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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3170/2021

ATA/628/2023 du 13.06.2023 sur JTAPI/743/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3170/2021-PE ATA/628/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juillet 2022 (JTAPI/743/2022)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1960, est ressortissant du Kosovo.

b. Il a requis des visas de retour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), notamment les 8 juin (épouse gravement malade de diabète), 6 août (raisons familiales) et 9 décembre 2020 (vacances de Noël et visite familiale) ainsi que les 5 février (mauvais état de santé de l’épouse) et 5 juillet 2021 (cette dernière demande a été refusée).

B. a. Le 2 novembre 2018, A______ a sollicité une autorisation de séjour pour traitement médical ou à titre du regroupement familial en sa faveur auprès de l'OCPM.

Le formulaire de demande M daté du 2 novembre 2018 spécifie la provenance de l’intéressé (B______, au Kosovo), mais pas sa date d’arrivée en Suisse. Dans un second formulaire M daté du 12 février 2020, il est indiqué comme date d’arrivée le 19 mai 2019 (sic).

Selon le certificat médical du 26 octobre 2018 et le courrier d’hospitalisation du 24 octobre 2018, A______, amené aux urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) par son fils pour un problème infectieux à son pied droit, avait bénéficié d’une opération chirurgicale d’urgence de débridement de ses plaies au niveau du pied le 18 octobre 2018, suivie cinq jours plus tard d’une autre opération de débridement des ulcères médiales ainsi que fermeture de la cicatrisation d’amputation. Il présentait une décompensation cardio-respiratoire et un diabète sous-jacent.

Était joint un formulaire O « Attestation de prise en charge financière » signé par C______, fils du concerné. La case concernant le montant mensuel de la prise en charge n'était pas remplie.

b. Selon un rapport médical du 23 novembre 2018, A______ était suivi depuis le 9 octobre 2018 suite à une amputation intervenue trois mois auparavant au Kosovo dans des circonstances peu claires, avec surinfection et évolution défavorable. Le rapport spécifiait que le traitement avait débuté le 24 octobre 2018, mais il n’indiquait pas de date de fin, et précisait que A______ pouvait voyager dans des « conditions standard ».

c. À teneur d'un certificat médical du 12 juillet 2019, A______ avait été opéré à de multiples reprises en orthopédie et il nécessitait des soins spécialisés ambulatoires réguliers pour « une longue période (plusieurs mois) ». Aucune date de fin du traitement n’y était indiquée.

d. Selon le document intitulé « dossier médical » du 17 janvier 2020, A______, qui avait été pris en charge le jour même pour une douleur thoracique, souffrait des comorbidités suivantes : diabète de type 2, hypercholestérolémie, hypertension artérielle, insuffisances cardiaque et rénale chroniques, pied diabétique avec amputation avec surinfection. Il prenait notamment les médicaments (avec principe actif) suivants : Novorapid (insuline aspart), Xultophy (insuline dégludec et liraglutide), Aspirine cardio (acide acétylsalicylique), Atorvastatine (atorvastatine), Clopidogrel (clopidogrel), Nexium (ésoméprazole), Lisinopril (lisinopril), Beloc (succinate de métoprolol), Sertraline (sertraline), Torasémide (torasémide) et Dafalgan (paracétamol).

Il était précisé qu’en l’absence de récupération de la fonction gauche après la revascularisation, s’il y avait lieu d’être, il faudrait discuter d’un équipement par défibrillateur en prévention primaire. Aucune date de fin de traitement n’était spécifiée.

e. Le 24 juillet 2020, faisant suite à une demande de renseignements de l’OCPM, le centre consulaire suisse à D______, après vérifications auprès de deux pharmacies à D______ et d’un médecin et après consultation du Ministère de la santé au Kosovo, a indiqué que les maladies de A______ pouvaient être traitées au Kosovo et que les médicaments dont il avait besoin y étaient disponibles.

f. Le 28 juillet 2020, l’OCPM a informé A______ de son intention de lui refuser l’autorisation de séjour sollicitée et lui a imparti un délai pour exercer, par écrit, son droit d’être entendu – invite à laquelle l'intéressé n'a pas donné suite.

g. Le 21 août 2020, la belle-fille de A______, dont le mari était au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial et qui s'était porté garant pour la prise en charge financière de son père, a informé l’OCPM qu’elle ne souhaitait plus que l’adresse de son beau-père soit à son domicile conjugal.

h. Par décision du 3 août 2021, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour à A______, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 3 octobre 2021 pour quitter le territoire et l’ensemble de l’espace Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Il ne réunissait pas les conditions légales permettant d’obtenir une autorisation de séjour. À la lumière de l’art. 29 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), même si le financement était « en principe » assuré par son fils, son départ de Suisse n’était pas garanti du fait qu’aucune date de fin de traitement n’était indiquée dans les différents certificats médicaux présents dans le dossier.

Les conditions d’un cas de rigueur n’étaient pas non plus remplies. Si sa situation avait été délicate en 2018, il ne se trouvait à présent plus dans une situation de détresse personnelle extrême comparée à celle des personnes souffrant des mêmes affections dans son pays d’origine. Il avait certes été hospitalisé lors de sa venue en Suisse en 2018, mais il ne l’était plus : depuis environ mi-juillet 2019, il suivait un traitement ambulatoire et il avait pris un abonnement de transports publics depuis le 15 octobre 2019, ce qui signifiait qu’il avait de la mobilité et qu’il était en état de voyager, comme signalé dans le rapport médical du 23 novembre 2018. Il avait d’ailleurs demandé plusieurs visas de retour. Toutes ses affections pouvant être traitées au Kosovo et les médicaments y étant disponibles localement, A______ pouvait y poursuivre ses traitements et, le cas échéant, s’y soumettre à d’autres éventuelles interventions chirurgicales. Avant son arrivée pour la première fois en Suisse, il suivait déjà un traitement médical pour les affections mentionnées. Dès lors, son départ définitif de Suisse n’entraînerait pas de graves conséquences pour sa santé.

Après un peu plus de deux ans de séjour à Genève (période relativement courte), sa relation avec la Suisse ne pouvait pas être si étroite, ses liens et attaches si profonds et durables que l’on ne puisse pas raisonnablement envisager un retour au Kosovo, où se trouvaient ses racines, ses attaches et son épouse.

C. a. Par acte du 13 septembre 2021, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement l’octroi d’un permis de séjour en sa faveur et de transmettre son dossier au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM).

En raison de son état de santé, il avait quitté le Kosovo en 2018 pour s’installer en Suisse où il avait été opéré à de nombreuses reprises en orthopédie et avait nécessité de soins spécialisés ambulatoires réguliers pour une longue période.

S’agissant de l’autorisation de séjour pour traitement médical, l’OCPM avait admis que la première condition était remplie, étant donné que le financement était garanti par son fils. La fin du traitement médical n’avait en l’état pas pu être fixée. Il avait rencontré de nombreux problèmes de santé qui nécessitaient de longs traitements. Dans ces circonstances, une autorisation de séjour, valable pour la durée du traitement, devait lui être délivrée.

Sous traitement à domicile pour de multiples affections, il avait démontré souffrir d’une sérieuse atteinte à sa santé qui nécessitait, pendant une longue période, des soins permanents. Il était peu probable que ces soins soient disponibles au Kosovo, ainsi que l’indiquait son médecin traitant. Ainsi, d’une part, son départ de Suisse entraînerait de graves conséquences pour sa santé et l’OCPM aurait donc dû préaviser favorablement sa demande d’autorisation de séjour auprès du SEM. D’autre part, s’il devait retourner au Kosovo, il se retrouverait a priori sans emploi et ainsi sans le moindre revenu. Sa situation financière ne lui permettrait tout simplement pas d’avoir accès aux soins médicaux nécessaires. En outre, au vu de l’état du système de santé au Kosovo, il ne pourrait pas obtenir le traitement adéquat. Il existait enfin un important risque que son état de santé se dégrade très rapidement et à ce que sa vie soit en danger. Ainsi, au vu de son état de santé, sa situation constituait un cas de rigueur et l’exécution du renvoi n’était pas raisonnablement exigible.

À l’appui de son recours, il a produit une lettre que son médecin traitant, la Dre E______, a adressé à l’OCPM le 13 août 2021, dont la teneur est la suivante :

« Monsieur A______ présentait une infection sur tout son pied droit suite à un mal perforant plantaire à Klebsiella, pneumonie complexe, Enterococcus faecalis et MSSA. Malgré toutes les compétences de l’Hôpital cantonal, cette infection était visiblement très compliquée à soigner. Elle a nécessité une reprise chirurgicale en octobre 2018 pour un complément d’amputation et désarticulation du P1-01 et résection de la tête du 1er métatarse.

« Monsieur A______ est connu pour un diabète de type insulino-dépendant, une insuffisance cardiaque sévère avec une fraction d’éjection à 30%, une insuffisance rénale chronique préterminale, une hypercholestérolémie traitée et une hypertension artérielle.

« Depuis la prise en charge de Monsieur A______ dans mon cabinet médical, il a présenté à plusieurs reprises une aggravation de sa fonction rénale qui a nécessité des surveillances rapprochées à ma consultation, des décompensations cardiaques qui ont été prises en charge par mon collègue le Docteur F______ pour adaptation de son traitement dont je vous mets en copie ses rapports, des décompensations de son diabète et des difficultés importants à adapter les doses d’insuline qui nécessitent très souvent la mise en place d’un passage infirmier de l’IMAD à domicile.

« Le patient est venu me voir récemment avec une lettre de votre part lui demandant de bien vouloir quitter la Suisse d’ici début d’octobre. Savoir que Monsieur A______ présente des maladies chroniques sévères extrêmement difficiles à contrôler. À ma connaissance au Kosovo et dans son lieu de résidence, la ville de B______, il n’y a pas de spécialistes qui puissent le suivre de près et surtout il n’y a aucun suivi infirmier à domicile possible. [ ]

« Personnellement je reste persuadée qu’un retour au Kosovo présente un danger vital pour mon patient ».

b. Le 17 novembre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Les conditions de l’art. 29 LEI et celles des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas remplies.

Le courrier du 13 août 2021 de la Dre E______ était contredit par les affirmations de la représentation consulaire suisse au Kosovo.

c. Le 23 février 2022, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes.

Entendue en qualité de témoin, la Dre E______ a indiqué que A______ souffrait d'un diabète de type 2 connu depuis 1999 et très mal contrôlé depuis toujours, d'une insuffisance cardiaque sévère (son cœur fonctionnait à 30%), d'une insuffisance rénale chronique (néphropathie diabétique), d'une rétinopathie (ses deux rétines étaient gravement atteintes et il suivait un traitement laser régulier aux HUG), d'hypercholestérolémie et d'hypertension artérielle. Son diabète nécessitait des prises d'insuline de deux types, à fonction lente (deux fois par jour) et à fonction rapide (selon les besoins, si sa glycémie est trop élevée), étant précisé qu’il n’était pas en mesure de prendre un traitement oral en raison des effets secondaires sur ses reins. Il devait contrôler sa glycémie trois fois par jour et, en fonction des résultats, adapter sa prise d'insuline rapide. Du fait de sa rétinopathie, il ne voyait pas bien et n'était pas en mesure de bien adapter ses dosages d'insuline. Il mélangeait en outre les seringues d'insuline lente et rapide. Il bénéficiait dès lors de la visite d'une infirmière de l'institution genevois de maintien à domicile (ci-après : IMAD) deux fois par jour, ce système étant suffisant pour contrôler son diabète. A______ n'était pas en mesure de suivre seul son diabète et il lui faudrait à tout le moins la présence d'un soutien, deux fois par jour, pour assurer la prise en charge de ses médicaments et le contrôle de sa tension, de son poids, de son insuline et de son état général. Une personne sans formation médicale pourrait s'en charger, cela nécessiterait toutefois beaucoup de rigueur et une bonne connaissance des pathologies du patient et des traitements requis. La prise en charge de son cholestérol était simple et ne nécessitait que la prise d'un comprimé une fois par jour. Son insuffisance cardiaque nécessitait un contrôle au minimum tous les six mois, afin de voir si son traitement médicamenteux devait être ou non adapté. Sa rétinopathie nécessitait un traitement laser, afin de lui permettre de conserver la vue mais elle ne pouvait dire à quelle fréquence ce traitement était nécessaire. Tous ces traitements devraient être pris à vie, tout comme le suivi médical.

Le patient avait fait un accident vasculaire cérébral (ci-après : AVC) en 2019 et un accident cérébral transitoire (thrombus) fin novembre 2021, ce qui avait encore aggravé son état de santé, compliquant notamment sa mobilité et le suivi de ses maladies chroniques. Il n'avait notamment plus été en mesure de se déplacer début 2022. Selon l’une de ses cousines, infirmière, auprès de laquelle elle s’était renseignée, il n'y avait pas de possibilités de prise en charge à B______ d'infections aussi compliquées que celles dont souffrait le recourant, qui serait certainement mort s'il n'avait pas été pris en charge comme il l'avait été en Suisse. Il n'existait pas de service d'infirmière à domicile au Kosovo. Des permanences médicales auprès desquelles il était possible de préparer ou d'adapter des traitements étaient cependant disponibles. Il existait uniquement des assurances maladies privées et non étatiques. Il y avait à B______ des diabétologues, des cardiologues, et des spécialistes à même de traiter les pathologies du patient, étant précisé que la prise en charge de ce dernier ne serait toutefois pas équivalente, en termes de qualité, à celle qui lui était offerte en Suisse. Il n'y avait pas de service d'orthopédie septique à B______, étant rappelé que c’était ce type de service qui lui avait sauvé la vie et elle ignorait ce qu'il en était à D______. B______ était, à sa connaissance, la troisième plus grande ville du Kosovo. Le service de visite d'infirmière à domicile était ce qui avait le plus aidé le patient dans la stabilisation de sa maladie, permettant son maintien à domicile et d’éviter des hospitalisations. Il était incapable de se prendre en charge seul, notamment en raison de troubles cognitifs liés à sa maladie.

Lorsqu’elle organisait un rendez-vous ou modifiait son traitement, elle passait toujours par l'IMAD et son fils. À sa connaissance, il était en mesure de se prendre en charge seul s'agissant de son hygiène quotidienne. Pour le surplus, notamment les repas, il était aidé par son fils, chez qui il habitait. Elle avait su après coup que le patient s'était rendu à une reprise au Kosovo et ne lui avait donc pas donné de recommandations particulières de suivi. En principe, il recevait un semainier ou des médicaments pour un mois de la pharmacie. Son fils disposait de son numéro de téléphone privé et pouvait l'appeler en cas de complication. Elle ignorait s'il existait au Kosovo un service de transport de patients de leur domicile aux hôpitaux mais il existait en tout cas des ambulances. L'insuline était gratuite au Kosovo. S’agissant des autres médicaments, si le patient ne disposait pas d'une assurance privée, ce dernier ou sa famille les payaient, étant précisé qu’elle n’était pas en mesure d'estimer le coût des médicaments nécessaires. Ce dernier n'était pas en mesure de vivre seul. À Genève, il était dépendant de son fils, notamment pour ses repas, son traitement, et la gestion de son agenda, et il avait raté plusieurs rendez-vous médicaux. En général, son fils l'accompagnait aux rendez-vous, sauf dans son cabinet où il pouvait se rendre seul. Il n'était pas en mesure d'avoir une conversation en français.

A______ a déclaré être père de trois fils, l'un vivant en Allemagne, le second à Genève et le troisième à B______. Ce dernier, âgé de 21 ou 22 ans, avait une compagne et disposait de son propre logement. Depuis que celui-ci avait rencontré sa compagne, il n'avait plus de contacts avec lui-même ni avec sa mère. Son épouse, dont l’état de santé était mauvais, était également domiciliée à B______. Elle avait notamment perdu l'usage d'un œil et était aidée financièrement et au quotidien par sa famille. Il n’était pas en mesure de dire à combien de reprises il était retourné au Kosovo. Avant 2018, il était venu en Suisse pour visites. Il avait également un frère qui vivait au Kosovo, à 40 km de B______. Deux de ses sœurs vivaient en Suisse, la troisième séjournait en Allemagne et l’un de ses frères était décédé. Au quotidien, son fils l'aidait à se laver, à s'habiller et lui achetait à manger, étant précisé que sa jambe ne tenait pas et qu’il était notamment tombé dans la baignoire. Ce n'était ni son fils ni sa belle-fille, avec laquelle il n’était pas en mesure de communiquer, qui l'aidaient pour son traitement car ils travaillaient. Durant la journée, il se contentait d’aller un petit moment au parc et se rendre à ses rendez-vous médicaux. Son fils n'ayant pas de voiture, il ne quittait pas Genève. Sa famille domiciliée en Suisse lui rendait parfois visite. Au Kosovo, il avait été suivi à B______ et D______ pour ses problèmes de santé. C'était un chirurgien de B______ qui lui avait amputé l'orteil, sans anesthésie. Son domicile se trouvait à B______, où il possédait une maison, dans laquelle il vivait avec sa femme et son fils. Il y avait séjourné lorsqu’il était retourné au Kosovo avec son fils, étant précisé qu’il ignorait quand avait eu lieu ce voyage. Il n'y était resté que quelques jours car il avait dû revenir à Genève en urgence en raison de problèmes à la jambe. Pour se rendre à D______, il se faisait amener en voiture par quelqu'un ou prenait le bus.

d. Lors d'une seconde audience d'enquêtes, le 13 avril 2022, C______, entendu à titre de renseignements, a indiqué travailler de 23h à 6h-7h du matin, du jeudi au dimanche et, exceptionnellement, du mercredi au dimanche, moyennant un salaire mensuel brut allant de CHF 3'000.- à CHF 3'500.-. Son épouse travaillait comme femme de ménage chez des particuliers de 05h00 à 08h00 et de 16h00 à 18h00, à la demande, et gagnait entre CHF 2'700.- et 2'800.- par mois. Ils vivaient dans un appartement de trois pièces et son père dormait dans le salon. Ils faisaient en sorte qu'il y ait toujours quelqu'un avec ce dernier à la maison, soit en principe lui durant la journée, et le reste du temps, son épouse. Compte tenu de leurs salaires, il n’était pas en mesure de déménager dans un appartement plus grand. Son père était toujours pris en charge par l'Hospice général (ci-après : l'hospice), à hauteur d’environ CHF 1'000.- par mois, soit CHF 500.- pour le logement et CHF 500.- pour ses besoins quotidiens.

Les infirmières de l'IMAD venaient deux fois une demi-heure par jour, pour préparer l'insuline et faire les injections. Elles contrôlaient également la pression et le stock de médicaments. Si ces intervenants étaient des hommes, ils l'aidaient pour la douche. Si les infirmières parlaient albanais, il les laissait seules avec son père. Dans le cas contraire, il devait toujours être présent pour faire la traduction. Il n’avait pas d'aide de proches et la situation était parfois très lourde pour son épouse et lui-même. Sa mère et son frère cadet – qui se désintéressait de ses parents – vivaient encore au Kosovo. Les membres de sa famille domiciliés en Suisse vivaient notamment à Saint-Gall et ils n’étaient pas très proches. De plus, son père avait de nombreux rendez-vous médicaux, parfois entre cinq et six par semaine, auxquels il l'amenait systématiquement et sa situation médicale ne s'était pas stabilisée, bien au contraire.

L'hospice prenait en charge l'assurance-maladie et toutes les factures médicales de son père. Sur les CHF 1'000.- perçus de l'hospice, ils utilisaient CHF 500.- pour le loyer de l'appartement et les CHF 500.- restants étaient utilisés notamment pour acheter de la nourriture spécialisée pour son père. Il lui laissait le solde comme argent de poche pour s'acheter ce qu'il souhaitait, notamment un café lorsqu'il se baladait. Il envoyait environ CHF 100.- par mois à sa mère, ce qui lui permettait de subvenir à ses besoins. Au besoin, notamment si elle avait des frais médicaux, il lui envoyait plus d'argent. Il n'y avait pas d'assurance-maladie au Kosovo et il était le seul à lui envoyer de l'argent.

e. Par écriture du 25 avril 2022, l’OCPM a indiqué maintenir la décision attaquée, les conditions du cas de rigueur n’étant pas remplies.

f. Dans ses déterminations du 28 avril 2022, A______ a persisté dans ses conclusions. Les auditions de son fils et de la Dre E______ démontraient que son retour au Kosovo serait susceptible d’entraîner de graves conséquences sur sa santé, de sorte que son renvoi ne pouvait être exigé.

g. Par jugement du 19 juillet 2022, le TAPI a rejeté le recours.

A______ était dépendant de l’aide sociale et ne disposait donc pas de moyens financiers lui permettant la prise en charge de son traitement médical, lequel était intégralement payé par l’hospice. De plus, séjournant en Suisse depuis mai 2018 (et non mai 2019 comme indiqué dans le formulaire M daté du 12 février 2020), soit depuis plus de trois ans et demi, il ne remplissait à l’évidence pas les conditions de durée de l’art. 32 al. 1 et 3 LEI. En outre, dans la mesure où il souhaitait désormais demeurer en Suisse et que son fils avait allégué en audience, que son père ne pourrait pas retourner vivre au Kosovo, faute de prise en charge, son retour au Kosovo n’était manifestement pas garanti. C’était ainsi à juste titre que l’OCPM avait refusé de lui octroyer une autorisation de séjour pour traitement médical.

A______ séjournait en Suisse depuis mai 2018, à savoir depuis un peu plus de trois ans et demi, soit une courte durée, qui plus est dans l'illégalité puis au bénéfice d'une simple tolérance. Son intégration professionnelle et/ou socioculturelle en Suisse ne pouvait au surplus être qualifiée d’exceptionnelle.

Les motifs médicaux allégués à l’appui de sa demande ne pouvaient justifier, à eux seuls, l’octroi d’un permis de séjour. A______ n’avait pas démontré à satisfaction de droit que les soins et traitements dont il aurait besoin seraient indisponibles au Kosovo ; les allégations de son médecin traitant étaient en contradiction avec les indications fournies par la représentation suisse au Kosovo.

Son renvoi n'était pas inexigible, car il n'avait pas démontré à satisfaction de droit que ses problèmes de santé seraient d’une gravité telle qu’un retour au Kosovo apparaîtrait, d’un point de vue médical, insoutenable.

D. a. Par acte posté le 9 septembre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à celle de la décision de l'OCPM du 3 août 2021, à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de préaviser favorablement l’octroi d’un permis de séjour en sa faveur et de transmettre son dossier au SEM, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Sa situation relevait d'un cas d'extrême gravité. Craignant pour sa santé au Kosovo, pays dans lequel il serait certainement décédé, il s'était installé en Suisse pour des raisons de santé, mais ne l'avait en aucun cas fait par convenance personnelle. Il était démontré qu'il ne pourrait pas bénéficier au Kosovo d'un service similaire à celui fourni par l'IMAD, soit la visite d'une infirmière deux fois par jour, qui lui était pourtant indispensable. Il n'existait pas non plus de service d'orthopédie septique à B______. Il souffrait aussi de rétinopathie et avait besoin d'un traitement au laser régulier aux HUG.

Le TAPI avait retenu à tort qu'il n'avait pas de liens intenses avec la Suisse, alors qu'il y vivait avec son fils et sa belle-fille et qu'il était incapable de se prendre en charge seul.

Son renvoi n'était pas exigible au vu de ses problèmes de santé. Le Kosovo n'avait toujours pas de système d'assurance maladie publique, et il ne pourrait pas y bénéficier des soins nécessaires. S'il devait retourner dans son pays d'origine, il s'y retrouverait sans le moindre revenu, étant précisé que contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, son fils arrivait tout juste à subvenir à ses propres besoins vitaux et ne pourrait prendre en charge ses frais médicaux sur place. S'il s'était rendu à deux reprises au Kosovo, c'était toujours pour une courte durée et accompagné de son fils.

b. Le 18 octobre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les éléments soulevés dans ce dernier n'étaient pas de nature à modifier sa position.

Il n'avait notamment pas été démontré que le recourant ne pourrait pas avoir accès aux soins essentiels en cas de retour au Kosovo. Aucun élément ne permettait de remettre en cause les informations communiquées par la représentation suisse au Kosovo.

c. Le 15 novembre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 16 décembre 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 30 novembre 2022, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

e. Le recourant en a fait de même le 16 décembre 2022.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la décision de l'intimé du 3 août 2021 de refus d'octroi d'une autorisation de séjour et de renvoi de Suisse.

2.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

2.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI et à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_404/2022 du 4 août 2022 consid. 6.1), les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

2.3 La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

3.             Le recourant ne revendique plus à ce stade qu'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité, et non une autorisation de séjour en vue de traitement médical au sens de l'art. 29 LEI. Le jugement attaqué doit donc être considéré comme doté de l'autorité de la chose jugée sur ce point.

3.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.2 L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du TAF C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, volume 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du TAF C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/ Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.5 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015  du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 5f).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêt du TAF F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

3.6 En l'espèce, les problèmes de santé du recourant sont nombreux, et pour certains relativement sérieux. Force est toutefois de constater qu'il les rencontrait déjà – quand bien même ils se sont aggravés en 2019 puis en 2021 – avant son arrivée en Suisse en mai 2018. Le recourant reconnaît du reste lui-même, dans son acte de recours, s'être installé en Suisse pour des raisons de santé, et il a déclaré en audience avoir été suivi à B______ et D______ pour ses problèmes de santé. Son médecin traitant a de plus indiqué que son diabète était connu depuis 1999.

Dès lors, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il doit être considéré comme étant entré pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé, si bien qu'il ne saurait se fonder sur ce motif médical pour bénéficier d'une exemption aux mesures de limitation. En outre, la relation qu'il entretient avec son fils n'apparaît pas suffisante pour lui reconnaître des liens d'une certaine intensité avec la Suisse, comme en témoigne son manque d'intégration professionnelle et sociale tel qu'analysé ci-dessous.

Force est de constater qu'il ne remplit pas les autres conditions d'un cas d'extrême gravité, puisque son intégration professionnelle est nulle – essentiellement en lien avec ses problèmes de santé – et que son intégration sociale est très faible, puisqu'il n'est arrivé en Suisse qu'en 2018, soit à l'âge de 58 ans, n'a de contacts quasiment qu'avec son fils et sa belle-fille, ne parle pas français et n'allègue pas avoir noué des relations fortes avec des personnes locales ni s'être engagé dans la vie culturelle ou associative du canton. Il dépend entièrement de l'aide sociale et a encore des liens avec son pays d'origine, où résident son épouse et l'un de ses trois fils, et où il est du reste retourné à au moins deux reprises depuis 2018.

Au vu de ce qui précède et de l'ensemble des circonstances d'espèce, il apparaît que l'autorité intimée et le TAPI ont à juste titre retenu que le recourant ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

4.             Enfin, le recourant soutient que son renvoi serait illicite ou inexigible, revendiquant donc matériellement d'être mis au bénéfice d'une admission provisoire.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

4.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

4.3 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

4.4 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

4.5 En l'espèce, le recourant se fonde principalement sur le certificat médical émanant de son médecin traitant et sur l'audition de celle-ci par le TAPI. Il en découle toutefois principalement le constat selon lequel sa prise en charge au Kosovo ne serait pas aussi bonne et efficace qu'à Genève, où – notamment – une infirmière de l'IMAD passe deux fois par jour le voir. Or, conformément à la jurisprudence, ce constat n'est pas suffisant pour admettre que son renvoi ne serait pas exigible. Le dossier ne contient pas d'éléments probants à même de remettre en cause la possibilité de prise en charge médicale du recourant au Kosovo qu'a mise en avant la représentation suisse dans ce pays. Le médecin traitant du recourant a elle-même admis qu'il y avait à B______ des diabétologues, des cardiologues, et des spécialistes à même de traiter les pathologies du patient, soulignant surtout l'absence d'infirmières à domicile et les difficultés de prise en charge d'une infection aussi compliquée que celle du recourant – et se basant pour émettre cette dernière affirmation sur les dires de l’une de ses cousines infirmière à B______, ce qui ne constitue pas une assise suffisante pour considérer une telle affirmation comme établie.

Dès lors, dans la mesure où il existe des structures de soins suffisantes au Kosovo qui peuvent prendre en charge les soins nécessités par les troubles dont souffre le recourant et tels qu'ils ressortent de son dossier médical, son renvoi ne l'expose pas à un risque réel d'être confronté à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie – étant rappelé au surplus que le recourant paraît s'être rendu en Suisse et y avoir séjourné de manière illégale principalement sinon uniquement pour y profiter de prestations de santé entièrement financées par une collectivité au sein de laquelle il n'avait jamais vécu jusqu'alors.

On ne saurait dans ces circonstances considérer le renvoi du recourant au Kosovo comme illicite ou inexigible. Au vu de ce qui précède, la décision de l'OCPM est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend ELMAZI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.