Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/808/2020

ATA/939/2021 du 14.09.2021 sur ATA/629/2020 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/808/2020-FPUBL ATA/939/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 septembre 2021

 

dans la cause

 

Madame A______
B______

représentées par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

_________



EN FAIT

1) a. B______ (ci-après : B______) est une association ayant son siège à Genève. Selon ses statuts, elle a pour but d’assurer la promotion de l’éducation physique et du sport, la défense des intérêts et la profession des maîtres d’éducation physique, des projets sportifs et de la place de l’éducation physique dans les cursus scolaires obligatoires et post-obligatoires, ainsi que de représenter les maîtres d’éducation physique devant diverses autorités. Est notamment admis en qualité de membre tout maître d’éducation physique en activité à Genève.

b. Madame A______ est la mère d’un enfant né en 2010 et scolarisé à Genève.

2) Le 1er octobre 2012, est entrée en vigueur la loi fédérale du 17 juin 2011 sur l'encouragement du sport et de l'activité physique (loi sur l'encouragement du sport - LESp - RS 415.0), laquelle prévoit notamment à son art. 12 al. 4 que l'enseignement à l'école obligatoire doit prévoir au moins trois périodes hebdomadaires d'éducation physique.

3) Par arrêt du 19 mai 2016 (ACST/7/2016), la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé le 14 décembre 2015 par B______ et des parents d’élèves dont Mme A______, tendant notamment à ce qu’il soit fait injonction au Grand Conseil d’adopter une réglementation prévoyant au moins trois périodes hebdomadaires d’éducation physique à l’école obligatoire.

Elle a notamment relevé que les cantons étaient tenus d’instituer ces trois heures hebdomadaires d’éducation physique, indépendamment de toute considération d’ordre financier, organisationnel ou ayant trait aux infrastructures en place, et sans égard aux sorties occasionnelles, aux camps de ski ou autres journées sportives planifiées en sus. Cette obligation résultait précisément et expressément de la législation fédérale, sans que celle-ci ne requît une transposition par les cantons, les dispositions en cause leur étant directement opposables et ayant un caractère justiciable.

N’ayant fait l’objet d’aucun recours, cet arrêt est entré en force.

4) Le 25 mai 2016, B______ et plusieurs parents d’élèves ont adressé à la conseillère d’État en charge du département de l’instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après respectivement : le DIP ou le département ; la conseillère d’État) un courrier faisant suite à cet arrêt, la mettant en demeure de procéder à la mise en œuvre d’une troisième heure hebdomadaire d’éducation physique et de leur donner la garantie « par décision administrative » que tel serait le cas au plus tard lors de la rentrée scolaire de 2016.

5) Le 15 juin 2016, la conseillère d’État leur a répondu que l’instauration de trois heures hebdomadaires d’éducation physique durant la scolarité obligatoire ne pourrait avoir lieu à la rentrée scolaire d’août 2016, qui se préparait de nombreux mois à l’avance et dont les grilles horaires ne pouvaient être modifiées rapidement. Elle les invitait à une rencontre, en vue d’échanger sur la manière de mettre en œuvre les exigences du droit fédéral.

6) a. Le 8 août 2016, l’B______ et Mme A______ notamment ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce courrier, en concluant à son annulation et à sa réforme en ce sens que les trois heures d’éducation physique demandées soient prévues dans le programme scolaire 2016-2017.

b. Par arrêt du 23 août 2016 (ATA/693/2016), la chambre administrative a rejeté, en tant qu’il était recevable, le recours.

La question de savoir si le courrier litigieux pouvait être considéré comme une décision pouvait rester indécise. La question de savoir si B______ avait la qualité pour agir pouvait également souffrir de rester ouverte dès lors qu’il ressortait de l’ACST/7/2016 précité que Mme A______ était mère d’un enfant en âge de fréquenter l’école obligatoire, de sorte que sa qualité pour agir devait être admise à ce titre. Sur le fond, la mise en place des grilles horaires ne pouvait s’improviser et nécessitait une réflexion pour intégrer toutes les contraintes d’enseignement, de sorte que le département était fondé à indiquer que la mise en œuvre de cette troisième période ne pouvait avoir lieu pour la rentrée 2016, l’autorité intimée ayant entrepris rapidement les démarches nécessaires pour y parvenir.

c. Par arrêt du 24 mai 2017 (2C_901/2016), le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par B______ et Mme A______ notamment contre l’arrêt précité.

Le litige concernait seulement la mise en place de la troisième heure d’éducation physique à la rentrée 2016 et au cours de l’année scolaire 2016-2017 et non pas le fait de savoir quand et de quelle manière elle devrait l’être de manière générale. Il ne ressortait pas du courrier litigieux que le département ne souhaitait pas mettre en œuvre cette mesure, mais seulement qu’il ne pouvait accéder à la demande des intéressés pour la rentrée scolaire 2016, ce qui n’était, en soi, pas contraire au droit fédéral, qui ne contenait en outre aucun délai pour ce faire, pas davantage que l’ACST/7/2016 précité n’en fixait. Il appartenait toutefois au canton d’introduire une troisième période d’éducation physique hebdomadaire pour tous les niveaux de l’école obligatoire « dans les plus brefs délais ».

7) Le 25 novembre 2016, B______ a invité la conseillère d’État à lui indiquer l’état d’avancement du dossier, à défaut de quoi elle ferait « constater à nouveau le déni de justice ».

8) Par courriers des 23 février et 27 mars 2017, la conseillère d’État a confirmé à B______ qu’une troisième période hebdomadaire d’éducation physique au cycle d’orientation, en « 9e R1 et R2 », serait prévue dès la rentrée scolaire 2017, puis étendue à l’ensemble des classes dès la révision de la grille horaire, prévue à l’horizon de la rentrée scolaire 2018 ou 2019. B______ serait associée aux travaux.

9) Le 21 juin 2017, B______ a demandé à la conseillère d’État d’établir un calendrier précis de mise en œuvre.

10) Le 11 juillet 2017, la conseillère d’État a confirmé à B______ la teneur de ses précédents courriers.

11) Le 20 décembre 2017, la conseillère d’État, faisant suite à un courrier de B______, a indiqué que le déploiement partiel de la troisième heure de sport hebdomadaire pour les élèves du cycle d’orientation lors de la rentrée scolaire
2017-2018 serait poursuivi lors de l’adaptation de la grille horaire prévue à la rentrée 2018-2019 et proposait de la rencontrer à ce sujet.

12) Par courrier du 22 décembre 2017, confirmé par pli du 9 janvier 2018, B______ a mis la conseillère d’État en demeure de lui proposer un calendrier précis de mise en œuvre, à défaut de quoi elle s’estimerait victime d’un déni de juste.

13) Le 9 janvier 2018, la conseillère d’État a fait savoir à B______ qu’elle serait associée aux travaux liés à la révision de la grille horaire au plus tard avant la fin de l’année scolaire 2017-2018.

14) Le 11 janvier 2018, B______ a réitéré ses précédentes demandes.

15) Par acte du 17 janvier 2018, B______ et Mme A______ notamment ont saisi la chambre administrative d’un recours pour déni de justice, concluant au renvoi de la cause au département aux fins de la mise en œuvre dans les plus brefs délais de la troisième heure d’éducation physique dans tous les degrés de l’école obligatoire à Genève, et, à défaut, qu’il rende une décision sujette à recours.

16) Par arrêt du 24 avril 2018 (ATA/386/2018), la chambre administrative a déclaré le recours irrecevable.

L’examen portant sur les griefs afférents à l’existence d’un déni de justice se recoupait dans une large mesure avec l’examen portant sur les griefs relatifs au droit à un acte attaquable. B______ n’avait pas qualité pour recourir, dès lors qu’un intérêt digne de protection ne pouvait être reconnu qu’à des élèves concernés par l’école obligatoire, dont les intérêts étaient les seuls à être protégés par les dispositions de la LESp, et non pas aux maîtres d’éducation physique ou à l’association. Quant à Mme A______, la question de savoir si son enfant était concerné par l’école obligatoire pouvait demeurer indécise, dès lors qu’elle n’avait accompli aucune démarche en vue de l’obtention d’une décision, comme sollicitée dans le recours, seule B______ étant intervenue dans ce cadre.

N’ayant fait l’objet d’aucun recours, cet arrêt est entré en force.

17) Le 10 juillet 2018, B______ a indiqué à la conseillère d’État que la mise en œuvre n’était toujours pas conforme au droit fédéral, lui impartissant un délai pour ce faire.

18) Le 3 septembre 2018, une rencontre a eu lieu entre B______ et le département.

19) Le 19 septembre 2018, la conseillère d’État a confirmé à B______ le déploiement progressif d’un dispositif permettant à tous les élèves du cycle d’orientation de bénéficier de trois périodes d’éducation physique sur les deux des trois années de scolarité (soit en sus des élèves des sections « R1 et R2 » en 9ème année, les élèves de la section « LS » en 10ème année, puis l’ensemble des élèves de 11ème année), étant précisé qu’au regard des contraintes organisationnelles, matérielles et budgétaires, la perspective d’étendre la mesure à l’ensemble des élèves sur les trois années du cycle d’orientation était complexe. Aux fins de trouver des solutions alternatives, elle l’invitait à participer à un groupe de travail.

20) Entre décembre 2018 et mars 2019, plusieurs échanges de courriers ont eu lieu entre B______ et Mme A______ d’une part, et la conseillère d’État d’autre part. Les premières ont invité le département à mettre en place la troisième période d’éducation physique dans « les plus brefs délais » et ont sollicité un planning précis de ladite mise en œuvre, tandis que la seconde les a conviées à participer à un groupe de travail visant la mise en œuvre de la troisième heure de sport.

21) Le 9 janvier 2020, B______ et Mme A______ ont invité la conseillère d’État à rendre une décision formelle confirmant qu’une troisième période d’éducation physique hebdomadaire pour tous les niveaux de l’école obligatoire serait introduite à la rentrée 2020-2021.

22) Le 28 janvier 2020, la conseillère d’État s’est référée à la teneur de ses précédents courriers, précisant qu’au vu de la décision du Grand Conseil refusant le budget, les options prises avaient dû être reconsidérées. Elle avait néanmoins maintenu l’introduction de la troisième heure d’éducation physique pour les élèves de 10ème année en section « LS », mais la finalisation de la mise en œuvre de cette troisième heure pour tous les élèves du cycle d’orientation à compter de la rentrée scolaire 2021 était dépendante du budget devant être voté en fin d’année.

23) Par acte du 2 mars 2020, B______ et Mme A______ ont saisi la chambre administrative d’un recours pour déni de justice, concluant principalement à ce que celui-ci soit constaté, au renvoi de la cause au département pour prise d’une décision formelle et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Les mesures organisationnelles prises par le département, qui constituaient des actes matériels, ne tenaient pas compte des obligations du droit fédéral et avaient des effets sur leur situation juridique, puisqu’elles empêchaient les maîtres d’enseigner le nombre de périodes imposées par la LESp et ne permettaient pas aux élèves de bénéficier d’un enseignement d’éducation physique adapté à leur santé. À défaut de mise en œuvre conformément à la loi, ces actes devaient pouvoir faire l’objet d’une décision prise par l’autorité compétente et sujette à recours. Le DIP avait ainsi violé l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le contrôle des actes matériels avait pour corollaire le droit à une décision, sous peine de déni de justice, qu’elles avaient maintes fois sollicitée. Le département n’avait jamais fait droit à leur requête ni ne leur avait fourni de calendrier précis, les mesures mises en œuvre, qui devaient être indépendantes de toute contrainte budgétaire, ne répondant toujours pas aux exigences du droit fédéral.

24) Le 27 mars 2020, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Son devoir de rendre une décision formelle était inexistant, de même que le constat d’un déni de justice formel, puisqu’aucune décision n’avait été rendue. B______ ne disposait pas de la qualité pour recourir, pas davantage que Mme A______.

Aucun déni de justice ne pouvait lui être reproché, ni aucun acte matériel illicite, dès lors que les démarches entreprises démontraient sa volonté de se conformer aux exigences du droit fédéral dès que possible, étant précisé qu’il s’agissait d’un travail considérable et difficile, avec des modifications des grilles horaires et une adaptation portant sur un nombre élevé d’écoles. Ainsi, à ce jour, les élèves de 9ème année des niveaux « R1 et R2 » y avaient droit, puis dès la rentrée 2020 ceux du niveau « R3 » de 10ème année et, enfin, dès 2021, l’ensemble des élèves de 11ème année, sauf contrainte budgétaire indépendante de sa volonté.

25) Le 20 mai 2020, B______ et Mme A______ ont persisté dans les conclusions de leur recours, sollicitant en outre la tenue d’une audience publique.

L’inaction de l’autorité intimée avait indubitablement un effet sur leur situation. L’inaction du DIP devait pouvoir faire l’objet d’une décision sujette à recours.

Seuls les élèves des regroupements R1 et R2 de 9ème année bénéficiaient à ce jour de trois heures d’éducation physique. Le DIP se réfugiait derrière le vote des lignes budgétaires par le Grand Conseil pour la mise en œuvre de la troisième heure aux élèves de 11ème année dès la rentrée 2021, alors que la chambre constitutionnelle avait rappelé que la mise en œuvre s’imposait indépendamment de toute considération d’ordre financier. Alors que B______ s’était toujours portée volontaire pour travailler au sein du groupe de travail en lien avec la mise en œuvre de la troisième heure d’éducation physique, la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) avait décidé de stopper l’activité dudit groupe et l’avait intégré dans un groupe de travail en lien avec les sorties scolaires.

Était annexé un échange de courriels concernant des réunions à un groupe de travail du département.

26) Le 24 juin 2020, B______ et Mme A______ ont renouvelé leur requête en tenue d’une audience de comparution personnelle des parties.

27) Par arrêt du 30 juin 2020 (ATA/629/2020), la chambre administrative a déclaré le recours pour déni de justice irrecevable.

La chambre de céans avait déjà jugé dans la précédente cause ayant opposé les mêmes parties que B______ n’avait pas qualité pour recourir, en l’absence d’intérêt digne de protection tant de ses membres que d’elle-même, intérêt qui ne pouvait être reconnu qu’à des élèves concernés par l’école obligatoire au regard des intérêts protégés par la LESp. Il n’y avait pas lieu de s’écarter de l’arrêt précité, de sorte que le recours de B______ était irrecevable. La chambre de céans avait laissé indécise dans l’ATA/386/2018 la question de savoir si l’enfant de Mme A______ était concerné par l’école obligatoire, dès lors que son recours était irrecevable au motif qu’elle n’avait pas participé à la procédure non contentieuse. L’enfant de Mme A______, âgé de 10 ans, fréquentait certes l’école obligatoire, mais était scolarisé en primaire, où trois heures d’éducation physique hebdomadaires étaient dispensées. Ainsi, son enfant et elle ne disposaient d’aucun intérêt digne de protection pour recourir, de sorte que son recours était irrecevable pour ce motif, à défaut d’intérêt direct, actuel et concret. Même à admettre la recevabilité du recours de Mme A______, il devrait être rejeté dès lors que l’absence de la mesure organisationnelle qu’elle sollicitait ne péjorait pas la situation actuelle de son enfant, dans la mesure où il bénéficiait effectivement des trois heures d’éducation physique découlant de la LESp.

28) Par arrêt du 18 juin 2021 (2C_709/2020), le Tribunal fédéral a admis le recours de B______ et Mme A______ contre l’arrêt précité.

Dès lors qu'il existait une obligation pour les cantons de mise en œuvre de trois périodes hebdomadaires d'éducation physique, les mesures prises par les autorités administratives du canton de Genève en lien avec l'introduction de la troisième période hebdomadaire devaient, sur le principe, pouvoir faire l'objet d'un contrôle judiciaire. La chambre administrative devait donc, a priori, entrer en matière sur le recours pour déni de justice formé par B______ et Mme A______. La question qui se posait était de savoir si la Cour de justice pouvait néanmoins refuser en l'espèce d'entrer en matière pour défaut de qualité pour recourir.

La chambre administrative avait relevé avoir déjà admis la qualité pour recourir de Mme A______ dans l’ATA/386/2018 qui portait sur l'introduction de la troisième période d'éducation physique à l'école obligatoire à Genève à la rentrée 2016. On ne voyait pas qu'il puisse en aller différemment dans le cadre du présent litige, relatif à l'absence de décision concernant la mise en œuvre de la troisième période d'éducation physique. Il fallait partant reconnaître à cette dernière un intérêt digne de protection à obtenir qu'une autorité judiciaire contrôle la conformité au droit du courrier du département du 20 janvier 2020, eu égard notamment à l'arrêt de la chambre constitutionnelle du 19 mai 2016 retenant que la mise en œuvre de la troisième période d'éducation physique hebdomadaire s'imposait indépendamment des considérations d'ordre financier, organisationnel ou ayant trait aux infrastructures, d'une part, et à l'arrêt du Tribunal fédéral du
24 mai 2017 donnant pour injonction aux autorités de mettre en œuvre la troisième période d'éducation physique hebdomadaire dans les plus brefs délais, d'autre part.

En ce qui concernait B______, eu égard à ses buts de promotion de l'éducation physique et de défense de la place de l'éducation physique dans les cursus scolaires obligatoires, on devait admettre qu’elle avait un intérêt digne de protection propre à ce qu'une autorité judiciaire vérifie la conformité de la position du département au regard des exigences posées par le droit fédéral et des injonctions des autorités judiciaires.

L'arrêt de la chambre administrative devait être annulé et la cause renvoyée à cette autorité pour qu'elle entre en matière sur le recours formé pour déni de justice.

29) Le 25 juin 2021, la chambre administrative a imparti un délai aux parties pour faire valoir leurs observations suite à l’arrêt du Tribunal fédéral.

30) Le 22 juillet 2021, le département a demandé à pouvoir compléter ses écritures du 27 mars 2020, notamment en modifiant ses conclusions en ce sens qu’il s’en rapportait à justice sur la recevabilité du recours.

Il souhaitait compléter ses écritures sur le fond pour informer la chambre administrative que, dès la rentrée scolaire 2021, l’ensemble des élèves de 11ème année du cycle d’orientation bénéficierait de trois heures d’éducation physique.

Pour le surplus, il entendait persister dans ses conclusions de rejet sur le fond du recours.

31) Le 26 juillet 2021, les recourantes ont relevé qu’il incombait à la chambre administrative, au vu de l’arrêt du Tribunal fédéral, d’entrer en matière sur leur recours, de l’admettre et d’impartir un délai impératif à l’autorité intimée, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) pour s’exécuter.

Toute prolongation de délai devait être refusée, vu les temps morts déjà constatés et l’annulation rendue nécessaire par le Tribunal fédéral.

32) Le 28 juillet 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La recevabilité du recours a été admise par l'arrêt du Tribunal fédéral du
18 juin 2021 en ce qui concerne la qualité pour recourir des deux parties recourantes. Les autres conditions de recevabilité étant remplies, le recours est recevable.

Le Tribunal fédéral a ainsi renvoyé la cause à la chambre de céans pour qu'elle entre en matière sur le recours formé pour déni de justice.

2) L’autorité intimée a sollicité dans sa dernière écriture qu’un délai supplémentaire lui soit accordé pour compléter ses observations.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuve présentées en temps utile et dans les formes requises (ATF 145 I 73 consi. 7.2.2.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

b. En l’espèce, il ne sera pas accordé de délai supplémentaire à l’intimé pour produire une nouvelle écriture, dès lors que les éléments qu’il entend développer la modification de sa conclusion tendant à s’en remettre à justice quant à la recevabilité du recours et le fait que la troisième heure d’éducation physique est dispensée à l’ensemble des élèves de 11ème depuis la rentrée 2021 , ne sont pas nécessaires à la résolution du litige. Par ailleurs, les parties ont déjà pu faire valoir leur argumentation dans plusieurs écritures.

3) a. Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA). Toutefois, lorsque l’autorité compétente refuse expressément de rendre une décision, les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) imposent que le recours soit interjeté dans le délai légal, sous réserve éventuelle d’une fausse indication quant audit délai (ATA/1722/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2b et les références citées).

b. Pour pouvoir se plaindre de l’inaction de l’autorité, encore faut-il que l’administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l’obtention de la décision qu’il sollicite (ATA/699/2021 du 2 juillet 2021 consid. 9b ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n’a pas procédé à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (ATA/1210/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5c et 6).

c. Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/699/2021 précité
consid. 9c ; ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

d. La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b).

4) En vertu de l'art. 12 al. 4 LESp, l'enseignement à l'école obligatoire doit prévoir de manière obligatoire au moins trois périodes hebdomadaires d'éducation physique.

La scolarité obligatoire comprend les écoles enfantines, dans la mesure où elles sont obligatoires, le degré primaire et le degré secondaire I (art. 48 al. 1 de l'ordonnance du 23 mai 2012 sur l'encouragement du sport et de l'activité physique [ordonnance sur l'encouragement du sport] - OESp - RS 415.01).

5) Selon la grille horaire du cycle d’orientation (disponible sur le site internet de l’État de Genève : https://edu.ge.ch/enseignement/sites/default/files/2021-07/grille_horaire_2021_web.pdf, consulté le 7 septembre 2021), dès la rentrée scolaire 2021, trois heures d’éducation physique seront dispensées aux élèves des regroupements R1 et R2 en 9ème année, de la section Littéraire-scientifique (LS) en 10ème année et à tous les élèves en 11ème année.

6) a. En matière de scolarité, les cours et les actions y relatives des organes de l’école se caractérisent par le fait qu’il s’agit dans la plupart des cas d’actes matériels, plus particulièrement d’actes internes ou mesures organisationnelles, et ne sont pas attaquables. Une possibilité de recourir contre une décision existe toutefois si la situation juridique des élèves est en jeu et que des devoirs particuliers ou d’autres désavantages ne découlant pas déjà de leur statut spécial leur sont imposés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_272/2012 du 9 juillet 2012
consid. 4.4.3 et les références citées).

b. Dans l’arrêt 2C_272/2012 précité, qui se réfère au droit fédéral antérieur à l’entrée en vigueur de la LESp, le Tribunal fédéral a ainsi admis le recours dirigé contre un arrêt cantonal de dernière instance refusant d’entrer en matière sur un recours contre une décision d’un exécutif cantonal supprimant, pour des motifs d’économie, les cours d’éducation physique dans les écoles professionnelles. Il a considéré que cette mesure touchait les droits et obligations des élèves, dès lors que les cantons étaient tenus, de par le droit fédéral, de dispenser des cours d’éducation physique dans les écoles professionnelles et qu’à cette obligation correspondait le droit des élèves à recevoir lesdits cours, de sorte que l’acte en cause était sujet à recours (consid. 4.4).

Dans le même domaine, le Conseil fédéral, statuant sur un recours dirigé contre une décision d’un exécutif cantonal de suspendre les cours de sport pour les apprentis, avait déjà considéré qu’une telle mesure était contraire au droit fédéral, les compétences des cantons devant être exercées de manière conforme à celui-ci, lequel ne souffrait pas d’exceptions en matière de cours d’éducation physique, même pour des motifs tenant aux finances cantonales (décision du Conseil fédéral du 16 mai 2001, JAAC 2001/65.100, consid. 4 et 5).

Dans l’arrêt de renvoi dans la présente procédure (2C_709/2020 précité), le Tribunal fédéral a notamment relevé que dès lors qu'il existait une obligation pour les cantons de mise en œuvre de trois périodes hebdomadaires d'éducation physique, imposée par le droit fédéral, les mesures prises par les autorités administratives du canton de Genève en lien avec l'introduction de la troisième période hebdomadaire devaient, sur le principe, pouvoir faire l'objet d'un contrôle judiciaire en vertu de l'art. 29a Cst. A fortiori, un contrôle judiciaire s'imposait lorsque l'autorité administrative, comme en l'espèce, invoquait des obstacles à la concrétisation de cette obligation, mais ne rendait pas de décision formelle (qu'il s'agisse d'une non-entrée en matière ou d'un rejet), alors qu'il lui était demandé de prendre formellement position. La Cour de justice devait donc, a priori, entrer en matière sur le recours pour déni de justice formé par les recourantes au motif que le département n'avait pas rendu de décision formelle à la suite de leur (énième) demande tendant à ce que la troisième période d'éducation physique hebdomadaire soit mise en œuvre (consid. 4.4).

7) a. En l’espèce, il apparaît que, depuis la rentrée 2021, trois heures d’éducation physique sont dispensées à l’ensemble des élèves de l’école primaire, ainsi qu’à l’ensemble des élèves du secondaire I, à l’exception de celles et ceux scolarisés en R3 durant la 9ème année et en section communication et technologie (CT) et langues vivantes et communication (LC) en 10ème année.

Il n’est pas contesté que la mise en œuvre par le département de la troisième période d’éducation physique dans tous les degrés de l’école obligatoire ainsi que les actes qui s’y rapportent, tel que le remaniement des grilles horaires, constitue un acte matériel, plus précisément un acte interne ou une mesure organisationnelle, comme l’a déjà jugé la chambre de céans (ATA/386/2018 précité consid. 3).

Les recourantes considère que dans la mesure où ces actes ont un effet sur leur situation d’une part en empêchant les professeurs de gymnastique d’enseigner le nombre de périodes que le droit fédéral leur attribue et d’autre part en ne permettant pas aux élèves de bénéficier d’un enseignement d’éducation physique adapté à leur santé , ils doivent pouvoir faire l'objet, à défaut d’une mise en œuvre conforme à la loi, d’une décision sujette à recours de la part du département.

Le Tribunal fédéral a relevé, dans l’arrêt de renvoi auquel la chambre de céans est lié, que les mesures prises par les autorités administratives du canton de Genève en lien avec l'introduction de la troisième période hebdomadaire devaient pouvoir faire l'objet d'un contrôle judiciaire en vertu de l'art. 29a Cst.

Ceci dit, un recours pour déni de justice ne peut tendre qu’au prononcé d’une décision ou à l’accomplissement d’un acte matériel. La chambre de céans ne pouvant ordonner à l’autorité intimée la mise en œuvre d’une mesure organisationnelle, le recours ne peut viser que le prononcé d’une décision au sens de l’art. 4A al. 2 LPA, ce que les recourantes ne contestent pas.

b. En l’occurrence, les parties recourantes ont invité, par courrier du 9 janvier 2020, la conseillère d’État en charge du DIP à rendre une décision formelle confirmant qu’une troisième période d’éducation physique hebdomadaire pour tous les niveaux de l’école obligatoire serait introduite à la rentrée 2020-2021.

Compte tenu du fait que l’année scolaire 2020-2021 est dorénavant achevée, l’intérêt à obtenir une telle décision n’apparaît plus actuel. Cela étant, une contestation comme celle du cas d'espèce, relative à l'absence de décision sur l’entrée en vigueur de la troisième heure d’éducation physique pour tous les élèves de l’école obligatoire, est susceptible de se reproduire chaque année, tant que cette mesure n’est pas pleinement effective. De plus, l’on comprend bien que les recourantes sollicitent une décision portant sur l’entrée en vigueur effective d’une troisième période d’éducation physique hebdomadaire pour tous les niveaux de l’école obligatoire. Les conditions pour faire abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel sont donc en l'espèce réunies.

c. Dans son courrier de réponse du 28 janvier 2020, la conseillère d’État en charge du DIP ne s’est pas explicitement prononcée sur la demande de décision, se référant uniquement à la teneur de ses précédents courriers et faisant état de contraintes budgétaires liées aux décisions du Grand Conseil sur le budget. Cette missive ne saurait dès lors être qualifiée de décision, ce que ne prétendent d’ailleurs ni les recourantes ni l’autorité intimée.

Au vu des considérants qui précèdent, le département doit rendre une décision formelle suite à la demande explicite dans ce sens formée par les recourantes. La chambre administrative ne saurait toutefois impartir un délai impératif à l’autorité intimée, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, pour s’exécuter, comme le sollicitent les parties recourantes.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis. Le dossier sera retourné au département pour qu’il rende une décision sujette à recours quant à la mise en œuvre de la troisième heure d’éducation physique pour l’ensemble des élèves de l’école obligatoire.

8) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 2’500.- sera allouée aux recourantes, solidairement entre elles, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mars 2020 par B______ et Madame A______ pour déni de justice à l’encontre du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse ;

au fond :

l’admet ;

renvoie le dossier au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse afin qu’il rende une décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure à B______ et à Madame A______ de CHF 2'500.-, solidairement entre elles, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des recourantes, ainsi qu’au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory, Chenaux et Mascotto, juges.


Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :