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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4084/2022

ATA/1311/2022 du 23.12.2022 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4084/2022-FORMA ATA/1311/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 décembre 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______, agissant par ses parents Madame et Monsieur B______
représenté par Me Thomas Barth, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



Attendu, en fait, que :

1) A______, né le ______ 2009, était scolarisé au cycle d'orientation (ci-après : CO) C______ à D______ depuis le 13 décembre 2021.

2) À l'issue du deuxième trimestre de l'année scolaire 2021-2022, il avait une moyenne de 2,6 (sur 6) pour les disciplines générales et 3,2 de moyenne générale.

3) Des problèmes récurrents de comportement sont mentionnés dans son bulletin scolaire du 4 avril 2022, et ont fait l'objet d'un signalement au service « suivi de l'élève » à la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) – signalement qui soulignait également la position problématique des parents de l'élève, qui rendaient l'école responsable des problèmes de leur fils – ainsi que de nombreuses sanctions disciplinaires.

4) Le 7 avril 2022, la doyenne au CO C______, a décidé qu'A______ serait scolarisé à 50 % à l'école et à 50 % à la maison du 29 mars 2022 au 6 mai 2022, en raison de très nombreuses arrivées tardives, oublis de matériel, devoirs non faits, annotations de comportement, renvois et périodes d'exclusion depuis son arrivée, et d'une manière plus générale de son comportement très dysfonctionnel durant les cours, empêchant les enseignants de donner les cours et mettant à mal l'environnement de travail des autres élèves.

5) Les problèmes de comportement de l'intéressé ont cependant perduré.

6) Le 13 juin 2022 a eu lieu une réunion de réseau concernant A______. Les parents de ce dernier ont refusé la proposition qui leur a été faite que leur fils rejoigne, à la rentrée 2022, un centre de jour pour adolescents.

7) Entre le 13 décembre 2021 et le 24 juin 2022, A______ a totalisé 266 périodes d'exclusion, 29 arrivées tardives et 15 absences non excusées et 16 oublis du carnet.

8) Compte tenu de ce qui précède, les performances scolaires d'A______ n'ont pas pu être évaluées au troisième trimestre 2021-2022.

9) Le 25 août 2022, soit trois jours après la rentrée scolaire, un pétard a explosé dans les locaux du CO C______, dont la détonation a retenti dans l'ensemble du bâtiment et qui a laissé des traces sur le sol et les murs du bâtiment.

A______ a été identifié par un élève de l'école comme l'auteur de cette détonation.

La brigade des mineurs de la police genevoise, contactée par la direction de l'établissement, a trouvé dans le sac d'A______ un pétard identique ainsi qu'un briquet.

Interrogé par la police, A______ a nié avoir allumé le pétard qui avait explosé. Un camarade lui avait remis un pétard avec un briquet, mais il n'avait pas l'intention de le faire exploser.

Deux autres élèves ont été impliqués dans cette affaire et ont reconnu leur participation.

10) Par décision du 5 septembre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, la doyenne du CO C______ a exclu A______ de l'école du 25 août 2022 au 8 septembre 2022, et de la sortie prévue le 9 septembre 2022. Il était autorisé à reprendre les cours le lundi 12 septembre 2022. Le lieu de scolarisation restait à définir.

11) Par décision du 7 septembre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, la doyenne du CO C______ a communiqué aux parents d'A______ que ce dernier serait dorénavant scolarisé au CO E______, à F______.

12) Le 16 septembre 2022, les parents d'A______ ont interjeté recours auprès de la DGEO contre la décision précitée.

13) Le 5 octobre 2022, le conseil des parents a informé la DGEO que le Tribunal des mineurs avait classé la procédure pénale dirigée contre A______.

14) Le 28 octobre 2022, la DGEO a rejeté le recours, en déclarant cette décision exécutoire nonobstant recours.

Les événements du 25 août 2022 étaient graves et avaient porté atteinte à l'intégrité psychique de plusieurs élèves du CO C______. Il était dans le meilleur intérêt d'A______ de poursuivre sa scolarité dans un autre CO, où il pourrait prendre un nouveau départ. La décision n'était pas une sanction et était parfaitement justifiée et proportionnée au vu des intérêts en présence. Elle servait aussi l'intérêt du bon fonctionnement du CO C______.

15) Par acte déposé le 29 novembre 2022, les parents d'A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur recours précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à la réintégration de leur fils au CO C______.

La décision attaquée était disproportionnée et contraire à la présomption d'innocence. De plus, les trajets entre G______ où était domicilié A______ et le CO E______ représentaient 1h30 par jour en transports publics. Les chances de succès du recours étaient élevées, si bien qu'en cas d'admission de celui-ci, il devrait suivre les cours au collège E______, puis à nouveau changer d'école et retourner au CO C______, ce qui lui serait préjudiciable. Partant, l'effet suspensif devait être restitué.

16) Le 13 décembre 2022, la DGEO a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

La décision de transfert état la conséquence des comportements violents et irrespectueux de l'élève ainsi que des insultes qu'il avait proférées. Il était impératif que cette décision soit exécutoire pour permettre d'une part à A______ de prendre rapidement un nouveau départ, et d'autre part à préserver la communauté scolaire du CO C______, mise à mal par les actions répétées de cet élève. Toutes les mesures qui avaient pu être prises l'avaient été.

De plus, l'intérêt privé à fréquenter un CO proche du domicile devait céder le pas à l'intérêt de tous les autres élèves à poursuivre sereinement leur scolarité. Les trajets du domicile au CO E______ étaient d'environ 40 minutes, ce qui faisait partir l'enfant du domicile vers 7h40 le matin, soit une heure parfaitement acceptable. De nombreux élèves du CO avaient des temps de trajets équivalents voire supérieurs, et un accueil de midi était proposé aux élèves du CO E______, si bien qu'A______ ne subissait aucun préjudice, et encore moins un préjudice irréparable.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt final de la chambre de céans.

3) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, 265).

6) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

7) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

8) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

9) En l'espèce, le recourant se prévaut des chances de succès de son recours ainsi que du fait qu'il lui serait préjudiciable de changer plusieurs fois d'école en cas d'admission de son recours.

Or les chances de succès du recours ne paraissent, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, pas à tel point évidentes qu'il conviendrait d’octroyer la mesure sollicitée. Quant au changement d'école, le recours a été déposé le 29 novembre 2022, alors que la mesure litigieuse était quant à elle en vigueur depuis le 12 septembre 2022, si bien que quoi qu'il advienne, il devrait changer d'école en cas d'admission de son recours après avoir fait plusieurs mois au CO E______. Il résulte en outre de la réponse de la DGEO que l'éloignement géographique du CO E______ est supportable pour le recourant. L'intérêt privé de ce dernier à un retour le cas échéant provisoire au CO C______ – qui équivaudrait du reste à lui accorder provisoirement ce qu'il demande au fond, ce qui est en principe prohibé – est donc faible voire inexistant.

Cet intérêt doit ainsi céder le pas à l'intérêt public important à ce que les élèves du CO C______ puissent poursuivre sereinement leur scolarité que l'intéressé semble, prima facie, avoir passablement perturbé. La requête de restitution de l’effet suspensif sera, partant, rejetée.

10) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Thomas Barth, avocat du recourant ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :