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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1630/2021

ATA/140/2022 du 08.02.2022 ( CPOPUL ) , REJETE

Descripteurs : DÉCLARATION(EN GÉNÉRAL);DÉPART D'UN PAYS
Normes : LaLHR.5.al1; LaLHR.5.al2; LaLHR.5.al3; LHR.3; LHR.2.al2; CC.24; CC.23.al1; CC.23.al2
Résumé : Recours contre une décision de l'OCPM de saisie du départ des recourants du Canton de Genève à destination de la France. Rejet du recours.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1630/2021-CPOPUL ATA/140/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 février 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 



EN FAIT

1) Le 27 février 2006, Monsieur A______ a été inscrit au registre de la population du canton de Genève, avec pour domicile rue B______, en provenance de la rue C______, Genève.

2) Madame A______, épouse de M. A______, a annoncé son départ de l'adresse précitée, le 7 décembre 2015, à destination de D______, en France.

3) Le 1er juin 2020, les époux A______ sont partis à destination de E______ dans le canton de Fribourg.

4) À teneur d'un rapport d'entraide administrative interdépartementale daté du 5 mars 2021, M. A______ n'avait plus de résidence effective à la rue B______, depuis le 16 janvier 2016, date à laquelle il avait résilié son bail à loyer selon l'agence immobilière.

5) Par courrier du 11 mars 2021, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a informé les époux A______ de son intention de procéder à la saisie de leur départ dans le registre de la population le 16 janvier 2016 à destination de D______ en France.

6) Les époux A______ ont répondu à l'OCPM par courrier du 9 avril 2021, que leur domicile fiscal se trouvait à Genève et que les activités professionnelles de M. A______ s'y trouvaient également.

7) Par décision du 15 avril 2021 l’OCPM a saisi le départ dans sa base de données de M. A______ de Suisse à destination de D______ à la date du 16 janvier 2016.

8) Par courrier du 10 mai 2021, les époux A______ ont interjeté recours contre la décision de l'OCPM du 15 avril 2021 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) sans prendre de conclusions formelles sur le fond, mais sollicitant un délai pour compléter leur recours et remettre les pièces sur lesquelles ils se fondaient.

9) Dans le délai prolongé par la chambre administrative au 4 juin 2021, les recourants ont fait parvenir à la chambre de céans, un complément de recours. Ils ont conclu à leur réintégration dans les registres de l'OCPM et à leur inscription à Genève.

Étant tous deux de nationalité suisse, ils avaient toujours vécu et payé leurs impôts à Genève. M. A______, bien qu'à la retraite, exerçait encore à temps partiel une activité professionnelle à Genève et n'avait jamais vécu à D______. Seule Mme A______ y avait habité de janvier 2016 à juin 2018.

Un contrat de colocation pour un appartement sis à l’avenue F______ avait été signé par M. A______ selon copie de l'avenant de prorogation de bail produit. Le bail portait sur un appartement de deux pièces avec un début au 1er mars 2019 et une fin prorogée au 28 février 2021. M. A______ était mentionné en second, et comme habitant à la rue B______ alors que le premier locataire, Monsieur G______, était mentionné comme habitant à l’avenue F______.

10) L'OCPM a répondu en date du 6 juillet 2021, concluant au rejet du recours.

11) Les époux A______ ont informé l'OCPM par courrier du 23 août 2021 de leur déménagement à compter du 1er septembre 2021 à destination de la commune de H______ dans le canton d'Obwald.

12) Sur quoi, les parties ont été informées, le 5 octobre 2021, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse, la question de l'enregistrement dans les registres de l'OCPM du départ du recourant le 16 janvier 2016 pour D______.

3) a. Depuis le 1er janvier 2008, la tenue des registres cantonaux et communaux est soumise aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes du 23 juin 2006 (loi sur l'harmonisation de registres - LHR - RS 431.02) et de l'ordonnance sur l'harmonisation de registres du 21 novembre 2007 (OHR - RS 431.021), ainsi qu'à sa législation cantonale d'exécution, soit dans le canton de Genève à la loi d'application de la LHR du 3 avril 2009 (LaLHR - F 2 25).

b. Parmi les registres soumis à la LHR, figurent les registres cantonaux et communaux des habitants (art. 2 al. 2 let. a LHR), dont le registre des habitants, géré par l'OCPM (art. 2 let. a LaLHR ; art. 4 de la loi sur le séjour et l'établissement des Confédérés du 28 août 2008 - LSEC - F 2 05). L'OCPM est notamment l'autorité compétente pour corriger d'office, si nécessaire en collaborant avec d'autres services de l'État, les données inscrites dans le registre cantonal de la population, s'il s'avère que les renseignements ne correspondent pas à la situation de fait (art. 4 al. 4 let. d LSEC).

c. La LHR vise à ce que les différents registres soumis à cette loi contiennent des données actuelles, exactes et complètes (art. 5 LHR) en rapport avec chaque personne établie ou en séjour (art. 6 LHR).

d. Est tenu de s'annoncer ou de communiquer toute modification de données le concernant celui qui : a) arrive dans le canton ; b) réside ou séjourne dans le canton ; c) entend s'établir hors du canton ou mettre fin à son séjour (art. 5 al. 1 LaLHR). Toute annonce ou communication doit être faite auprès de l'OCPM (art. 5 al. 2 LaLHR) dans les quatorze jours dès la survenance du fait (art. 5 al. 3 LaLHR).

4) a. Les notions d'établissement et de séjour sont définies à l'art. 3 LHR. Selon l'art. 3 let. b LHR, la commune d'établissement est celle dans laquelle une personne réside, de façon reconnaissable pour des tiers, avec l'intention d'y vivre durablement et d'y avoir le centre de ses intérêts personnels. Elle est réputée être établie dans la commune où elle a déposé les documents requis et ne peut avoir qu'une seule commune d'établissement. Selon l'art. 3 let. c LHR, la commune de séjour est celle dans laquelle une personne réside dans un but particulier sans avoir l'intention d'y vivre durablement, mais pour une durée d'au moins trois mois consécutifs ou répartis sur une même année, notamment une commune dans laquelle une personne séjourne pour y fréquenter les écoles ou est placée dans un établissement d'éducation, un hospice, un hôpital ou une maison de détention.

La notion d'établissement (au sens étroit), selon l'art. 3 let. b LHR, et celle de séjour au sens de l'art. 3 let. c LHR constituent les deux facettes de celle d'établissement (au sens large), laquelle constitue une notion de police (arrêts du Tribunal fédéral 2C_599/2011 du 13 décembre 2011 consid. 2.4 ; 2C_478/2008 du 23 septembre 2008 consid. 4.4 ; ATA/283/2021 du 2 mars 2021 consid. 4a).

b. Le domicile civil de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). Lorsque la détermination du domicile d'une personne soulève des difficultés, tant le critère de l'intention de s'établir que la notion de centre de vie commandent de recenser tous les facteurs qui pourraient s'avérer importants. Chacun de ces facteurs, pris en lui-même, ne constitue donc rien de plus qu'un indice. Ainsi, le dépôt des papiers au contrôle de l'habitant, l'établissement du permis de séjour, l'exercice des droits politiques, le paiement des impôts ne sont jamais déterminants en eux-mêmes pour fonder le domicile civil volontaire (ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; 133 V 309 consid. 3.3 ; 125 III 100 consid. 3).

Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (art. 23 al. 2 CC), mais chacun doit en avoir un. Ainsi, en l'absence d'un domicile volontaire et légal, l'art. 24 CC établit des règles subsidiaires qui permettent de définir un domicile fictif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2008 précité consid. 3.4 ; ATA/204/2018 du 6 mars 2018 ; ATA/551/2016 du 28 juin 2016).

c. Si la notion d'établissement (au sens large) contenue dans la LHR s'appuie sur celle de domicile au sens de l'art. 23 CC, elle s'en distingue par le but différent poursuivi par cette loi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_599/2011 précité consid. 2.4 ; 2C_478/2008 précité consid. 4.4). L'établissement et le séjour au sens de l'art. 3 let. b ou c LHR d'une part, le domicile civil et les domiciles spéciaux des art. 23 ss CC d'autre part, sont déterminés par des autorités différentes dans des procédures distinctes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_173/2012 du 23 août 2012 consid. 3.2 ; 2C_791/2011 du 4 avril 2012 consid. 1.3 ; 2C_478/2008 précité consid. 3.5 ; ATA/283/2021 précité consid. 4c).

Contrairement à ce qui vaut pour le domicile civil, il n'existe pas, selon la LHR, d'obligation d'être établi en un lieu, de sorte que, dans des cas certes exceptionnels, l'établissement peut faire défaut. En particulier, il ne peut, au sens de cette loi, y avoir d'établissement fictif, seule la résidence effective étant de nature à constituer l'établissement (au sens large ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_478/2008 précité consid. 3.5 ; 2C_413/2012 du 13 avril 2012 consid. 3.1 ; ATA/283/2021 précité consid. 4c ; ATA/551/2016 précité).

Le critère à prendre principalement en considération par les autorités chargées de la tenue du registre pour déterminer le contenu des rubriques relatives à l'adresse et à la commune d'un habitant du canton (art. 6 let. b et g LHR) est le lieu où celui-ci réside effectivement au sens de l'art. 3 let. b ou c LHR (ATA/389/2020 du 23 avril 2020 consid. 6 ; ATA/204/2018 précité ; ATA/551/2016 précité).

5) En l'espèce, les recourants allèguent que seule Mme A______ se serait installée en France de janvier 2016 à juin 2018, que M. A______ n'aurait jamais eu de résidence principale à D______, qu'ils se seraient toujours acquittés de leurs impôts à Genève et M. A______ y travaillerait à tout le moins à temps partiel.

Ces éléments ne suffisent pas, comme le relève à juste titre l'OCPM, à rattacher les recourants à une résidence effective dans le canton depuis le mois de janvier 2016.

Il existe, en effet, un faisceau d'indices qui démontre que le séjour des recourants, singulièrement du mari, à Genève n'était plus effectif dès le 16 janvier 2016.

À teneur du rapport d'entraide interdépartementale, des enquêteurs se sont rendus, le 1er mars 2021 à l'adresse annoncée des époux A______ sis à la rue B______, Genève. Leur nom ne figurait pas sur la boîte aux lettres. Interrogée à la même date par les enquêteurs, la concierge de l'immeuble a affirmé que les époux ne vivaient plus à Genève depuis au moins 2016 et habitaient dans le I______ en France. Elle a transmis aux enquêteurs le numéro de portable français du recourant. Selon la régie de l'immeuble concerné, les époux ont effectivement résilié leur contrat de bail le 16 janvier 2016.

L'ensemble de ces éléments démontrent que les époux ont quitté leur adresse à Genève en janvier 2016 et n'y avaient depuis lors plus de résidence effective. L'avenant au bail de l’avenue F______ produit avec le recours n'est pas propre à renverser ce constat. Outre que le bail en cause commençait en mars 2019, seul M. G______ est mentionné comme vivant à cette adresse, alors même qu'il s'agit d'une prolongation du bail. Il s'agit en outre d'un appartement de deux pièces – au sens genevois, et qui ne comporte donc qu'une seule pièce de vie. Le recourant ne donne aucune indication ni sur les modalités d'une telle habitation ni sur ses relations avec M. G______, si bien que l'on doit considérer l'hypothèse d'une cotitularité du bail pour d'autres motifs que celui d'une véritable colocation.

Dans ces circonstances, n'est pas davantage probant le fait que les recourants aient été taxés à Genève pour l'exercice fiscal 2019. On notera du reste que le bordereau figurant au dossier a été envoyé à un mandataire et non à l'adresse du couple.

La décision de l'OCPM qui enregistre le départ de Genève du recourant pour D______ en janvier 2016 est ainsi conforme au droit.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mai 2021 par Madame et Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 15 avril 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur A______ ainsi qu'à l'office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :