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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3364/2022

ATA/1273/2022 du 20.12.2022 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3364/2022-FPUBL ATA/1273/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 20 décembre 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, né le ______ 1973, a été engagé par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) avec effet au 1er janvier 2016, en tant qu'intendant social de proximité rattaché à l'aide aux requérants d'asile, ceci sous le statut d'auxiliaire et à un taux de 100 %. Il a été nommé fonctionnaire avec effet au 1er janvier 2018.

2) Le 3 octobre 2022, M. A______ a participé à un entretien de service le visant. Il avait été convoqué par sa hiérarchie à la suite de la découverte, dans un local au sous-sol du bâtiment dont il assurait l'intendance, de gants en latex bouchant le dispositif de détection de fumée, de nombreux mégots et d'appareils électroménagers branchés en cascade sur des prises multiples.

M. A______ a indiqué qu'avec son collègue Monsieur B______, ils avaient grillé des merguez dans ce local. La fumée étant plus forte que prévu, ils avaient bouché le détecteur de fumée au moyen de gants en latex, et les avaient ensuite oubliés. Il lui était arrivé de fumer une cigarette dans ce local, mais habituellement il le faisait à l'extérieur. Le local en cause était utilisé par trois intendants sociaux, dont l'un était en arrêt de travail pour cause de maladie.

3) Par décision du 7 octobre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, la présidente du conseil d'administration (ci-après : CA) de l'hospice a suspendu immédiatement M. A______ à titre provisoire, avec maintien de son traitement. La gravité de la faute reprochée était de nature à compromettre la confiance qu'impliquait la fonction d'intendant social.

4) Par courrier du 7 octobre 2021 (recte : 2022), M. A______ a contesté cette décision auprès de la présidente du CA, courrier qui a été transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) comme potentiel recours.

5) Le 14 octobre 2022, l'hospice a décidé de l'ouverture d'une enquête administrative et a confirmé la suspension de M. A______ avec maintien de son traitement.

6) Le 17 octobre 2022, le juge délégué a imparti à M. A______ un délai au 24 octobre 2022 pour régulariser son recours, lequel ne comportait ni signature manuscrite, ni conclusions ni motivation.

7) Le 17 octobre 2022, M. A______ a posté un acte de recours à l'intention de la chambre administrative par l'intermédiaire d'un conseil, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

La décision attaquée ne contenait aucune motivation au sujet du retrait de l'effet suspensif. Il était de plus très fortement touché par sa mise à l'écart subite et injustifiée, avec des répercussions sur son état de santé qui pouvaient au besoin être attestées médicalement.

La décision avait été prise dans la précipitation, en violation de son droit d'être entendu, ce alors qu'il n'existait aucune urgence au prononcé d'une telle suspension dès lors qu'il donnait pleine satisfaction à son employeur depuis son engagement. Enfin, sa réputation était inévitablement ternie, atteinte qu'une décision finale favorable après plusieurs mois ne pouvait réparer.

Pour les motifs susmentionnés, la décision querellée lui causait un préjudice irréparable de par l'impact sur sa santé et sa réputation, si bien que le recours était recevable.

8) Le 7 novembre 2022, l'hospice a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1) Le recours est interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ; l'examen complet de sa recevabilité sera effectué dans l'arrêt final.

2) Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par le vice-président, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 
253-420, p. 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; du 18 septembre 2018).

5) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

6) a. Selon l'art. 2 de la loi sur l'hospice du 17 mars 2006 (LHG - J 4 07), l'hospice est un établissement de droit public doté de la personnalité juridique (al. 1), avec siège à Genève (al. 2).

Les relations entre l'hospice et son personnel sont régies, selon l’art. 23 LHG, par la LPAC et par le règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

b. Aux termes de l’art. 28 LPAC, dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale, le Conseil d'État peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction (al. 1). Cette décision est notifiée par lettre motivée (al. 2). La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État ou de l’établissement (al. 3). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (al. 4).

Selon la jurisprudence, une suspension provisoire d'un fonctionnaire peut être justifiée soit par les besoins de l'enquête administrative, soit en tant qu'exécution anticipée, à titre provisionnel, de la fin des rapports de service en raison d'une faute alléguée de nature à rompre la confiance qu'implique l'exercice de la fonction de l'intéressé (ATA/219/2022 du 1er mars 2022 consid. 6b les arrêts cités). Dans ce dernier cas, la mesure n'est justifiée que si trois conditions sont remplies (ATA/1356/2022 du 6 décembre 2022 consid. 7b).

7) La recevabilité du recours ne paraît pas, à première vue et sans préjuger du fond, acquise. En effet, celui-ci vise une décision incidente, qui, pour être susceptible de recours, doit répondre à l'une des conditions alternatives de l'art. 57 let. c LPA. Or, selon la jurisprudence de la chambre de céans, une décision de suspension, surtout lorsqu'elle n'entraîne pas la suppression du traitement de l'intéressé, n'entraîne généralement pas de dommage irréparable (ATA/1169/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4), notamment dans la mesure où une décision finale suite à l’enquête administrative, dans l’hypothèse où elle serait entièrement favorable à l'intéressé, permettrait de réparer une éventuelle atteinte, notamment à sa personnalité (ATA/652/2022 du 23 juin 2022 consid. 4a ; ATA/1018/2018 du 2 octobre 2018 consid. 11a).

L'intérêt public à la bonne marche du service est important ; en l'espèce, l'hospice doit pouvoir compter sur une intendance de ses bâtiments ne mettant pas en danger l'intégrité de ceux-ci. Le recourant ne démontre pas quel intérêt privé prépondérant s’opposerait à l’exécution immédiate de la décision, se contentant de faire référence à des problèmes de santé – sans donner aucune précision à cet égard, ni fournir le moindre certificat médical – et à une atteinte à sa réputation, alors même que la jurisprudence retient, comme déjà exposé, qu'une telle atteinte serait guérie par une décision finale favorable.

8) En conséquence, les raisons d’exécuter immédiatement la décision querellée sont, prima facie, plus importantes que celles justifiant le report de l’exécution de celle-ci. Il n’existe pas de justes motifs de restituer l’effet suspensif au recours, l’intérêt privé du recourant ne primant pas l’intérêt de la collectivité publique à la bonne marche de l'administration.

Au vu de ce qui précède, la restitution de l’effet suspensif sera refusée.

9) Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Robert Assael, avocat du recourant ainsi qu'à l'Hospice général.

 

 

Le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :