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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/632/2020

ATA/782/2021 du 27.07.2021 sur JTAPI/305/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/632/2020-PE ATA/782/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juillet 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Marco Rossi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 mars 2021 (JTAPI/305/2021)


EN FAIT

1) Monsieur M. A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

Il est arrivé à Genève en 1998 où il a été scolarisé jusqu'en 2000, année où, selon ses propres déclarations faites aux gardes-frontière le 26 mai 2014, il est retourné au Kosovo.

2) Le 29 novembre 2018, il a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour en raison d'un cas individuel d'une extrême gravité, selon l’« opération Papyrus ». Il a expliqué qu'après son arrivée en Suisse en 1998, il était reparti au Kosovo (sans préciser la date de ce retour), puis revenu en Suisse en janvier 2008 pour travailler. Il avait travaillé de nombreuses années dans le domaine de la construction, plus précisément en tant que monteur en échafaudages, en dernier lieu auprès de B______ SA où il percevait des revenus lui assurant son indépendance financière, étant précisé qu'il n'avait jamais bénéficié d'une quelconque aide sociale. Il avait une bonne maîtrise de la langue française, qu'il utilisait tant dans le cadre professionnel que personnel. Parfaitement intégré en Suisse, il avait pu être indépendant sur le plan financier dès son arrivée et ne faisait l'objet d'aucune poursuite. En septembre 2016, il avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour des lésions corporelles simples et contravention à la loi sur les armes. Ces infractions étaient liées au fait qu'il avait voulu porter secours à une jeune femme qui avait requis son aide, alors qu'elle avait été importunée par un tiers.

M. A______ a produit une attestation de stage effectué du 8 juin au 12 août 2008 et le 5 octobre 2009 auprès de C______ Sàrl. D______Sàrl indiquait qu'il avait travaillé du 12 au 16 décembre 2011 ainsi que du 17 au 21 septembre 2012 en tant qu'aide monteur en échafaudages. E______ Sàrl attestait d’une prise d'emploi le 28 janvier 2017 pour un salaire mensuel brut de plus de CHF 4'800.-. Il a produit le contrat de travail de durée indéterminée conclu avec la société B______ SA le 2 octobre 2018.

3) Par courrier du 16 septembre 2019, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de rejeter sa requête. Il n'avait pas été en mesure de démontrer la durée de dix ans de son séjour telle que requise par l'« opération Papyrus ». De plus, il avait déclaré à plusieurs reprises, entre 2015 et 2016, lors de ses interpellations par la police, le service des douanes et devant les tribunaux genevois, qu'il ne résidait pas à Genève, mais en France.

4) Exerçant son droit d’être entendu, M. A______ a indiqué le 28 octobre 2019 qu'il reconnaissait avoir parfois fourni une adresse française aux autorités suisses lors de contrôles en 2015 et 2016, ce qu’il regrettait. L’adresse correspondait à celle de l'un de ses frères. Il avait agi ainsi parce qu'il avait peur de faire l'objet d'une mesure de contrainte administrative, voire d'une condamnation, étant rappelé qu'à l'époque, il n'avait pas encore la possibilité de solliciter un titre de séjour dans le cadre de l'« opération Papyrus ». Il avait séjourné à Genève pendant plus de dix ans, étant rappelé qu'il y avait même vécu plus de vingt ans auparavant et qu'il y avait été scolarisé. Il avait fourni la preuve de son séjour en Suisse pour les années 2015 et 2016 avec les quittances des envois d'argent effectués depuis Genève par la société N______. S'il avait habité en France, on ne voyait pas pour quelle raison il aurait envoyé de l'argent depuis la Suisse. Il tentait de réunir davantage de preuves de son séjour à Genève en 2015 et 2016.

5) Par courrier du 29 novembre 2019, il a adressé à l'OCPM une attestation d’O______ Fitness Genève P______ du 4 novembre 2019 indiquant qu'il avait été client auprès de ce centre pour des contrats successifs du 4 mars 2013 au 3 mars 2014, du 4 mars 2014 au 3 mars 2015, du 24 mars au 23 juin 2015, du 7 septembre au 6 décembre 2015 et du 12 juin 2016 au 11 juin 2017.

6) Par décision du 17 janvier 2020, l'OCPM a rejeté la demande de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse

Celui-ci n'avait pas été en mesure de prouver son séjour en Suisse de 2009 à 2013 ainsi qu’en 2017. Les condamnations pénales permettaient de confirmer le séjour illégal de 2014 à 2016, mais les attestations de travail fournies étaient insuffisantes (catégorie B) pour prouver le séjour de 2009 à 2012. Il n'avait pas démontré une très longue durée de son séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Il n'avait pas non plus démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place.

7) Par acte du 17 février 2020, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à l'annulation de cette décision et à ce que la cause soit renvoyée à l'OCPM afin qu'il transmette sa requête au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis positif. À titre préalable, il a demandé un délai supplémentaire pour le dépôt d'une liste de témoins.

Il a produit une attestation de F______(ci-après : F______) du 10 février 2020, sous une signature illisible apposée sur le timbre humide et avec la mention « prof du club F______ », rédigée en ces termes : « Je, soussigné A______, né le ______ 1985 à Gjakove/Kosovo et résidant à Rue G______, 1220 Les Avanchets/GE, atteste avoir été membre régulier du club F______ à Rue H______, 1203 Genève entre 2009 et 2012 ».

Il considérait avoir démontré son séjour à Genève de 2009 à 2013 à travers l'attestation de F______ et celle du fitness. Il allait compléter ces preuves par le dépôt d'une liste de témoins, mais il fallait d'ores et déjà relever l'extrême difficulté de démontrer un séjour qui, par sa nature illicite, se voulait secret. Selon lui, les autorités se devaient de faire preuve d'une certaine souplesse dans l'appréciation des preuves. L'OCPM avait manifestement oublié qu'il avait déjà séjourné en Suisse de 1998 à 2000, en y étant scolarisé. À supposer qu'il manque la preuve d'une année ou l'autre, isolément, il était établi qu'il était venu travailler en Suisse dès l'année 2008 et qu'il y avait donc passé les douze dernières années de sa vie de jeune adulte, sans jamais retourner dans son pays d'origine. Du fait de sa scolarité pendant plusieurs années de son adolescence et de ses nombreuses années de travail en tant que jeune adulte, il avait manifestement noué des liens particulièrement étroits avec la Suisse et n'en avait plus aucun avec son pays d'origine. Il lui serait impossible de s'intégrer professionnellement et socialement au Kosovo, en raison des habitudes qu'il avait prises au contact de la Suisse. Même à supposer que son séjour en Suisse n'ait pas été prouvé pendant l'une ou l'autre des dix dernières années, l'OCPM aurait ainsi tout de même dû donner une suite favorable à sa demande, sa situation constituant un cas personnel d'extrême gravité.

8) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

9) Interpellé par le TAPI, M. A______ a indiqué le 18 juin 2020 les différentes entreprises dans lesquelles il avait travaillé de 2009 à 2020. Il a notamment mentionné les entreprises.

10) Par courriers respectifs des 3 et 6 juillets 2020, Q______ Échafaudages a indiqué au TAPI qu’elle n’avait pas engagé M. A______ à un poste fixe entre 2011 et 2012. I______ a indiqué que celui-ci n’avait jamais fait partie de son personnel.

11) Le 31 juillet 2020, M. A______ a déposé une liste de huit témoins dont il avait fait la connaissance ou qu'il avait côtoyés à différents moments de 2009 à début 2020, à chaque fois dans les entreprises où il avait travaillé. Parmi ces dernières, il a notamment désigné I______ et J______.

12) À la demande du TAPI, M. A______ a précisé par courrier du 24 août 2020 que l'entraîneur de karaté de F______ était Monsieur K______. Il invitait le TAPI à convoquer également en qualité de témoin Monsieur L______, avec lequel il s'était entraîné dans un autre club de sport.

13) Interpellée par le TAPI, l'F______, sous la signature de M. K______, a indiqué par courrier non daté mais posté le 2 septembre 2020, que M. A______ avait fréquenté le club pendant une période d'approximativement une année. Néanmoins, il n'était pas possible d'indiquer exactement les dates de ses entraînements et surtout la fréquence de ses passages au club.

14) Par courrier du 8 septembre 2020, M. L______ s'est adressé au juge de première instance en indiquant qu'il était un ami de M. A______ depuis environ dix ans. Il était au courant de ses antécédents judiciaires, « y compris les malheureux et ponctuels écarts commis vis-à-vis de la législation pertinente de la Suisse et dont le dernier acte délictuel remonte à environ cinq ans ». Néanmoins, M. A______ était une personne fiable et honnête qui avait la culture du travail, le sens du partage, de la solidarité et du respect d'autrui. Il l'avait connu dans un club de fitness, mais en dehors de ce cadre, il avait partagé des repas en famille ou des rencontres autour d'un verre. Il espérait que le TAPI ferait preuve à son égard de mansuétude.

15) L'OCPM a indiqué que les actes d'instruction ne modifiaient pas sa position.

16) M. A______ a à nouveau invité le TAPI à convoquer les témoins dont il avait fourni les coordonnées.

17) Interpellé par le Corps des gardes-frontière le 26 mai 2014, alors qu'il se trouvait à bord d'un véhicule des Transports publics genevois (ci-après : TPG) s'apprêtant à quitter la Suisse à la frontière de Moillesulaz, M. A______ a déclaré qu'il se trouvait sur le territoire suisse parce qu'il était venu voir un match de football la veille et qu'il avait raté le train, ce qui ne lui avait pas permis de rentrer. Il se trouvait sur le territoire suisse depuis la veille à 17 heures et était arrivé par la Gare de Cornavin. Il avait demandé l'asile en 1998 et à la suite du refus qui lui avait été notifié, il était retourné au Kosovo en 2000. Il était revenu en France en 2010 comme demandeur d'asile. Cette demande avait été refusée. Il habitait avec son frère qui vivait en France, rue rue M______ à Villeurbanne. Il voyait son amie la journée à Genève en ville, mais n'allait pas chez elle, car elle habitait à Berne. À la question de savoir s'il comptait revenir régulièrement pour la voir, il a répondu que s'il continuait à sortir avec elle, ce serait le cas. Il ne pensait pas qu'il aurait autant de problèmes et allait dès lors lui demander de venir en France. Son frère lui donnait de l'argent quand il en avait besoin, car ils étaient très proches. À la question de savoir pourquoi il avait tenté de se légitimer avec le titre de séjour de son frère, il a répondu qu'il n'avait pas de papiers pour vivre ni en France ni en Suisse.

18) À la suite d’une bagarre à laquelle il avait été mêlé dans le quartier des Pâquis avec le client qu'une amie prostituée venait de rencontrer, M. A______ a déclaré à la police, le 23 février 2015, qu'il savait faire l'objet d'une interdiction d'entrée valable jusqu'au 17 septembre 2016. Concernant les cartes et tickets de caisse provenant de commerces et d'établissements publics genevois et portant différentes dates, il a exposé qu'il venait souvent à Genève car son amie y vivait. Bien qu'elle habite Berne, elle faisait ses études à Genève. S'agissant de l'abonnement de fitness trouvé dans ses affaires, il a indiqué qu'il aimait bien le sport et avait pris un abonnement de fitness pour cette raison. À la question de savoir s'il admettait vivre à Genève de façon permanente, il a répondu que tel n'était pas le cas, mais qu'il venait souvent à Genève, deux fois par mois. Cependant, son adresse principale était à Lyon. Il n'avait pas d'autorisation de séjour en France. Il était venu en Suisse en 1998 avec sa famille en tant que réfugié. Une fois la guerre finie, il était retourné au Kosovo. En 2010, il s'était rendu en France, chez son frère. Ses parents se trouvaient au Kosovo avec son frère cadet et ses trois sœurs. Il avait un frère qui habitait en France, chez qui il vivait.

19) Par ordonnance pénale prononcée par le Ministère public le 15 mars 2016, M. A______ a été reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers pour avoir pénétré à plusieurs reprises sur le territoire suisse alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires, entre le 23 février 2015 et le 10 février 2016. Cette ordonnance précise que lors de son audition devant le Ministère public le 9 mars 2016, il avait expliqué avoir une copine qui vivait en Suisse et qu'il attendait de pouvoir se marier avec elle. Il avait vécu la plupart du temps chez son frère à Villeurbanne entre le 23 février 2015 et sa dernière arrestation du 10 février 2016. Il n'était venu en Suisse que ponctuellement pour voir son avocat ou sa copine.

20) Par jugement du 26 septembre 2016, le Tribunal de police de Genève a condamné M. A______ à soixante jours-amende à CHF 10.- pour lésions corporelles simples et infraction contre la loi fédérale sur les étrangers, pour les faits survenus le 23 février 2015.

21) Par jugement du 29 mars 2021, le TAPI a rejeté le recours de M. A______ contre la décision de l’OCPM.

L’audition des témoins requise n’était pas de nature à établir le séjour continu de l’intéressé en Suisse. Des périodes d’absence pouvaient facilement passer inaperçues auprès de collègues de travail fréquentés dans le cadre d’engagements ponctuels, dans des emplois non déclarés. Le TAPI ne serait ainsi pas en mesure de se fier au souvenir de personnes qui avaient fréquenté l’administré, en particulier pour savoir s’il était possible de recouper leurs déclarations. Par ailleurs, le recourant avait déclaré à plusieurs reprises qu’entre 2014 et 2016, il vivait en France. Il n’y avait donc pas lieu de procéder aux actes d’instruction sollicités.

Pour le surplus, l’intéressé ne pouvait se prévaloir d’une intégration exceptionnelle en Suisse ni de difficultés de réintégration au Kosovo.

22) Par acte expédié le 11 mai 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, préalablement, à l’audition de plusieurs témoins et, principalement, au renvoi du dossier à l’OCPM afin qu’il le transmette avec un préavis positif au SEM en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour.

Le litige portait sur la question de savoir s’il avait séjourné en Suisse de manière continue pendant dix ans. Les pièces produites, y compris une attestation de l’agence N______ du 26 avril 2021 portant sur les transferts d’argent effectués au Kosovo entre 2013 et 2021, établissaient sa présence à Genève depuis 2008. L’ensemble des indices qu’il avait apportés aurait dû conduire le TAPI à donner suite à son offre de preuve. Il était compréhensible que, se trouvant en situation illégale, le recourant ait faussement indiqué en 2014, 2015 et 2016 qu’il n’était pas domicilié en Suisse. Le TAPI aurait ainsi dû poursuivre l’instruction.

En outre, il avait vécu de 1998 à 2000, puis depuis 2009 à Genève. Il n’était depuis retourné qu’une seule fois, récemment, au Kosovo. L’ensemble de ses liens d’amitié se trouvaient à Genève. Il lui serait très difficile de se réintégrer dans son pays d’origine, compte tenu de ses attaches avec la Suisse (« habitudes professionnelles, mentalité, mœurs, culture, etc. »). Les témoins dont il avait demandé l’audition pouvaient le confirmer, « du moins en partie ».

23) L’OCPM a conclu au rejet du recours, se référant à sa décision et au jugement querellé.

24) Dans sa réplique, le recourant a indiqué qu’il n’avait rien à ajouter.

25) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a sollicité son audition ainsi que celle de différents témoins susceptibles de démontrer son séjour continu en Suisse de plus de dix ans.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l'occasion d'exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM que le TAPI et la chambre de céans. Il y a en particulier exposé qu’il séjourne depuis 2009 à Genève, en soutenant notamment que les indications contraires données aux autorités avaient été motivées par le fait qu’il se savait en situation irrégulière. Il n'apparaît pas que son audition soit de nature à apporter d'autres éléments pertinents que ceux qu'il a déjà exposés par écrit ; il ne le soutient d'ailleurs pas.

Par ailleurs, il a sollicité l'audition de plusieurs témoins, dont il n’a pas cité les noms. L’on comprend toutefois de son écriture qu’il s’agit des personnes figurant sur la liste de témoins qu’il avait déposée devant le TAPI. L’audition de ces témoins devrait, selon le recourant, établir son séjour continu en Suisse depuis 2009 ainsi que ses difficultés de réintégration au Kosovo. Or, comme cela sera exposé ci-après, ces éléments, même s’ils étaient établis, ne sont pas de nature à modifier l'issue du litige.

Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction demandés.

Pour les mêmes motifs, le TAPI, qui a procédé à une appréciation anticipée des preuves, n’a pas violé le droit d’être entendu du recourant en ne donnant pas suite aux auditions sollicitées.

3) Est litigieuse la question de savoir si l’OCPM a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier du recourant avec un préavis favorable au SEM et prononcé son renvoi de Suisse.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr- RS 142.20) et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI), les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 précité consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote Papyrus, le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agit pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjourne et travaille illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation est constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L'« opération Papyrus » n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

4) En l’espèce, quand bien même il conviendrait d’admettre que le recourant aurait séjourné depuis 2009 en Suisse – point qui en l’état peut demeurer indécis – il y a lieu de relever ce qui suit.

Le recourant a, à trois reprises, soit lors de son arrestation par les gardes-frontière en mai 2014, lors de son audition par la police en février 2015 et lors de son audition par le Ministère public en mars 2016, indiqué à ces trois différentes autorités qu'il résidait avec son frère en France, à Villeurbanne. Lors de deux de ces auditions, il a déclaré qu'après être retourné au Kosovo en 2000, il était revenu en France en 2010 et y avait déposé une demande d'asile. En outre, lors de son interpellation par les gardes-frontière en 2014, il s’est légitimé au moyen du titre de séjour dont dispose son frère en France, cherchant ainsi à induire en erreur les autorités non seulement sur son séjour en Suisse, mais également sur son identité.

Outre les condamnations pour séjour illégal prononcées le 4 juin 2008 par la préfecture de Lausanne, le 5 novembre 2014 par le Ministère public genevois et le 26 septembre 2016 par le Tribunal de police de Genève, le recourant a également été condamné, dans le jugement précité, pour lésions corporelles simples et infraction à la loi fédérale sur les armes pour avoir détenu un spray au poivre et une matraque téléscopique à l’occasion de la commission de l’infraction de lésions corporelles simples.

Enfin, le recourant a fait l’objet, par décision notifiée le 2 octobre 2014, d’une interdiction d’entrée valable du 18 septembre 2014 au 17 septembre 2016, et d’une seconde interdiction d’entrée, prononcée le 28 octobre 2016, valable jusqu’au 27 octobre 2020.

Au vu de ces comportements, le recourant ne saurait se prévaloir de l’« opération Papyrus », ayant été condamné non seulement pour séjour illicite, mais également pour entrée illégale, lésions corporelles simples et infraction à la loi sur les armes. Il ne peut davantage se prévaloir d’une intégration réussie. Au contraire, il a, de manière répétée, fait fi de l’interdiction d’entrée en Suisse et s’est rendu coupable d’infractions dont la répression vise à protéger l’intégrité physique (lésions corporelles et port d’armes non autorisées). En outre, il s’est prévalu de l’identité de son frère lors de son interpellation par les gardes-frontière et reconnaît, dans son recours, avoir indiqué de fausses adresses. Son comportement dénote ainsi un certain mépris pour le respect de l’ordre et de la sécurité publics suisses.

Son intégration professionnelle ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Ses connaissances professionnelles acquises, notamment, en qualité d’aide-monteur en échafaudages, n'apparaissent, en outre, pas spécifiques à la Suisse ; le recourant ne fournit en tout cas aucune pièce ou explication, qui permettrait de retenir que tel serait le cas. Il sera donc en mesure d'utiliser ces connaissances au Kosovo.

Le recourant n'établit pas non plus qu'il aurait tissé des liens amicaux et affectifs à Genève d'une intensité telle qu'il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication moderne. Il n'allègue pas non plus qu'il se serait investi dans la vie sociale, associative ou culturelle à Genève. À défaut d'éléments concrets indiquant une forte intégration sociale en Suisse, celle-ci ne peut être retenue.

Si le recourant a séjourné de 1998 à 2000 en Suisse, il a selon ses dires vécu ensuite de 2000 à 2009 au Kosovo. Il a ainsi passé, sous réserve de deux ans, son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte au Kosovo, soit les périodes déterminantes pour le développement de la personnalité. Il connaît les us et coutumes de son pays et en maîtrise la langue. Selon ses indications, une partie de sa famille est restée au Kosovo. Enfin, il est âgé de 36 ans et en bonne santé. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que sa réintégration soit fortement compromise.

Au contraire, son expérience professionnelle acquise en Suisse, son relatif jeune âge et son bon état de santé constituent autant d'éléments qui lui permettront de se réintégrer dans son pays. Le fait de devoir, après plusieurs années d’absence de son pays, s’adapter à d’autres « habitudes professionnelles, mentalité, mœurs, culture », comme il l’évoque, ne suffit pas à retenir que sa réintégration professionnelle et sociale serait gravement compromise. À cet égard, le recourant ne fait pas valoir de circonstances particulières qui permettraient de retenir que tel serait le cas, ses allégations demeurant générales. En outre, comme déjà évoqué, le recourant a passé la plus grande partie de sa vie au Kosovo, même en retenant qu’il séjournerait depuis 2009 en Suisse. Dans cette dernière hypothèse le fait de devoir se réinsérer dans les « habitudes professionnelles, mentalité, mœurs, culture » du pays d’origine est inhérent à toute personne devant quitter le territoire suisse du fait qu’elle n’en remplit pas les conditions de séjour. Sa situation n'est en tous cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de raison personnelle majeure au sens de la loi. L'OCPM n'a donc pas violé la loi ni consacré un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation en refusant de préaviser favorablement une autorisation de séjour en faveur du recourant auprès du SEM.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, le recourant ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Il ne saurait donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.

5) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que le renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; celui-ci ne le fait d'ailleurs pas valoir.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 mai 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco Rossi, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Droin, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.