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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/356/2022

ATA/620/2023 du 13.06.2023 ( PATIEN ) , REJETE

Descripteurs : PATIENT;DROIT DU PATIENT;MÉDECIN;PROFESSION SANITAIRE;SANTÉ;DEVOIR PROFESSIONNEL;FAUTE PROFESSIONNELLE;COMMISSION D'EXPERTS;PLAINTE À L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;CONSENTEMENT DU LÉSÉ
Normes : LPMéd.40.leta; LPMéd.40.letc
Résumé : Recours d’un patient contre une médecin à laquelle il reproche des manquements professionnels, notamment sous l’angle du consentement hypothétique. Cette médecin exerçant à titre indépendant, la cause est examinée au regard de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2066 (LPMéd - RS 811.11) et non au regard du droit cantonal. Recours rejeté, la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ayant correctement considéré les faits et appliqué le droit.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/356/2022-PATIEN ATA/620/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Guillaume ÉTIER, avocat

contre

Madame B______
représentée par Me Philippe EIGENHEER, avocat

et

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTE ET DES DROITS DES PATIENTS



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1948, a été opéré le 29 mai 2015 pour un décollement de la rétine à l'œil droit par la docteure C______, à Tunis. Selon le rapport du 4 juin 2015, l'ophtalmologue avait procédé à un cerclage, à une vitrectomie et à un tamponnement par huile de silicone. Les suites post-opératoires avaient été simples, avec une rétine à plat.

2) Après avoir consulté la docteure B______, ophtalmologue à Genève, le 16 septembre 2015, A______ a subi, le 26 octobre 2015, une intervention combinée d'ablation de l'huile de silicone avec une opération de la cataracte de l'œil droit.

Lors de cette opération, une rupture de la capsule est survenue et une lentille a été implantée dans le sulcus du patient, ce dont ce dernier n'a pas été informé dans un premier temps.

Dès le lendemain de l'intervention, le patient s'est plaint de douleurs vives, ainsi que de déformation des images.

3) Le 10 novembre 2015, A______ a consulté le Docteur D______, pour un second avis. Celui-ci a notamment constaté des « micro-fragments de cortex (?), présence d'une bulle de silicone petite supérieure », une « rétine bien appliquée, implant en position satisfaisante », avec toutefois une « lentille de chambre postérieure sub-luxée inféro-nasale ».

4) Le 12 novembre 2015, A______ a consulté le Docteur E______ pour un troisième avis. Celui-ci a également constaté la présence d'une bulle de silicone qui se déplaçait dans la partie supérieure, ainsi que d'un petit débris devant la macula. Le patient se disait extrêmement gêné.

5) Le même jour, A______ a revu la Dre B______, laquelle a établi un rapport du 18 novembre 2015, indiquant notamment que la chirurgie du 26 octobre 2015 s'était déroulée « sans complication hormis une bulle de silicone résiduelle gênant le patient ». Elle précisait que « les suites postopératoires avaient été simples » et qu'elle envisageait « uniquement une petite intervention afin de retirer la petite bulle de silicone résiduelle ». Elle avait « expliqué [au patient] que sa rétine avait été décollée et que la déformation des images pouvait prendre du temps à récupérer ».

6) Le 5 décembre 2015, lors d'un voyage à Tunis, A______ a souffert d'une récidive de décollement de rétine à l'œil droit. Il a été opéré par la Dre C______, qui a notamment constaté la rupture de la capsule ; elle a procédé à une vitrectomie et à un tamponnement par huile de silicone.

7) Entre les 13 juin et 27 juillet 2016, A______ a été suivi à la consultation de la Professeure F______ au sein du service d'ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Le rapport établi mentionne en conclusion « une anisométropie post-opératoire non corrigible avec des lunettes ».

8) Au cours de l'été 2016, A______ a demandé à la Dre B______ d'annoncer son cas auprès de son assurance responsabilité civile.

Plusieurs échanges de courriers et prises de positions sont intervenus. Le patient a exposé en détail ce qu'il reprochait à la docteure ; celle-ci s'est déterminée dans un rapport daté du 7 novembre 2016, contestant toute erreur médicale. Elle a néanmoins indiqué dans ce document que « Durant l'intervention de la cataracte [du 26 octobre 2015], on constate une rupture capsulaire postérieure, peut-être initiale à la chirurgie en raison de multiples touchs [lésions] cristalliniens mais sans aucune issue de vitré, le patient ayant été vitrectomisé lors de sa précédente intervention ».

L'assurance responsabilité civile de la Dre B______ a, en l'état, refusé d'entrer en matière.

9) Le 6 décembre 2016, A______ a consulté le Professeur G______ pour procéder à l'ablation de l'huile de silicone. Celui-ci a constaté une rétine parfaitement appliquée mais une acuité visuelle qui restait faible (1/20 avec correction). Cela pouvait s'expliquer par la luxation de la lentille dans le sulcus. Lors d'une intervention le 20 mars 2017, il a remplacé la lentille luxée par une lentille à fixation irienne. Il a également procédé à « l'ablation du vitréotome des restes du vitré dans l'aire pupillaire et la capsule postérieure ainsi que des masses corticales ».

10) Le 19 juillet 2017, A______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) d'une plainte dirigée contre la Dre B______.

11) Le 25 août 2017, le Dr D______ a attesté que, compte tenu des circonstances, les chances d'une amélioration significative de la vision à l'œil droit étaient faibles et a recommandé au patient de surveiller attentivement son œil gauche, devenu son œil unique.

12) Une attestation du 1er novembre 2017 du Docteur H______ faisait état d'une acuité visuelle à l'œil droit de A______ de 0,2 de distance et de 0,3 de lecture.

13) Le 13 septembre 2017, la commission a décidé d'ouvrir une procédure administrative à l'encontre de la Dre B______ et d'en confier l'instruction à une sous-commission.

14) Le 16 octobre 2017, la Dre B______ a transmis ses observations et contesté avoir violé ses obligations professionnelles.

Elle a toutefois indiqué « je ne prétends pas du tout que la rupture capsulaire était présente avant ma prise en charge chirurgicale », contrairement aux « touchs cristalliniens ».

15) D'autres échanges d'écritures entre les parties sont intervenus entre les 9 novembre et 15 décembre 2017, puis entre les 13 février et 8 mars 2018.

16) La Dre B______ a produit une copie du dossier médical complet de A______ le 20 juin 2018.

Outre le compte rendu post-opératoire du 26 octobre 2015 et ses notes manuscrites relatives aux consultations des 27 octobre, 3 novembre et 12 novembre 2015, un document dactylographié non daté et non signé, dont le contenu était similaire au rapport du 7 novembre 2016, était joint au dossier.

Le compte rendu opératoire ne mentionnait ni la rupture de capsule, ni la pose d'un implant et indiquait que « la rétine est parfaitement à plat en fin d'intervention ». Les notes de suivi de la docteure ne mentionnaient pas non plus la rupture capsulaire et la lentille. Par ailleurs aucune mention des « touchs cristalliniens » qu'elle avait constatés avant l'opération n'était faite dans ces documents, à l'exception du document non daté et non signé précité.

17) Par décision du 5 décembre 2019, la commission a prononcé un avertissement à l'encontre de la Dre B______, considérant que celle-ci avait violé son devoir d'information, ainsi que son devoir de bonne tenue du dossier médical du patient.

L'opération qu'avait subie A______ le 26 octobre 2015, soit une intervention combinée d'ablation de l'huile de silicone avec une opération de la cataracte de l'œil droit, s'avérait indiquée dans sa situation. Une telle intervention combinée n'était d'ailleurs pas inhabituelle et présentait l'avantage d'éviter au patient de devoir subir deux opérations dans une courte période. A______ aurait dans tous les cas dû subir une opération de la cataracte, laquelle, sans intervention, se serait opacifiée jusqu'à causer une diminution progressive de la vision à l'œil droit, voire la cécité.

Les notes de la Dre B______ relatives à la consultation préopératoire du 16 septembre 2015 indiquaient que des explications avaient été données au patient, lequel avait donné son accord pour une opération combinée. Les notes ne précisaient toutefois pas si les explications avaient porté sur le risque de rupture de capsule, lequel était de 5 % chez les patients ayant subi une vitrectomie au préalable et de 3 % chez les autres patients. En outre, le dossier médical du patient ne comportait pas de fiche de consentement éclairé mentionnant ce risque. Il n'était ainsi pas possible d'établir si une information avait été transmise concernant ce risque. Il fallait néanmoins considérer que, même en étant dûment informé du risque de rupture de capsule dans 5 % des cas, A______ aurait de toute façon accepté l'opération de la cataracte, qui aurait dans tous les cas dû être effectuée à terme, faute de quoi sa vision aurait continué à se détériorer.

L'hypothèse d'une rupture de capsule antérieure à l'intervention du 26 octobre 2015 n'était pas crédible, de sorte qu'il fallait considérer que cet incident était bien survenu lors de l'opération litigieuse, ce qu'avait admis la docteure par la suite. La survenance d'une telle complication – au demeurant usuelle lors des opérations de la cataracte – ne signifiait toutefois pas que l'ophtalmologue avait commis une faute professionnelle et aucun élément du dossier ne permettait d'établir un tel manquement. La Dre B______ ne pouvait dès lors pas être tenue pour responsable de la rupture de capsule de A______. Elle avait d'ailleurs correctement géré l'incident en plaçant un implant dans le sulcus. La présence d'un morceau de cristallin et d'une bulle de silicone résiduelle n'était pas constitutive d'un manquement. La docteure avait proposé au patient de le réopérer pour retirer la bulle de silicone, mais celui-ci ne l'avait jamais recontactée. L'acuité visuelle de A______, qui était de 1/20 avant l'intervention, était de 0,3 le 3 novembre 2015. Comme constaté par le Dr D______ le 10 novembre 2015, la rétine était, à cette date, bien appliquée et l'implant était en position satisfaisante. Dès lors, aucune violation en lien avec l'intervention litigieuse ne pouvait être retenue.

En revanche, la Dre B______ avait admis ne pas avoir informé A______ de la survenance de la rupture de capsule, au motif, selon elle, que cet événement n'était pas responsable d'une baisse d'acuité visuelle et que l'implant au sulcus était stable. Toutefois, dès lors que la rupture de capsule était susceptible de causer des complications additionnelles, la docteure ne pouvait pas omettre de l'informer. Son manque de transparence constituait une violation de son devoir d'information. Le dossier médical du patient ne faisait par ailleurs état d'aucune information transmise à ce sujet, ni même ne mentionnait la rupture de capsule survenue lors de l'opération du 26 octobre 2015. Cet incident ne figurait ni dans le rapport opératoire, ni dans les notes de suite de la docteure. L'absence de mention de cette complication au dossier contrevenait à l'obligation de bonne tenue du dossier médical. En conséquence, c'était sous cet angle que la Dre B______ avait violé ses devoirs d'information et de bonne tenue du dossier médical de son patient.

Au surplus, la Dre B______ ne pouvait pas être tenue pour responsable de la survenance d'une récidive du décollement de la rétine du patient, ni de la perte d'acuité visuelle que celle-ci avait pu induire. Le risque de récidive de décollement de la rétine était de 15 % suite à un premier décollement de rétine compliqué, comme cela avait été le cas en l'occurrence. À teneur du dossier, aucun lien ne pouvait être établi entre l'intervention de la docteure du 26 octobre 2015 et la complication survenue. Par ailleurs, le 1er novembre 2017, A______ présentait une acuité visuelle à l'œil droit de 0,2 de distance et de 0,3 de lecture, certes faible, mais pas totalement nulle.

Enfin, c'était le 20 mars 2017, après avoir constaté une luxation de la lentille initialement implantée par la Dre B______ dans le sulcus, que le Prof. G______ avait remplacé celle-ci par une lentille à fixation irienne. La pose d'un implant étant adéquate suite à la rupture de la capsule et ayant été effectuée de manière satisfaisante, aucun manquement ne pouvait être retenu à l'encontre de la docteure. Le fait que l'implant se soit luxé par la suite, près d'un an et demi après avoir été posé, ne pouvait pas lui être reproché.

18) Par acte du 21 janvier 2020, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Il concluait principalement à son annulation et au renvoi de la cause à la commission pour nouvelle décision. Subsidiairement, il demandait notamment l'annulation de la décision et à ce qu'il soit dit que la Dre B______ ne l'avait pas suffisamment renseigné, ni obtenu son consentement éclairé ; que l'indication à une intervention de la cataracte combinée à l'ablation d'huile de silicone n'était pas adéquate en l'espèce ; que la docteure ne pouvait pas se prévaloir du consentement hypothétique de son patient ; que celle-ci avait violé son devoir de diligence en lien avec la rupture de capsule ; qu'elle était à l'origine de la récidive du décollement de la rétine qu'il avait subi le 5 décembre 2015. Il concluait en outre à ce que soient confirmés, d'une part, le fait que la docteure avait violé ses devoirs d'information et de bonne tenue du dossier médical et, d'autre part, la sanction qui lui avait été infligée.

Il n'entendait pas remettre en cause cette sanction mais souhaitait préserver ses droits de patient afin de les faire valoir, le cas échéant, en responsabilité civile.

La commission s'était livrée à une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents, avait omis ou ignoré de nombreuses négligences et/ou violations du devoir de diligence de la docteure et avait appliqué de manière erronée le principe du consentement hypothétique du patient.

Lors de l'unique consultation préopératoire qui avait eu lieu le 16 septembre 2015, il n'était question à l'origine que d'une intervention visant l'ablation de l'huile de silicone. La docteure avait toutefois préconisé une chirurgie combinée avec une opération de la cataracte. Elle n'avait alors pas mentionné, ni oralement, ni dans le dossier médical, la présence de « touchs cristalliniens » qu'elle avait constatée. Dès lors qu'il impliquait un risque accru et qu'il n'était ainsi plus question d'une opération « usuelle », cet élément était pourtant essentiel et nécessaire à la formation du consentement du patient qui, s'il en avait eu connaissance, aurait soit demandé un délai de réflexion, soit sollicité un second avis médical. Il en découlait que l'intervention combinée, devenue plus complexe, avait été en l'occurrence inappropriée et dangereuse et lui avait causé des préjudices importants et irréversibles, handicapants au quotidien. Dans la mesure où la docteure avait tu son diagnostic lié aux « touchs » et les réels risques en découlant, la théorie du consentement hypothétique du patient ne pouvait pas être retenue.

L'opération combinée de la cataracte et de l'ablation d'huile de silicone qu'il avait subie le 26 octobre 2015 s'était déroulée de manière chaotique et avait entraîné de graves conséquences : rupture de la capsule, oubli d'une bulle de silicone, chute de masses vitréennes, subluxation quasi-immédiate de l'implant ayant causé une importante inflammation, très forte baisse de l'acuité visuelle, puis récidive du décollement de la rétine. Durant cette opération avait régné un climat de tension. La docteure avait exprimé à plusieurs reprises les difficultés qu'elle rencontrait et utilisé des mots tels que « Mon Dieu ! », « Ce n'est pas vrai ! » ou « Je n'y arrive pas ! ». Dès le lendemain, le patient s'était plaint de douleurs intenses, de déformation des images, d'une vision obstruée par une bulle de silicone et d'une perte d'acuité.

La docteure ne l'avait toutefois pas informé, ni n’avait mentionné dans son dossier médical, que la capsule avait été rompue et qu'une lentille lui avait été implantée. C'était en cours de procédure, soit deux ans plus tard – après avoir d'abord nié la survenance d'une complication, puis tenté de l'imputer à la Dre C______ ou encore au diabète, pourtant non grave, dont il souffrait – qu'elle avait admis que la rupture de la capsule avait eu lieu pendant l'opération du 26 octobre 2015. Ce comportement n'était pas acceptable et confirmait qu'elle avait commis de graves négligences qu'elle avait tenté de dissimuler. De plus, le fait qu’il n'avait pas été informé plus tôt de la survenance de complications et de leur nature l'avait empêché d'entreprendre des démarches pour tenter d'y remédier et avait prétérité ses chances de guérison ; or, à ce jour, il avait perdu l'usage de son œil droit. Par ailleurs, ce n'était que dans sa prise de position datée du 7 novembre 2016, soit une année après l'intervention, que la docteure avait mentionné pour la première fois avoir constaté des « touchs cristalliniens » et une rétine dense. Cette information ne figurait ni dans le reste du dossier médical, ni dans le compte rendu opératoire, et n'avait pas été évoquée lors des consultations postopératoires des 27 octobre, 3 novembre et 12 novembre 2015. Il fallait en déduire soit que les « touchs » étaient présents dès la première consultation et que la docteure aurait dû en informer le patient et faire preuve de la diligence qui s'imposait, soit qu'elle avait prétexté a posteriori leur existence pout tenter d'expliquer les erreurs commises.

Dans ces circonstances, il était surprenant et contradictoire que la commission admette les risques et les conséquences de l'opération combinée et reconnaisse que les informations n'avaient pas été transmises de manière adéquate au patient, tout en considérant que l'intervention était indiquée et que le consentement hypothétique était donné. Les manquements de la docteure avaient contribué à la récidive du décollement de la rétine, étant encore précisé que la lentille qui lui avait été implantée était inadéquate et s'était rapidement luxée, à savoir quatorze jours après l'opération déjà, ainsi que l'avait constaté le Dr D______.

19) Le 27 février 2020, la commission a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

20) Le 13 mars 2020, la Dre B______ s'est déterminée sur le recours, concluant principalement à son irrecevabilité ainsi qu'à la confirmation de la décision du 5 décembre 2019, subsidiairement au rejet du recours.

Le recourant ne contestait pas le dispositif de la décision attaquée, mais cherchait à obtenir des considérants différents de ceux suivis par la commission, ce dans le but de s'en servir dans le cadre d'une éventuelle procédure ultérieure. Or, il ne pouvait pas contester uniquement des éléments de motivation de la décision alors que le dispositif lui donnait satisfaction, faute d'intérêt actuel à son annulation ou à sa modification. De plus, le recourant ne démontrait pas en quoi la constatation de violations supplémentaires des devoirs professionnels de la docteure lui permettrait de protéger ses intérêts de fait ou de droit.

Au fond, elle contestait avoir enfreint ses devoirs professionnels en proposant puis en pratiquant une intervention combinée sur le recourant. C'était précisément conformément à son devoir de diligence qu'elle avait procédé de la sorte, dès lors qu'une opération de la cataracte du patient, au regard de considérations médicales, s'imposait. Faute d'intervention, la cataracte dense dont il souffrait se serait encore opacifiée et la situation aurait empiré.

Elle n'avait pas non plus enfreint ses devoirs professionnels lors de l'intervention du 26 octobre 2015. Elle n'avait jamais admis avoir causé la rupture de capsule, mais seulement qu'elle était survenue durant l'opération. Cette complication, usuelle lors d'interventions de la cataracte, n'était pas due à une erreur ou une faute professionnelle de sa part. Elle avait d'ailleurs correctement réagi en implantant une lentille dans le sulcus du patient.

Elle n'avait pas commis de manquement professionnel, dans la mesure où ses actes avaient été couverts, à tout le moins, par le consentement hypothétique de A______. Dès lors que le risque de rupture de capsule était extrêmement faible, et compte tenu du risque certain de perdre la vue que représentait le fait de ne pas opérer la cataracte, il ne faisait pas de doute que le patient aurait donné son consentement s'il avait su que le risque de rupture était de l'ordre de 5 % dans son cas.

Enfin, aucun manquement ne pouvait lui être reproché s'agissant de la perte de vision à l'œil droit par le recourant. Aucun lien ne pouvait être établi entre l'intervention litigieuse, ou sa prise en charge postopératoire, et la récidive de décollement de la rétine en tant que complication. Le décollement de rétine du 5 décembre 2015 était en revanche en lien avec le premier épisode de décollement de rétine pour lequel A______ s'était fait opérer en Tunisie le 29 mai 2015, sans qu'une faute ne soit imputable à la chirurgienne ayant pratiqué l'intervention.

21) Le 20 avril 2020, A______ a répliqué, persistant dans ses précédentes argumentation et conclusions.

Compte tenu des circonstances et doutant de l'authenticité de certaines des pièces produites par la Dre B______, il avait sollicité une expertise d'authenticité de ces documents, puis déposé le 3 avril 2020 une plainte pénale pour faux dans les titres et/ou faux certificat médical à son encontre.

22) Dans un arrêt du 29 mai 2020 (ATA/536/2020), la chambre administrative a admis le recours de A______ et annulé la décision du 5 décembre 2019. Elle a renvoyé la cause à la commission pour instruction complémentaire de la plainte et nouvelle décision.

Il ressortait de l'examen du dossier que la médecin avait procédé à l'intervention combinée de la cataracte et de l'ablation d'huile de silicone sans que la présence de « touchs cristalliniens » n'ait alors été mentionnée, ni oralement au patient lors de la consultation préopératoire, ni dans son dossier médical. Ce n'était que dans son écriture du 7 novembre 2016, destinée à son assurance, que l'intimée avait pour la première fois fait référence à cet élément essentiel, ce que n'avait pas relevé la commission dans sa décision. Par ailleurs, les explications fournies par la praticienne ne permettaient pas de prouver qu'elle avait obtenu le consentement éclairé de son patient avant l'opération, ni de considérer que des circonstances particulières l'avaient empêchée de l'obtenir.

Dès lors, contrairement à ce qu'avait retenu la commission, même à considérer qu'elle avait voulu agir dans l'intérêt de son patient, en ne s'assurant pas que le recourant était pleinement consentant à une opération combinée d'ablation d'huile de silicone et de la cataracte et qu'il était conscient du risque lié à cette intervention, accru par la présence de « touchs », l’ophtalmologue intimée avait violé les art. 45 et 46 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). La commission ne pouvait pas non plus retenir sans se prononcer sur la non-communication de l'existence des « touchs » que le consentement hypothétique du recourant était donné au motif que celui-ci aurait de toute manière consenti à l'opération s'il avait eu connaissance du risque. En effet, la présence de « touchs » avait pour conséquence de complexifier et d'augmenter les risques de l'opération initialement simple. Or, si une information complète avait été donnée au patient s'agissant des risques de complications, supérieurs à 1 %, liés à l'opération combinée que préconisait l'ophtalmologue, il aurait non seulement pu décider de l'accepter ou non, mais il aurait également pu décider de prendre le temps d'une pesée de ses intérêts ou encore de solliciter un autre avis médical quant à l'indication d'une telle intervention dans ces circonstances particulières. Il s'avérait par ailleurs que la commission avait retenu à tort que la luxation de la lentille implantée au patient lors de l'opération litigieuse avait eu lieu un an et demi plus tard, dès lors que l'un des médecins consultés par le recourant deux semaines après l'opération avait déjà constaté que la lentille, bien qu'en place, était subluxée.

Enfin, la commission n'avait pas pris en considération, ni instruit de manière satisfaisante, le fait que la médecin avait, sans raison apparente, commencé par dissimuler la survenance d'une rupture de la capsule et de l'implantation d'une lentille pendant l'intervention litigieuse, puis prétendu que cette complication était imputable à un autre médecin, le cas échéant au diabète du patient, avant de finir par l'admettre près de deux ans après les faits. Il s'ensuivait que la commission avait fondé sa décision du 5 décembre 2019 sur des faits constatés de manière inexacte et avait abusé de son pouvoir d'appréciation en ne retenant pas de manière complète les manquements commis par la docteure à l'égard de son patient. Or, la commission aurait dû, avant de se prononcer, instruire davantage la plainte qui lui était soumise, en particulier sur la question de la validité du consentement du patient avant l'opération et, le cas échéant, de son consentement hypothétique. Elle aurait aussi dû éclaircir la situation quant au degré d'urgence et à l'indication de la chirurgie combinée et de la chronologie des faits (notamment la date de la luxation de la lentille implantée, les dates auxquelles la docteure avait mentionné pour la première fois les complications survenues pendant l'opération après les avoir tues, d'une part, et, d'autre part, l'existence de « touchs» qu'elle aurait constatée lors de la première consultation), ainsi que sur les éventuelles conséquences de cette chronologie sur les autres griefs du patient (notamment l'existence d'un éventuel lien de causalité avec la rupture de la capsule, la récidive du décollement rétinien et la situation actuelle du recourant). C'était en revanche à juste titre que la commission avait retenu que la praticienne avait violé son devoir d'information ainsi que son devoir de bonne tenue du dossier médical du patient en ne mentionnant pas, après l'intervention litigieuse, la survenance d'une rupture de la capsule pendant l'opération et l'implantation subséquente d'une lentille dans le sulcus.

Ainsi, et compte tenu du fait qu'une instruction complémentaire de la plainte du recourant pouvait conduire la commission à modifier les termes et conclusions de sa décision, le recours était admis et la décision querellée annulée.

23) Le 24 juillet 2020, A______ a relancé la commission. La chambre administrative avait préconisé un complément d’instruction. Son dossier apparaissait toutefois suffisamment détaillé pour qu’une nouvelle décision soit rendue sans délai. Au vu des éléments retenus par la chambre administrative, la question de la sanction disciplinaire infligée à la Dre B______ se posait avec une acuité nouvelle.

Il a informé la commission avoir déposé, le 3 avril 2020, une plainte pénale auprès du Ministère public (ci-après : MP) pour lésions corporelles graves par négligence et faux dans les titres.

24) Le 29 juillet 2020, la commission a informé A______ que l’affaire allait prochainement être réexaminée par la sous-commission 2.

25) Après que la commission lui a transmis les deux courriers précités, la Dre B______ s’est déterminée. Elle souhaitait faire usage de son droit à la réplique, pouvoir s’exprimer oralement et soulignait que l’ATA/536/2020 était un arrêt de renvoi qui invitait la commission à procéder à une instruction complémentaire. La commission ne pouvait pas se contenter de rendre une décision sans délai.

26) Après y avoir été invitée par la sous-commission 2, la Dre B______ s’est déterminée le 2 novembre 2020.

Elle soutenait avoir valablement expliqué à A______ les tenants et les aboutissants de l’opération du 26 octobre 2015 au préalable, notamment s’agissant de la nécessité de procéder à une intervention combinée en l’espèce. En ce sens, elle considérait que le consentement libre et éclairé de son patient avait été obtenu avant l’opération.

Dans la mesure où les règles de l’art médical commandaient de procéder rapidement à une opération combinée au moment où le patient était venu la consulter, il était certain que l’approche thérapeutique choisie aurait été proposée par le corps médical, peu importait quel autre avis A______ aurait recueilli. L’indication d’une chirurgie combinée n’avait d’ailleurs jamais été remise en cause par les nombreux spécialistes qu’il avait consultés par la suite. Le consentement hypothétique devait être considéré comme donné en l’espèce.

L’implantation de la lentille pendant l’opération avait été expliquée au patient lors de la consultation préopératoire. L’opération de la cataracte supposait en effet une ablation du cristallin et l’implantation d’une lentille, dite aussi « implant ». La pose de cette lentille faisait partie intégrante du mode opératoire nécessaire au traitement de la cataracte, lequel était lui-même indispensable en l’espèce. Il n’était ainsi pas nécessaire d’instruire ce point plus avant.

27) Le 11 janvier 2021, A______ a produit ses observations. Il a versé à la procédure un rapport établi le 21 décembre 2020 par le professeur I______, ophtalmologue à Bâle et un courriel du 13 décembre 2020 du docteur J______, ancien professeur à la Faculté de médecine de Monastir, en Tunisie. Sur le fond, il a repris et développé ses griefs relatifs à l’attitude de la Dre B______, à l’absence de consentement éclairé, à l’inapplicabilité d’un consentement hypothétique, au déroulement de l’intervention litigieuse, à la subluxation de la lentille, à la récidive du décollement de la rétine et à la baisse de son acuité visuelle.

28) La Dre B______ a répondu point par point le 26 janvier 2021.

29) A______ a dupliqué le 9 février 2021, persistant dans ses griefs.

30) Le 20 décembre 2021, la commission a prononcé un avertissement à l’encontre de la Dre B______. La prise en charge médicale avait été conforme aux règles de l’art. Elle avait en revanche violé son devoir d’information ainsi que son devoir de bonne tenue du dossier médical du patient. Compte tenu de l’absence d’antécédents de la médecin par devant-elle, elle considérait cette sanction comme appropriée.

Les deux parties avaient requis leur audition par la commission qui n’avait pas donné suite. Dans la mesure où les parties n’avaient pas un droit à être entendues oralement, qu’elles avaient pu s’exprimer plusieurs fois par écrit et que la commission disposait des éléments utiles pour trancher les questions qui lui étaient soumises, leur droit d’être entendues n’avait pas été violé.

a. L’indication à l’intervention combinée du 26 octobre 2015 était donnée.

Conformément aux règles de l’art, il convenait de ne pas laisser en place de l’huile de silicone plus de trois mois en raison de sa potentialité toxique. Le tamponnement par l’huile de silicone avait eu lieu fin mai 2015, soit plus de trois mois avant la première consultation avec la Dre B______ le 16 septembre 2015. Il était dès lors recommandé de procéder à son ablation.

L’opération de la cataracte consistait à enlever le cristallin opacifié et à la remplacer par un cristallin artificiel transparent, soit par une lentille (implant). Elle n’était en soi jamais urgente et il revenait au médecin d’évaluer l’opportunité de procéder à une telle chirurgie en fonction de la situation du patient. En l’occurrence, il était établi et pas contesté que le patient présentait une cataracte dense lors de la consultation du 16 septembre 2015. Il ressortait par ailleurs du compte rendu de cette consultation la présence de « touchs » cristalliniens. Ce compte rendu, intitulé « Historiques des chirurgies », que la chambre administrative avait désigné comme étant un document dactylographié non daté et non signé, se référait à la consultation précitée et faisait état des examens et constats effectués durant celle-ci. Il faisait partie du dossier médical. Il fallait retenir que la présence de « touchs » cristalliniens avait été constatée par la médecin lors de la première consultation et que celle-ci l’avait mentionné dans le dossier médical.

Si la présence de « touchs » cristalliniens augmentait le risque d’une rupture de capsule, elle ne constituait pas une contre-indication à l’intervention, bien au contraire. En effet, les « touchs » augmentaient la densité de la cataracte, ce qui rendait l’ablation de celle-ci d’autant plus nécessaire. Sans intervention, la cataracte dense qu’il présentait se serait encore opacifiée, causant une baisse de plus en plus importante de la vision du patient à l’œil droit, pouvant aller jusqu’à la cécité. Ainsi, une intervention de la cataracte était indiquée. La proposition de la médecin de procéder à une chirurgie combinée était défendable d’un point de vue médical, une telle intervention n’étant du reste pas inhabituelle. Cette proposition présentait par ailleurs l’avantage de diminuer le risque de laisser de la silicone dans l’œil, le fait d’enlever le cristallin opacifié favorisant une meilleure appréhension de sa situation de l’œil du patient. Elle permettait également d’éviter au patient de devoir subir deux opérations chirurgicales dans un laps de temps rapproché.

b. Un consentement hypothétique était donné. Même dûment informé du risque de rupture de capsule de 5 %, augmenté du fait de la présence de « touchs » cristalliniens, le patient aurait, après réflexion, pris en compte les avantages de privilégier une intervention combinée et l’aurait acceptée.

Les notes de suite de la Dre B______ relatives à la consultation préopératoire du 16 septembre 2015 mentionnaient que des explications avaient été données au patient. La « chronologie médicale » produite par le patient faisait également état du fait que la médecin avait conseillé, lors de la consultation, de faire une chirurgie combinée, ce que le patient avait accepté. Ces éléments permettaient de retenir que le patient avait été informé du déroulement de l’intervention, en particulier de la mise en place d’une lentille, ce qu’il ne contestait pas. Ces éléments ne lui permettaient en revanche pas déterminer si les explications de la médecin avaient porté sur le pourcentage du risque de rupture capsulaire de 5 %, augmenté du fait de la présence de « touchs » cristalliniens. Le dossier médical du patient ne comportait pas de fiche de consentement éclairé mentionnant spécifiquement les risques d’une telle intervention. Cela étant, la question de l’étendue du devoir d’information s’évaluait de cas en cas et le Tribunal fédéral avait retenu dans un cas particulier qu’il n’était pas arbitraire de considérer que le devoir d’information n’avait pas à porter sur des complications telles qu’une rupture du sac capsulaire, lesquelles pouvaient être récupérées sans perte visuelle. Il en découlait que la médecin en cause n’avait pas à informer le patient sur ce risque du rupture capsulaire, même augmenté par la présence de « touchs » cristalliniens à 11 % tel que mentionné par le Dr I______, puisqu’il s’agissait d’une complication récupérable qui ne revêtait pas une gravité telle qu’un besoin accru d’information était nécessaire. Dans tous les cas, si la médecin n’avait pas procédé à une chirurgie de la cataracte, l’acuité visuelle du patient aurait été de 10 % dans les six à douze mois. Ainsi, il aurait de toute façon dû subir une telle intervention à un moment donné, faute de quoi sa vision de l’œil droit aurait continué à se détériorer considérablement.

c. Aucun manquement professionnel ne pouvait être retenu à la charge de la Dre B______ s’agissant du déroulement de l’intervention litigieuse.

Il était établi que, lors de celle-ci, le patient avait ressenti des douleurs rendant nécessaires plusieurs doses de sédation. Par contre, les parties divergeaient sur le déroulement de l’intervention, en particulier sur les propos tenus par la médecin. Celle-ci avait en effet démenti les reproches formulés par le patient et précisé que si elle avait pu exprimer une certaine frustration durant l’intervention, c’était en raison des mouvements effectués par le patient et non pas en raison d’une complication. Face à des versions divergentes des mêmes faits et en l’absence d’éléments objectifs, on ne pouvait déterminer laquelle correspondait à la réalité. Cela étant, il était établi que la rupture capsulaire était intervenue durant l’opération. La survenance d’un tel incident ne signifiait pas, ipso facto, une faute professionnelle de la part du médecin opérateur. En effet, une telle complication était usuelle lors des interventions de la cataracte et survenait en moyenne dans 5% des cas des patients vitrectomisés, pourcentage qui augmentait en présence de « touchs ». Aucun élément du dossier ne permettait d’établir que la rupture de la capsule était survenue en raison d’un manquement professionnel de la médecin qui ne pouvait en être tenue pour responsable. À cela s’ajoutait le fait que la praticienne avait géré la complication conformément aux règles de l’art et placé correctement l’implant dans le sulcus. Le Dr D______ avait d’ailleurs constaté que cet implant était « en position satisfaisante » le 10 novembre 2015.

d. La Dre B______ avait violé ses devoirs d’information et de bonne tenue du dossier médical.

Dans ses observations du 16 octobre 2017, elle avait admis que la rupture de capsule était survenue durant son intervention. Elle avait par ailleurs admis ne pas avoir informé le patient de la survenance de cette complication et justifié son absence d’information par le fait que cet événement n’était selon elle pas responsable de la baisse de l’acuité visuelle et que l’implant était par ailleurs stable. Il fallait déplorer cette déclaration tardive et cette omission mais on ne pouvait prêter à la médecin une intention dolosive derrière ce manquement, l’argument qu’elle soulevait étant concevable. Dans tous les cas, elle ne pouvait pas omettre d’informer le patient de ce fait et son manque de transparence constituait une violation de son devoir d’information. Ainsi, elle était vivement invitée à faire preuve d’une plus grande transparence dans la communication des informations à ses patients, en particulier s’agissant de la survenance d’aléas thérapeutiques.

Le dossier médical du patient n’indiquait pas qu’une rupture de capsule était survenue lors de l’intervention du 26 octobre 2016. En particulier, ni le rapport opératoire, ni les notes de suite de l’ophtalmologue ne la mentionnaient. L’absence de mention de cette complication au dossier contrevenait à l’obligation de bonne tenue du dossier médical.

e. On ne pouvait retenir à charge de la Dre B______ un quelconque manquement professionnel s’agissant de la présence d’une bulle de silicone résiduelle.

La présence d’une bulle de silicone à la suite de l’intervention litigieuse n’était pas constitutive d’un manquement professionnel. S’il n’était pas possible de déterminer les échanges qui avaient eu lieu entre les parties à la suite de l’intervention, leurs versions étant contradictoires, la Dre B______ avait néanmoins mentionné, dans ses notes de suite du 3 novembre 2015, la présence d’une bulle de silicone résiduelle.

f. La Dre B______ ne pouvait pas être tenue pour responsable de la survenance de la récidive de décollement de rétine, ni de la perte d’acuité visuelle que celle-ci avait pu induire.

Le 5 décembre 2015, le patient avait présenté une récidive de décollement de rétine à l’œil droit, qu’il attribuait à une faute professionnelle de la médecin. Or, il fallait rappeler que le risque de récidive de décollement de rétine était de 15% à la suite d’un premier décollement compliqué, comme en l’espèce. À teneur du dossier, aucun lien ne pouvait être établi entre l’intervention du 26 octobre 2015 et la complication survenue et la récidive de décollement de rétine. L’avis du Dr I______ venait étayer cette position puisqu’il avait expliqué en substance que la rupture capsulaire pouvait favoriser le décollement de la rétine sans en être véritablement la cause. Selon lui, le facteur de risque essentiel était la probabilité de 25% d’un nouveau décollement selon une étude scientifique. La commission estimait ainsi que c’était le premier décollement qui était la cause principale de la récidive.

g. Aucun manquement professionnel ne pouvait être retenu concernant la luxation de la lentille.

À partir du moment où l’on posait un implant, il existait un risque que celui-ci se subluxe ou se luxe dès le lendemain de sa mise en place. Dans un tel cas, il revenait au médecin d’estimer s’il devait ou non réopérer pour procéder à son remplacement. Intervenait notamment dans sa réflexion le fait de savoir si l’implant mis en place remplissait ou non sa fonction ainsi que l’éventuel état inflammatoire induit par le frottement de l’implant pouvant potentiellement contribuer au décollement de la rétine. En l’occurrence, comme cela avait déjà été relevé, il était indiqué de poser un implant comme l’avait fait la médecin après la survenance de la rupture de la capsule.

Si le Dr D______ avait relevé dans son rapport une subluxation de la lentille, le fait que l’implant était en position satisfaisante signifiait que la partie optique de l’implant était encore opérationnelle de sorte que celui-ci remplissait sa fonction. Le Dr D______ n’avait par ailleurs pas mentionné un statut inflammatoire significatif du fait de la subluxation de la lentille.

La lentille avait finalement été remplacée par le Prof. G______ le 20 mars 2017. Aucun des médecins consultés entre l’intervention litigieuse et celle réalisée par ce dernier n’avait recommandé le remplacement de la lentille subluxée. Il apparaissait ainsi que c’était lors de la consultation avec le Prof. G______, le 6 décembre 2016, qu’il avait été constaté une luxation de l’implant avec impact fonctionnel. Au surplus, la perte de vision du patient n’était pas due à la luxation de la lentille mais au décollement de la rétine.

Enfin, en relation avec le reproche de A______ selon lequel la Dre B______ avait faussement cité le rapport du Dr D______, il s’agissait manifestement d’une simple erreur de plume.

31) Le 28 janvier 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative. Il a conclu, « sous suite de frais et dépens », à son annulation et invité la chambre administrative à dire que la Dre B______ ne l’avait pas suffisamment renseigné ni obtenu son consentement éclairé, qu’elle ne pouvait pas se prévaloir de son consentement hypothétique, qu’elle avait violé son devoir de diligence en lien avec la rupture de la capsule et que l’indication à une intervention de la cataracte combinée à l’ablation d’huile de silicone n’était pas adéquate en l’espèce. La chambre administrative était en outre invitée à confirmer que la Dre B______ avait violé ses devoirs d’information et de bonne tenue de son dossier médical et à dire et constater que celle-ci était à l’origine de la récidive du décollement de sa rétine le 5 décembre 2015.

a. L’intervention combinée de la cataracte n’était pas indiquée, pas plus qu’elle n’était urgente, de sorte que la commission avait constaté ces faits de manière inexacte et arbitraire.

La commission avait retenu qu’une intervention combinée de la cataracte et d’ablation de l’huile de silicone était indiquée. Elle ne s’était toutefois pas prononcée sur l’urgence à opérer dans le cas d’espèce, mentionnant simplement qu’une intervention de la cataracte était recommandée. Elle relevait également que la présence de « touchs » augmentait la densité de la cataracte et que ces « touchs » augmentaient toutefois le risque de rupture capsulaire. Cela étant, il contestait que la Dre B______ lui aurait mentionné la présence de « touchs » et des risques accrus de rupture capsulaire.

Le document intitulé « Historiques des chirurgies », fabriqué pour les besoins de la cause, n’était ni daté ni signé. Vu ces vices de forme, il n’avait aucune force probante et ne pouvait être considéré comme faisant partie intégrante de son dossier médical. On ne pouvait pas se baser sur ce seul document, établi a posteriori, pour en retenir des éléments à charge contre lui, ce d’autant que plusieurs documents antérieurs, datés et signés, ne faisaient aucune mention de la présence desdits « touchs ». Hormis ce document de dernière minute, son dossier médical ne faisait aucune mention de la présence de « touchs ». Aucune mention orale de cette présence ne lui avait été faite. Sinon, il aurait pris le temps d’une réflexion supplémentaire ou de s’adresser à un autre médecin pour un second avis. Il n’avait pas pu apprécier les risques accrus liés à l’intervention combinée, ni procéder à une pesée des intérêts. On ne pouvait dès lors retenir un consentement hypothétique de sa part. Il n’y avait aucune urgence à opérer et il aurait disposé du temps nécessaire pour ce faire. Dans sa décision litigieuse, la commission n’avait pas tenu compte des avis des Drs I______ et J______ qu’il avait produits dans le cadre de l’instruction complémentaire par-devant la commission. Ceux-ci, à l’instar d’une abondante littérature médicale qu’il avait citée, confirmaient l’absence d’urgence à opérer une cataracte.

b. La commission avait gravement violé le droit en refusant de considérer que la Dre B______ avait violé son devoir d’information portant sur la présence de « touchs cristallins » augmentant le risque de rupture capsulaire, risque qui s’était réalisé. Le devoir d’information préopératoire avait été violé.

La commission avait retenu que les « touchs » cristalliniens représentaient un risque supplémentaire de 11 % lors d’une intervention combinée. Elle avait également affirmé que le risque de rupture de la capsule était de 5 % pour les patients vitrectomisés comme lui. Au total, le risque de rupture capsulaire lors de l’opération combinée s’élevait donc à 16 %. Or, la jurisprudence du Tribunal fédéral niait le devoir d’information du médecin portant sur un risque qui ne se produisait qu’exceptionnellement quand la probabilité de survenance s’élevait à 1 %. La commission s’était référée à un arrêt du Tribunal fédéral qui lui permettait d’exonérer la médecin plutôt que d’appliquer la jurisprudence pertinente.

Le raisonnement de la commission ne pouvait pas être suivi car il rendait caduque l’institution de l’obligation d’informer et faisait de la « récupérabilité » des complications un critère primordial, laissant de côté le degré de gravité du risque encouru. Le droit du patient à l’autodétermination se trouverait anéanti et le médecin, seul maître pouvant déterminer la « récupérabilité d’une complication », serait systématiquement exonéré de requérir le consentement de son patient. Le fait que la médecin avait dissimulé pendant longtemps la rupture de la capsule avait empêché une prise en charge rapide, l’avait privé d’une chance de rattraper les dégâts qu’elle avait causés et de sauver dans la mesure du possible ce qui lui restait d’acuité visuelle de son œil droit.

c. La commission avait mal constaté les faits et violé les art. 45 et 46 LS en omettant de retenir une violation du devoir d’information relatif à la présence de « touchs » cristalliniens. N’ayant pas été informé du risque accru de l’opération combinée, il ne pouvait dès lors donner son consentement, même hypothétique.

Il avait reçu, le 16 septembre 2015, lors de la première et unique consultation préopératoire, une proposition d’un traitement supplémentaire, à savoir la combinaison d’une opération de la cataracte avec ablation de l’huile de silicone. Contrairement à ce qu’elle affirmait, la médecin ne lui avait pas donné la moindre information sur le diagnostic, soit la présence de « touchs » prétendument nombreux mais absents du dossier médical. Il avait donc subi une chirurgie sans avoir obtenu les informations essentielles et nécessaires à la formation de sa volonté. Il avait été maintenu dans l’ignorance de la situation médicale réelle. Or, s’il avait connu la présence de ces « touchs » et su qu’ils constituaient un risque accru de rupture capsulaire, il aurait demandé soit un délai de réflexion, soit un second avis médical.

La médecin n’avait pas apporté la moindre preuve qu’elle l’avait informé de l’existence d’un risque accru en raison des « touchs » dont elle disait s’être aperçue de la présence dès la première consultation. La seule présence de ces « touchs » faisait que l’intervention n’était pas usuelle, courante ou classique et ne comportait aucun risque particulier. Le fait que cette situation n’avait pas été mentionnée, ni en préopératoire, ni dans le compte rendu opératoire, ni dans aucun autre document du dossier médical, démontrait qu’il n’y avait aucune urgence et que la médecin ne pouvait pas se prévaloir de la théorie du consentement hypothétique.

Dans sa décision litigieuse, la commission indiquait qu’elle persistait et maintenait sa position adoptée lors de sa première décision. On pouvait dès lors conclure que la pseudo-instruction complémentaire effectuée n’avait permis de faire état d’aucun élément nouveau et probant permettant de considérer qu’il aurait dans tous les cas accepté une telle intervention combinée. Dès lors qu’il n’avait pas été informé du risque accru de l’opération combinée, il ne pouvait donner son consentement, même hypothétique.

d. La commission n’avait pas constaté les faits de manière conforme au droit, ni apprécié valablement les pièces contenues dans le dossier de la procédure en considérant qu’aucun manquement professionnel ne pouvait être retenu à la charge de la médecin.

Le déroulement de l'opération avait été chaotique, comme en témoignaient les interjections de l'intimée durant l'intervention et qu'elle n'avait jamais contestées : « mon Dieu ! », « je n’arrive pas », « ce n’est pas vrai ». Ces interjections ne pouvaient refléter un déroulement paisible normal de l'opération et ne pouvaient que confirmer l'avènement de la rupture capsulaire. Dans l’ATA/536/2020, la chambre administrative avait relevé que la médecin, sans raison apparente, avait commencé par dissimuler la survenance d’une rupture de la capsule et de l’implantation d’une lentille pendant l’intervention litigieuse, puis prétendu que cette complication était imputable à un autre médecin, le cas échéant au diabète du patient, avant de finir par l’admettre près de deux ans après les faits. Désormais la médecin se prévalait d’un nouveau prétexte jamais évoqué auparavant : les prétendus mouvements de son patient durant l’intervention, prétexte que la commission semblait admettre. Cette persistance à trouver des justifications forcées et successivement rajoutées les unes après les autres, ne pouvait que démontrer davantage que l'opération avait été menée d'une manière chaotique et que la gestion de la rupture capsulaire ne s'était pas faite dans les règles de l'art. La commission avait pourtant, dans des affaires précédentes, refusé de suivre une ophtalmologue qui tentait de rejeter sa propre faute sur un confrère. La position de la commission avait été confirmée par la chambre administrative puis par le Tribunal fédéral. L’attitude de la médecin laissait penser qu’elle avait quelque chose à se reprocher.

La commission ne pouvait pas non plus considérer que la rupture capsulaire avait été gérée conformément aux règles de l'art. Dans l’ATA/536/2020, la chambre administrative avait déjà retenu que la commission avait retenu à tort que la luxation de la lentille implantée lors de l'opération avait eu lieu un an et demi plus tard, dès lors que l'un des médecins consultés deux semaines après l'opération avait déjà constaté que la lentille, bien qu'en place, était subluxée.

e. La commission refusait encore d’admettre un lien de causalité entre la récidive de décollement de la rétine et l’intervention litigieuse. Le raisonnement de la commission n’était pas acceptable car il était fort invraisemblable que l’ensemble des manquements commis par la docteure n’aient eu aucun impact, même partiel, sur le second décollement. C’était ce qu’avaient confirmé les Drs I______ et J______ en indiquant, à l’instar de la doctrine médicale qu’il avait citée, qu’une récidive du décollement de la rétine pouvait avoir été causée par la rupture capsulaire. Lors d’une chirurgie « normale », le risque de récidive était de 15 % et il devenait presque inéluctable, confinant donc à la certitude, lorsque survenait une rupture de la capsule, d’autant plus que celle-ci était ignorée par lui car dissimulée par la médecin.

f. La commission avait mal considéré les faits en retenant qu’aucun manquement professionnel ne devait être retenu à charge de la médecin en lien avec la subluxation de la lentille. Contrairement à ce qu’avait considéré la chambre administrative, la commission avait une nouvelle fois refusé d’admettre que la docteure était à l’origine de la subluxation de la lentille qu’elle avait elle-même mal implantée. Il avait consulté le Dr D______ quatorze jours après l’intervention litigieuse et celui-ci avait immédiatement constaté la subluxation de l’implant. On ne voyait donc pas comment, au regard de la chronologie des faits, la docteure ne pouvait pas en être à l’origine.

g. À la suite de l’opération litigieuse, son acuité visuelle s’était rapidement détériorée. Il était aveugle de l’œil droit depuis sept ans et persistait à souffrir de douleurs. Il était contraint d’instiller des collyres entre six et huit fois par jour dans cet œil. Le Pr. I______ avait dit, dans son avis médical, que sa vue ne pouvait pas être améliorée par une nouvelle opération et lui avait suggéré de suivre un traitement psychologique/psychiatrique professionnel afin qu’il puisse vivre avec ce qui s’était passé.

32) Le 3 mars 2022, la commission s’en est rapporté à justice.

33) Le 17 mai 2022, la Dre B______ a conclu, « sous suite de frais et dépens », au rejet du recours et à la confirmation de la décision litigieuse. Elle a notamment expliqué que le Ministère public (ci-après : MP) avait, le 15 mars 2022, rendu une ordonnance de non-entrée en matière à la suite d’une plainte pénale déposée par M. A______ pour des faits qu’il avait qualifiés de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP- RS 311.0), de faux dans les titres (art. 251 CP) ou de faux certificat médical (art. 318 al. 1 CP).

a. Dans le cadre de l’ATA/536/2020, la chambre administrative n’avait pas ordonné à la commission de compléter son instruction sur la question de savoir si l’opération combinée était indiquée d’un point de vue médical ou non. Cette question avait été tranchée. Cela étant, le recourant contestait à nouveau l’indication de ladite opération et soutenait qu’elle n’était ni indiquée, ni urgente. Pourtant, la commission avait examiné si l’opération combinée était indiquée au vu des circonstances. Elle avait conclu que tant le retrait de l’huile de silicone que l’intervention de la cataracte étaient indiqués. La commission avait retenu le caractère urgent de l’intervention consistant à ne pas laisser l’huile de silicone dans l’œil du patient. Le grief soulevé par le recourant relatif à un manquement au devoir d’information et à la valeur du document « Historiques des chirurgies » ne revêtait aucune pertinence sous l’angle de la première question examinée par la commission.

b. Dans la mesure où le recourant avait traité dans deux griefs distincts la question de la violation du devoir d’information et celle du consentement hypothétique, elle opérait la même distinction quand bien même les deux thématiques étaient liées s’agissant des informations données ou non avant l’intervention.

Les griefs du recourant relatifs à une prétendue violation du devoir d’information portant sur la présence de « touchs » cristalliniens augmentant le risque de rupture capsulaire devaient être rejetés. L’étendue de l’information dépendait du risque de voir tel ou tel effet indésiré se produire. Le médecin devait ainsi informer le malade des risques graves afférents aux investigations et soins proposés. S’agissant de la violation du devoir d’information avant l’intervention, le recourant mélangeait deux thématiques distinctes puisqu’il traitait à la fois de l’éventuelle absence d’information avant l’intervention quant aux « touchs » cristalliniens et l’absence de communication après l’intervention quant à la survenance de la rupture capsulaire pendant celle-ci. Pour ce qui concernait les informations données avant l’intervention, la commission avait retenu à juste titre, et conformément à ses notes de suite ainsi qu’à la « chronologie médicale », qu’elle avait proposé au recourant une intervention combinée qu’il avait acceptée. Le recourant estimait à tort qu’à ce moment, soit avant l’intervention, elle aurait dû l’informer de la présence de « touchs » dans la mesure où ceux-ci augmenteraient le risque de rupture capsulaire. Lors de ses premières déterminations auprès de la commission du 16 octobre 2017, elle avait indiqué que les contacts avec le cristallin, soit les « touchs », avaient été évoqués avec le recourant lors de la première consultation. Elle ne disposait pas de trace écrite de cette information qui n’était quoi qu’il en soit pas nécessaire puisque, comme l’avait retenu la commission, la rupture capsulaire ne constituait pas une complication grave et n’impliquait donc pas un besoin accru d’information à ce sujet. La commission, composée de spécialistes, avait retenu que la survenance d’une rupture capsulaire était une complication usuelle lors des interventions de la cataracte. Une rupture capsulaire n’engendrait aucune atteinte à l’acuité visuelle lorsqu’elle était bien gérée, soit lorsque l’implant était placé dans le sulcus, ce qu’elle avait fait correctement. Aucun des innombrables médecins que le recourant avait consultés a posteriori n’avait remis en cause sa prise en charge et aucun d’entre eux n’avait émis l’hypothèse selon laquelle la survenance de la rupture capsulaire aurait eu le moindre effet sur l’évolution de l’œil du recourant à la suite de l’intervention du 26 octobre 2015.

Le recourant soutenait à tort que l’absence d’information après l’intervention quant à la survenance de la rupture capsulaire avait eu pour conséquence la perte définitive de son œil. En effet, aucun médecin consulté par le recourant, ni aucun des spécialistes qui siégeaient à la commission n’avait affirmé un tel lien de causalité. Le recourant interprétait mal la notion de « récupérabilité » dès lors que selon la jurisprudence ce n’était pas le médecin mais la science médicale qui décidait si une complication était récupérable ou non.

Enfin, le recourant ne se fondait sur aucun avis médical et inventait des liens de causalité qui n’existaient pas lorsqu’il soutenait que le fait de ne pas avoir été informé de la survenance de la rupture capsulaire après l’opération aurait empêché une prise en charge rapide et l’aurait privé de rattraper les dégâts. Il était inexact d’affirmer que le fait de ne pas avoir indiqué au recourant qu’une rupture capsulaire était survenue pendant l’opération aurait eu la moindre conséquence sur sa prise en charge postérieure par les multiples médecins qu’il avait consultés. Ce d’autant qu’elle avait géré ladite rupture conformément aux règles de l’art. La rupture capsulaire ayant été réglée pendant l’opération, elle n’avait eu aucune conséquence quant à l’évolution de l’état de l’œil. La baisse de l’acuité visuelle du recourant ne résultait pas de la rupture capsulaire, ni de son geste opératoire, l’acuité visuelle ayant même augmenté après l’opération.

c. Le recourant niait ensuite la réalisation d’un consentement hypothétique au motif qu’elle aurait dû l’informer de la présence de « touchs ». Comme elle l’avait déjà indiqué, elle n’était pas tenue de lui donner cette information. Même à supposer qu’elle aurait dû le faire, cela ne l’empêchait pas de se prévaloir du consentement hypothétique. En effet, le risque d’une rupture capsulaire n’était pas grave et elle l’avait correctement géré. Le besoin d’information n’était ainsi pas accru.

Pour la première fois, dans le cadre de ses observations à la commission le 21 (recte : 11) janvier 2021, le recourant avait fait état de motifs personnels qui l’auraient conduit à refuser l’intervention proposée. Il avait expliqué que du fait de son âge, de sa profession d’avocat-conseil et de son expérience, il était doté de sa pleine faculté de discernement et n’était pas dénué de tout bon sens pour prendre le pari de s'engager dans une opération combinée de la cataracte présentant un risque accru alors qu'il n'était pas rétabli d'une opération antérieure et que l'objectif unique de sa consultation avec elle était juste l'ablation de la silicone. S'il avait été informé de manière adéquate, il aurait refusé la proposition de cette chirurgie supplémentaire ou du moins pris un temps de réflexion ou demandé un autre avis médical. Dès lors, force était de constater que le recourant ne faisait état d'aucun motif qui l'aurait poussé à refuser l'intervention proposée. Il ressortait par ailleurs du dossier que lors de la première consultation, elle avait informé le recourant de l'indication d'une opération combinée, ce qu'il avait accepté. La présence de « touchs » cristalliniens, respectivement le risque de rupture capsulaire, ne changeait rien à la nécessité de procéder à une intervention combinée. La question du temps de réflexion n'était pas un motif susceptible de justifier le refus de l'opération proposée. En effet, cette question ne se posait qu'en cas d’un besoin accru d'informations, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Le recourant n'apportait ainsi aucun motif personnel qui l'aurait conduit à refuser l'intervention.

d. Dans un grief relatif au déroulement de l’opération litigieuse, le recourant lui reprochait d’être responsable de la rupture capsulaire. Or, cet élément n’avait été constaté ni par la commission, composée de spécialistes, ni par les médecins consultés par le recourant à la suite de l’opération. Le recourant considérait ensuite que la commission aurait dû retenir un manquement en raison du déroulement qu’il qualifiait de chaotique de l’opération. Elle avait expliqué à la commission avoir exprimé une certaine frustration durant l’opération en raison des mouvements effectués par le patient et non en raison d’une complication. Pour le reste, ses commentaires pendant l’opération n’étaient pas constitutifs d’une violation des règles de l’art et ne devaient pas être interprétés comme une preuve que l’opération se serait déroulée en violation de ces règles.

Les références à la jurisprudence dont se prévalait le recourant étaient erronées, la situation en l’espèce n’étant pas la même. L’attitude de la médecin visée par les arrêts cités par le recourant n’était pas identique à la sienne qui n’avait commis aucun manquement sous l’angle du diagnostic ou du déroulement de l’intervention. Elle n’avait par ailleurs imputé aucune responsabilité à la Dre C______.

Comme cela avait déjà été examiné, le recourant soutenait que la commission ne pouvait considérer que la rupture capsulaire avait été gérée conformément aux règles de l’art. Il citait un passage de l’ATA/536/2020 relatif à la luxation de l’implant. On ne pouvait toutefois lui reprocher un quelconque manquement quant à la pose de l’implant. La commission l’avait du reste retenu dans la décision litigieuse.

e. Le recourant reprochait à la commission de refuser d’admettre un lien de causalité entre la récidive de décollement de la rétine et l’intervention litigieuse. Dans un raisonnement hypothétique et dénué de tout fondement, il soutenait qu’il serait « fort invraisemblable que l’ensemble des manquements commis par la Dre B______ n’aient eu aucun impact, même partiel, sur le second décollement rétinien ». Or, les raisons à l’origine de cette récidive avaient été expliquées par la commission qui avait retenu que le risque de récidive de décollement de rétine était de 15 % à la suite d’un premier décollement de rétine compliqué, comme c’était le cas ici. A contrario, ce n’était donc ni le retrait de la bulle de silicone, ni l’opération de la cataracte, ni la survenance de la rupture capsulaire correctement gérée et réglée par la pose de l’implant dans le sulcus qui étaient à l’origine de la récidive. Aucun de ses gestes n’étaient la cause de celle-ci. Le recourant soutenait une thèse peu compréhensible en indiquant que le risque devenait presque inéluctable, confinant donc à la certitude. En effet, comme cela venait d’être dit, il n’existait aucun rapport de causalité entre la rupture de la capsule et la récidive du décollement rétinien qui était due à la fragilité de la rétine du recourant à la suite de son premier décollement opéré en Tunisie.

Le Dr I______, qui n’avait pas disposé de l’intégralité du dossier, avait indiqué que le facteur de risque essentiel était la probabilité de 25 % d’un nouveau décollement de la rétine. Ce médecin et le Dr J______ avaient indiqué qu’une rupture capsulaire bien gérée n’était pas compatible avec une baisse de l’acuité visuelle et que l’amélioration de la vision était rapide, ce qui avait été le cas en l’espèce. En effet, l’acuité visuelle du recourant s’était améliorée à la suite de l’opération litigieuse. Enfin, aucun des spécialistes consultés par le recourant n’avait évoqué un quelconque lien de causalité entre l’opération en cause et la récidive.

f. Le recourant fondait sur de pures hypothèses le grief selon lequel elle serait à l’origine de la subluxation de l’implant constatée par le Dr D______. La commission avait en effet expliqué que ce dernier avait constaté que l’implant était en position satisfaisante, ce qui signifiait que la partie optique de l’implant était encore opérationnelle de sorte que celui-ci remplissait sa fonction. Et pour cause, ni le Dr D______ ni les autres spécialistes consultés ensuite n’avaient jugé utile de le remplacer. Ainsi, quand bien même l’implant aurait été subluxé au moment de la consultation chez le Dr D______, il n’existait pas de preuve que cette subluxation serait la cause d’un manquement de sa part et ce n’était que lors de la consultation chez le Dr G______, le 6 décembre 2016, soit plus d’une année après l’intervention que la luxation avait été constatée. Son remplacement n’était intervenu que trois mois après, en mars 2017.

Outre le Dr D______ le 10 novembre 2015, elle avait constaté deux jours plus tard que l’implant était en place et centré. Le Prof. F______ avait constaté le 13 juin 2016 que la lentille intraoculaire à l’œil droit était bien positionnée et la Dre C______ avait constaté le 21 mars 2016 que l’implant était centré.

Le recourant n’expliquait pas en quoi ses prétendus manquements seraient à l’origine de sa baisse d’acuité visuelle, le dossier démontrant que cette acuité avait augmenté à la suite de l’intervention. Aucun des médecins consultés n’avait établi le moindre lien entre son geste opératoire et la baisse d’acuité visuelle.

34) Le 16 juin 2022, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a exposé avoir recouru contre l’ordonnance de non-entrée du MP du 15 mars 2022 auprès de la chambre pénale de recours de la Cour pénale de la Cour de justice (ci-après : chambre pénale). Il a en outre souligné qu’il avait subi l’intervention litigieuse il y avait sept ans de cela et que la deuxième décision de la commission qu’il contestait dans la présente procédure n’avait fait l’objet d’aucune instruction, si ce n’était par des écritures supplémentaires. La Dre B______ ne faisait que répéter les considérants de la décision litigieuse.

35) Le 28 juin 2022, la Dre B______ a persisté dans ses conclusions.

36) Le 15 novembre 2022, A______ a transmis à la chambre administrative un tirage de l’arrêt rendu par la chambre pénale le 11 novembre 2022. Son recours avait été admis et la cause renvoyée au MP pour ouverture d’une instruction. La chambre administrative ne devait, en conséquence, pas tenir compte de l’ordonnance de non-entrée en matière du 22 mars 2022.

Il ressort notamment de l’arrêt de la chambre pénale que « la situation médicale est à l’évidence complexe et, en l’état du dossier – lequel ne comprend pas le complément d’instruction requis par la chambre administrative –, il n’est pas possible de déterminer si la baisse d’acuité visuelle s’explique par une situation préexistante, notamment en raison du décollement de rétine ou la présence de "touchs cristalliniens", ou si elle est en lien avec les actes reprochés à la mise en cause, soit la rupture capsulaire communiquée tardivement, la pose de l’implant qui a ensuite dû être remplacé ou encore la récidive du décollement de rétine ». La chambre pénale a en conséquence estimé que dans « ce contexte, le Ministère public ne peut pas être suivi lorsqu’il écarte d’emblée la qualification de lésions corporelles graves, lesquelles sont poursuivies d’office, au motif que les éventuels manquements de la mise en cause auraient seulement aggravé une situation ophtalmologique préexistante ».

La chambre pénale a en outre indiqué que, s’agissant « du faux dans les certificats et/ou titres, le recourant met en doute l’authenticité du comte rendu opératoire de la mise en cause du 26 octobre 2015 et de son rapport du 7 novembre 2016, au vu des différences de contenu entre les copies d’un même document, des différences d’impression et de la présence ou l’absence de signature. Ces éléments qui font partie du dossier médical du recourant doivent être considérés comme des titres au sens de l’art. 251 CP ». La chambre pénale a ajouté qu’en « l’absence des documents litigieux originaux, il n’est pas possible d’affirmer que ceux-ci auraient été modifiés, ce que relève du reste l’expertise privée produite par le recourant. Ceci étant, il n’en subsiste pas moins des différences entre les copies desdits documents. Pour ce seul motif déjà, un doute doit être retenu quant à l’établissement de ces documents produits dans le cadre de la procédure administrative qu’il appartient au Ministère public de lever ».

La chambre pénale a retenu que les « faits décrits par le recourant pouvant ainsi être constitutifs de lésions corporelles graves par négligence et de faux dans les titres, il existe une prévention pénale suffisante justifiant l’ouverture d’une instruction ».

37) Le 25 novembre 2022, persistant dans ses conclusions, la Dre B______ a répondu que la chambre pénale n’avait pas disposé d’un dossier complet. En particulier, elle n’avait pas eu connaissance de la seconde décision de la commission.

38) Sur ce, la cause été gardée à juger.

39) En réponse à une demande de la chambre administrative, la Dre B______ a indiqué, le 5 mai 2023, qu’elle exerçait en qualité d’indépendante au sein de l’établissement Vision Clinique SA lors de l’intervention litigieuse.

40) La teneur des pièces du dossier sera pour le surplus reprise dans la partie en droit, dans la mesure utile au traitement du recours.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 , art. 22 al. 1 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 - LComPS - K 3 03).

2) a. La commission a été instaurée par l'art. 10 al. 1 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). Son organisation et sa compétence sont réglées par la LComPS, ainsi que par le règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 22 août 2006 (RComPS - K3 03.01).

La mission qui lui est assignée est, d'une part, de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS et, d'autre part, de veiller au respect du droit des patients (art. 1 LComPS).

b. L'art. 9 LComPS prévoit que le patient qui saisit la commission a la qualité de partie dans les procédures.

A contrario, le dénonciateur n'a pas cette qualité (ATA/662/2014 du 26 août 2014 consid. 8, confirmé par les arrêts du Tribunal fédéral 2C_313/2015 du 1er mai 2015, 2F_11/2015 du 6 octobre 2015 et 2F_21/2015 du 2 décembre 2015 ainsi que les jurisprudences citées).

La jurisprudence de la chambre administrative et, avant elle, du Tribunal administratif, a admis qu'un patient, au sens de l'art. 9 LComPS, était une personne qui entretenait ou avait entretenu une relation thérapeutique avec un professionnel de la santé dont l'activité est régie par cette loi (ATA/662/2014 précité consid. 10 et les références citées).

c. Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, le plaignant qui a saisi la commission en invoquant une violation de ses droits de patient peut recourir contre la décision classant sa plainte (ATA/8/2018 du 9 janvier 2018 consid. 2b ; ATA/238/2017 du 28 février 2017 consid. 1b).

Dans un arrêt de principe en matière de droit des patients et de surveillance des professions de la santé qui réinterprète l'art. 22 LComPS, la chambre administrative a considéré qu'il convenait de s'inspirer des principes de la procédure pénale, dans laquelle la partie civile (plaignante) peut recourir contre la culpabilité de l'auteur sans se prononcer sur la peine. Ainsi, le patient peut recourir contre la décision prise à l'issue de la procédure disciplinaire en contestant les violations retenues, mais sans prendre de conclusions sur la sanction elle-même. En d'autres termes, il peut reprendre et discuter toutes les violations de ses droits de patients invoquées devant la commission (ATA/17/2013 du 8 janvier 2013). Il a donc qualité pour agir.

d. En l'espèce, la qualité de patient doit être reconnue au recourant. Celui-ci conclut principalement à l'annulation de la décision de la commission du 20 décembre 2021 et à la constatation d’une violation de ses droits de patient plus large que celle retenue par la commission, sans prendre de conclusions sur la sanction. Les conclusions du recourant et, par conséquent, son recours, sont ainsi recevables.

3) La juridiction administrative applique le droit d’office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

4) Il ressort du dossier qu’une procédure pénale est en cours à la suite de la plainte déposée par le recourant à l’encontre de la médecin. Le présent litige peut être jugé sans qu’il soit nécessaire ni de s’y référer n’y d’en attendre l’issue, les intérêts du recourant étant au surplus protégés de manière adéquate dans la procédure pénale. Les parties ne sollicitent du reste pas une suspension de la présente procédure.

5) L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimée, à savoir si, outre la violation de ses devoirs d’information et de bonne tenue du dossier médical du patient par la docteure qui ne sont pas contestés, d’autres manquements lui sont imputables.

6) Dans l’ATA/536/2020, la chambre de céans a annulé la décision de la commission du 5 décembre 2019 et renvoyé la cause à celle-ci. Elle avait en effet fondé cette décision sur des faits constatés de manière inexacte et avait abusé de son pouvoir d'appréciation en ne retenant pas de manière complète les manquements commis par la médecin à l'égard de son patient. Il lui était reproché de ne pas avoir, avant de se prononcer, instruit davantage la plainte qui lui était soumise, en particulier sur la question de la validité du consentement du patient avant l'opération et, le cas échéant, de son consentement hypothétique. Elle se devait en outre d’éclaircir la situation quant au degré d'urgence et à l'indication de la chirurgie combinée et de la chronologie des faits (notamment la date de la luxation de la lentille implantée, les dates auxquelles la doctoresse a mentionné pour la première fois les complications survenues pendant l'opération après les avoir tues, d'une part, et, d'autre part, l'existence de « touchs» qu'elle aurait constatée lors de la première consultation), ainsi que sur les éventuelles conséquences de cette chronologie sur les autres griefs du patient (notamment l'existence d'un éventuel lien de causalité avec la rupture de la capsule, la récidive du décollement rétinien et la situation actuelle du recourant).

Il ressort de la décision en cause que la commission s’est prononcée sur la question du consentement du patient avant l’opération ainsi que sur celle de son consentement hypothétique (ch. 3, p. 25 et 26). La commission a également examiné la question de l’indication et de l’urgence de l’intervention litigieuse (ch. 2, p. 24 et 25). Figurent également dans la décision en cause les éléments relatifs à la chronologie des faits (ch. 8 p. 28 et 29 pour ce qui concerne la luxation de la lentille ; ch. 5, p. 26 et 27 pour ce qui concerne les complications ; ch. 2 p. 24, ch. 3 et 4, p. 25 et 26 pour ce qui est des « touchs »), au lien de causalité avec la rupture de la capsule (ch. 5 p. 26 et 27), de la récidive du décollement rétinien (ch. 7 p. 27 et 28) et brièvement de la situation actuelle du recourant (ch. 8 p. 28).

7) La praticienne intimée indique qu’elle exerçait en qualité d’indépendante au sein de l’établissement Vision Clinique SA lors de l’intervention litigieuse, soit sous sa propre responsabilité professionnelle. Ses droits et devoirs sont donc régis par la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (loi sur les professions médicales, LPMéd - RS 811.11), conformément à l’art. 1 al. 3 let. e LPMéd, ce qui exclut l’application de la LS (arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3 et les références citées). Partant, la cause sera examinée uniquement au regard de la LPMéd dans sa version du 1er janvier 2015, l’intervention litigieuse ayant eu lieu le 26 octobre 2015.

8) En vertu de l’art. 40 LPMéd « Devoirs professionnels », les personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre indépendant doivent, notamment, exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle (let. a) et garantir les droits du patient (let. c).

Dans un arrêt récent, qui concernait une sanction disciplinaire prononcée contre un médecin-dentiste, le Tribunal fédéral a, rappelant sa jurisprudence antérieure, souligné que les obligations prévues à l’art. 40 let. a et c LPMéd constituent des clauses générales qui doivent être interprétées et peuvent être précisées. Dans ce cadre, il est possible de prendre en considération, outre les dispositions de droit cantonal si elles précisent ou concrétisent ces devoirs, le code de déontologie du 12 décembre 1996 de la Fédération des médecins suisse (ci-après : le code de déontologie) et des différentes directives de l’Académie suisse des sciences médicales qui régissent l’activité du professionnel de la santé concerné et lui prescrivent un certain comportement et qui peuvent préciser les devoirs formulés de manière générale par l’art. 40 LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023 consid. 6.3).

Le présent cas relevant du droit fédéral, les dispositions de droit cantonal seront citées ci-dessous, si nécessaire, en tant qu’elles spécifient l’art. 40 let. a et c LPMéd et, dans ce cadre, elles seront prises en considération dans l’interprétation du droit fédéral (voir à ce propos l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_53/2022 du 22 novembre 2022 consid. 7.3.2).

9) Compte tenu du fait que la commission – tout comme son bureau est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique, la chambre de céans s'impose une certaine retenue (ATA/833/2022 du 23 août 2022 consid. 4c et les nombreux arrêts cités).

10) Le recourant fait grief à la commission d’avoir constaté les faits de manière inexacte et arbitraire dès lors que, selon lui, l’intervention combinée de la cataracte n’était pas indiquée et qu’elle n’était pas urgente.

a. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. S’agissant de l’appréciation des preuves et des constatations des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 ; ATA/151/2023 du 14 février 2023 consid. 7b).

c. Il ressort de la décision litigieuse que la commission a, de manière motivée, expliqué pourquoi, selon elle, l’intervention était à la fois nécessaire et urgente. Elle était nécessaire car la cataracte dense que présentait le recourant risquait de s’opacifier, causant une baisse de plus en plus importante de sa vision à l’œil droit et pouvant aller jusqu’à la cécité. Elle a ajouté que les « touchs » augmentaient la densité de la cataracte. Elle était en outre urgente car les règles de l’art impliquaient de ne pas laisser en place de l’huile de silicone plus de trois mois. Le tamponnement par l’huile de silicone ayant eu lieu plus de trois mois auparavant, il était recommandé de procéder à son ablation. L’opération combinée était ainsi pertinente car elle évitait au patient de devoir subir deux opérations dans un court laps de temps.

Le recourant n’indique pas en quoi cette approche de la commission serait erronée ou devrait être contredite par d’autres avis médicaux. Il développe en effet son grief sous l’angle du défaut d’information qui serait imputable à la médecin quant à la présence de ces « touchs », grief qui n’est pas pertinent à ce stade, un éventuel défaut d’information n’influant pas sur la nécessité et l’urgence d’une intervention.

11) Le recourant fait grief à la commission d’avoir violé le droit en refusant de considérer que l’ophtalmologue avait violé son devoir d’information préopératoire portant sur la présence de « touchs cristallins » augmentant le risque de rupture capsulaire, risque qui s’était réalisé. N’ayant pas été informé du risque accru de l’opération combinée du fait de cette présence, il ne pouvait donner son consentement, même hypothétique.

a. L’art. 40 let. c LPMéd dispose que le médecin doit garantir les droits des patients. L’obligation d’information du médecin est rattachée aux droits des patients qui comprennent son corollaire, à savoir le droit à l’autodétermination (ATF 148 I 1 consid. 6.2). Elle constitue une règle générale pour admettre l’existence d’un consentement éclairé, consentement lui-même indispensable à la licéité d’une intervention médicale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023 consid. 8.1 et les arrêts cités).

b. Il appartient au médecin d’établir qu’il a suffisamment renseigné le patient et obtenu le consentement éclairé de ce dernier préalablement à l’intervention. En l’absence d’un tel consentement, le praticien peut soulever le moyen du consentement hypothétique du patient. Il doit alors démontrer que celui-ci aurait accepté l’opération même s’il avait été dûment informé. Si le fardeau de la preuve incombe au médecin, le patient doit toutefois collaborer à cette preuve en rendant vraisemblable ou au moins en alléguant les motifs personnels qui l’auraient incité à refuser l’opération s’il en avait notamment connu les risques. En effet, il ne faut en règle générale pas se baser sur le modèle abstrait d’un « patient raisonnable », mais sur la situation personnelle et concrète du patient dont il s’agit. Ce n’est que dans l’hypothèse où le patient ne fait pas était de motifs personnels qui l’auraient conduit à refuser l’intervention proposée qu’il convient de considérer objectivement s’il serait compréhensible, pour un patient sensé, de s’opposer à l’opération (arrêt du Tribunal fédéral 4A_585/2021 du 8 juin 2022 consid. 4 et les arrêts cités).

Par ailleurs, le consentement hypothétique ne doit en principe pas être admis lorsque le genre et la gravité du risque encouru auraient nécessité un besoin accru d’information, que le médecin n’a pas satisfait. Dans un tel cas, il est en effet plausible que le patient, s’il avait reçu une information complète, se serait trouvé dans un réel conflit quant à la décision à prendre et qu’il aurait sollicité un temps de réflexion (arrêt du Tribunal fédéral 4A_585/2021 précité).

c. En l’espèce, la commission a retenu, sans être contredite sur ce point, que le patient avait été informé du déroulement de l’intervention combinée, en particulier de la mise en place d’une lentille. La commission a ensuite souligné que le dossier de la cause ne lui permettait pas de déterminer si les explications que la médecin intimée avait données à son patient avaient porté sur le pourcentage du risque de rupture capsulaire de 5%, augmenté du fait de la présence de « touchs » cristalliniens. La commission a ajouté que le dossier médical du patient ne comportait pas de fiche de consentement éclairé mentionnant spécifiquement les risques d’une telle intervention. Dans la mesure où il n’est pas contesté que la médecin n’a pas obtenu de son patient son consentement éclairé, il convient d’examiner si le moyen du consentement hypothétique doit être présumé.

Le recourant fait valoir que s’il avait connu la présence de ces « touchs » il aurait « évidemment » soit demandé un délai de réflexion, soit aurait, avant d’y consentir, demandé un second avis médical, ce d’autant moins que cette présence impliquait un risque accru. Il ne fait toutefois état d’aucun élément personnel qui aurait pu le conduire à renoncer à l’intervention en cause, d’autant qu’elle présentait un caractère d’urgence, si ce n’est de la cataracte à tout le moins de l’huile de silicone.

Quant à la gravité du risque encouru, il ressort du dossier que les parties et la commission s’entendent sur le fait que pour un patient vitrectomisé, comme c’est le cas du recourant, le risque de rupture capsulaire est de 5 %. La commission a retenu, se fondant sur l’avis du Prof. I______ du 21 décembre 2020 (p. 4), que le risque de rupture capsulaire était augmenté à 11 % par la présence de « touchs ». Le recourant additionne quant à lui 5 % et 11 % pour fixer le risque à 16 %. Cela ne ressort toutefois ni de l’avis du Prof. I______ ni d’une autre expertise médicale versée à la procédure. Sans être contredite par un autre avis médical que le recourant aurait produit, la commission, composée de spécialistes, retient en outre que la complication était récupérable et que le risque doit aussi être pondéré par l’urgence du retrait de la silicone.

Il découle de ce qui précède que la commission a correctement retenu les faits et appliqué le droit, le consentement hypothétique du recourant pouvant être retenu.

12) Le recourant se plaint ensuite de ce que le déroulement de l’opération avait été chaotique et que la commission ne pouvait pas considérer que la rupture capsulaire avait été gérée conformément aux règles de l’art.

a. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le droit de se faire soigner conformément aux règles de l'art médical est un droit du patient. L'allégation d'une violation des règles de l'art équivaut à celle de la violation des droits du patient (ATA/355/2021 du 23 mars 2021 consid. 5b ; ATA/22/2014 du
14 janvier 2014 consid. 3). Les droits du patient sont en outre garantis par
l'art. 40 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11 ; Dominique SPRUMONT/Jean-Marc GUINCHARD/ Deborah SCHORNO, in Ariane AYER/Ueli KIESER/Thomas POLEDNA/ Dominique SPRUMONT, LPMéd, Commentaire, 2009, ad art. 40 n. 10).

Le devoir d’exercer son activité avec soin et conscience professionnelle englobe celui de la diligence et celui de respecter les règles de l’art. Le respect de ces règles vaut pour le traitement en lui-même, comme pour les examens et les investigations. Il implique l’exigence, pour le médecin, d’utiliser tous les moyens raisonnables qu’aurait employé un praticien diligent et consciencieux, afin de poser un diagnostic et de traiter son patient (arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 précité consid. 7.1. et les références citées).

b. Le recourant fait état des interjections de la médecin lors de l’intervention, de ce qu’elle avait d’abord dissimulé la survenance de la rupture de la capsule puis mis en cause un autre médecin ou le diabète de son patient. Il n’établit toutefois pas que les éventuelles difficultés rencontrées durant l’intervention auraient provoqué ladite rupture. Pour sa part, la commission retient que face à des versions divergentes des mêmes faits et en l’absence d’éléments objectifs, elle n’était pas en mesure de déterminer qui du recourant ou de l’intimée disait vrai. Elle souligne toutefois qu’il était établi que la rupture capsulaire était intervenue durant l’opération mais que la survenance de cet incident ne signifiait pas ipso facto une faute professionnelle de la part du médecin. La commission rappelle qu’une telle complication intervient en moyenne dans 5 % des cas, pourcentage qui est augmenté en présence de « touchs » cristalliniens. Les spécialistes de la commission n’ont trouvé dans le dossier aucun élément qui permettait d’établir que la rupture de capsule serait survenue en raison d’un manquement professionnel de la docteure. Le recourant n’apporte aucun avis médical contraire. Il se réfère à l’attitude certes discutable de la médecin qui a tardé à admettre ladite rupture durant l’intervention. La médecin a été sanctionnée par la commission pour cette omission d’information, ce qui ne signifie pas encore, sauf preuve du contraire que le recourant n’apporte pas, que cette rupture était intervenue par sa faute.

La commission estime en outre que la rupture de la capsule a été gérée conformément aux règles de l’art. Selon l’autorité intimée, la médecin a correctement placé l’implant dans le sulcus. Elle s’appuie sur l’avis du Dr D______ du 10 novembre 2015 d’où il ressort que l’implant était en position satisfaisante. Selon le recourant, l’ophtalmologue n’aurait toutefois pas placé cet implant dans les règles de l’art. Il se fonde sur le même avis du Dr D______ qui relève que la lentille était subluxée. Cela étant, il ne ressort pas de l’avis du Dr D______ que la mise en place de la lentille aurait été défectueuse comme l’affirme le recourant. Le Dr D______ ne recommande du reste pas une nouvelle intervention mais suggère de poursuivre le traitement de collyre et, si la gêne persiste, de consulter à nouveau le chirurgien vitréo-rétinien pour éventuelle vitrectomie. En l’absence d’éléments probants venant contredire la position de la commission, ce grief sera écarté. Il sera pour le reste question de la subluxation au considérant suivant.

13) Selon le recourant, la commission avait à tort refusé d’admettre un lien de causalité entre la récidive de décollement de la rétine et l’intervention litigieuse et mal considéré les faits en retenant qu’aucun manquement professionnel ne devait être retenu à charge de la docteure en lien avec la subluxation de la lentille.

a. La commission expose que le risque de récidive de décollement de rétine est de 15 % à la suite d’un premier décollement de rétine compliqué comme en l’espèce. Elle n’établit, à teneur des pièces versées au dossier, aucun lien entre l’intervention du 26 octobre 2015 et la récidive de décollement de rétine. Elle s’appuie sur l’avis du Dr I______, ce dernier ayant expliqué que la rupture capsulaire pouvait favoriser le décollement de la rétine sans en être véritablement la cause, le facteur de risque essentiel étant la probabilité de 25 % d’un nouveau décollement selon une étude scientifique. La commission a ainsi estimé que c’était le premier décollement qui était la principale cause de la récidive.

b. Pour sa part, le recourant souligne qu’il serait « fort invraisemblable » que l’ensemble des manquements commis par la médecin intimée n’aient eu aucun impact. Cela ne suffit toutefois pas à fonder un lien de causalité et n’est pas de nature à contredire le point de vue de la commission et de ses spécialistes. Le recourant se réfère pour le reste aux rapports des Drs I______ et J______ qu’il a versés à la procédure le 11 janvier 2021. Dans leurs rapports, ces deux médecins ne font à aucun moment référence à d’éventuelles manquements de la part de la médecin intimée. Le Dr I______ explique pour sa part (p. 4), comme l’a retenu la commission, qu’il ne peut « pas exclure que la rupture de la capsule ( ) représente un risque de nouveau décollement de la rétine », mais pour lui « le facteur de risque essentiel est ici la probabilité de 25 % d’un nouveau décollement de la rétine » selon une étude à laquelle il se réfère. Quant au Dr J______, il écrit que la rupture capsulaire, l’issue de vitré, la chute de fragments dans le vitré, comme dans le cas du recourant, augmentent significativement le risque de récidive du décollement de la rétine. Il n’établit pas non plus un lien de causalité entre l’intervention litigieuse et la récidive en cause.

S’agissant de la luxation de la lentille, la commission a estimé qu’à partir du moment où l’on posait un implant, il existait un risque que celui-ci se subluxe ou se luxe dès le lendemain de sa mise en place et qu’il était indiqué de poser un implant comme l’avait fait la médecin après la survenance de la rupture de la capsule. Certes, comme le souligne le recourant, le Dr D______ a bel et bien constaté quatorze jours après l’opération la subluxation de l’implant. Il ne contredit toutefois pas la commission qui retient que si le Dr D______ avait relevé dans son rapport une subluxation de la lentille, le fait que l’implant était en position satisfaisante signifiait que la partie optique de l’implant était encore opérationnelle de sorte que celui-ci remplissait sa fonction. La commission ajoute que le Dr D______ n’avait pas mentionné un statut inflammatoire significatif du fait de la subluxation de la lentille. Il apparaît au surplus que la lentille n’a été remplacée que le 20 mars 2017 par le Prof. G______. Le recourant avait auparavant consulté plusieurs médecins. Le Dr D______ a retenu, le 10 novembre 2015, que l’implant était en position satisfaisante. Le 27 juillet 2016, la Prof. F______ a pour sa part indiqué que la lentille intraoculaire était bien positionnée. Enfin, la Dre C______ a indiqué dans un rapport du 19 septembre 2016 que l’implant était centré.

Il en découle que la commission a correctement considéré les faits en ne retenant aucun manquement professionnel à l’encontre de la médecin intimée sur ce point.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

14) Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la docteure intimée dès lors qu’elle y a conclu et qu’elle a fait appel aux services d’un avocat rendu nécessaire par la complexité de la cause (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 20 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

alloue à Madame B______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de Monsieur A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume ETIER, avocat du recourant, à Me Philippe EIGENHEER, avocat de Madame B______, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ainsi qu’au département fédéral de l’intérieur.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Valérie LAUBER et Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :