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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/432/2022

ATA/125/2023 du 07.02.2023 sur JTAPI/975/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/432/2022-PE ATA/125/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ et B______ recourants
représentés par Me Imed Abdelli, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

________

 

 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2022 (JTAPI/975/2022)


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______, née le ______ 1985, sa fille C______, née le ______ 2002, et son fils B______, né le ______ 2004, sont ressortissants du Nicaragua.

b. Le 14 février 2013, Mme A______ a été interpelée par la police genevoise et prévenue d’infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) et à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

c. Par décision du 13 mars 2013, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse. Celui-ci était motivé par l’absence de titre de séjour valable et la menace pour l’ordre et la sécurité publics. L’intéressée avait reconnu résider et travailler sans autorisation à Genève depuis environ huit ans.

d. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours formé contre cette décision.

e. Le 3 mai 2013, le Ministère public a condamné Mme A______ à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis et délai d’épreuve de trois ans, pour séjour illégal et infraction à la LStup.

f. Le 29 novembre 2013, Mme A______ a été interpelée par les gardes-frontière dans un train circulant en direction de Genève depuis Milan (Italie) et prévenue de vol, de violation de domicile, de dommages à la propriété et d’infraction à la LEI.

g. Le 2 décembre 2014, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse à l’encontre de Mme A______, valable jusqu’au 1er décembre 2019.

B. a. Par courrier du 18 février 2021, Mme A______ a demandé auprès de l’OCPM la régularisation de ses conditions de séjour ainsi que de celles de son fils, alors mineur.

Elle avait vécu en Suisse de 2006 à 2011. N’ayant pu obtenir les autorisations nécessaires pour séjourner à Genève, elle avait quitté la Suisse pour le Nicaragua en 2011. En février 2012, elle était revenue à Genève pour travailler dans l’économie domestique et n’avait plus quitté la Suisse depuis. Elle avait quitté le Nicaragua pour fuir le père de ses enfants qui était un homme violent, alcoolique et qui ne s’occupait pas de sa famille, ainsi que pour offrir à sa famille (ses parents et ses deux enfants mineurs) de quoi vivre. Elle était indépendante financièrement et intégrée à Genève. Ses enfants l’avaient rejointe en 2016 et 2017, et son fils était scolarisé au cycle d’orientation du Foron. Les démêlés qu’elle avait eus avec la justice étaient dus à son inexpérience et à une relation amoureuse. Ses attaches se trouvaient en Suisse où elle résidait de manière quasi-ininterrompue depuis presque quinze ans. Au Nicaragua, elle n’avait plus que les souvenirs d’un passé trop douloureux qui l’avait poussée à fuir avec ses enfants. C’était elle qui s’occupait de sa famille restée sur place. Une demande similaire avait été déposée en faveur de sa fille majeure.

b. Par décision du 3 janvier 2022, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de Mme A______ et de son fils avec un préavis positif au SEM et prononcé leur renvoi de Suisse, leur impartissant un délai au 3 mars 2022 pour quitter le territoire.

Le degré d’intégration de Mme A______ demeurait faible. Si elle avait prouvé un séjour en Suisse de dix années consécutives, cette durée ne constituait pas un élément déterminant. Elle n’avait pas respecté l’ordre juridique suisse en ayant été condamnée à deux reprises. Elle ne s’était également pas conformée à la décision de renvoi de Suisse prononcée à son encontre. Ainsi, elle ne pouvait prétendre remplir les critères d’intégration relatifs au respect de la sécurité et de l’ordre publics et des valeurs de la Constitution.

Concernant l’absence de preuve de revenus, il était pris note qu’une démarche auprès des Prud’hommes allait être entreprise. Il était également pris note qu’un arrangement auprès de l’office des poursuites était en train d’être mis en place. Même si au regard des années de séjour passées en Suisse il était probable qu’elle parlait et comprenait le français, aucune preuve objective n’avait été transmise. Enfin, elle n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place.

L’intéressée annonçait que son fils était arrivé en 2017, mais son séjour n’était prouvé que depuis 2018. Dans tous les cas, il n’avait pas les cinq ans de séjour requis et n’était donc pas inclus dans la demande. Enfin, elle n’avait pas démontré l’existence d’obstacles au retour dans son pays d’origine.

c. Par acte du 3 février 2022, Mme A______ a recouru devant le TAPI contre cette décision, en concluant à l’octroi d’une autorisation de séjour pour elle-même et son fils, subsidiairement au renvoi de l’affaire à l’OCPM pour nouvel examen. À titre préalable, elle sollicitait l’audition des parties et celle de témoins

d. Le 29 août 2022, à la demande du TAPI, l’OCPM a confirmé qu’il n’existait pas de procédure parallèle concernant M. B______, majeur depuis le 30 juillet 2022, lequel était également visé par la décision querellée.

e. Le 10 juillet 2021, M. B______ a été interpellé par la police. Selon le rapport de police, il a déclaré être arrivé en Suisse le 13 janvier 2017, accompagné de son oncle, dans le but de s’installer avec sa mère et de trouver un travail. Il ne suivait aucune formation et n’avait pas de travail. Il avait grandi au Nicaragua, y avait suivi son parcours scolaire jusqu’à l’âge de treize ans et y avait obtenu un diplôme. En Suisse, il avait effectué un apprentissage de paysagiste. Outre son père, il avait un petit frère qui vivait au Nicaragua.

C. a. Par jugement du 20 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressée résidait en Suisse depuis février 2012, durée qui devait être fortement relativisée, dès lors que le séjour s’était déroulé dans l’illégalité. Selon l’attestation de l’office des poursuites du 2 septembre 2021, elle avait des poursuites pour un montant total de CHF 18'699.70, concernant des montants dus à l’assurance maladie. Aucune preuve n’avait été fournie au sujet de ses connaissances linguistiques. L’administrée n’établissait pas avoir noué des liens avec la Suisse à ce point profonds et durables qu'elle ne pourrait plus envisager un retour dans son pays d'origine. Elle n’avait pas non plus établi qu’elle avait fait preuve d’une intégration professionnelle marquée ni qu’elle aurait acquis, pendant son séjour, des connaissances et qualifications spécifiques qu'elle ne pourrait pas mettre à profit ailleurs, notamment au Nicaragua.

L'expérience professionnelle ainsi que les connaissances linguistiques acquises en Suisse constituaient des atouts susceptibles de favoriser sa réintégration sur le marché de l'emploi de son pays, étant rappelé qu'elle était âgée de trente-sept ans et en bonne santé. Aucun élément du dossier n’attestait que les difficultés auxquelles elle devrait faire face en cas de retour seraient plus lourdes que celles que rencontrent d'autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d'origine au terme d'un séjour régulier en Suisse.

Le séjour du fils de Mme A______ n’était prouvé qu’à partir de 2018. Il avait été scolarisé au cycle d’orientation du Foron pour l’année 2018-2019, et en classe d’insertion professionnelle en 2020-2021, mais semblait déscolarisé depuis, selon ses déclarations à la police le 10 juillet 2021. S’il avait certes passé en Suisse une partie de son adolescence, il n’avait cependant entrepris aucune formation professionnelle. Sa situation ne pouvait donc être assimilée à celle d'un adolescent ayant achevé sa scolarité obligatoire avec succès et commencé une formation professionnelle nécessitant l'acquisition de qualifications et de connaissances spécifiques. Le processus d'intégration entamé en Suisse par l'intéressé n'apparaissait pas à ce point profond qu'un retour dans son pays d'origine ne pourrait plus être envisagé, étant précisé qu’il avait vécu au Nicaragua jusqu'à l'âge de 13 ou 14 ans, y avait obtenu un diplôme et que des proches ou membres de sa famille qui assuraient sa prise en charge avant qu’il rejoigne sa mère en Suisse, s'y trouvaient vraisemblablement encore.

b. Par acte expédié le 26 octobre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ et M. B______ ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation, sollicitant le préavis favorable de l’OCPM auprès du SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour.

Le TAPI avait omis de tenir compte de la très longue durée de séjour en Suisse de la recourante, de presque seize ans. Elle n’avait ainsi plus d’attaches au Nicaragua. Son activité domestique l’avait empêchée de prouver l’existence de celle-ci. Le fait qu’elle ne dépende pas de l’aide sociale prouvait cependant son indépendance financière. Elle avait soldé une partie importante de ses dettes. Le vécu douloureux subi au Nicaragua avait eu des conséquences sur ses enfants, singulièrement son fils. Sa condamnation pénale datait de 2014 et ne figurait plus au casier judiciaire. L’importance accordée à celle-ci par le TAPI était donc disproportionnée. Elle ne représentait pas une menace grave pour l’ordre public. L’OCPM savait dès le départ que son activité professionnelle ne pouvait prétendre à un profil professionnel exceptionnel, n’ayant pas accompli d’études et étant cantonnée, en tant que personne sans titre de séjour, à des activités telles que celle qu’elle exerçait. Son fils était bien intégré, et il ne faisait aucun doute qu’au bénéfice d’un titre de séjour, il se créerait rapidement une situation professionnelle stable. Celui-ci entendait produire des documents pour compléter son recours.

Ses enfants avaient intégré le système scolaire genevois, mais été empêchés d’avancer dans leurs projets en raison du traumatisme subi dans leur pays et de leur situation administrative. Il convenait d’en tenir compte. La Suisse était le seul endroit où ses enfants pouvaient bénéficier de son soutien, quand bien même ils étaient majeurs. En procédant à une sélection déséquilibrée des éléments défavorables aux recourants, le TAPI avait violé le principe de la proportionnalité.

Le renvoi de la famille lui causerait un préjudice irréparable. Le retour de la recourante dans son pays en 2011 n’avait que confirmé les dangers qui pesaient sur elle, et elle a avait été contrainte de fuir à nouveau pour échapper à son partenaire violent.

c. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

d. Dans le délai imparti pour répliquer, les recourants ont indiqué ne rien avoir à ajouter.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Il convient d’examiner si les recourants peuvent être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.2.1 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2). La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.2.2 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

2.2.3 Les enfants mineurs au bénéfice d'autorisations d'établissement ou de séjour partagent, du point de vue du droit des étrangers, le sort des parents qui en ont la garde (arrêts du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.3 ; 2C_257/2020 du 18 mai 2020 consid. 6.1). Afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur indicative (Directive LEI, ch. 5.6.10.4). Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu'entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d'origine. Il faut prendre en considération qu'un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d'un cas personnel d'extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 10a).

2.2.4 D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêts du TAF F-3493/2017 du 12 septembre 2019 consid. 7.7.1 ; F-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 précité consid. 9a ;).

2.2.5 Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée au sens de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

2.2.6 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.3 Selon l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

2.4 En l’espèce, la recourante ne conteste pas avoir quitté la Suisse en 2011, après y avoir séjourné depuis 2006, et y être revenue en février 2012. Depuis lors, elle y séjourne de manière continue. Cette durée de séjour – qu’elle soit considérée depuis 2006 ou 2011 – peut être qualifiée de longue. Cela étant, quand bien même elle s’en défend, il y a lieu de relativiser cette durée de séjour au regard du fait qu’il a intégralement été effectuée dans l’illégalité. La recourante est venue en Suisse en 2006 et y est revenue en 2012 alors qu’elle savait ne pas détenir de titre de séjour. Elle y est encore demeurée malgré les décisions de renvoi et d’interdiction d’entrer rendues à son égard.

Si, certes, elle n’a pas recouru à l’aide sociale, elle ne peut se prévaloir d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. D’une part, son parcours professionnel, d’employée domestique selon ses allégations, ne témoigne pas d’une ascension professionnelle remarquable. Elle ne peut non plus se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des compétences professionnelles qu’elle ne pourrait pas exploiter dans son pays d’origine. D’autre part, elle ne soutient pas ni n’établit une intégration sociale particulière. Même si en raison de la durée de son séjour en Suisse, elle y a nécessairement tissé des liens amicaux ou affectifs, elle ne fait pas valoir qu’ils seraient d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre, en cas de retour dans son pays, par le biais des moyens de communication modernes. Elle ne se prévaut pas non plus d’un engagement dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Enfin, la recourante n’a pas respecté les décisions de renvoi et d’interdiction d’entrer rendues à son encontre.

Ainsi, même en relativisant, comme elle le souhaite, ses condamnations vu leur ancienneté, les éléments qui précèdent conduisent à constater l’absence d’intégration socio-professionnelle remarquable.

La recourante a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte au Nicaragua, pays dans lequel elle est retournée en 2011. Elle en connaît donc les us et coutumes et en parle la langue. Même en considérant comme établies les violences conjugales qu’elle soutient y avoir subies, rien ne permet de retenir que la recourante y serait à nouveau exposée en cas de retour dans son pays. Elle n’explique en particulier pas ni n’établit qu’elle serait concrètement exposée à de nouvelles violences de la part du père de ses enfants ni encore qu’elle serait contrainte de retourner dans la partie du Nicaragua où celui-ci habite. Au retour dans son pays, elle pourra valoriser les connaissance linguistiques et l’expérience professionnelle acquises en Suisse. Enfin, elle est encore relativement jeune et en bonne santé. Dans ces circonstances, sa réintégration au Nicaragua, même si elle nécessitera une certaine phase d’adaptation après les nombreuses années passées en Suisse, ne paraît pas gravement compromise.

2.5 Le TAPI a retenu que le recourant est arrivé en Suisse en 2018, ce que celui-ci ne conteste pas. Il ne peut donc se prévaloir d’une longue durée de séjour en Suisse.

Après avoir passé une année au cycle d’orientation, puis une année en classe d’insertion professionnelle, il ne semble plus suivre de cours ni avoir entamé de formation. Son départ de Suisse ne serait ainsi pas de nature à interrompre une formation en cours d’acquisition. Il ne se prévaut pas d’une intégration sociale particulière, n’alléguant pas avoir tissé des liens amicaux d’une intensité particulière ni s’être engagé d’une quelconque manière dans la vie associative ou sportive à Genève.

Il reste discret sur la question de savoir qui s’est occupé de lui lorsque sa mère était en Suisse entre 2006 et 2011. Cela étant, il est indéniable qu’ayant vécu jusqu’à l’âge de 14 ans au Nicaragua, il est familier de la mentalité de ce pays, de ses us et coutumes et en maîtrise la langue. Certes, étant arrivé en Suisse en pleine adolescence, soit un âge important dans le développement de la personnalité, il risque de traverser une phase de réadaptation plus difficile, compte tenu de son âge et du temps passé en Suisse. Toutefois, le jeune homme, qui indique avoir suivi sa scolarité au Nicaragua et y avoir obtenu un diplôme, pourra faire valoir celui-ci ainsi que ses connaissances de la langue française. Par ailleurs, il sera dans sa réintégration accompagnée par sa mère avec qui il vit actuellement et retrouvera vraisemblablement au Nicaragua les personnes qui s’étaient occupées de lui de 2006 à 2011 et de 2012 à 2018. Ayant vécu jusqu’à ses 14 ans au Nicaragua et n’ayant séjourné que quatre ans en Suisse, son pays natal ne saurait, par ailleurs, lui être devenu étranger pendant cette période. Dans ces circonstances, sa réintégration ne paraît pas non plus gravement compromise.

Au de l’ensemble des éléments sus-décrits, l’OCPM n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les recourants ne remplissaient pas les conditions strictes permettant d’admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité au sens de la loi.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi des recourants peut être prononcé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l’espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour à la recourante et son fils, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Comme évoqué plus haut, les violences conjugales que la recourante allègue avoir subies ne constituent pas un motif rendant son renvoi ou celui de son fils inexigible. En effet, rien ne s’oppose à ce que les intéressés s’installent à leur retour dans un quartier ou une ville éloignés du domicile du père des enfants de la recourante. En outre et comme déjà relevé par le TAPI, celle-ci n’apporte aucun élément ni ne produit de pièce rendant vraisemblable le fait que son renvoi et celui de son fils ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigible.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2022 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de Madame A______ et Monsieur B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed Abdelli, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.