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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1878/2022

ATA/488/2023 du 09.05.2023 sur JTAPI/1391/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.02.2024, rendu le 19.02.2024, IRRECEVABLE, 1C_114/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1878/2022-LCI ATA/488/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2023

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Julien PACOT, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2022 (JTAPI/1391/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 3'704 (ci-après : la parcelle) d’une surface de 1'835 m2 de la commune d’Avusy, sise en zone agricole, à l’exception d’une infime part au nord sise en zone 4B protégée.

Selon le registre foncier, un bâtiment d’habitation à un seul logement n° 421 d’une surface de 116 m2 (ci-après : le bâtiment) y est cadastré.

b. Cette parcelle est issue de la division parcellaire de la parcelle n° 1'623. Sur cette dernière, un pavillon préfabriqué pour week-end et vacances de 32 m2, de trois pièces (ci-après : le pavillon), avait été autorisé le 7 août 1969 (DD 1______).

c. Le 20 octobre 2022, A______ a déposé une demande de renseignements auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) enregistrée sous le n° 2______/1, laquelle visait au déclassement partiel de la parcelle n° 3'704 en zone 4B protégée.

B. a. Le 1er avril 2022, le DT a informé A______ que plusieurs constructions auraient été réalisées sans autorisation, soit le bâtiment, l’aménagement d’une cour au nord-ouest de la parcelle (objet A ; ci-après : la cour), deux terrasses, respectivement le long des façades sud (objet B) et est (objet C) du bâtiment.

b. Dans ses observations, A______ a relevé que la maison et la cour dataient du début du XXe siècle. Il s’agissait du seul accès depuis la route de Sézegnin. Il entretenait le passage et le désherbait afin de pouvoir garer les voitures au sec et passer facilement avec le tracteur. Il avait procédé à quelques rénovations et à l’entretien du bâtiment depuis qu’il l’avait acquis au début des années 2000.

c. Par décision du 29 avril 2022, le DT a ordonné à M A______ de rétablir une situation conforme au droit d’ici au 31 octobre 2022 en procédant à la suppression et à l’évacuation du bâtiment et des trois autres objets. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai.

Au vu de l’analyse des images aériennes de 2016 et 2020, le bâtiment avait été reconstruit. La réalisation des éléments listés était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire et, vu la situation de la parcelle hors de la zone à bâtir et partiellement en zone d’assolement, le dépôt d’une requête en autorisation de construire était superfétatoire : dès lors, les éléments litigieux ne pouvaient être maintenus en l’état.

C. a. Par acte du 7 juin 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI).

Il était camionneur et éleveur de moutons, et avait acquis les parcelles nos 3'704 et 3'705 dans le but notamment d’y élever des moutons. Il avait entrepris certains travaux et agrandissements sur le pavillon sans autorisation de construire préalable, ce qu’il regrettait sincèrement. Il n’avait jamais réalisé le caractère illicite, la portée et les conséquences de ses démarches avant l’intervention de son conseil. Il pensait honnêtement qu’il avait procédé à de simples travaux d’entretien et de rénovation qui ne nécessitaient aucune demande d’autorisation de construire.

Le sous-sol du bâtiment litigieux avait été maintenu dans son état d’origine, ce que confirmaient les photographies aériennes auxquelles le DT faisait référence ; en revanche, de nouvelles fondations en béton et des façades en bois avaient été construites, le rez-de-chaussée transformé et des aménagements extérieurs ajoutés.

b. Le DT a conclu au rejet du recours.

c. Par jugement du 14 décembre 2022, après un second échange d’écritures, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressé ne contestait pas la décision en ce qu’elle ordonnait la suppression et l’évacuation des terrasses, et la remise en état du terrain naturel. Seules étaient donc litigieuses la suppression et l’évacuation du bâtiment et de la cour.

Le recourant reconnaissait avoir procédé sans autorisation à des travaux et des agrandissements sur le bâtiment : il avait ainsi réalisé de nouvelles fondations en béton, construit de nouvelles façades en bois, transformé le rez-de-chaussée et ajouté des aménagements extérieurs. Il indiquait toutefois ne pas l’avoir entièrement détruit pour l’avoir ensuite reconstruit, mais n’avoir procédé qu’à des travaux de transformation. Or, il ressortait clairement des photographies aériennes consultables sur le Système d'Information du Territoire à Genève (ci-après : SITG) que le bâtiment ne correspondait plus à celui autorisé le 21 août 1969 tant en ce qui concernait ses dimensions – passant de 32 m2 à 116 m2 – que ses implantation et orientation : il en découlait qu’il ne pouvait y avoir eu que démolition du bâtiment, puis reconstruction de celui-ci pour parvenir à une telle modification, étant rappelé que de nouvelles fondations avaient été créées.

Dès lors qu’il y avait eu démolition volontaire du bâtiment puis reconstruction, eu égard à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il ne pouvait plus faire valoir de droit acquis sur ladite construction, et donc l’autorisation de construire délivrée en 1969. C’était dès lors à juste titre que le DT en avait demandé la démolition.

La cour n’existait pas au moment de la délivrance de l’autorisation de construire de 1969. Selon les photographies aériennes, elle apparaissait clairement entre 2016 et 2017, soit à la fin de la construction du nouveau bâtiment. N’ayant jamais été autorisée et ne servant pas à l’exploitation agricole, ce qu’il ne prétendait pas, elle devait également être supprimée.

D. a. Par acte du 30 janvier 2023, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et à celle de la décision du 29 avril 2022. La chambre de céans devait ordonner la remise en état du bâtiment conformément à l’autorisation de construire n° 1______ du 21 août 1969, « soit à la lumière des plans d’autorisation de construire visés ne varietur » et autoriser le maintien de la cour. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI.

Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, le sous-sol du bâtiment avait été maintenu dans son état d’origine. La maison n’avait pas été entièrement détruite, puis reconstruite. N’ayant été que transformée, elle bénéficiait de la garantie de la situation acquise. Le pavillon avait existé depuis 45 ans avant que les travaux de transformation ne soient entrepris. En tous les cas, l’ordre de destruction violait le principe de la proportionnalité.

b. Le DT a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’ayant pas souhaité répliquer, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la suppression et l’évacuation du bâtiment et de la cour nord-ouest de la parcelle (objet A).

3.             Le recourant se prévaut de droits acquis pour le bâtiment, en se référant à l’autorisation de construire le pavillon n° 1______ délivrée le 21 août 1969.

3.1 Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application des dispositions légales ou réglementaires, le département peut en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 et 130 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

3.2 Depuis l’arrêt du Tribunal fédéral précisant que la prescription trentenaire ne s'applique pas hors de la zone à bâtir (ATF 147 II 309), quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour un ordre de remise en état à savoir :

- 1° l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- 2° les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- 3° l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- 4° l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c et les références citées). 

4.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

4.1 Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une – ou plusieurs – autre mesure administrative pourraient être préférées, le cas échéant en combinaison.

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle.

Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l'ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; 111 Ib 213 consid. 6b et la jurisprudence citée). L'intérêt privé de pouvoir continuer à profiter de constructions et d'utilisations illégales en dehors de la zone à bâtir ne pèse pas lourd (ATF 147 II 309 consid. 5.6).

4.2 L'autorité peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6 ; 123 II 248 consid. 3a/bb).

4.3 Il est dans l'intérêt public d'appliquer les règles en vigueur dans un cas de démolition volontaire suivie d'une reconstruction, ce cas se distinguant clairement de celui d'une transformation partielle ou d'une rénovation, où la protection de la situation acquise peut être déduite du droit constitutionnel (arrêt du Tribunal fédéral 1P.56/2006 du 22 février 2007, consid. 2.3 ; ATA/463/2021 du 27 avril 2021 consid. 6).

4.4 En l’espèce, le recourant soutient qu’il s’est limité à effectuer des transformations du pavillon. Il ne saurait être suivi.

Il ressort des photographies du SITG d’importantes modifications entre juillet 2015 et mars 2016. La surface de la construction s’est agrandie de 32 m2 à 116 m2, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas. L’orientation et l’implantation du pavillon et du bâtiment ne sont pas identiques. Le recourant a admis avoir procédé à de nouvelles fondations lors de la construction du bâtiment. Son allégation selon laquelle le sous-sol du pavillon aurait été maintenu dans son état d’origine, ce que confirmeraient les photographies aériennes, n’emporte pas conviction. D’une part, les photographies ne témoignent pas de l’éventuel maintien du sol d’origine. D’autre part, les plans de 1969 ne mentionnent qu’un vide sanitaire. Le recourant ayant reconnu avoir procédé à de nouvelles fondations en béton, il doit être retenu que même le sol n’a pas été maintenu. Le pavillon a en conséquence été détruit avant que le bâtiment litigieux ne soit construit. Le recourant n’a dès lors pas de droit acquis au maintien du pavillon, conformément aux jurisprudences précitées.

Le recourant conclut au maintien de la cour. Il ne développe toutefois aucun grief propre à cet objet. Or, le développement fait par le TAPI ne prête pas flanc à la critique, la cour apparaissant sur les orthophotos entre mars 2016 et juillet 2018 et étant destinée à servir de parking, soit une affectation non conforme à la zone agricole.

5.             Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité de l’ordre de remise en état.

Au vu de ce qui précède, il appert qu'il n'existe aucune mesure moins incisive que la remise en état pour rétablir une situation conforme au droit. L'intérêt public au respect de la zone agricole doit l'emporter sur les intérêts privés du recourant de continuer à profiter des aménagements litigieux. L'ordre de remise en état constitue une mesure adéquate, apte à atteindre le but visé et conforme au principe de la proportionnalité.

6.             Un déclassement partiel de la parcelle n° 3'704 en zone 4B protégée est sans incidence sur l’issue du litige s’agissant en l’état uniquement d’un projet.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87
al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 janvier 2023 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julien PACOT, avocat du recourant, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance et à l’office fédéral du développement territorial ARE

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :