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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3789/2022

ATA/1263/2022 du 13.12.2022 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3789/2022-FPUBL ATA/1263/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 13 décembre 2022

sur effet suspensif

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



Vu, en fait, l’arrêté du 31 octobre 2022 du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS) prononçant l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______, inspecteur principal à la police judiciaire, au motif qu’il avait été condamné par ordonnance pénale du Ministère public genevois du 10 mars 2022 pour violation du secret de fonction, pour avoir transmis à M. B______, exploitant de salons de massage, des informations acquises dans l’exercice de ses fonctions ;

que l’arrêté ne mentionne pas qu’il serait exécutoire nonobstant recours ;

vu le recours expédié le 15 septembre 2022 par M. A______ à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que sa responsabilité disciplinaire était prescrite ; sur effet suspensif, l’effet suspensif attaché au recours devait être constaté ; l’autorité avait renoncé à déclarer sa décision exécutoire nonobstant recours ; sur le fond, le recours était recevable, en ce qu’il permettait de conduire immédiatement à une décision finale ; sa responsabilité disciplinaire était incontestablement prescrite ; en effet, l’ouverture d’une enquête administrative entraînerait l’audition de nombreux témoins, car il avait l’intention de faire entendre l’ensemble de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques pour témoigner de ses compétences et de ses qualités morales ; il faudrait également déterminer la pratique de l’autorité intimée en matière de sanctions pour violation du secret de fonction – il avait produit des pièces démontrant que la sanction prononcée à son encontre revêtait une sévérité particulière ; les faits s’étaient déroulés entre le 25 juillet 2016 et le 9 janvier 2019 ; ils avaient été portés à la connaissance de l’autorité intimée en novembre 2019, laquelle avait transmis le cas à la cheffe de la police en février 2020 ; fin avril 2020, un nouveau rapport n’apportant aucun élément nouveau avait été transmis à la cheffe de la police, qui ne l’avait reçu qu’en mai 2020 ; entre mai 2020 et le 31 octobre 2022, aucun acte d’enquête de nature disciplinaire n’avait été conduit ; depuis lors le délai n’avait connu ni suspension, aucune enquête administrative n’ayant été ouverte, ni interruption, le délai de prescription disciplinaire n’y étant pas soumis ; l’autorité intimée aurait dû ouvrir une enquête disciplinaire parallèlement à la procédure pénale ; ne le faisant pas, cette dernière y avait renoncé par actes concluants ; y procéder tardivement consacrait un abus de droit manifeste ;

que le 1er décembre 2022, le DSPS a conclu à l’irrecevabilité et au rejet du recours ; la décision avait été notifiée le 3 novembre 2022 et le recours avait été remis à la poste le 15 novembre 2022, or le délai de recours de dix jours avait expiré le 14 novembre 2022 ; M. B______ avait été arrêté le 14 février 2019 ; l’inspection générale des services de la police (ci-après : IGS) avait adressé au Ministère public deux rapports, des 21 octobre 2019 et 20 avril 2020 ; les délais de prescription relatif et absolu de la poursuite disciplinaire avaient été suspendus par la procédure pénale et la responsabilité disciplinaire n’était pas prescrite ;

à titre de mesure provisionnelle urgente et avant toute mesure d’instruction, l’effet suspensif devait être retiré au recours, faute de quoi la prescription disciplinaire serait atteinte le 22 mars 2023, étant précisé qu’il ne pouvait être exclu qu’il s’agît là de l’intention du recourant ; l’intérêt public commandait que d’éventuelles violations des devoirs de service puissent être sanctionnées ; dans cette attente, l’enquêtrice désignée par le DSPS avait été priée de surseoir à son activité ;

par écriture datée du 9 décembre 2022, déposée le 12 décembre 2022 dans le délai prolongé à sa demande, M. A______ a conclu au refus de la demande de retrait de l’effet suspensif ; son recours avait été remis à temps à la poste ainsi qu’en attestait le suivi des envois de la lettre recommandée suisse n° 98.40.4161196.00049064 qu’il produisait (et qui indiquait « date de distribution inconnue ») ; une audience publique au sens de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) devait être tenue sur la question de l’effet suspensif, compte tenu des enjeux et de la question de principe que posait son recours ; l’intimé avait eu tout loisir de prononcer l’ouverture d’une enquête administrative à réception du premier rapport de l’IGS, ce qu’elle n’avait pas fait ; elle avait encore eu cette possibilité à réception de l’ordonnance pénale le 22 mars 2022, mais n’avait pas agi durant plus de sept mois ; elle aurait pu déclarer sa décision exécutoire nonobstant recours mais y avait renoncé ; elle ne pouvait demander à la chambre administrative de suppléer à ses propres carences ; dès lors qu’elle avait elle-même suspendu l’enquête administrative dans l’attente de l’arrêt de la chambre administrative, elle adoptait un comportement contradictoire contraire à la bonne foi, respectivement rejoignait sa position sur l’effet suspensif ;

que le 12 décembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l’art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d’empêchement de
ceux-ci, par un juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l’octroi ou du retrait de l’effet suspensif, l’autorité de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui varie selon la nature de l’affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu’en l’espèce, il ressort du dossier que le recours reçu par la chambre de céans porte la référence « colis post pac priority » n° 99.00.120067.10763041 et qu’il a, selon le site de suivi des envois de la poste, été déposé le 15 novembre 2022 à 18h00 à l’office 1200 Genève CLT Dépôt – alors que la lettre recommandée dont le recourant a produit la référence et le suivi était accompagnée sur le site de la poste consulté en ligne le 12 décembre 2022 de la mention « envoi en cours d’acheminement » – de sorte que le recours pourrait avoir été remis à la poste tardivement ; que toutefois dans l’attente que le recourant se détermine à ce propos, la question de la recevabilité de son recours pourra demeurer ouverte ;

que le recourant n’établit pas en quoi « [l]es enjeux et [ ] la question de principe que pose [son] recours » justifieraient qu’une audience publique soit appointée sur mesures provisionnelles, ni n’indique sur quoi cette audience devrait porter – étant rappelé que la procédure sur mesures provisionnelles, conduite dans l’urgence, ne se prête guère aux enquêtes et aux plaidoiries, et qu’il sera vu plus loin que la question à résoudre à ce stade de la procédure, et sans préjudice de l’examen au fond, ne soulève que des questions juridiques ne nécessitant pas d’audience publique, de sorte qu’il ne sera pas donné suite à la requête d’audience publique ;

que, s’agissant du retrait de l’effet suspensif, le recourant critique l’attitude de l’intimé, qu’il juge contradictoire et de mauvaise foi, et excipe au fond de la prescription de l’action disciplinaire à l’appui de la recevabilité du recours qu’il forme contre une décision incidente ; que ce faisant il ne fait pas valoir d’intérêt propre distinct de son intérêt à voir admettre son recours au fond, ni ne soutient que celui-ci primerait l’intérêt public mis en avant par le DSPS ;

que l’intérêt public invoqué par le DSPS, à ce que les violations des devoirs de service, si elles sont avérées, puissent être instruites et sanctionnées avant que ne survienne la prescription, est important et doit être considéré, prima facie, comme primant l’intérêt privé du recourant à voir les poursuites disciplinaires s’interrompre par la survenance de la prescription ;

que la question du calcul de la prescription et du moment de sa survenance, de même que les griefs relatifs à la prétendue mauvaise foi de l’intimé, seront examinés avec le fond du recours, pour autant que celui-ci ne soit pas irrecevable pour cause de tardiveté ;

qu’ainsi la demande de retrait de l’effet suspensif sera admise ;

que le recourant sera invité à se déterminer sur la référence de l’envoi postal de son recours et la date de sa remise à la poste ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

retire l’effet suspensif au recours formé le 15 novembre 2022 par M. A______ contre l’arrêté du 31 octobre 2022 du département de la sécurité, de la population et de la santé ordonnant l’ouverture d’une enquête administrative à son encontre ;

invite M. A______ à se déterminer d’ici au 21 décembre 2022 sur la référence et le moment du dépôt de l’envoi postal de son recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

 

Au nom de la chambre administrative :

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen Ruffinen

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :