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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4359/2021

ATA/32/2023 du 17.01.2023 sur JTAPI/813/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.02.2023, rendu le 27.02.2023, IRRECEVABLE, 2D_3/2023
En fait
En droit

république et

canton de geneve

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4359/2021-PE ATA/32/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et B______
représentés par Me Daniela Linhares, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 août 2022 (JTAPI/813/2022)


EN FAIT

1) Les époux Madame A______, née le ______1976, et B______, né le ______1973, sont ressortissants du Brésil.

2) M. B______ a fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES), notifiée le 27 janvier 2017, valable du 20 décembre 2016 au 29 décembre 2018.

3) Le 24 février 2017, M. B______ a été appréhendé par la police.

Il a à cette occasion déclaré être arrivé en Suisse en 2009 pour fuir les difficultés au Brésil. Il avait quitté la Suisse entre le 17 juillet 2016 et le 17 janvier 2017. Sa femme avait quitté la Suisse depuis environ 8 mois.

4) Par ordonnance pénale du Ministère public du 12 juin 2017, M. B______ a été condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, assortie du sursis, délai d'épreuve de 3 ans, pour entrée illégale, séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation.

5) Par décision du 3 octobre 2017, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. B______, lui impartissant un délai au 3 novembre 2017 pour quitter le territoire.

Le recours déposé contre cette décision a été déclaré irrecevable, faute de paiement dans le délai imparti de l’avance de frais, par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) du 5 décembre 2017 (JTAPI/1281/2017), entré en force.

6) Le 22 octobre 2018, Mme A______ et M. B______ ont déposé une demande d'autorisation de séjour dans le cadre de l'« opération Papyrus ».

Ils ont joint divers documents, dont une lettre d'accompagnement datée du 19 octobre 2018 indiquant une arrivée en Suisse en 2009 afin d'y chercher un meilleur avenir et surtout s'éloigner de la criminalité et de la corruption existantes au Brésil. Leurs enfants majeurs ainsi que la mère et les frères et sœurs de Mme A______ y habitaient encore. Leur cadet, majeur, ainsi que la sœur (et sa famille) de M. B______ vivaient à Genève. Ils joignaient également un formulaire M, une copie de leur passeport, une attestation d'achats d'abonnements TPG de M. B______ couvrant les années 2011 à 2013 et 2015 à 2017, une attestation d'envois d'argent de C______ couvrant les années 2011 à 2013 et de 2015 à 2018, leurs attestations de connaissance de la langue français de niveau A2, des extraits de leur casier judiciaire vierge respectifs, une attestation de l'Hospice général et une attestation de l'office des poursuites.

7) Par courrier du 30 août 2019, l'OCPM a informé les intéressés de son intention de refuser leur requête, ceux-ci ne répondant pas au critère de l’«opération Papyrus » d'une durée de séjour continu de 10 ans pour lui et de 5 ans pour elle.

8) Par décision du 5 novembre 2019, après transmission par les intéressés de nouvelles informations le 11 septembre 2019, l'OCPM a accordé l'autorisation de séjour sollicitée. M. B______ serait régularisé sous l'angle de l'« opération Papyrus », tandis que Mme A______, arrivée en Suisse le 21 février 2017, soit après la date du début de ladite opération, le serait ultérieurement, sous l'angle d'un regroupement familial. La décision d'approbation du Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) était réservée.

9) Le 18 mars 2020, le SEM a émis des doutes concernant la continuité du séjour de M. B______ à Genève depuis 2009 et a retourné le dossier à l'OCPM pour nouvel examen.

Le dossier contenait des extraits douteux de transferts d'argent pour l'année 2009, prétendument effectués via la société D______, dont des 2 et 5 décembre 2009. L'OCPM était invité à examiner l'authenticité de ces extraits. Pour l'année 2010, M. B______ n'avait produit qu'une attestation de E______ démontrant deux transferts d'argent en janvier. Le dossier ne contenait aucun justificatif de séjour pour l'année 2014.

10) Par courrier du 3 septembre 2021 à l’OCPM, les intéressés ont notamment indiqué que M. B______ s’était rendu au Brésil pendant trois mois dès le mois d’avril 2013 pour s’occuper de leur fille, de santé délicate. Mme A______ était restée en Suisse pour travailler et ainsi assurer une entrée d’argent pour la famille. Madame F______, son ancienne employeuse, avait établi une attestation selon laquelle elle avait travaillé à son service entre 2014 et 2016.

11) Par courrier du 8 octobre 2021, l'OCPM a informé Mme A______ et M. B______ de son intention de refuser leur demande d'autorisation de séjour.

12) Faisant usage de leur droit d’être entendus, les intéressés ont, le 8 novembre 2021, repris en substance les éléments du courrier du 22 octobre 2018 précité.

13) Par décision du 12 novembre 2021, l'OCPM a refusé de délivrer les autorisations de séjour sollicitées et a prononcé leur renvoi de Suisse.

Les époux déclaraient être arrivés en Suisse en 2009. Selon les pièces produites, ils y avaient interrompu leur séjour durant plus de 12 mois au cours des 10 dernières années. Ils avaient cessé tout versement d'argent depuis la Suisse entre juillet 2013 et juillet 2015, alors qu'ils en avaient effectué régulièrement antérieurement et postérieurement à ces dates. Le passeport de M. B______ comportait un tampon d'entrée à l'aéroport G______(France) du 6 août 2015 et aucune preuve de séjour probante n'avait été transmise pour cette période. Lors de son audition par la police le 24 février 2017, M. B______ avait déclaré avoir quitté la Suisse en date du 17 juillet 2016 pour y revenir en date du 17 janvier 2017. De plus, il avait indiqué que son épouse avait quitté la Suisse 8 mois auparavant. Son passeport comportait un tampon de l'aéroport de H______(Espagne) du 17 janvier 2017.

Par ailleurs, ils ne remplissaient pas les conditions de reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité.

14) Par acte du 24 décembre 2021, Mme A______ et M. B______ ont formé recours contre cette décision auprès du TAPI, concluant, préalablement, à ce qu'ils soient autorisés à consulter le dossier, à la comparution personnelle des parties, de même qu’aux auditions de Mesdames I______, J______ et F______, ainsi que de Monsieur K______. Principalement, ils devaient bénéficier d'un permis de séjour avec autorisation d'exercer une activité lucrative, respectivement d’une autorisation de séjour.

L'OCPM avait rendu sa décision trois jours après réception de leurs observations, sans leur avoir donné la possibilité de se présenter en ses locaux et de consulter le dossier pour, le cas échéant, compléter leur écriture.

Les attestations des différents témoins ainsi que de l'employeur de Mme A______ démontraient leur résidence sur le territoire suisse sans interruption depuis 2009, sauf quelques semaines en 2013 pour prendre soin au Brésil de leur fille malade. Le simple fait qu'ils n'y envoyaient plus d'argent ne suffisait pas à déduire qu'ils ne se trouvaient pas en Suisse. Durant cette période, ils avaient eu des difficultés financières. Entre 2014 et 2015, ils avaient logé chez Mme I______, fréquenté l'église indépendante en côtoyant régulièrement M. K______. Mme A______ avait travaillé à plein temps pour Mme F______.

Bien que la durée des 10 ans n'était pas encore atteinte au moment du dépôt de leur demande, leur séjour devait être considéré comme long. Ils avaient toujours participé à la vie économique suisse, lui comme maçon et elle comme femme de ménage ou gouvernante. M. B______ avait ouvert depuis quelques mois sa propre entreprise de construction. Ils avaient une grande partie de leur famille en Suisse, dont un fils qui allait bientôt se marier et venir vivre à Genève. Leur fille avait également déposé une demande de permis de séjour avec son mari et leur fils. Ils n'avaient donc plus d'attaches au Brésil, s'étaient totalement intégrés en Suisse, avaient des amis de toutes nationalités et allaient régulièrement à l'église.

Ils n'avaient jamais émargé à l'aide sociale, étaient financièrement indépendants et n'avaient ni poursuites ni casier judiciaire.

Ils ont joint un bordereau de pièces comprenant notamment des lettres de recommandation de Mmes J______ et F______, ainsi que de M. K______, relatant la durée de leur séjour et leur intégration en Suisse.

15) Par écriture du 7 mars 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Les intéressés ne pouvaient pas se prévaloir d'un séjour continu d'au moins 10 ans.

Bien qu'ils soient entrés sur le territoire pour la première fois en 2009, ils n'y avaient pas transféré leur centre d'intérêt. Tout au long de leur séjour, ils avaient gardé des liens étroits avec leur pays d'origine, ainsi qu'avec les membres de leur famille y résidant. Aucun élément du dossier ne démontrait des liens particulièrement étroits avec la Suisse. Arrivés à l'âge de 36 ans, respectivement 33 ans, après avoir vécu dans leur pays d'origine où ils avaient encore un réseau familial, et âgés désormais de 49 et 45 ans et en bonne santé, un retour au Brésil ne les placerait pas dans une situation personnelle d'extrême gravité.

16) Par réplique du 4 avril 2022, les intéressés ont relevé que toute leur famille se trouvait en Suisse, notamment leurs trois enfants. Leur centre d'intérêts s'y était déplacé, ce d'autant plus que le père de M. B______ était récemment décédé.

17) Il ressort du dossier de l’OCPM que les 5 février et 2 décembre 2019, M. B______ a sollicité l'octroi de visas de retour d'une durée de 30 jours afin de se rendre au Brésil pour des raisons familiales (sa mère était très malade s’agissant du motif de la première de ces demandes).

Le 11 décembre 2019, Mme A______ a sollicité la délivrance d'un visa de retour d'une durée de 20 jours afin de se rendre au Brésil, également pour des raisons familiales.

18) Le TAPI a rejeté le recours par jugement du 11 août 2022.

Les demandes d’actes d’instruction étaient refusées, motivation à l’appui.

L'OCPM n'avait pas violé l'art. 44 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) en ne donnant pas suite à la demande de consultation du dossier formulée à l'occasion du pli du 8 novembre 2021 avant de rendre la décision litigieuse, les intéressés ayant eu l'occasion de s'exprimer à de nombreuses reprises sur les éléments retenus à leur charge comme à leur décharge par cette autorité.

M. B______ avait fait l’objet d'une interdiction d'entrée en Suisse ainsi que d'une décision de renvoi.

Il devait être retenu que les intéressés ne séjournaient pas de façon continue en Suisse depuis 10 ans au jour du dépôt de leur requête du 22 octobre 2018, leur séjour, débuté en 2009, ayant pris fin à l'occasion de leurs présences prolongées respectives à l'étranger d'une durée d'au moins 6 mois selon leurs déclarations. Dans la lettre d'accompagnement à leur demande, ils avaient indiqué ne résider en Suisse que depuis 9 ans. Ils ne pouvaient donc pas obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - de l' « opération Papyrus », faute de remplir la condition stricte d’une durée de séjour continu de 10 ans requise.

Sous l’angle du cas de rigueur, la notion d'intégration rattachée à la durée du séjour impliquait que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l'extérieur, ce qui n’était pas le cas des intéressés. En outre, ceux-ci avaient toujours séjourné sur le sol helvétique sans titre de séjour puis, dès octobre 2018, au bénéfice d'une simple tolérance.

Leur intégration socio-professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle. Leur relation avec la Suisse n'apparaissait pas si étroite qu'il ne pouvait être exigé d'eux qu'ils retournent vivre au Brésil.

Encore jeunes et en bonne santé, les intéressés avaient vécu une grande partie de leur vie dans leur pays d'origine. Ils y avaient conservé des attaches avec des membres de leur famille susceptibles de les aider. Leurs enfants vivant en Suisse étaient tous majeurs au moment du dépôt de la demande d'autorisation de séjour. Ils n’invoquaient pas l'existence d'un lien de dépendance avec l'un d’eux qui serait titulaire d'un droit de séjour assuré en Suisse.

Dès lors que l’OCPM avait à juste titre refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux intéressés, il devait prononcer leur renvoi, aucun motif ne permettant de retenir que son exécution ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée.

19) Mme A______ et M. B______ont formé recours contre ce jugement par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 13 septembre 2022. Ils ont conclu préalablement à l’apport des dossiers de l’OCPM et du TAPI, à leur audition, ainsi qu’à celle des quatre témoins, comme déjà sollicité devant le TAPI. Au fond, ils ont conclu à l’annulation du jugement attaqué et, cela fait, à ce qu’ils bénéficient d’un permis de séjour avec autorisation d’exercer une activité lucrative, respectivement un permis de séjour, et à ce que leur dossier soit soumis au SEM avec un préavis positif.

Ils avaient emménagé dès le 1er juin 2022 dans un appartement au loyer moindre. M. B______ avait inscrit son entreprise individuelle au registre du commerce et s’était affilié à la SUVA, à l’OCAS et à la TVA.

Le TAPI avait violé l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) en refusant d’auditionner leurs témoins. Ces auditions étaient nécessaires pour prouver leur séjour continu sur le territoire suisse et leur intégration. Les attestations rédigées par certains ne suffisaient pas, puisqu’eux-mêmes avaient des questions à leur poser dans la mesure où « la production de certaines pièces [avait] été mise en doute par le premier juge », en particulier s’agissant de leur présence en Suisse en 2014. Mme I______ les avait hébergés pendant la période litigieuse, durant près d’une année.

Le TAPI avait apprécié arbitrairement les faits et les preuves. On ne voyait pas pour quelle raison la valeur probante d’une attestation de l’employeur devrait être relativisée. Un employeur se devait de dire la vérité sans quoi il pourrait en découler des conséquences financières désastreuses, comme la demande de son employé de lui verser le salaire alors que celui-ci n’aurait jamais travaillé ou seulement pour une très courte période. Si le TAPI avait tenu compte de l’attestation de Mme F______, il aurait retenu que les conditions d’un séjour ininterrompu étaient bel et bien remplies.

M. B______ avait déclaré à la police être arrivé en Suisse en 2009 et avait précisé ses périodes d’absence, soit 8 mois au total sur une période d’environ 10 ans. Il n’avait jamais varié sur ce point. Il n’avait obtenu que deux visas de retour pour aller voir sa famille. Il en allait de même pour Mme A______. Leur fille était gravement malade et personne ne savait si elle allait vivre. Ils s’étaient rendus à son chevet à tour de rôle. Ils n’avaient pas envoyé d’argent à leur famille en 2014, ni en 2018, dans la mesure où ils n’avaient que très peu de moyens pour vivre. Il était étonnant que près de 3 ans après sa décision favorable, l’OCPM revienne sur ces éléments alors que ni la durée de leur séjour, ni même la condamnation de M. B______ ne lui avait posé problème à l’époque.

Ce dernier était désormais chef d’entreprise, payait toutes ses cotisations en tant que tel et créerait des emplois. Toute leur famille habitait en Suisse, notamment leurs enfants. Ils avaient à l’époque fui le Brésil en raison de la corruption et de la criminalité y régnant. Ils étaient intégrés en Suisse depuis désormais plus de 13 ans et dans la mesure où, en 2019 ils avaient reçu l’assurance de l’OCPM d’obtenir un permis de séjour, il ne pouvait être dit que leur statut était précaire.

20) L’OCPM a conclu le 17 octobre 2022 au rejet du recours.

21) Les recourants ont, le 2 novembre 2022, persisté intégralement dans leurs conclusions.

22) Lors de l’audience tenue par la juge déléguée le 28 novembre 2022 :

a. Mme F______ a expliqué qu’après recherches dans sa messagerie WhatsApp, effectuée à nouveau lors de son audition, elle avait reçu en janvier 2019, puis le 21 octobre 2021, une demande de Mme A______ de lui établir une attestation en vue de la prise de futurs emplois. Il était question les deux fois du même texte. Lors de sa seconde demande, Mme A______ lui avait toutefois demandé de rajouter la date du jour, soit le 21 octobre 2021, sur cette lettre de recommandation dont elle lui avait transmis l’exemplaire de 2019.

Après recherches dans ses documents de L______, elle avait retrouvé avoir employé Mme A______ à compter du 1er septembre 2015. Elle avait de la peine à se souvenir exactement des événements datant de plusieurs années, d’autant plus que sa vie avait été un peu « chaotique », notamment à l’occasion de son départ pour les États-Unis. Il était possible qu’elle ait, avant le 1er septembre 2015, demandé quelques heures de repassage à Mme A______ pour la « tester ». Il n’était pas possible, dans une situation la plus extrême exposée par la juge déléguée, qu’elle ait employé cette personne sans la déclarer du 1er janvier 2014 au 31 août 2015.

b. Mme A______ a confirmé avoir fait ces deux demandes à Mme F______ pour les présenter à deux employeurs différents. En 2014, elle avait fait quelques heures de repassage chez Mme F______ mais ne se souvenait pas des dates.

En 2014, elle se trouvait à Genève dans une situation très difficile. Sa fille était très malade, elle n'avait pas d'endroit où vivre, pas de travail, à part quelques heures de ménage, pas de revenu. C’était à cette époque que Mme I______ l’avait aidée, soit à la fin de l’année 2013 où elle lui avait permis de dormir chez elle, pendant « beaucoup de temps ». Mme F______ l’avait définitivement engagée en 2015 durant tous les après-midis. C'était alors que Mme I______ l'avait aidée à chercher un studio. Entre juin 2016 et février 2017, elle se trouvait au Brésil. Elle s’y était rendue car elle n'avait plus son emploi chez Mme F______, mais également pour voir sa fille.

Ses trois enfants vivaient à Genève. Seul l'un deux avait un permis, dans la mesure où il venait de se marier.

c. M. A______ a indiqué qu’il était au Brésil au début de l'année 2014, auprès de leur fille souffrant d’une tumeur. Il se trouvait dès le mois de mars 2014 « environ » auprès de sa femme dans le studio de Mme I______, à M______, rue N______. Il avait alors trouvé des heures de travail dans le bâtiment. Il n'avait pas pris d'abonnement aux TPG à cette époque car la situation était très difficile financièrement, vu la maladie de leur fille. Entre juillet 2016 et janvier 2017, il était également au Brésil, auprès de leur fille.

Son entreprise avançait peu à peu. Il engageait des gens. Il avait jusqu'à récemment un employé. Il l’avait cependant « viré » après avoir eu connaissance de ses comptes. Il voulait anticiper de bons comptes à la fin de l'année. En 2023, il pourrait engager des employés car il avait des devis pour un montant global de l'ordre de CHF 50'000.- à CHF 100'000.-. Il se versait un salaire mensuel de CHF 5'000.- à CHF 6'000.-.

23) Le 13 décembre 2022, l’OCPM a relevé que les auditions n’avaient pas permis de démontrer la présence de Mme A______ à Genève durant l’année 2014. Les époux avaient confirmé avoir été absents du territoire Suisse depuis la moitié de l’année 2016 jusqu’au début de l’année 2017.

24) Le 19 décembre 2022, les recourants ont adressé à la chambre administrative un courrier de Mme I______, daté du 12 décembre 2022, laquelle sollicitait son audition, car n’ayant jamais reçu de convocation.

Ils relevaient en outre qu’une ex-employée de Mme F______ avait confirmé à Mme A______ que toutes deux avaient été déclarées auprès de L______ après que la première avait attrait son employeuse devant le Tribunal des prud’hommes en 2015. Elle-même travaillait déjà pour cette personne en 2015, comme elle l’avait toujours dit et comme cela était démontré par les échanges de messages via WhatsApp entre elle-même et cette ex-collègue en 2015 et en décembre 2022. Elle avait donc toujours dit la vérité concernant son séjour en Suisse.

25) Les parties ont été informées, le 20 décembre 2022, que la cause était gardée à juger, y compris sur la demande d’audition de Mme I______.

26) La teneur des pièces au dossier sera pour le surplus reprise ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA.

2) Les recourants ont sollicité, outre leur propre audition, celle de quatre témoins et font le grief au TAPI d’avoir violé leur droit d’être entendus dans la mesure où cette instance n’y avait pas procédé.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le dossier contient tous les éléments nécessaires à l'examen de la situation des recourants. Ceux-ci ont par ailleurs eu l’occasion de s’exprimer par écrit devant l’OCPM, le TAPI ainsi que la chambre de céans, de produire de nombreuses pièces à la procédure et ont été entendus lors de l’audience du 28 novembre 2022, de même qu’une ancienne employeuse de la recourante. Si l'audition de trois autres témoins permettrait, selon eux, de démontrer la durée de leur séjour en Suisse, spécifiquement pour l’année 2014, de même que leur intégration en Suisse, il sied de relever qu’il s’agit de personnes ayant déjà attesté de ladite présence en Suisse, sans toutefois indiquer qu’elle aurait été continue, par des écrits datés des 22 août 2019 (Mme J______), 2 novembre 2021 (M. K______), 15 juillet 2021 et 12 décembre 2022 (Mme I______). S’agissant de cette dernière, elle a, le 15 juillet 2021, attesté avoir hébergé la recourante dans le courant de l’année 2014 avant d’écrire en décembre 2022 que c’était « courant de la fin d’année 2013, en attendant l’arrivée de son époux du Brésil».

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que l’audition des trois auteurs de ces attestations soit susceptible d'apporter des éléments conduisant à une issue différente du litige.

Les mesures d'instruction complémentaires sollicitées ne s'avérant ainsi pas nécessaires, il ne sera pas donné davantage suite à la requête des recourants. S’il apparaît qu’il aurait été souhaitable que le TAPI procède en amont à tout le moins à l’audition de Mme F______, il n’en a pas moins refusé les demandes d’actes d’enquêtes de manière motivée, retenant que deux des auteurs d’attestations y évoquaient déjà la durée de séjour et l'intégration des recourants. Il apparaissait par ailleurs peu vraisemblable que l'audition de Mme I______, même si elle venait à confirmer la présence des recourants en Suisse depuis 2009, puisse apporter des éléments nouveaux propres à modifier la conviction par appréciation anticipée des preuves.

Ceci est d’autant plus vrai, s’agissant d’apprécier sa crédibilité, que Mme I______ apparaît dans le dossier de l’OCPM dans une dénonciation du 14 novembre 2016 du Ministère public central du canton de Vaud à son homologue genevois pour avoir hébergé, à son domicile à O______, Monsieur P______, originaire du Brésil, dépourvu de toute autorisation de séjour et interpellé sur un chantier. C’est à la suite de cette dénonciation que la police genevoise est intervenue dans un appartement rue N______, à M______, le 24 février 2017 et a été mise en présence du recourant, de Madame Q______, la nièce de la recourante, et de son fils, M. P______, né en 1997, faisant selon son père de « petites choses » notamment dans la coiffure. Le recourant a indiqué que l’appartement en cause leur avait été trouvé par Mme I______, une amie de son épouse, quelques mois plus tôt. Dans ces circonstances, le témoignage de Mme I______, qu’il soit écrit ou oral, doit être fortement relativisé, vu les liens d’amitié unissant les protagonistes.

Le grief d’une violation du droit d’être entendu par le TAPI sera rejeté, étant au surplus relevé qu’une telle violation aurait été réparée devant la chambre de céans vu son plein pouvoir d’examen.

3) Les recourants reprochent au TAPI d'avoir confirmé le refus de l'OCPM de leur délivrer une autorisation de séjour alors qu'ils estiment réaliser les conditions des dispositions applicables en matière de cas de rigueur.

Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr – F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

4) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter, avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant 5 ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou 10 ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Les documents et preuves à fournir afin de démontrer la durée de séjour à Genève étaient divisés en deux catégories : la catégorie « A », pour laquelle un seul document par année de séjour était suffisant, et la catégorie « B », pour laquelle 3 à 5 documents par année de séjour devaient être présentés. Dans les preuves de catégorie « A » figuraient notamment les extraits AVS (cotisation retraite), les preuves de cotisations LPP (2ème pilier), les fiches de salaire et les contrats de travail. Dans la catégorie « B » figuraient notamment les témoignages « engageants », tels que ceux fournis par d'anciens employeurs (pour la liste complète des pièces, voir notamment le dépliant « Opération Papyrus : conditions et procédure pour le dépôt d'une demande de normalisation », février 2017, disponible à l'adresse suivante : https://www.rando-saleve.net/pdf/papyrusdepliant.pdf, page consultée en novembre 2022).

Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a eu à se pencher récemment sur la problématique de la durée de séjour continu, telle qu’exigée par l’« opération Papyrus », plus précisément sur la prise en compte ou non d’une interruption du séjour. Il s’agissait en l’occurrence d’un séjour de la recourante aux Philippines entre 2015 et 2016, sans toutefois donner davantage de précisions, ni quant à la date à laquelle elle était partie dans ce pays, ni quant à celle de son retour en Suisse. À supposer que la jurisprudence genevoise au sujet de motifs excusables pour une interruption du séjour puisse être appliquée, ce qui était douteux en l’occurrence, l’intéressée n’avait pas étayé à satisfaction de droit l’assistance fournie à sa famille en rapport avec un typhon. De plus, le TAF considérait qu’une interruption de plus d’une année serait bien trop étendue pour satisfaire à la nature tout à fait exceptionnelle de la dérogation envisagée. Ainsi, la recourante ne remplissait pas la condition du séjour ininterrompu de 10 ans dans le canton de Genève (arrêt du TAF F_4717/2020 du 23 mai 2022 consid. 6.2.2).

S’agissant de la jurisprudence genevoise à laquelle le TAF fait référence, ce dernier a relevé que la chambre administrative retenait, à tout le moins de façon implicite, que la durée du séjour ininterrompu devait s’examiner concernant les 5 ou 10 ans qui précédaient le dépôt de la demande d’autorisation de séjour. La jurisprudence semblait toutefois relativiser le critère de la durée de séjour continu en cas de motifs impérieux liés à des situations particulières. Il en était ainsi dans un arrêt ATA/1000/2019 du 11 juin 2019, dans lequel une interruption du séjour en Suisse de 9 mois avait été relativisée, dès lors que le séjour d’une famille avait été prolongé au vu de la « gravité de la maladie » du père du recourant. Il y était aussi relevé que « le retour des recourants au Brésil pos[ait] la question de savoir si ce séjour dans leur pays d’origine [pouvait] être considéré comme une véritable interruption de leur séjour en Suisse dans la mesure où il était imposé par des circonstances particulières de la maladie du père du recourant » (arrêt du TAF 4717/2020 précité, consid. 5.3.2 et références citées).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Cette opération a pris fin le 31 décembre 2018.

d. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2). Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

e. Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de 10 ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à 10 ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

f. La durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas de rigueur. Elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce et appréciée au regard des autres critères déterminants. Une durée de séjour conséquente peut, dans des cas particuliers, atténuer les exigences liées à la reconnaissance d'un cas de rigueur. Pour les personnes sans statut, l'examen de la durée de leur séjour en Suisse doit se faire de manière individuelle. Ni la loi, ni la jurisprudence du Tribunal fédéral ne prévoient de durée minimale ou maximale. Dans un cas particulier, l'observation stricte d'une durée de séjour minimale pourrait aboutir à un résultat contraire à la volonté du législateur (Directives LEI, ch. 5.6.10.4).

La durée du séjour doit être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

g. Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration.

5) En l’espèce, nonobstant l’avis divergent des recourants, le TAPI a analysé de manière détaillée les éléments permettant de déterminer la durée de leurs divers séjours en Suisse. Ainsi, le recourant doit se voir opposer ses déclarations à la police du 24 février 2017, selon lesquelles il était arrivé pour la première fois en Suisse, soit à Genève, en 2009. Cette date d’arrivée correspond à celle indiquée dans la lettre du 19 octobre 2018 produite à l'appui de leur requête, avec la précision que deux de leurs enfants majeurs, la mère et les frères et sœurs de la recourante, de même que les parents du recourant habitaient encore au Brésil.

Au moment du dépôt de leur requête le 22 octobre 2018, aucun des recourants ne remplissait donc la condition de l’« opération Papyrus » d’une durée de séjour continue de 10 ans, valable pour les couples sans enfants. À cet égard, il ne résulte en effet pas de la procédure que des enfants du couple auraient été scolarisés à Genève, la lettre précitée démontrant le contraire, tout comme les circonstances d’interpellation de l’un de leurs fils en février 2017, sur un chantier. Les recourants ne pouvaient donc se prévaloir de l’« opération Papyrus » pour obtenir un permis de séjour et c’est à juste titre qu’ils ne le prétendent plus dans leur recours.

Sous l’angle du cas de rigueur, il doit être retenu que le séjour des recourants n’a pas été continu depuis 2009. Il a, selon les déclarations à la police du recourant en février 2017, été interrompu par son départ pour le Brésil entre le 17 juillet 2016 et le 17 janvier 2017, soit pendant 6 mois, élément corroboré par les timbres humides apposés sur son passeport indiquant une sortie le 18 juillet 2016 et une entrée le 17 janvier 2017, de même que par son audition devant la chambre de céans le 28 novembre 2022. À propos de son épouse, il a déclaré à la police en février 2017 qu’elle avait quitté la Suisse 8 mois plus tôt, soit approximativement en mai-juin 2016. Cette dernière a confirmé ce point le 28 novembre 2022, précisant qu’elle s’était rendue au Brésil entre juin 2016 et février 2017. Ces mois d’absence ont interrompu le séjour en Suisse des recourants pour une durée qui n’a pas à être relativisée. En effet, nonobstant le constat de l’OCPM et du TAPI, selon lequel les problèmes de santé de leur fille ne sauraient être considérés comme un cas de force majeure, les recourants n’ont, devant la chambre de céans, produit aucun document permettant de modifier cette appréciation.

S’y ajoute que la question d’un séjour continu des époux en Suisse pour les années 2014 à 2016 n’a pas été prouvée. Le TAPI a sur ce point retenu à juste titre que la valeur probante des témoignages produits, de catégorie B, était toute relative, vu les liens entre leurs auteurs et les recourants. Or, hormis le contenu de ces déclarations, quand bien même elles auraient été confirmées oralement en audience, aucun élément du dossier ne permet de démontrer une présence effective des recourants en Suisse notamment durant l'année 2014, à l’instar par exemple de cotisations sociales. Au contraire, les recourants ont été flous dans leurs explications lors de l’audience du 28 novembre 2022 sur leur emploi du temps durant l’année en question et l’ex-employeuse de la recourante, l’une des auteures d’attestations, a exclu que celle-ci ait travaillé pour elle en 2014. À cet égard, la recourante, dans ses écritures après enquêtes du 19 décembre 2022, ne revient pas sur l’année 2014, se focalisant uniquement sur l’année 2015.

Pour le surplus, les attestations d'achats d'abonnements TPG font état d'une absence d'abonnement durant cette année-là, que le recourant explique par des difficultés financières et une activité professionnelle sporadique. Quant à l’absence de versements à destination du Brésil en 2014, à l’inverse de ce qui a prévalu de manière régulière entre 2011 et 2013 et entre 2015 et 2018, elle est un indice supplémentaire d’une interruption de leur séjour en Suisse en 2014.

Ainsi, même à retenir, dans la situation qui leur est la plus favorable, que les recourants seraient arrivés en Suisse dans le courant de l’année 2009, soit il y a 12-13 ans, comme vu ci-dessus, leur séjour en Suisse n’a pas été continu vu des interruptions de plusieurs mois à l’occasion de retours au Brésil. De plus, cette durée totale de séjour doit être fortement relativisée, puisque s’étant déroulée de manière illégale, puis, dès le 22 octobre 2018, à la seule faveur de la tolérance de l’autorité intimée, le temps que soit instruite leur demande. Le fait que l’OCPM ait, par décision du 5 novembre 2019, accordé une autorisation de séjour au recourant et annonçant une régularisation ultérieure de la situation de la recourante sous l’angle d’un regroupement familial n’y change rien, puisque cette décision, valant uniquement pour le recourant, n’a couvert que la période courant jusqu’au 18 mars 2020, soit quelques mois, date à laquelle le SEM a renvoyé le dossier à l’OCPM pour nouvel examen. De plus, ladite décision réservait expressément celle du SEM.

À cela s’ajoute le fait que le recourant a séjourné en Suisse malgré une IES, notifiée au mois de janvier 2017, valable jusqu’au 29 décembre 2018 qu’il n’a nullement respectée, et a été condamné le 12 juin 2017 non seulement pour entrée et séjour illégaux, mais également pour activité lucrative sans autorisation. Il ne s’est de plus pas soumis à la décision de renvoi du 3 octobre 2017, définitive et exécutoire.

Les autres critères d’évaluation, stricts, ne permettent pas non plus d’admettre un cas de rigueur.

À nouveau, le TAPI s’est à cet égard livré à un raisonnement détaillé de la situation des recourants que ni les éléments du dossier ni leur position devant la chambre de céans ne permettent de remettre en cause. Leur intégration socio-professionnelle ne peut être qualifiée d'exceptionnelle. Même si les recourants maîtrisent le français, possèdent un cercle de connaissances sur le sol helvétique, étant relevé qu’il s’agit à teneur du dossier de personnes apparemment originaires d’Amérique du Sud, à l’exception de Mme F______, dont une pasteure de R______ et Mme K______ qui a, le 2 novembre 2021, tout au plus attesté d’une bonne intégration du couple « fai[sant] partie de [leur] entourage depuis 2010 », ou encore de membres de leur famille, et sont financièrement indépendants, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d'une intégration exceptionnelle. Ainsi, il ne peut être constaté qu'ayant œuvré à Genève dans le domaine du bâtiment et de l'économie domestique, ils auraient acquis des connaissances professionnelles si spécifiques en Suisse qu'ils ne pourraient les utiliser au Brésil. Leur relation avec la Suisse n'apparaît pas si étroite qu'il ne peut être exigé d'eux qu'ils retournent vivre au Brésil. Le fait de ne pas dépendre de l'aide sociale, de ne pas avoir de dettes et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

S'il est évident - et inhérent à un tel processus - qu'un retour dans leur pays d'origine impliquera qu'ils seront confrontés à diverses difficultés de réintégration, sur le plan personnel, financier ou social, rien n'indique que lesdites difficultés seraient plus lourdes que celles que rencontreraient d'autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d'origine au terme d'un séjour en Suisse. Encore jeunes et en bonne santé, les recourants ont vécu une grande partie de leur vie dans leur pays d'origine et notamment leur enfance, leur adolescence et la majeure partie de leur vie d'adulte. Il doit de plus être retenu qu'ils ont conservé des attaches avec ce pays, où vivent encore des membres de leur famille susceptibles de les aider. S'agissant spécialement de leurs enfants vivant en Suisse, tous étaient déjà majeurs au moment du dépôt de la demande d'autorisation de séjour, sans que les recourants n'invoquent ni ne démontrent l'existence d'un lien de dépendance avec l'un d’eux et qui serait titulaire d'un droit de séjour assuré en Suisse. Au vu de leur statut précaire en Suisse, les recourants ne pouvaient à aucun moment ignorer qu'ils risquaient d'être renvoyés dans leur pays d'origine.

Partant, ni l'âge des recourants, ni la durée de leur séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients d'ordre socioprofessionnel auxquels ils pourraient éventuellement être confrontés au Brésil ne constituent des circonstances si singulières qu'il faudrait considérer qu'ils se trouvent dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation.

L'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à leur demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

6) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre de l’étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/822/2021 du 10 août 2021 consid. 4a ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6). Le renvoi d'un étranger en application de l'art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé d’octroyer une autorisation de séjour aux recourants, l'OCPM devait prononcer leur renvoi. Ces derniers ne font pas valoir, et il ne ressort pas du dossier, que leur renvoi serait impossible, illicite, ou ne pourrait être exigé.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- et les frais d’interprète de CHF 80.- seront mis à la charge solidaire des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2022 par Madame A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- et des frais d’interprète de CHF 80.- à la charge solidaire de Madame A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniela Linhares, avocate des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.