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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3602/2022

ATA/1194/2022 du 29.11.2022 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3602/2022-FPUBL ATA/1194/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 novembre 2022

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Robert Assaël, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

et

Monsieur B______

 



EN FAIT

1) Madame A______ a été engagée le 1er juillet 2014 en qualité de cheffe d’unité au Service C______ de la Ville de Genève (ci-après : la ville). Le 18 novembre 2015, elle a été nommée au poste de directrice du département D______ (ci-après : D______), avec effet au 1er février 2016.

2) Par décision du 19 janvier 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil administratif de la ville (ci-après : le CA) a prononcé la suspension avec effet immédiat de Mme A______ de son activité de directrice du D______ jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction ou d’un licenciement et l’a informée de ce que le CA avait décidé, dans un premier temps, de mandater un expert externe pour effectuer notamment un état des lieux de la situation au sein de la direction du D______.

Le recours formé par Mme A______ le 31 janvier 2022 contre cette décision a été déclaré irrecevable par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 23 juin 2022 (ATA/652/2022).

3) Le 21 février 2022, Monsieur E______, soit l’expert externe mandaté par la ville pour effectuer un « état des lieux », a rendu son rapport sur la base des auditions de la magistrate en charge du D______ (ci-après : la magistrate), du directeur adjoint du D______, du responsable des ressources humaines (ci-après : RH) du D______, de deux juristes, d’une assistante personnelle de la magistrate et des chefs de service actuellement et anciennement subordonnés au D______, à l’exception de Mme A______, qui avait refusé d’être entendue.

Dans son rapport, M. E______ a notamment indiqué que « les personnes auditionnées étaient plutôt inquiètes d’éventuelles retombées négatives liées à leur témoignage, et que le consultant s’[était] engagé à ne citer aucun nom dans le rapport ».

4) Par décision du 2 mars 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a ouvert une enquête administrative à l’encontre de Mme A______, qu’il a confiée à Monsieur B______.

Le recours formé par Mme A______ le 16 mars 2022 contre cette décision a été déclaré irrecevable par la chambre administrative par arrêt du 23 août 2022 (ATA/836/2022).

5) a. Parallèlement, par courrier du 7 mars 2022 adressé au CA, Mme A______ a sollicité la récusation de M. B______.

Le rapport de proximité entre son représentant et M. B______ pouvait donner l’apparence d’une partialité. Si le principe de l’enquête administrative devait être confirmé, il conviendrait de choisir un enquêteur en dehors du canton de Genève, compte tenu de sa fonction et de ses prétendues « difficultés relationnelles multiples envers la magistrate en charge du D______ ».

b. Par décision du 18 mars 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a rejeté la demande de récusation formée par Mme A______.

c. Le recours formé par Mme A______ le 28 mars 2022 contre cette décision a été rejeté par arrêt de la chambre administrative du 3 mai 2022 (ATA/461/2022). Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral le 26 octobre 2022 (8C_392/2022).

6) a. Par courrier du 10 mai 2022 adressé au CA, Mme A______ a à nouveau sollicité la récusation de M. B______.

Elle avait appris, le 5 mai 2022, que M. B______ était membre du conseil d’administration de la Banque F______ (ci-après : F______), désigné en 2018 par le CA.

b. Par décision du 2 juin 2022, le CA a déclaré cette demande irrecevable et, en tout état, infondée.

c. Cette décision a été confirmée par la chambre administrative par arrêt du 23 août 2022 (ATA/837/2022) et une amende de CHF 500.- a été infligée à Mme A______ pour emploi abusif des procédures.

7) a. Par courrier du 23 juin 2022, M. B______ a pris acte de la requête de Mme A______ s’agissant de la production d’un certain nombre de pièces et précisé qu’il entendait conduire son enquête de manière objective et indépendante.

b. Le 7 juillet 2022, Mme A______ a interjeté recours à l’encontre de ce courrier par-devant la chambre administrative. Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2364/2022.

c. Dans le cadre de ses déterminations du 27 juillet 2022, l’enquêteur a notamment relevé ce qui suit :

- « De même, il est difficile de concevoir comment le refus d’ordonner la production de ces documents créerait un préjudice irréparable pour Mme A______. Au contraire, c’est les personnes auditionnées auxquelles M. E______ a promis l’anonymat en raison de leur crainte de représailles, qui subiraient un préjudice irréparable si leur nom ainsi que le procès-verbal de leur audition devaient être divulgués » ;

- « Les nombreuses procédures de recours initiées par Mme A______ suivent la même ligne et l’empêchent à nouveau d’exercer son droit d’être entendue. Malgré mes nombreux courriers l’invitant à se déterminer et indiquer les actes d’instruction qu’elle requiert, Mme A______ n’a jamais répondu » ;

- « Ainsi, non seulement la stratégie adoptée par Mme A______ dessert ses propres intérêts en refusant d’exercer son droit d’être entendue mais elle est également contradictoire, celle-ci invoquant la violation de ce même droit ».

d. Le recours interjeté par Mme A______ contre le courrier de l’enquêteur a été déclaré irrecevable par arrêt de la chambre administrative du 27 septembre 2022 (ATA/968/2022).

8) Par décision du 9 août 2022, M. B______ a refusé la demande formée par Mme A______ de faire interdiction au service juridique de la ville de diffuser les procès-verbaux d’audience à qui que ce soit au sein de la ville, « Magistrate comprise ».

Le recours interjeté par Mme A______ contre cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt de la chambre administrative du 11 octobre 2022 (ATA/1023/2022).

9) Le 19 août 2022, Mme A______ a à nouveau sollicité la récusation de M. B______.

L’enquêteur avait manifesté une apparence de prévention dans le cadre de ses observations du 27 juillet 2022 dans la cause A/2364/2022.

En affirmant que les témoins pourraient subir un « préjudice irréparable » en relation avec une « crainte de représailles », l’enquêteur avait laissé entendre que Mme A______ pourrait en être l’auteure. Il manifestait ainsi une « apparence de prévention, voire une prévention, perdant la neutralité que devrait conserver un enquêteur ».

L’affirmation selon laquelle Mme A______ n’avait jamais répondu aux nombreux courriers de l’enquêteur l’invitant à se déterminer était erronée et manifestait également une apparence de prévention.

Enfin, l’observation de l’enquêteur quant à la stratégie de Mme A______ était « intolérable », fondant une apparence de prévention, tant il était vrai que l’enquêteur n’avait « pas à prendre position sur la stratégie de la personne sur laquelle port[ait] l’enquête, surtout quand elle ne fai[sait] qu’exercer [s]es droits ».

10) Par décision du 19 octobre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a rejeté la demande de récusation formée par Mme A______.

Après examen des observations de l’enquêteur du 27 juillet 2022, il apparaissait que ce dernier s’était contenté de défendre sa décision incidente, vu la remise en cause de celle-ci par Mme A______. L’enquêteur avait simplement fait état d’éléments qui ressortaient du dossier d’enquête administrative, du rapport de M. E______ et des arrêts rendus par la chambre administrative. Sa décision ne portait, par ailleurs, pas sur l’issue de l’enquête mais sur un élément de l’instruction. On ne pouvait dès lors en déduire que l’enquêteur avait déjà acquis une opinion sur l’issue de l’enquête.

11) Par acte mis à la poste le 31 octobre 2022, Mme A______ a interjeté recours devant la chambre administrative contre la décision du 19 octobre 2022, concluant à son annulation et à l’octroi de mesures provisionnelles tendant à enjoindre l’enquêteur à annuler toutes les audiences fixées (2, 14, 17 novembre, 1er, 5, 7 et 13 décembre 2022) et de ne pas entreprendre un quelconque acte d’enquête jusqu’à droit connu définitif dans la demande en récusation.

Il n’était pas contesté que l’enquêteur pouvait répondre au recours de Mme A______ du 7 juillet 2022 et défendre sa position. Il lui incombait toutefois de respecter son obligation d’impartialité. Or, les affirmations tenues dans ses observations du 27 juillet 2022 dépassaient, de loin, ce qui lui était nécessaire pour défendre sa position et comportaient une apparence de prévention, voire une prévention. L’enquêteur avait manifesté un jugement défavorable sur la personne de Mme A______ et émis une critique quant à sa défense, affirmant de surcroît de manière erronée qu’elle ne se serait pas déterminée alors qu’elle avait répondu pendant 11 heures, lors de deux audiences, à ses questions, ainsi qu’à celles de la ville et de son représentant.

12) Le 2 novembre 2022, la chambre administrative a rejeté la demande de mesures superprovisionnelles tendant à enjoindre l’enquêteur d’annuler les audiences fixées et de n’entreprendre aucun acte d’enquête jusqu’à droit connu définitif dans la demande de récusation.

13) Le 10 novembre 2022, M. B______ s’en est rapporté à justice, renvoyant à ses déterminations du 9 septembre 2022.

14) Par réponse du 11 novembre 2022, la ville a conclu à ce que la demande d’octroi de mesures provisionnelles soit déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée. Sur le fond, elle a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Elle s’est rapportée à justice quant à la condamnation de Mme A______ à une amende ou à un émolument pour plaideur téméraire.

Le délai de recours était arrivé à échéance le 31 octobre 2022. Mis à la poste le 1er novembre 2022, le recours était tardif.

Dans la mesure où la décision de l’enquêteur du 24 juin 2022 était contestée, il était parfaitement légitimé à défendre sa position. Les impressions purement individuelles de Mme A______ ne pouvaient être suivies. En relevant que M. E______ avait promis l’anonymat aux témoins par « craintes de représailles », l’enquêteur s’était contenté de reprendre les termes utilisés par l’auteur dudit rapport, ce qui n’était, en soi, pas critiquable. Mme A______ se livrait à une pure et simple interprétation toute personnelle des déterminations de l’enquêteur, interprétation qui était, au demeurant, contestée par l’enquêteur lui-même. À aucun moment M. E______, et a fortiori l’enquêteur, n’avaient indiqué que de telles retombées pourraient provenir de Mme A______. La finalité de l’anonymat résidait précisément dans le fait de protéger les personnes qui étaient entendues.

Quant à la remarque de l’enquêteur portant sur la stratégie de Mme A______, il était avéré que l’intéressée avait sollicité de nombreuses mesures et interjeté de multiples recours depuis le début de l’affaire et que ces démarches avaient, selon toute vraisemblance, pour but d’essayer d’empêcher le déroulement de l’enquête. Alors que l’enquête administrative avait été ouverte par décision du 2 mars 2022, ce n’était qu’en date du 26 juillet 2022 que Mme A______ avait pu commencer à être entendue sur les griefs mentionnés dans ladite décision. Il était également exact que Mme A______ n’avait pas répondu dans les délais impartis par l’enquêteur s’agissant des actes d’instruction. La chambre administrative avait du reste eu l’occasion de constater que Mme A______ avait fait usage, au moins à une reprise, d’emploi abusif de procédure et lui avait infligé une amende de CHF 500.-.

15) Par réplique du 23 novembre 2022, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

Posté par pli recommandé le 31 octobre 2022, le recours avait été interjeté en temps utile.

L’enquêteur n’avait pas à prendre position sur les déclarations de M. E______. Il n’avait pas non plus à émettre une critique négative sur sa « stratégie ».

16) Le 25 novembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles et au fond.


 

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ;
art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), étant précisé, s'agissant d'une décision incidente, que le refus de récuser le membre d'une autorité constitue, selon la jurisprudence, un préjudice irréparable au sens de l'art. 57 let. c LPA (
ATA/666/2018 du 26 juin 2018 consid. 2a et les références citées).

2) Se pose toutefois la question de savoir si le recours a été formé dans le délai légal, ce que conteste l’intimée.

a. Le refus de récuser le membre d’une autorité constitue une décision incidente, susceptible de recours devant la chambre administrative dans les dix jours suivant sa notification (art. 62 LPA ; ATA/1840/2019 du 20 décembre 2019 consid. 1 ; ATA/1362/2019 du 10 septembre 2019 consid. 1).

Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche (art. 17 al. 1 LPA). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (al. 3).

La preuve de l'expédition d'un acte de procédure en temps utile incombe à la partie, respectivement à son avocat. Une preuve stricte est exigée, la vraisemblance prépondérante ne suffisant pas (arrêt du Tribunal fédéral 9C_564/2012 du 12 septembre 2012 consid. 2). Il convient en effet, en matière de délais, de s'en tenir à des principes simples et à des solutions claires, sous peine d'ouvrir la porte à de longues et oiseuses discussions, voire à des abus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 3.2). Le pli recommandé est à cet égard une preuve aisée à établir, alors que, dans le cas d'un envoi par pli simple, la preuve peut être rapportée par différents moyens, en particulier par témoins 
(ATF 109 Ib 343 consid. 2b).

b. En l’espèce, la décision entreprise ayant été notifiée le 20 octobre 2022, le délai de recours est arrivé à échéance le dimanche 30 octobre 2022, reporté au lundi 31 octobre 2022, ce qui n’est pas contesté. L’enveloppe contenant l’acte de recours mentionne le numéro de suivi 98.40.416196.00048409. Il ressort du suivi des envois postaux que le pli recommandé contenant ce numéro a été déposé le 31 octobre 2022, ce qui correspond au dernier jour du délai de recours. La recourante a ainsi agi en temps utile.

Le recours est partant recevable.

3) Le litige porte sur le bien-fondé de la décision par laquelle le CA a rejeté la demande de récusation formée à l’encontre de l’enquêteur.

a. L'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement. Selon la jurisprudence, ce droit permet notamment d'exiger la récusation des membres d'une autorité administrative dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité ; il tend à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s'imposer même si une prévention effective du membre de l'autorité visée n'est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération ; les impressions purement individuelles d'une personne impliquée ne sont pas décisives (ATF 139 III 120 consid. .3.2.1 ;
134 I 20 consid. 4.2 et les arrêts cités ;  127 I 196 consid. 2b ; 125 I 119 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_425/2009 du 9 octobre 2009 consid. 5.1). Les soupçons de prévention peuvent être fondés sur un comportement ou sur des éléments extérieurs, de nature fonctionnelle ou organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 5.1 ; Florence AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2014, n. 33 ad art. 34 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

De manière générale, les dispositions sur la récusation sont moins sévères pour les membres des autorités administratives que pour les autorités judiciaires. Contrairement à l’art. 30 al. 1 Cst., l’art. 29 al. 1 Cst. n’impose pas l’indépendance et l’impartialité comme maxime d’organisation (ATF 140 I 326 consid. 5.2). Une autorité, ou l’un de ses membres, a en revanche le devoir de se récuser lorsqu’elle dispose d’un intérêt personnel dans l’affaire à traiter, qu’elle manifeste expressément son antipathie envers l’une des parties ou s’est forgée une opinion inébranlable avant même d’avoir pris connaissance de tous les faits pertinents de la cause (arrêts du Tribunal fédéral 2C_238/2018 du 28 mai 2018 consid. 4.2 ; 2C_931/2015 du 12 octobre 2016 consid. 5.1).

Conformément au principe de la bonne foi, il appartient aux parties de faire valoir sans délai, sous peine de péremption, les motifs de récusation. Une demande de récusation tardive apparaît en effet abusive lorsque son auteur laisse la procédure suivre son cours et invoque après coup des moyens dont il connaissait l'existence (ATF 124 I 121 consid. 2 ; 121 I 225 consid. 3 ;
119 Ia 221 consid. 5a). 

b. Sur le plan cantonal, l’art. 15 al. 1 let. d LPA prévoit que les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se retirer et sont récusables par les parties s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a), s’ils sont parents ou alliés d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple (let. b), s’ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire (let. c) et s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d).

La demande de récusation doit être présentée sans délai à l’autorité
(art. 15 al. 3 LPA).

L’art. 15 LPA est calqué sur les art. 47 ss du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272 ; ATA/987/2019 du 4 juin 2019
consid. 2b ; ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 7c, avec référence au MGC 2008-2009/VIII A 10995), ces derniers, tout comme les art. 56 ss du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), avec lesquels ils sont harmonisés, étant calqués, à l'exception de quelques points mineurs, sur les
art. 34 ss LTF, si bien que la doctrine, et la jurisprudence rendues à leur sujet, valent en principe de manière analogique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss, spéc. 6887 ad art. 45 [devenu l'art. 47 CPC] ; Message du Conseil fédéral sur l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1125 s.).

c. En l’occurrence, l’enquêteur dont la récusation est demandée n’est pas juge, de sorte qu’il convient d’appliquer l’art. 29 Cst., et non pas l’art. 30 Cst., ce qui implique que les critères en matière de récusation s’appliquent de manière allégée. La question se pose donc de savoir si, dans sa détermination du 27 juillet 2022, l’enquêteur a manifesté expressément son antipathie envers la recourante ou s’est forgé une opinion inébranlable avant même d’avoir pris connaissance de tous les faits pertinents de la cause.

S’agissant d’abord du reproche de la recourante selon lequel l’enquêteur aurait affirmé qu’elle pourrait être l’auteure de représailles, il ne constitue qu’une impression purement individuelle, qui n’est en l’occurrence pas décisive. Force est en effet de constater que, dans son rapport du 21 février 2022, M. E______ avait expressément indiqué que les personnes auditionnées étaient « plutôt inquiètes d’éventuelles retombées négatives liées à leur témoignage », de sorte qu’il s’était engagé à ne citer aucun nom. Ainsi, en mentionnant que ces personnes auraient des « craintes de représailles », l’enquêteur s’est contenté de reprendre l’explication donnée par M. E______ pour justifier l’anonymat des personnes entendues dans le cadre de son état des lieux. Contrairement à ce qu’indique la recourante, on ne saurait prêter aux termes employés par l’enquêteur une manifestation d’antipathie à son égard, ni un jugement défavorable de sa personne.

Quant à la critique de la recourante selon laquelle l’enquêteur aurait exprimé un jugement négatif sur sa défense, elle n’est pas non plus propre à rendre vraisemblable une apparence de partialité. L’enquêteur a certes indiqué que la stratégie de la recourante, compte tenu des nombreuses procédures initiées et de l’absence de réaction à ses interpellations, desservait ses propres intérêts. Or, il n’est pas contesté, ni contestable, que la recourante a cumulé les procédures, y compris devant la chambre de céans, dont bon nombre ont été déclarées irrecevables. Il ressort par ailleurs des écritures de l’intimée, non contestées sur ce point par la recourante, que celle-ci n’a pas systématiquement donné suite aux interpellations de l’enquêteur. Au moment des observations litigieuses de l’enquêteur, la chambre de céans avait d’ailleurs déjà indiqué que l’une des procédures initiées par la recourante, soit la première demande de récusation à l’encontre de l’enquêteur, frisait la témérité (ATA/461/2022 consid. 4). Par la suite, elle lui a infligé une amende pour téméraire plaideur, estimant que son but n’était « pas tant d’assurer que l’enquête soit diligentée par une personne impartiale et indépendante que d’empêcher, par tous les moyens, le déroulement de l’enquête » (ATA/837/2022 consid. 3b). Partant, si l’affirmation de l’enquêteur, fondée sur des éléments objectifs au dossier, procède certes d’une vision différente de la conduite de la procédure de celle de la recourante, elle ne saurait en aucun cas être considérée comme un parti pris en sa défaveur.

En effet, il entre dans la mission de l’enquêteur de faire en sorte que la recourante puisse apporter en temps utile les pièces et explications et exercer ses droits de partie, de sorte qu’il agit conformément à ses attributions en soulignant qu’elle pourrait elle-même se priver de ce droit.

En définitive, les éléments avancés par la recourante ne permettent pas de conclure à une apparence objective de partialité de l’enquêteur dont elle requiert la récusation. C’est partant à juste titre que le CA a considéré qu’il n’existait aucun motif de récusation à son encontre.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la demande d’octroi de mesures provisionnelles.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, ni à l’autorité intimée ni à l’enquêteur qui n’y a pas conclu
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2022 par Madame A______ contre la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 19 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat de la recourante, à Monsieur B______, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :