Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4386/2022

ATA/87/2023 du 27.01.2023 ( MARPU ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4386/2022-MARPU ATA/87/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 27 janvier 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______
représentée par Mes Michel Jaccard et Trisant Gigon, avocats

contre

SERVICE INTERCOMMUNAL D'INFORMATIQUE (SIACG)



Vu le recours interjeté le 23 décembre 2022 par A______ (ci-après : A______) auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du service Intercommunal d’informatique de l’Association des communes genevoises (ci-après : SIACG) du 13 décembre 2022 prononçant l’exclusion de son offre aux motifs, d’une part, que l’entreprise avait indiqué travailler avec un partenaire nommé B______, ce qui correspondait à une sous-traitance interdite dans le marché devant entraîner l’exclusion de l’offre ; d’autre part, que la société avait indiqué que le télétravail était permis un jour par semaine pour son personnel résidant hors de Suisse, avec utilisation d’un VPN ; que cette technologie n’empêchait en rien que le traitement de données intervienne hors du territoire suisse ; que l’offre ne respectait par conséquent pas l’exigence que « quelle que soit la technologie utilisée, aucun traitement de données ne survienne hors du territoire suisse » ; qu’en conséquence et pour cette raison aussi l’offre devait être écartée ; que la société a conclu à l’interruption du marché public « service d’assistance externalisée "help desk" niveau 1 » et à l’ouverture d’un nouveau marché public par le SIACG définissant clairement les types de sous-traitance « exclus et permis » ; que, subsidiairement, la décision devait être annulée et sa réintégration dans la procédure d’adjudication pour nouvelle évaluation par le SIACG ordonnée ; que, plus subsidiairement, le caractère illicite de la décision d’exclusion devait être constaté et le SIACG condamné à lui verser des dommages et intérêts ; à titre préalable, l’effet suspensif devait être accordé ; que le principe de la transparence et d’égalité de traitement avait été violé ; qu’en ne mentionnant pas la sous-traitance des services d’hébergements, le SIACG considérait qu’une certaine sous-traitance était permise, faisant de l’interdiction de la sous-traitance prévue par l’annexe K2 un critère à géométrie variable ; qu’il était évident que le recours à une certaine forme de sous-traitance était nécessaire ; que l’autorité intimée avait été incapable de justifier la raison pour laquelle la sous-traitance de services d’hébergements à la société C______ SA serait tolérée alors que la sous-traitance d’un service de répondeur à la société B______ SA ne le serait pas ; que cela constituait une modification de l’appel d’offres et une application arbitraire des critères définis par celui-ci ; que l’autorité intimée aurait dû interrompre le marché et le renouveler si elle entendait modifier le critère de l’interdiction à la sous-traitance ; que les faits avaient été établis de façon incomplète, la recourante ayant clairement indiqué que le télétravail n’était validé que si les activités traitées le permettaient ; que l’autorité intimée n’avait pas pris en considération cette mention expresse dans le dossier ; que le pouvoir adjudicateur avait par ailleurs abusé de son pouvoir d’appréciation en excluant l'offre de la recourante en raison du recours à un prestataire externe pour un débordement d’appels dont le volume relatif était inférieur à 1 % des appels reçus ; que la prestation aurait tout au plus dû être qualifiée de variante ;

que le SIACG a conclu au rejet de la requête en octroi de l’effet suspensif ; que le service d’assistance externalisé recherché devait réaliser notamment la prise d’appels téléphoniques, l’enregistrement des tickets, la qualification de l’appel, la résolution des incidents de niveau 1, l’escalade des incidents au niveau 2, le suivi et la clôture des tickets de niveau 1 par le traitement de certaines tâches ; que, compte tenu des enjeux, l’autorité avait mis en place un comité d’évaluation ad hoc constitué de représentants de ses propres services et composé pour l’essentiel de professionnels de l’informatique ; que ledit comité comprenait notamment le directeur et deux directeurs adjoints du SIACG ; que le support de premier niveau ou service d’assistance était une prestation fondamentale ayant un fort impact sur l’activité des communes et permettant à ces dernières de délivrer leurs prestations à la population ; que, si ce service n’était pas réalisé dans les règles de l’art, des conséquences catastrophiques sur l’activité publique des communes pourraient en découler ; que le pouvoir adjudicateur avait décidé d’interdire la sous-traitance en raison de son importance et du risque lié à cette activité ; que, dans le domaine de l’informatique le contrôle de l’activité, notamment le traitement de données personnelles était compliqué, a fortiori si le traitement était effectué par un sous-traitant ; que la recourante n’avait pas démontré, par l’envoi par exemple de directives, en quoi et sur quels critères le télétravail était limité à certaines activités ; que la décision de validation du télétravail était du ressort du manager de la recourante et non un choix revenant à l’autorité intimée ; que la recourante ne contestait pas sous-traiter une partie du marché ; que, contrairement à ce qu'elle soutenait, la société B______ SA traitait des données et effectuait une première analyse ; que le pourcentage des appels reçus par la recourante et traité par la société B______ SA n’était pas pertinent, toute sous-traitance étant interdite ; que la société C______ SA n’était pas mentionnée dans la décision puisqu’elle fournissait des prestations d’hébergements de données à la recourante, mais n’intervenait aucunement comme sous-traitance du service sur lequel portait le marché ; qu’il en était de même pour la société Microsoft qui fournissait la solution de téléphonie Teams Voice à la recourante ou encore pour les sociétés Swisscom ou Sunrise UPC qui lui fournissaient les connexions Internet ; que la recourante se méprenait sur les notions de fournisseurs et de sous-traitants ; que les premiers n’intervenaient pas dans la prestation caractéristique du marché, à savoir un service d’assistance externalisée ; que, par contre, les sous-traitants, à l’instar de la société B______ SA, étaient impliqués dans la réalisation du marché puisqu’ils prenaient en charge une partie des appels des utilisateurs, établissaient un bref descriptif du problème rencontré par ceux-ci et recueillaient le nom et le contact de l’utilisateur, opération précisément décrite comme faisant partie du service objet du marché public ; que l’utilisation des moyens techniques tels que VPN ne permettait pas d’éviter que la personne consultant les documents depuis l’étranger effectue un traitement à l’extérieur du territoire suisse, ce qui posait notamment des problèmes de secret de fonction ; que le cahier des charges avait précisé que le soumissionnaire devait garantir qu’aucun traitement de données ne survienne en dehors du territoire suisse, quelle que soit la technologie utilisée ; que le pouvoir adjudicateur avait reçu cinq offres ; que le marché avait été adjugé le 13 décembre 2022 à la société D______ SA ;

que, dans sa réplique, A______ a relevé que vu le caractère marginal de la prestation de B______ SA, elle pouvait, dans tous les cas, satisfaire les exigences du pouvoir adjudicateur sans avoir recours à cette société ; que l’exclusion de son offre était d’autant moins soutenable que le pouvoir adjudicateur utilisait ses services depuis 2011 ; que l’autorité intimée savait que le recours à B______ SA était facultatif ; que les appels d’offres qu’elle avait remportés en 2011 et 2012, pour le même marché, interdisaient déjà la sous-traitance ; que la validation du télétravail n’avait jamais été à bien plaire de son manager, mais était liée à l’activité effectuée ; que le faible volume d’appels concerné par l’intervention de B______ SA et la connaissance par l’autorité intimée du fait que cette intervention était facultative aurait dû la conduire à procéder à des clarifications ; qu'elle n’invoquait aucune urgence à la conclusion du contrat relatif au marché public litigieux ; que le contrat qui les liait pouvait être résilié avec un préavis de trois mois ; que l’intérêt public commandait de réexaminer la décision d’exclusion de l’offre de la recourante, moins chère que celle actuellement retenue ; qu’en l’absence d’intérêt public prépondérant, l’effet suspensif devait être accordé au recours ;

que sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que, le recours a été interjeté en temps utile devant l'autorité compétente (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - GE - E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversément, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1106/2021 du 20 octobre 2021 ; ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, p. 317) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur l'effet suspensif ou d'autres mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que le droit des marchés public est très formaliste : l'offre d'un soumissionnaire est par exemple écartée d'office par une décision d'exclusion lorsqu'elle est tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences du cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Ces conséquences rigoureuses découlent de l'application des principes à la fois d'égalité de traitement entre concurrents et de transparence (ATA/307/2019 du 26 mars 2019 consid. 4) ;

qu’en l’espèce la décision d’exclusion est fondée sur deux motifs distincts ; que l’autorité intimée soutient que chacun est suffisant pour justifier l’exclusion ;

que la recourante n’a pas contesté dans son recours faire appel à un sous-traitant , critiquant le manque de cohérence de l’autorité intimée dans le traitement de la problématique ; que, dans sa réplique, elle a soutenu que la société préalablement qualifiée de sous-traitante devait être qualifiée de fournisseur ; que la sous-traitance était toutefois clairement interdite conformément au ch. 3.6 de la parution de l’appel d’offres sur le site simap.ch et 3.10 du dossier d’appel d’offres ; qu’il apparaît ainsi de prime abord que le soumissionnaire n’aurait pas respecté cette condition ; que la référence aux précédentes adjudications en 2011 et 2012 n’apparaît pas déterminante à ce stade de l’examen du dossier, s’agissant d’adjudications faites il y a dix ans ;

que le cahier des charges administratif exigeait par ailleurs que le soumissionnaire garantisse, qu’elle que soit la technologie utilisée, qu’aucun traitement de données ne survienne hors du territoire suisse ; qu’en cas de non-respect de cette clause, le dossier ne serait pas pris en considération et exclu ; que dans le « dossier de réponses », la recourante a précisé, sous le ch. 4.1.6.1 à propos du lieu de traitement et d’accès, que le télétravail était permis à raison de deux jours par semaine pour les collaborateurs résidents en Suisse, et un jour pour ceux hors de Suisse, que « le manager ne valide le télétravail qu’uniquement si les activités le permettent », qu’ « un technicien hors de Suisse utilise un VPN, ce qui fait qu’il sort en réalité de notre DataCenter situé chez C______ (______, Vaud) » ; que la recourante conclut dans son offre que « aucun traitement ou stockage n’est donc réalisé hors du territoire suisse » ; qu’il existe, prima facie, un risque qu’une partie, même minime, des services concernés par le marché se déroulent à l’étranger ; que la recourante n’a pas fourni de détails sur les activités qu’elle serait prête à tolérer en télétravail ; qu’elle ne prévoit pas de confier un droit de regard sur ce point au pouvoir adjudicateur ; qu’à première vue, les deux motifs d’exclusion apparaissent avoir été retenus conformément au cahier des charges ;

que les chances de succès du recours n’apparaissent ainsi pas évidentes ;

que si l’intérêt privé de la recourante est important, l’intérêt public à garantir l’égalité de traitement entre soumissionnaires est aussi important ; que par ailleurs l’intérêt public à de rapides mise en œuvre de la décision d’adjudication et passation du contrat est reconnu par la jurisprudence comme ayant un poids important (Cléa BOUCHAT, L’effet suspensif en procédure administrative, 2015, n° 969) ; que ces intérêts publics priment celui de la recourante ;

que l’absence d’effet suspensif aux recours en marchés publics constitue le principe ;

qu’il y a en l’espèce aucun motif d’y déroger ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l'arrêt au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête d’octroi d’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110) la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Mes Michel Jaccard et Tristan Gigon, avocats de la recourante, au service intercommunal d'informatique (SIACG) ainsi qu'à la Commission de la concurrence (COMCO).

 

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :