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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/839/2022

ATA/836/2022 du 23.08.2022 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/839/2022-FPUBL ATA/836/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2022

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Robert Assael, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Madame A______ a été engagée le 1er juillet 2014 en qualité de cheffe d’unité au Service B______ de la Ville de Genève (ci-après : la ville). Le 18 novembre 2015, elle a été nommée au poste de directrice du département C______, avec effet au 1er février 2016.

2) Par décision du 19 janvier 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil administratif de la ville (ci-après : le CA) a prononcé la suspension avec effet immédiat de Mme A______ de son activité de directrice du C______ jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction ou d’un licenciement et l’a informée de ce que le CA avait décidé, dans un premier temps, de mandater un expert externe pour effectuer notamment un état des lieux de la situation au sein de la direction du C______.

La suspension se fondait, entre autres éléments, sur « l’attitude » qui aurait été adoptée « récemment » par Mme A______ dans le cadre de ses fonctions, ainsi que sur « les graves accusations » qu’elle aurait proférées à l’encontre de la magistrate en charge du C______, lesquelles étaient entièrement contestées par cette dernière, en lien notamment avec la transmission du virus Covid-19. Si ces agissements étaient avérés, ils pouvaient conduire à une rupture définitive du lien de confiance. De plus, en raison de ses comportement et positionnements, le C______ aurait été confronté à des « problèmes de fonctionnement et de communication ».

La mesure de suspension devait être réévaluée si elle devait se poursuivre
au-delà du 19 juillet 2022. Dans cet intervalle, un éventuel solde de vacances et de jours de compensation dus pour cette période devait être épuisé. Le versement d’éventuelles indemnités liées à sa fonction de directrice, notamment en lien avec les horaires irréguliers, serait interrompu à compter du 1er février 2022 et reprendrait le premier jour du mois suivant la fin de la suspension d’activité.

3) Par courrier du 25 janvier 2022, Mme A______ a contesté l’intégralité des griefs formulés à son encontre.

4) Par courrier du 28 janvier 2022, le CA a informé Mme A______ que de « graves difficultés » lui avaient été rapportées et qu’il lui appartenait de prendre des mesures pour préserver, entre autres, le bon fonctionnement du C______ et les membres du personnel travaillant étroitement avec l’intéressée. Mme A______ avait affirmé à la magistrate en charge du C______ avoir contracté le Covid à cause d’une séance en présentiel exigée par cette dernière. Si ces propos devaient être avérés, ils seraient susceptibles de conduire à une rupture définitive du lien de confiance.

5) Par acte du 31 janvier 2022, Mme A______ a interjeté recours
par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 19 janvier 2022 concluant à son annulation et à la restitution de l’effet suspensif.

Ce recours a été déclaré irrecevable par arrêt de la chambre administrative du 23 juin 2022 (ATA/652/2022).

6) Le 21 février 2022, l’expert externe mandaté par la ville, Monsieur D______, a rendu son rapport sur la base des auditions de la magistrate, du directeur adjoint du C______, du responsable RH du C______, de deux juristes, d’une assistante personnelle de la magistrate et des chefs de service actuellement et anciennement subordonnés au C______, à l’exception de Mme A______, qui avait refusé d’être entendue.

Les éléments relatés dans le rapport montraient qu’il existait de nombreuses difficultés entre la directrice et la magistrate, mais également avec le personnel. La situation était très tendue, et un retour de la directrice à son poste paraissait « inenvisageable humainement parlant ».

7) Par décision du 2 mars 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a ouvert une enquête administrative à l’encontre de Mme A______, qu’il a confiée à Monsieur E______. À titre de mesures provisionnelles, le CA a confirmé la suspension de l’activité de Mme A______ jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction ou d’un licenciement, afin notamment d’assurer le bon déroulement du service, de préserver les collaborateurs au sein de la direction du C______ et de lui permettre d’assurer sa défense. La mesure de suspension serait réévaluée si elle devait se poursuivre au-delà du 19 juillet 2022. Dans cet intervalle, un éventuel solde de vacances et de jours de compensation dus pour cette période devrait être épuisé et le versement d’éventuelles indemnités liées à sa fonction de directrice, notamment par exemple en lien avec les horaires irréguliers, était confirmé et reprendrait le premier jour du mois suivant la fin de la suspension d’activité.

À teneur du rapport du 21 février 2022 établi par M. D______, il apparaissait que Mme A______ rencontrait des difficultés relationnelles multiples envers la magistrate en charge du C______, l’équipe de direction ainsi que plusieurs cadres de ce département. Sa manière de s’exprimer, laquelle n’était pas toujours adéquate, ainsi que son comportement engendreraient de la souffrance et avaient pour conséquence une rupture de confiance. À cela s’ajoutait que l’intéressée ne s’impliquait pas dans l’organisation d’événements propres à renforcer l’esprit d’équipe et rencontrerait des difficultés à gérer le stress. Ses prestations en tant que directrice étaient, en outre, insuffisantes. De plus, il avait été porté à la connaissance du CA que Mme A______ n’avait pas eu une attitude adéquate et constructive à l’égard de la magistrate en charge du C______ et avait proféré de graves accusations à l’encontre de cette dernière. Mme A______ avait fait preuve d’insubordination et d’une attitude de défi à son endroit. L’intéressée ne s’était pas investie dans le cadre de tâches sensibles et des plaintes avaient été émises par des collaborateurs au sein de la direction du C______. Pour le reste, le CA a confirmé les reproches formulés dans sa décision du 19 janvier 2022.

8) Le 7 mars 2022, Mme A______ a sollicité la récusation de M. E______. Cette demande a été rejetée par décision du CA du 18 mars 2022. Un recours a été formé contre cette décision par-devant la chambre administrative, qui l’a rejeté par arrêt du 3 mai 2022 (ATA/461/2022).

9) Par acte réceptionné par la chambre administrative le 16 mars 2022, dont l’enveloppe portait le numéro de suivi 1______, Mme A______ a interjeté recours contre la décision d’ouverture de l’enquête administrative du 2 mars 2022, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif, et principalement à l'annulation de la décision attaquée ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le rapport de M. D______, qui constituait en réalité une enquête administrative orientée, violait de manière crasse son droit d’être entendue. Toute enquête administrative, fondée sur ce rapport, serait biaisée.

La ville ne formulait concrètement aucun fait grave, ni ne démontrait que la suspension serait exigée par la bonne marche du service.

Elle avait contracté le Covid en avril 2021 et n’avait jamais accusé la magistrate de le lui avoir transmis, se limitant à lui rappeler les circonstances dans lesquelles elle pensait avoir été contaminée. À la fin de son incapacité de travail totale, elle avait repris le travail à satisfaction.

10) Par réponse du 28 mars 2022, la ville a conclu à l’irrecevabilité du recours.

Le délai de recours était arrivé à échéance le 14 mars 2022. Mis à la poste le 15 mars 2022, le recours était tardif.

11) Le 6 avril 2022, Mme A______ a produit une quittance de « My Post », attestant d’un dépôt le 14 mars 2022 à 23h06 d’une lettre recommandée avec numéro de suivi 2______.

12) Par pli du 7 avril 2022, la chambre de céans a imparti à Mme A______ un ultime délai pour qu’elle se détermine sur l’absence de correspondance entre le numéro de suivi figurant sur l’enveloppe du recours et le numéro de suivi figurant sur la quittance produite.

13) Le 14 avril 2022, Mme A______ a confirmé avoir posté son acte de recours, en lettre recommandée, le 14 mars 2022 à 23h06. Renseignements obtenus auprès de la Poste, il s’agissait du même envoi même si les numéros de suivi ne correspondaient pas. Elle avait envoyé le pli en lettre recommandée, mais comme il pesait plus d’un kilogramme et qu’il avait plus d’un centimètre d’épaisseur, il aurait fallu l’envoyer par « colis ». La Poste avait donc dû « transformer » le pli en envoi-colis et apposer une nouvelle étiquette, avec un nouveau numéro de suivi. Elle avait adressé un courriel à la Poste pour obtenir une confirmation écrite de ces explications.

14) Par pli du 21 avril 2022, la chambre de céans a accordé à Mme A______ un délai au 2 mai 2022 pour produire une confirmation écrite de la Poste.

15) Par décision du 27 avril 2022, après un échange d’écritures sur effet suspensif, la chambre de céans a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif au recours (ATA/443/2022).

16) Le 2 mai 2022, Mme A______ a produit un échange de correspondance entre son conseil et le service clientèle de la Poste.

Dans un courriel du 14 avril 2022, son conseil avait demandé au service clientèle de la Poste de confirmer que le pli recommandé contenant le numéro de suivi 2______ avait été transformé en colis signature contenant le numéro de suivi 1______. La raison à cela tenait au fait qu’il avait envoyé le pli en « lettre recommandée » alors qu’il aurait dû, compte tenu du poids et de la taille du pli, l’envoyer en « colis ». Par courriel du 29 avril 2022, le service clientèle de la Poste a confirmé l’exactitude de ces propos.

17) Par réponse du 3 mai 2022, la ville a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le recours n’avait pas été interjeté dans le délai. Il appartenait au mandataire de respecter les règles postales, notamment en ce qui concernait l’affranchissement à verser en fonction du volume déposé pour effectuer l’envoi et utiliser correctement l’automate en question. Dans la mesure où la Poste n’avait enregistré l’envoi que le 15 mars 2022, c’était cette date qui devait être retenue et qui faisait foi.

Mme A______ ne démontrait pas que les conditions de
l’art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) seraient réalisées. Elle ne subissait aucun dommage économique du fait de sa suspension. Dans la mesure où elle était cadre supérieure, elle n’avait pas droit à d’éventuelles indemnités pour horaire irrégulier et n’en avait jamais perçu en tant que directrice. Quant à l’indemnité forfaitaire prévue par l’art. 105 du statut du personnel de la ville de Genève du 29 juin 2010 (ci-après : SPVG - LC 21 151), elle n’était versée que pour dédommager un inconvénient subi, ce qui n’était pas le cas de la recourante. Le seul et unique objectif d’effectuer une enquête administrative était de pouvoir décider des suites éventuelles à donner à l’affaire. Mme A______ avait la possibilité de participer à cette mesure.

18) Mme A______ a répliqué le 13 juin 2022.

19) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Se pose toutefois la question de savoir si le recours a été formé dans le délai légal, ce que conteste l’intimée.

a. La décision d’ouvrir une enquête administrative constitue une décision incidente, susceptible de recours devant la chambre administrative dans les dix jours suivant sa notification (art. 62 LPA ; ATA/1840/2019 du 20 décembre 2019 consid. 1 ; ATA/1362/2019 du 10 septembre 2019 consid. 1).

Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche (art. 17 al. 1 LPA). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (al. 3).

La preuve de l'expédition d'un acte de procédure en temps utile incombe à la partie, respectivement à son avocat. Une preuve stricte est exigée, la vraisemblance prépondérante ne suffisant pas (arrêt du Tribunal fédéral 9C_564/2012 du 12 septembre 2012 consid. 2). Il convient en effet, en matière de délais, de s'en tenir à des principes simples et à des solutions claires, sous peine d'ouvrir la porte à de longues et oiseuses discussions, voire à des abus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 3.2). Le pli recommandé est à cet égard une preuve aisée à établir, alors que, dans le cas d'un envoi par pli simple, la preuve peut être rapportée par différents moyens, en particulier par témoins 
(ATF 109 Ib 343 consid. 2b). 

b. En l’espèce, l’enveloppe contenant l’acte de recours contient le numéro de suivi 1______. Il ressort toutefois du suivi des envois postaux que le pli recommandé contenant ce numéro a été déposé le 15 mars 2022. Or, la décision entreprise ayant été notifiée le 2 mars 2022 – ce qui n’est pas contesté -, le délai de recours a commencé à courir le 3 mars 2022 pour arriver à échéance le samedi 12 mars 2022, reporté au 14 mars 2022. Déposé le 15 mars 2022, le recours paraît ainsi hors délai.

Devant la chambre de céans, la recourante explique que son mandataire a déposé l’envoi en date du 14 mars 2022 dans une boîte « MyPost 24 ». À l’appui de ses explications, elle produit une quittance de « My Post », attestant d’un dépôt le 14 mars 2022 à 23h06 d’une lettre recommandée avec numéro de suivi 2______. Questionnée par la chambre de céans sur l’absence de correspondance entre le numéro de suivi figurant sur l’enveloppe du recours et le numéro de suivi figurant sur la quittance produite, la recourante explique que le pli recommandé contenant le numéro de suivi 2______ a été transformé en colis signature contenant le numéro de suivi 1______. La raison à cela tient au fait que son mandataire a envoyé le pli en « lettre recommandée » alors qu’il aurait dû, compte tenu du poids et de la taille du pli, l’envoyer en « colis ». Cette explication a été corroborée par le service clientèle de la Poste dans son courriel du 29 avril 2022.

Ainsi, à suivre ces explications, l’acte de recours aurait été déposé dans une boîte « My Post » le 14 mars 2022, date à laquelle il aurait été enregistré en « pli recommandé », avec le numéro de suivi 2______. Le lendemain, le pli aurait été transformé en « colis » et affranchi d’un numéro de suivi différent, soit le 1______. La question se pose donc de savoir si par ces explications – appuyées par le courriel du service de la Poste du 29 avril 2022 –, la recourante a apporté la preuve stricte que son acte de recours a été interjeté en temps utile. Ce point peut toutefois rester indécis compte tenu de ce qui suit.

3) a. Selon l'art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ;
126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018 p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

c. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

d. Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

4) a. En tant qu'employée de la ville, la recourante est soumise au SPVG.

b. Lorsque l'instruction d'une cause le justifie, le CA peut confier une enquête administrative à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l'extérieur de l'administration municipale (art. 97 SPVG).

L'art. 37 SPVG dispose que la procédure de licenciement est régie par les art. 96 ss SPVG, ainsi que par la LPA.

Conformément à l'art. 96 al. 2 SPVG, les membres du personnel ont la possibilité de s'exprimer par écrit sur les motifs invoqués à l'appui de la décision ; les membres du personnel ont également droit à une audition orale devant l'autorité compétente pour rendre la décision, ou une délégation de celle-ci s'il s'agit du CA, avec le droit de se faire assister.

En cas de faits graves ou si cette mesure est exigée par la bonne marche du service, le CA peut suspendre avec effet immédiat un membre du personnel
(art. 98 al. 1 SPVG).

Selon l'art. 99 SPVG, lorsqu'il s'avère qu'un membre du personnel est passible d'un licenciement au sens de l'art. 34 al. 2 let. a à c SPVG, le CA ouvre une enquête administrative qu'il confie à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l'extérieur de l'administration municipale au sens de l'art. 97 (al. 1) ; un licenciement ne peut être prononcé sans que la personne intéressée ait pu préalablement faire valoir ses observations sur les motifs avancés pour le justifier (al. 2) ; dans les cas de licenciement fondés sur les art. 30, 32 et 34, la personne intéressée peut demander à être entendue oralement par une délégation du CA ; la personne intéressée a le droit de se faire assister (al. 3) ; lorsque le licenciement a été précédé d'une suspension, il peut, si les conditions de l'art. 30 sont remplies, être prononcé avec effet à la date de la suspension (al. 4).

c. Les parties ont le droit de participer à l'audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l'autorité ainsi qu'aux examens auxquels celle-ci procède (art. 42 al. 1 LPA). Lors de l'audition des témoins, les parties présentes ne peuvent ni interrompre les témoins, ni les interroger elles-mêmes. Elles peuvent proposer des questions sur l'admission desquelles statue l'autorité chargée de l'audition (art. 42 al. 2 LPA). Chaque partie peut exiger l'inscription au
procès-verbal du refus de poser une question (art. 42 al. 3 LPA). Lorsqu'un intérêt public ou privé prépondérant l'exige, les témoins peuvent être entendus en l'absence des parties et l'accès aux procès-verbaux d'auditions peut leur être refusé. Lorsque la nature de l'affaire l'exige, la comparution des personnes et l'examen auquel procède l'autorité ainsi que l'expertise peuvent être conduits en l'absence des parties (art. 42 al. 5 LPA). Toutefois, dans les circonstances évoquées à l'art. 42 al. 5 LPA, le contenu essentiel de l'administration des preuves doit être porté à la connaissance des parties pour qu'elles puissent s'exprimer et proposer les contre-preuves avant que la décision ne soit prise. Dans le cas contraire, l'art. 45 al. 3 et 4 LPA s'applique (art. 42 al. 6 LPA).

5) a. Selon la jurisprudence de la chambre administrative, l’ouverture d’une enquête administrative n’engendre pas un préjudice irréparable, dès lors qu’une décision finale suite à l’enquête administrative, dans l’hypothèse où elle serait entièrement favorable à la recourante, permettrait de réparer une éventuelle atteinte, notamment à sa personnalité (ATA/1018/2018 du 2 octobre 2018 consid. 11a).

b. Le fait que le membre du personnel conserve son traitement pendant sa libération de l’obligation de travailler, ce qui est le cas de la recourante, exclut une quelconque atteinte à ses intérêts économiques (ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4 ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 4). S’agissant de l’atteinte à la réputation et à l’avenir professionnel, une décision de libération de l’obligation de travailler n'est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu’une décision finale entièrement favorable à la recourante permettrait de la réparer (ATA/184/2020 précité consid. 4 ; ATA/1020/2018 du 2 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/231/2017 précité consid. 5).

6) En l’espèce, la décision litigieuse ordonne l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de la recourante, laquelle a été libérée de son obligation de travailler, sans suppression de son droit au traitement.

Devant la chambre de céans, la recourante n’expose pas en quoi cette décision est susceptible de lui causer un préjudice irréparable. Elle se limite à relever que le mandat confié à l’enquêteur externe constituait une enquête administrative orientée, contournant le SPVG et violant son droit d’être entendue. D’après l’intéressée, toute enquête administrative, fondée sur ce rapport, serait dès lors biaisée. Ce raisonnement perd toutefois de vue que l’enquêteur administratif est tenu d’effectuer la tâche qui lui a été confiée en toute indépendance. Il conduit ainsi sa propre instruction et procède aux investigations qu’il estime nécessaires. On ne voit ainsi pas en quoi la mise en œuvre d’une enquête administrative serait susceptible d’engendrer un préjudice irréparable, étant précisé que la recourante aura l’occasion de s’exprimer dans le cadre de cette enquête. En cas de sanction prise à son encontre, elle pourra également se plaindre de l’éventuelle violation de ses droits procéduraux dans le cadre d’un recours devant la chambre administrative.

La recourante reproche également à l’intimée d’avoir prononcé sa suspension en l’absence de faits graves et sans avoir démontré que la suspension était exigée par la bonne marche du service. Elle perd toutefois de vue que l’ouverture d’une enquête administrative sert précisément à établir les faits et le cas échéant l’existence d’un comportement fautif, l’employeur disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration, et ce dans le respect des principes constitutionnels, notamment celui de la proportionnalité, ou doivent faire l’objet d’une sanction disciplinaire (ATA/421/2021 du 20 avril 2021 consid. 3d et les références citées). La décision entreprise contient au demeurant une liste détaillée des manquements qui, s’ils étaient avérés, pourraient constituer des violations graves et répétées de ses devoirs généraux et seraient susceptibles d’une sanction disciplinaire.

La recourante conserve son traitement pendant sa libération de l’obligation de travailler, ce qui exclut une quelconque atteinte à ses intérêts économiques. Dans ses écritures, la recourante se plaint certes de la perte d’indemnités, en lien avec les horaires irréguliers. Elle n’apporte toutefois aucune pièce démontrant l’existence d’un dommage financier qui en résulterait. Que ce soit au stade du recours ou de la réplique, pourtant consécutive au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif, l’intéressée ne fournit pas non plus de précision quant à sa situation financière (éléments de fortune, autres revenus, charges etc.). Elle ne conteste pas non plus les allégués de l’intimée selon lesquels, en sa qualité de cadre, elle n’aurait pas droit à d’éventuelles indemnités pour horaire irrégulier et n’aurait droit à l’indemnité forfaire prévue à l’art. 105 SPVG que pour dédommager un inconvénient subi. Il n’est dès lors nullement établi qu’un éventuel dommage financier l’exposerait à un préjudice difficilement réparable, étant encore relevé que la réalisation d’heures supplémentaires ne devrait pas être la règle et ne constitue pas une assurance d’un gain régulier.

Quant à l'atteinte à la réputation et à l'avenir professionnel de l’intéressée, force est de rappeler qu’à teneur de la jurisprudence constante, une décision de libération de l'obligation de travailler n'est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu'une décision finale entièrement favorable à l’intéressée permettrait de la réparer.

La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA, à savoir l’obtention immédiate d’une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse en cas d’admission des recours, n’est pas davantage réalisée dans la mesure où la décision entreprise retient que la mesure de suspension serait réévaluée si elle devait se poursuivre au-delà du 19 juillet 2022. Il sera du reste rappelé qu’un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est en général pas considéré comme irréparable.

7) Vu l'issue de la procédure, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, étant relevé que l’intimée dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté par Madame A______ réceptionné le 16 mars 2022, contre la décision de la Ville de Genève du 2 mars 2022 ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Robert Assael, avocat de la recourante, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :