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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2696/2022

ATA/75/2023 du 24.01.2023 ( AIDSO ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.03.2023, rendu le 08.05.2023, IRRECEVABLE, 5D_53/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2696/2022-AIDSO ATA/75/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS



EN FAIT

1) Par deux décisions du 25 juillet 2022 adressées à Mme A______, le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a fixé : (a) pour la période du 18 août au 31 décembre 2020, à CHF 627.50 par mois sa contribution aux frais de pension de son fils B______, comprenant les frais de pension de CHF 450.- et l’entretien personnel de CHF 177.50 et tenant compte d’un rabais de 50 % calculé sur la base de son revenu et du nombre d’enfants à charge ; (b) pour la période du 1er janvier 2021 au 26 juillet 2022, à CHF 15.20 par jour sa participation aux frais de placement de son fils B______, pour la période du 1er janvier 2021 au 26 juillet 2022, calculé en tenant compte d’une participation de CHF 38.- par jour, de trois enfants à charge et de 60 % de rabais.

Par courrier du même jour, le SPMi constatait que la facturation sur la période du 18 août 2020 au 26 juillet 2022 n’avait pas été envoyée et que le solde dû était de CHF 11'421.25. Il adressait à Mme A______ toutes ses excuses pour le retard et, compte tenu du désagrément engendré, lui proposait d’acquitter le montant dû sur une période de vingt-quatre mois, par des mensualités de CHF 475.90 au minimum, dès le 1er septembre 2022, son accord valant reconnaissance de dette.

2) Par acte remis à la poste le 24 août 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces décisions, reçues le 10 août 2022, concluant à leur annulation.

Lors du placement précédent, on lui avait dit qu’elle n’était pas en situation de participer financièrement et elle n’avait aucune raison de croire que ce ne serait pas à nouveau le cas lorsqu’elle avait signé la documentation lors de la dernière demande de placement de son fils.

Son fils avait été placé le 18 août 2020. Elle s’était plusieurs fois étonnée auprès du SPMi et du foyer de ce qu’on lui laissait toutes les aides pour celui-ci. On lui avait répondu que c’était normal s’agissant d’un placement de durée indéterminée ; elle avait l’autorité parentale et continuait à payer les factures pour son fils.

Elle avait découvert le 10 août 2022, à son retour de C______, le courrier du SPMi.

Si elle avait connu le coût engendré par le placement, elle aurait tenté de trouver une assistance, car c’était au-delà de ses possibilités financières, ce qu’elle ne pouvait faire deux ans plus tard.

Son fils avait eu 18 ans le 26 juillet 2022. Il était étudiant en 3ème année de l’école de culture générale, dans la filière sociale. Il allait recevoir à l’avenir « son argent ». Elle attendait une confirmation.

Elle avait été de bonne foi. Elle avait fait ce qu’on lui avait demandé et n’avait aucune raison de penser qu’il y avait eu une erreur quelque part. Ses revenus baisseraient à l’avenir si, comme prévu, son fils recevait le sien. Ils avaient déjà été diminués de CHF 400.- par mois depuis janvier 2021, pour une raison qu’elle n’était toujours pas parvenue à comprendre. Par rapport au revenu déterminant unifié (ci-après : RDU), les aides dont elle bénéficiait avaient diminué et son budget était extrêmement serré.

Elle n’était pas dépensière et le peu d’argent qu’elle essayait de mettre de côté servait pour ses enfants ou ses proches, ou pour emmener ses enfants en C______ voir leur père.

Son fils B______ souhaitait revenir à la maison, mais il devait avoir une chambre au vu de ses problèmes de santé et, faute de moyens, elle ne parvenait pas à trouver un logement plus grand que son appartement de 3,5 pièces.

Elle remboursait encore avec difficulté les frais d’avocat découlant d’un placement en 2018, à hauteur de CHF 300.- par mois, et n’était pas encore l’objet de poursuites. Si elle se retrouvait aux poursuites, elle n’aurait plus aucune chance de voir ses enfants réunis sous le même toit.

3) Le 21 septembre 2022, le SPMi, se disant conscient de l’importance du désagrément engendré par le retard et compte tenu de la situation de la recourante, lui a proposé un arrangement de paiement sur une durée de soixante mois, à raison de CHF 190.35 par mois au moins, à partir du 1er novembre 2022, son accord valant reconnaissance de dette.

4) Le 23 septembre 2022, le SPMi a conclu au rejet du recours.

Les contributions avaient été fixées sur la base du RDU 2020 pour la première et des « RDU 2021 et 2022 » pour la seconde.

Le placement avait duré du 18 août 2020 au 26 juillet 2022.

Il avait proposé un arrangement de paiement.

5) Mme A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti au 31 octobre 2022.

6) Le 4 novembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur l’exigibilité du montant de CHF 11'421.25 au titre de la participation de la recourante au placement de son fils B______.

a. Les père et mère doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant et assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). L'entretien est assuré par les soins et l'éducation ou, lorsque l'enfant n'est pas sous la garde de ses père et mère, par des prestations pécuniaires (art. 276 al. 2 CC). Cette obligation dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère ; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant et de la participation de celui des parents qui n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce dernier (art. 285 al. 1 CC).

b. Les frais de placement résidentiel, ainsi que les repas en structures d'enseignement spécialisé ou à caractère résidentiel et les autres frais mentionnés par le règlement fixant la participation financière des père et mère aux frais de placement, ainsi qu'aux mesures de soutien et de protection du mineur du 2 décembre 2020 (RPFFPM - J 6 26.04), sont à la charge de l'État, dans la mesure où ils ne sont pas couverts par la participation financière des père et mère (art. 1 RPFFPM).

Le RPFFPM a notamment pour but de fixer la participation financière des père et mère lors de placements résidentiels (art. 2 let. a).

Il est perçu une participation financière lorsque le mineur est placé, notamment, dans une institution d'éducation spécialisée ou un établissement prévu par la convention intercantonale relative aux institutions sociales, du 13 décembre 2002, ou tout établissement analogue offrant une prise en charge résidentielle (art. 4 let. a RPFFPM).

Lors de placements résidentiels, la participation financière aux frais de placement et d'entretien est de CHF 38.- par jour et par mineur (art. 5 al. 1 RPFFPM).

Un rabais, fondé sur le RDU est accordé aux père et mère, en fonction du montant de leur RDU et du nombre d’enfants à charge, rabais que l’art. 8 al. 2 RPFFPM détaille.

3) La recourante ne conteste pas le placement, qu’elle indique avoir elle-même demandé, ni les calculs effectués par le SPMi, mais se plaint de n’avoir été informée que tardivement par ce dernier des montants dus. Elle fait valoir sa bonne foi.

a. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1).

Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

b. En l’espèce, il est certes regrettable que le SPMi ait attendu deux ans pour arrêter la participation de la recourante au placement de son fils.

La recourante ne saurait cependant prétendre avoir pu inférer de bonne foi de ce silence qu’elle ne serait pas appelée à contribuer. Elle avait fait l’expérience d’un autre placement au moins avant celui objet de la présente procédure. Elle avait complété et signé la documentation à l’appui de la dernière demande de placement. Elle ne pouvait ignorer que la loi posait le principe de la contribution journalière des parents de CHF 38.-.

Elle fait valoir qu’à l’occasion du précédent placement, aucune contribution ne lui aurait été réclamée. Elle ne pouvait toutefois ignorer que la participation faisait l’objet d’une décision et était calculée en fonction du RDU et du nombre d’enfants à charge et pouvait donc varier en fonction de l’évolution de ces paramètres. Elle devait ainsi à tout le moins s’attendre à une décision, et ne pouvait inférer de l’absence de décision l’absence d’obligation de participation.

La recourante indique s’être inquiétée de ce qu’on lui laissait l’intégralité des aides pour son fils B______. Or, la réponse qu’elle rapporte avoir reçue, soit qu’elle avait l’autorité parentale et continuait à payer les factures de son fils, ne pouvait la persuader qu’elle n’aurait pas à contribuer au placement mais devait au contraire l’alerter sur la perspective d’avoir à régler les factures y relatives en sa qualité de titulaire de l’autorité parentale, conformément au RPFFPM.

La recourante ne parvient ainsi pas à établir que le silence de l'autorité était en l’espèce susceptible d'éveiller chez elle une attente ou une espérance légitimes, ou encore qu’elle avait des raisons sérieuses d'interpréter comme elle l’a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'elle en a tirées.

Le SPMi était ainsi fondé à lui réclamer la participation au placement de son fils B______.

Le SPMI a par ailleurs proposé en dernier lieu un arrangement de paiement en soixante mensualités de CHF 190.35, qui devrait rendre le remboursement de la dette plus supportable.

Le recours s’avère ainsi mal fondé et sera rejeté.

4) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Compte tenu de l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 août 2022 par Mme A______ contre les deux décisions du service de protection des mineurs du 27 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______ ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :