travail ; promouvoir l’innovation. Les activités spécifiques au métier consistaient à : appuyer, assister et conseiller les communes dans l’exercice de leurs compétences et les informer ; traiter les problèmes juridiques concernant les communes ; contrôler les décisions prises par les autorités communales au regard des législations communales, cantonales et fédérales conformément aux directives et aux procédures du service ; procéder à la rédaction ou à la modification des dispositions légales ou réglementaires ayant un lien avec les communes, en assurant le respect du droit des communes à une consultation adéquate et assurer toute autre responsabilité déléguée par la secrétaire générale ou le conseiller d’État.

b. À partir du 1er janvier 2022, son taux d’activité a été diminué à 80 % à sa demande afin d’augmenter de 20 % le taux d’activité de la responsable du secteur juridique du B______.

Il a repris à 100 % dès le 1er février 2023.

B. a. Le 30 avril 2021, a eu lieu un entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) de A______ au terme de ses trois premiers mois d’activité, en présence de la secrétaire générale et du secrétaire général adjoint.

Les valeurs et principes ainsi que les compétences techniques et managériales requis étaient globalement maîtrisés. Le bilan de la secrétaire générale était positif. En particulier, s’agissant d’un service en sous-effectif depuis de nombreux mois, ayant connu près de deux ans d’instabilité, dans un contexte marqué par les contraintes liées aux mesures de lutte contre le coronavirus, avec certaines collaboratrices ayant des relations tendues depuis plusieurs années, A______ avait pu en peu de temps faire un diagnostic de la situation et formaliser des modalités de travail cohérentes. Dès son entrée en fonction, il avait fourni dans des délais très contraints plusieurs avis juridiques de grande qualité. Il avait fait montre de son expertise en la matière ainsi que lors de la supervision de la rédaction d’écritures par un mandataire. Il avait donné auprès de conseils municipaux des conférences visant à les informer sur les compétences respectives des organes exécutif et délibératif. Il avait su enrichir son propos d’une vision historique et institutionnelle. Il avait veillé à répondre avec précision et célérité aux sollicitations des communes sur diverses questions. Il prenait la précaution de s’assurer au préalable, lorsque la situation l’exigeait, auprès du secrétaire général adjoint si les réponses qu’il proposait étaient conformes aux usages du service. La précision et la clarté de ses réponses avaient rapidement permis d’établir sa crédibilité auprès des partenaires communaux ou des services préaviseurs.

b. Selon un échange de courriels du 24 août 2021, A______ a sollicité de la directrice du service des ressources humaines (ci-après : DRH) la marche à suivre pour un entretien de recadrage de l’une de ses collaboratrices ayant refusé de suivre ses instructions, ce que celle-ci lui a indiqué.

c. Par courriel du 27 août 2021, A______ a convoqué la collaboratrice en question à un entretien « de service », corrigé ultérieurement en entretien « de recadrage », en énumérant les reproches formulés à son encontre quant à son comportement et à la qualité de son travail.

d. Le 2 mars 2022, a eu lieu un second EEDM de A______ après neuf mois d’activité, en présence de la secrétaire générale et du secrétaire général adjoint.

Selon le compte rendu y relatif, les objectifs étaient globalement atteints, à l’exception d’un. Les valeurs et principes ainsi que les compétences techniques et managériales étaient maîtrisés. Pour le « sens des relations interpersonnelles », il était notamment précisé qu’il avait entrepris de régler des problématiques RH auxquelles le service était confronté depuis de nombreuses années. Le secrétariat général lui savait gré de ce courage. Le bilan général était positif. En particulier, son investissement complet pour sa fonction et ses apports sur les enjeux institutionnels étaient appréciés. Ses grandes qualités d’analyse et sa rapidité rédactionnelle sur des avis juridiques parfois complexes constituaient un apport important pour le service. Il savait également faire preuve de souplesse dans des situations qui l’imposaient, notamment sur demande du chef du département.

e. Entre les mois de novembre 2022 et février 2023, A______ a échangé divers courriels avec la secrétaire générale, les RH et le secrétaire général adjoint à la suite d’un incident du 11 novembre 2022 à l’occasion duquel ce dernier s’était adressé de manière inadéquate à une collaboratrice du B______.

f. Par courriel du 1er décembre 2022, faisant suite à un entretien du 17 novembre 2022 entre la DRH, les collaborateurs du B______ et elle-même, la secrétaire générale a demandé à A______ « de bien vouloir consigner par écrit les dysfonctionnements constatés » dans le cadre de la collaboration avec le secrétaire général adjoint. Un entretien avec ce dernier à ce propos serait ensuite organisé.

g. Le 14 décembre 2022, les collaborateurs du B______ et A______ ont adressé au groupe de confiance (ci-après : GdC) une demande de conciliation, alternativement d’ouverture d’investigation à l’encontre du secrétaire général adjoint. Copie de celle-ci a été transmise le jour même à la secrétaire générale.

Entre 2019 et 2020, des difficultés avaient surgi entre les collaborateurs du B______ et le secrétaire général adjoint. L’intervention du secrétariat général en 2020 n’avait pas amélioré la situation, l’attitude du secrétaire général adjoint n’ayant pas changé. Au mois de novembre 2022, diverses réunions ont eu lieu à ce sujet, dont une entre A______, la DRH et la secrétaire générale. Craignant pour la protection de leur personnalité vu l’inaction du secrétariat général, les collaborateurs du B______ avaient décidé de saisir le GdC. Ils ressentaient du mépris de leur travail dans les agissements du secrétaire général adjoint. La collaboration entre les institutions étatiques et communales avait été gravement atteinte par le comportement de ce dernier, ce qui compliquait le travail du B______. Les collaborateurs éprouvaient désormais de l’anxiété lorsqu’ils envoyaient des projets de loi ou d’arrêtés au secrétariat général. Ils ne savaient plus qui était habilité à leur donner directement des instructions. Cette situation créée par les interventions du secrétaire général adjoint avait affecté la quantité et la qualité du travail fourni par le B______.

h. Par courrier du 16 décembre 2022, le GdC en a accusé réception, en proposant une rencontre, voire une médiation.

i. Le 21 décembre 2022, a eu lieu un entretien entre la secrétaire générale, la DRH et A______.

Selon les notes y relatives, il en ressort notamment que la secrétaire générale considérait qu’en procédant de la sorte, A______ avait délibérément décidé de ne pas donner suite à ses instructions du 1er décembre 2022, ce qui constituait un refus d’ordre. Il s’était ainsi comporté d’une façon déloyale, ne tenant pas compte des démarches déjà en cours. Sa relation de confiance avec celui-ci était ainsi ébranlée.

A______ s’était dit heurté d’être ainsi mis en accusation. À l’issue de l’entretien du 17 novembre 2022, les collaboratrices du B______ et lui-même avaient compris que la DRH leur disait d’apprendre à travailler avec le secrétaire général adjoint. Les premières avaient pris peur et afin de gérer cette situation, il avait estimé nécessaire de déposer une demande de conciliation auprès du GdC. Il pensait avoir aidé la secrétaire générale en déposant cette demande auprès du GdC. Il avait confirmé avoir été gêné par la présence du secrétaire général adjoint à ses EEDM. Il prenait désormais conscience qu’il aurait dû alerter la secrétaire générale sans attendre et présentait ses excuses de ne pas l’avoir fait.

j. Selon la demande du GdC à la suite d’un entretien du 22 décembre 2022, A______ lui a confirmé que le courrier du 14 décembre 2022 n’était pas une demande d’investigation au sens formel, mais une demande d’intervention.

k. Par courriel du 10 janvier 2023, A______ a confirmé que le compte rendu du 21 décembre 2022, transmis le 5 janvier 2023 par la secrétaire générale, reflétait la teneur de ses propos.

l. Le 25 janvier 2023, a eu lieu le troisième EEDM de A______ au terme d’une période de 18 mois d’activité.

À cette occasion, l’intéressé a notamment relevé que les contacts avec la hiérarchie s’étaient sensiblement dégradés depuis le dernier EEDM et faisaient l’objet d’une démarche auprès du GdC. Deux des cinq objectifs n’avaient pas été atteints dont la poursuite du travail de stabilisation de l’équipe. Celle-ci n’avait pas pu se faire dans le délai imparti, notamment en raison d’un manque d’effectif et d’une grande charge de travail.

La compétence relative au « respect des personnes » était non maîtrisée et à développer. A______ avait « trop souvent tendance à formuler ses demandes, doléances ou critiques de façon indirecte. Cela empêch[ait] le dialogue et ne favoris[ait] pas la confiance et la collaboration [ ]. C’[était] ainsi que les courriels qu’il adress[ait] aux membres du personnel du secrétariat général [pouvaient] être parfois très secs [ ]. Parfois, les messages de A______ cont[enaient] des développements juridiques inappropriés et inutilement formalistes, lesquels ne [tenaient] pas compte de la teneur des échanges oraux préalables avec ses interlocutrices du secrétariat général, qui dans les deux cas cités ci-après s’étaient précisément montrées disponibles et à l’écoute de ses difficultés et s’étaient engagées à agir de sorte à le soutenir dans leur résolution [ ]. Ce type de message contribu[ait] à tendre les relations avec son entourage professionnel, lequel au mieux n’en compre[nait] pas le sens, au pire se sent[ait] agressé et pren[ait] cela pour de la défiance ou de la mauvaise foi ». Il était rappelé que la plainte adressée au GdC avait été perçue comme un acte déloyal vu l’instruction en cours par la secrétaire générale. À cela s’ajoutait un échange de courriels entre la secrétaire générale et A______ les 4 novembre et 1er décembre 2022. L’intéressé avait fait ce qui lui avait été demandé, à savoir retirer sa candidature aux élections du Grand Conseil sur le site Internet des Verts libéraux. Il ne lui avait toutefois pas confirmé avoir fait le nécessaire à cette fin. « Le fait que A______ n’ait pas réagi à ce dernier message, ni n’ait pris la peine de confirmer avoir fait le nécessaire après l’échange du 4 novembre 2022, ne favoris[ait] ni la confiance, ni la bonne collaboration [ ]. La [secrétaire générale] lui demand[ait] d’être attentif à favoriser la bonne collaboration avec sa hiérarchie en adoptant une posture collaborante et en fournissant spontanément les retours d’information et les accusés de réception prouvant qu’il [prenait] en compte et donn[ait] suite aux échanges et instructions données par sa hiérarchie [ ]. À l’instar de ce qui [était] attendu de lui à l’égard de ses collègues et de sa hiérarchie, A______ [était] également prié de s’adresser aux représentants des communes avec tout l’entregent et le respect qui leur [était] dû et ce en toute circonstance [ ] ».

S’agissant de la « maîtrise de l’environnement de travail », « la demande déposée par A______ devant le GdC fai[sait] apparaître certaines lacunes de sa part, dans le cadre de la compréhension notamment du processus de validation des dossiers par le secrétariat général [ ]. La secrétaire générale souhait[ait] par ailleurs que A______ tienne compte et intègre les consignes qui lui [étaient] transmises par la DRH dans le cadre du traitement des contentieux RH. Référence [était] faite à ce propos à l’épisode lors duquel il a[vait] convoqué une collaboratrice à un entretien " de service " en lieu et place d’un entretien " de recadrage ", ne tenant pas compte ainsi des instructions et " guide lines " précises qui lui avaient été transmises par la DRH. Référence [était] également faite aux échanges entre le service RH et le B______ au sujet du plan de formation 2023. A______ n’a[vait] pas fourni, dans le délai fixé au 15 décembre 2022 par le service RH, la liste des besoins en formation de son service [ ] ».

Le bilan de la secrétaire générale concluait que « actuellement, en raison de la façon dont A______ interagi[ssait] avec son entourage professionnel, les conditions permettant de confirmer ce dernier dans sa fonction [n’étaient] pas réunies. Il [devait] impérativement interagir de façon harmonieuse et respectueuse avec sa hiérarchie et ses collègues du secrétariat général de façon à faciliter le dialogue avec ces derniers et de permettre le cas échéant la reconnaissance pleine et entière de ses compétences et accomplissements. Sur ce point, ses prestations [étaient] insuffisantes et [justifiaient] la prolongation exceptionnelle d’un an de la période probatoire [ ]. Outre ce qui était attendu de A______ à l’égard de ses collègues et de sa hiérarchie, il [était] également prié de s’adresser aux représentants des communes avec tout l’entregent et le respect qui leur [était] dû et ceci en toute circonstance. À ce propos, il lui [était] rappelé que les membres du personnel [étaient] tenus au respect de l’intérêt de l’État et [devaient] s’abstenir de tout ce qui [pouvait] lui porter préjudice. Ils se [devaient] par ailleurs de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique [devait] être l’objet. En conclusion, il [était] ici demandé à A______ de prendre connaissance de l’impact de son mode de communication sur son entourage professionnel et de s’engager à changer de comportement tant à l’égard de la [secrétaire générale] qu’à l’égard de ses collègues avec lesquels il [était] amené à interagir. [Elle était] persuadée, non seulement que cela permettra[it] d’améliorer la collaboration avec ces derniers, mais également que le travail de A______ s’en trouvera[it] facilité ».

Pour sa part, A______ prenait acte des reproches formulés concernant la communication avec le secrétariat général et s’engageait à faire le nécessaire pour l’améliorer dans le sens demandé. Cela étant, il considérait la prolongation de sa période probatoire comme injuste, arbitraire et infondée. « Ces constats ne l’empêcher[aient] cependant pas de faire tout ce qui [était] en [son] pouvoir pour améliorer [sa] communication ».

Étaient joints divers documents, en particuliers des courriels illustrant les faits reprochés, auxquels il était fait référence.

m. Par décision du 30 janvier 2023, le conseiller d’État en charge du département a informé A______ qu’à la demande de la secrétaire générale, il prolongeait sa période probatoire de douze mois, soit jusqu’au 31 janvier 2024.

Les motifs ayant incité sa hiérarchie à demander cette prolongation lui étaient connus, dès lors qu’ils lui avaient été communiqués précédemment. Ces remarques n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie. Son avis n’était pas motivé. Il précisait toutefois que ces constats ne l’empêcheraient pas de faire tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer sa communication. Les motifs invoqués étaient fondés et justifiaient la prolongation de sa période probatoire.

C. a. Par acte du 27 février 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation.

La décision querellée était disproportionnée et constituait une mesure de rétorsion, les reproches formulés n’étant que prétextes. Elle était donc arbitraire et illégale.

Les motifs sur lesquels se fondait la secrétaire générale se trouvaient uniquement dans l’EEDM et les notes d’entretien du 21 décembre 2022. Il était toutefois manifeste que les motifs réels consistaient dans le fait qu’il avait saisi le GdC sans l’en informer au préalable. Il n’apparaissait pas en quoi le fait pour lui de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel en conformité avec ses devoirs de service était de nature à ébranler la confiance de la hiérarchie, sauf à supposer qu’il aurait été recommandé de ne pas prendre de mesures de protection. Aucun des comportements qui lui étaient reprochés n’établissait qu’il entretenait des relations autres que dignes et correctes avec ses collègues, membres du personnel et autorités communales. La mesure litigieuse s’inscrivait dans un contexte de dysfonctionnements graves de la secrétaire générale, au comportement agressif, malveillant et maltraitant avec certains membres du département. Il subissait un préjudice du fait de sa démarche. Le comportement qui lui était reproché, correspondait à l’exercice d’un devoir de service. La décision litigieuse visait la prolongation maximum. Les prétextes invoqués à l’appui du « licenciement » masquaient un abus d’autorité.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

À titre préalable, il était rappelé que, lors du troisième EEDM du recourant, les éventuelles doléances du secrétaire général adjoint à son encontre n’avaient pas été prises en compte. Il n’y avait donc pas lieu de se prononcer sur ces griefs, qui ne faisaient pas partie de l’objet du litige.

Il n’était pas contesté que les deux premiers EEDM du recourant étaient relativement bons, sous réserve de quelques remarques. Les problématiques soulevées lors du 3e EEDM étaient survenues ou avaient été portées à la connaissance de la hiérarchie ultérieurement. Les prestations insuffisantes reprochées concernaient des problématiques de respect des personnes, de non suivi des instructions ou des procédures, malgré les explications données. C’était la manière dont il interagissait avec son entourage qui avait entraîné une évaluation insuffisante de ses prestations ainsi que des lacunes dans les connaissances professionnelles et dans la maîtrise de l’environnement de travail. Il n’avait donc pas démontré avoir de l’aisance dans la communication, ni comprendre et connaître le fonctionnement de l’administration cantonale, ne satisfaisant en cela pas aux exigences de son cahier des charges. La sollicitation du GdC avait seulement mis en exergue un manque de communication du recourant avec sa hiérarchie et le non-respect des instructions données. S’il était louable que le recourant se souciât de la protection de la personnalité de ses collaborateurs, cela ne voulait pas dire qu’il ne devait pas garder la posture d’un directeur et qu’il n’avait pas des droits et des obligations liés à sa fonction. Il avait d’ailleurs lui-même reconnu qu’il aurait dû alerter la secrétaire générale en amont concernant la problématique liée au secrétaire général adjoint chargé des communes. Il n’avait pas su adapter sa manière de diriger un service au cas d’espèce, ne démontrant ainsi pas qu’il avait les compétences liées à cet emploi, notamment au regard de la préoccupation constante des intérêts de l’État qui aurait dû être la sienne.

Certains reproches évoqués lors de l’EEDM du 25 janvier 2023, l’avaient également été lors de l’EEDM du 21 décembre 2022. La décision querellée n’était ainsi pas fondée sur des reproches non mentionnés dans ledit EEDM. Ces derniers n’étaient pas limités exclusivement au non-respect des instructions de la secrétaire générale quant à la problématique liée au secrétaire général adjoint.

Les faits allégués par le recourant à l’encontre de la secrétaire générale du département étaient exorbitants au litige, lequel concernait l’évaluation de ses prestations. Les reproches adressés au recourant dans l’EEDM concernaient ses relations avec diverses personnes et non pas uniquement celles avec la secrétaire générale. Quant à la prise en charge de la problématique liée au secrétaire général adjoint chargé des communes, le recourant avait lui-même reconnu qu’il n’avait rien à reprocher à la secrétaire générale.

La décision entreprise ne contredisait pas la situation de fait, dès lors que les reproches à l’encontre du recourant étaient détaillés et justifiés par des pièces précises. La prolongation de la période probatoire était une mesure moins incisive que la fin des rapports de service, afin de permettre au recourant de toute mettre en œuvre pour améliorer la situation. Le délai de prolongation fixé à un an correspondait au cadre légal, ainsi qu’à la pratique de l’État et se révélait en faveur du collaborateur, lequel avait ainsi le temps de démontrer qu’il était en mesure d’atteindre les objectifs fixés.

c. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) 2.1. L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de prolongation de douze mois de la période probatoire du recourant.

2.2. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée dans le cas d’espèce.

3) 3.1. Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d’employés, d’auxiliaires, d’agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4 al. 1 LPAC). Est un fonctionnaire le membre du personnel régulier ainsi nommé pour une durée indéterminée après avoir accompli comme employé une période probatoire (art. 5 LPAC). Est un employé le membre du personnel régulier qui accomplit une période probatoire (art. 6 al. 1 LPAC).

La période probatoire, au terme de laquelle la nomination en qualité de fonctionnaire intervient, est de deux ans, sous réserve de sa prolongation (art. 45 al. 1 let. a et 47 al. 1 RPAC). L’art. 5A let. e du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01) précise ainsi que la période probatoire de deux ans peut être prolongée exceptionnellement d’un an au maximum en cas de prestations insuffisantes.

3.2. L’art. 13 LPAC prévoit que chaque membre du personnel n’ayant pas le statut de fonctionnaire fait l’objet d’une appréciation qui porte notamment sur les capacités du titulaire et la qualité du travail effectué (let. a), le maintien et le développement des compétences du titulaire (let. b), les objectifs à atteindre et les dispositions à prendre pour la période à venir (let. c). Afin de pouvoir être nommé fonctionnaire, l’employé doit notamment avoir accompli à satisfaction les tâches de sa fonction durant la période probatoire (art. 45 al. 1 let. a RPAC).

3.3. Le but de la période probatoire est de permettre à l’employeur de jauger, au vu des prestations fournies par l’employé et du comportement adopté pendant celle-ci, les chances de succès de la collaboration future et pouvoir y mettre fin si nécessaire avant la nomination, s’il s’avère que l’engagement à long terme de l’agent public ne répondra pas aux besoins du service (ATA/1620/2017 du 19 décembre 2017 consid. 6c et les arrêts cités).

3.4. De jurisprudence constante, l’employeur public dispose dans ce cadre d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Dans sa prise de décision, il reste néanmoins tenu au respect des principes et droits constitutionnels, notamment celui de la légalité, de la proportionnalité, de l’interdiction de l’arbitraire et du droit d’être entendu (ATA/1008/2017 du 27 juin 2017 consid. 5c et les arrêts cités). Sous l’angle du respect du principe de la proportionnalité, la prolongation de la période probatoire est une mesure moins incisive que la fin des rapports de service (ATA/1269/2021 du 23 novembre 2021 consid. 7).

Constitue un abus du pouvoir d’appréciation le cas où l’autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 515). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

3.5. En l’espèce, il ressort des EEDM du recourant relatifs aux périodes de trois et neuf mois que, durant la première année, ses rapports de service se sont bien déroulés.

C’est à partir de l’automne 2022, notamment dès l’incident du 11 novembre 2022, que des tensions sont nettement apparues dans les rapports entre les collaborateurs du B______ et le secrétaire général adjoint. Celles-ci se sont ensuite répercutées dans les relations entre la secrétaire générale, la DRH et le recourant, lorsque ce dernier a pris l’initiative d’adresser une « demande d’ouverture d’investigation » au GdC en lieu et place de répondre au courriel de sa supérieure hiérarchique du 1er décembre 2022, qui lui demandait précisément de lister les dysfonctionnements en annonçant déjà qu’un entretien serait fixé avec le secrétaire général adjoint pour en discuter. Ce faisant, sa hiérarchie a « pris en main » la problématique qui lui était relayée et manifesté sa volonté de la traiter.

À cet égard, le recourant estime que la mesure de prolongation de sa période probatoire constitue en quelque sorte des représailles en raison de son intervention auprès du GdC.

Cette perspective ne prend pas en considération les autres éléments qui lui sont reprochés par rapport à son comportement avec la secrétaire générale dans d’autres situations et le ton adopté dans certains de ses échanges avec ses collègues de travail et les partenaires extérieurs, notamment les autorités communales. Le recourant ne s’explique d’ailleurs pas sur ces points précis, ni sur le fait qu’il ait laissé certains courriels adressés à lui par la secrétaire générale sans réponse alors que ceux-ci en nécessitaient une. Il ne les conteste pas davantage.

En outre, si, en tant que directeur d’un service, il lui appartient de veiller à la protection de la personnalité de ses collaborateurs, il répond également d’un devoir de fidélité envers sa hiérarchie, lequel implique notamment de suivre les instructions de celle-ci. Or, il ressort manifestement du dossier que le recourant n’a pas jugé utile de donner la suite qu’il convenait au courriel de la secrétaire générale du 1er décembre 2022. Au contraire, il a choisi unilatéralement de faire appel au GdC alors qu’aucun élément ne le justifiait en l’état, vu l’intervention du secrétariat général. Une attitude responsable aurait impliqué que le recourant répondit audit courriel, en prévenant la secrétaire générale de son intention de saisir le GdC. Le fait qu’il ait présenté ses excuses pour son mode de procéder lors de l’entretien du 21 décembre 2022 laisse supposer que cette situation ne devrait pas se reproduire. Simultanément, cela démontre également le besoin d’amélioration de son comportement en vue d’une adaptation plus adéquate aux relations professionnelles internes et externes à l’administration dont il dépend.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont bénéficie l’administration, la prolongation de la période probatoire pour une durée de douze mois se justifiait afin de lui donner le temps de démontrer qu'il pouvait adopter un comportement respectueux et une attitude plus adéquate avec sa hiérarchie et ses interlocuteurs.

Dans ces circonstances, la prolongation de la période probatoire du recourant ne viole pas la loi, ni ne consacre d’abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité.

Partant, le recours sera rejeté

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

La valeur litigieuse au sens de l’art. 85 al. 1 let. b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est, a priori, supérieure à CHF 15'000.- .

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2023 par A______ contre la décision du département de la cohésion sociale du 30 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

 

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les

art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au département de la cohésion sociale.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :