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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2382/2022

ATA/74/2023 du 24.01.2023 sur JTAPI/933/2022 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2382/2022-PE ATA/74/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante
représentée par Me Magali BUSER, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2022 (JTAPI/933/2022)


EN FAIT

A. a. Mme A______, ressortissante B______ née le ______ 1976, est arrivée en Suisse en octobre 2013 au bénéfice d’un visa pour rendre visite à sa famille.

b. Le 28 février 2018, elle a demandé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) de lui délivrer une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

c. Le 23 janvier 2019, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser sa demande.

d. Mme A______ a relancé l’OCPM pour la délivrance d’une autorisation de séjour par courriers des 6 juin 2019, 8 août 2019, 4 octobre 2019, 22 septembre 2020, 2 novembre 2021 et 24 juin 2022.

e. L’OCPM a réclamé à Mme A______ des documents le 9 juillet 2019, que Mme A______ a remis en partie le 8 août 2021.

B. a. Le 18 juillet 2022, Mme A______ a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours pour déni de justice. La violation du principe de célérité devait être constatée et l’OCPM se voir enjoint de lui délivrer une autorisation de séjour.

b. Par courrier recommandé du 21 juillet 2022, reçu le lendemain, le TAPI a invité Mme A______ à verser une avance de frais de CHF 500.- le 22 août 2022 au plus tard.

c. Le 29 juillet 2022, l’OCPM a informé le TAPI avoir notifié à Mme A______ son intention de refuser sa demande d’autorisation et de prononcer son renvoi de Suisse par pli du 28 juillet 2022. Une décision serait rendue dès que Mme A______ se serait déterminée. Le recours deviendrait alors sans objet.

d. Le 19 août 2022, Mme A______ a indiqué au TAPI qu’elle avait reçu deux courriers d’intention (de refus) de l’OCPM et que le recours pouvait être déclaré sans objet. CHF 800.- devaient lui être versés à titre d’indemnité pour ses frais d’avocat, dès lors que le recours avait été rendu nécessaire par le silence inexpliqué de l’autorité après plus de quatre ans d’attente.

e. Par jugement du 9 septembre 2022, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, mis à charge de Mme A______ un émolument de CHF 250.- et refusé de lui allouer une indemnité de procédure. Mme A______ n’avait pas versé l’avance de frais requise, aucune demande d’assistance juridique n’avait été formée et elle n’avait pas retiré son recours. Elle avait reçu la demande d’avance de frais le 22 juillet 2022 à l’adresse de son conseil et avait été dûment avertie des conséquences de l’inobservation du délai.

C. a. Le 13 septembre 2022, Mme A______ a adressé au TAPI une demande de reconsidération. Le TAPI avait retenu par inadvertance qu’elle s’était déterminée le 29 août 2022, alors que le suivi postal prouvait qu’elle avait remis sa détermination à la poste le 19 août 2022. En outre, elle avait indiqué que le recours était sans objet et réclamé une indemnité de procédure de CHF 800.-.

b. Par jugement du 13 septembre 2022, le TAPI, statuant sans échange d’écritures, a déclaré irrecevable le « recours » formé le 13 septembre 2022 par Mme A______ et l’a transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) comme relevant de sa compétence.

c. Le 28 septembre 2022, l’OCPM s’en est rapporté à justice.

d. Le 13 octobre 2022, Mme A______ a formé recours devant la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 9 septembre 2022, concluant à son annulation, à ce que son recours du 18 juillet 2022 soit déclaré recevable et à ce que l’OCPM soit condamné à lui payer CHF 800.- à titre d’indemnité de procédure. Subsidiairement, la cause devait être envoyée au TAPI pour nouvelle décision. Elle avait indiqué le 19 septembre 2022 au TAPI que le recours pouvait être déclaré sans objet, sachant que toute procédure sans objet était rayée du rôle, et avait réclamé une indemnité de procédure de CHF 800.-, ce qui excluait toute interprétation contraire. Le TAPI avait par ailleurs considéré à tort sa demande de reconsidération comme un recours.

e. Le 2 novembre 2022, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

f. Le 14 novembre 2022, l’OCPM s’en est rapporté à justice.

g. Le 18 novembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante se prévaut matériellement de sa bonne foi.

2.1 Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1).

La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

2.2 En l’espèce, la recourante se plaignait du silence de l’OCPM. Elle avait remis à l’OCPM des pièces en août 2021. Lorsqu’elle a reçu le pli de l’OCPM du 28 juillet 2022 annonçant son intention de refuser sa demande de délivrance d’autorisation de séjour, elle pouvait de bonne foi considérer que son recours avait perdu son objet et que le TAPI le constaterait sans délai et rayerait la cause du rôle – ce d’autant que l’OCPM y avait lui-même conclu le 29 juillet 2022 – ce qu’elle a indiqué au TAPI le 19 août 2022.

La recourante pouvait également considérer de bonne foi qu’elle avait obtenu gain de cause, puisque la reprise par l’OCPM de l’instruction et l’annonce d’une décision imminente était précisément ce qu’elle demandait par son recours pour déni de justice.

Il s’ensuit, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, que la recourante pouvait s’attendre de bonne foi à ce qu’aucun émolument ne soit mis à sa charge par le TAPI à l’occasion de la radiation de la cause du rôle, et considérer qu’elle n’avait plus à acquitter l’avance de frais censée le garantir. Symétriquement, le TAPI ne pouvait attendre d’elle qu’elle paye l’avance de frais.

Ainsi, en déclarant son recours irrecevable faute pour la recourante d’avoir payé l’avance de frais dans le délai imparti plutôt que de rayer la cause du rôle, le TAPI a violé le principe de la bonne foi.

Le jugement attaqué sera annulé et la cause renvoyée au TAPI pour qu’il raye la cause du rôle et statue sur les frais et l’indemnité de procédure.

3.             Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 400.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA) à la charge du Pouvoir judiciaire.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés les 13 septembre et 13 octobre 2022 par Mme A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2022 ;

au fond :

les admet ;

annule le jugement ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Mme A______ une indemnité de procédure de CHF 400.-, à la charge du Pouvoir judiciaire ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali BUSER, avocate de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.