Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/732/2020

ATA/710/2021 du 06.07.2021 sur JTAPI/978/2020 ( LDTR ) , IRRECEVABLE

Parties : CHAMBAZ Cyril, AGESCOM ADMINISTRATION ET GESTION DE COMMERCES SA ET / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, ALLIANZ SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES SUR LA VIE SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/732/2020-LDTR ATA/710/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 juillet 2021

 

dans la cause

 

Monsieur Cyril CHAMBAZ

et
AGESCOM ADMINISTRATION ET GESTION DE COMMERCES SA

représentés par Me Livio Natale, avocat

contre

 

ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SUR LA VIE SA

représentée par Me Emmanuelle Guiguet-Berthouzoz, avocate

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 novembre 2020 (JTAPI/978/2020)


EN FAIT

1) Allianz Suisse société d’assurances sur la vie SA (ci-après : Allianz) est propriétaire d’un immeuble sur la parcelle no 2'230 feuille 14, de la commune de Genève-Eaux-Vives, sise à l’adresse 32, avenue de Frontenex.

2) Agescom administration et gestion de commerces SA (ci-après : Agescom) est locataire d’une arcade au rez-de-chaussée de cet immeuble.

3) Monsieur Cyril CHAMBAZ est également locataire de locaux commerciaux à cette adresse.

4) Allianz a déposé une demande d’autorisation de construire préalable, reçue le 21 janvier 2019, auprès du département du territoire (ci-après : le département ou le DT), visant à ériger un immeuble de logements avec activités sur la parcelle susmentionnée. Était jointe à cette requête une demande de démolition pour les deux bâtiments d’activités actuellement situés sur celle-ci.

Le courrier d’accompagnement de l’architecte spécifiait que le projet s’intégrait dans le gabarit légal et que la géométrie de la parcelle ne permettait pas de construire une rampe ni un parking souterrain, ce qui expliquait la demande de places de stationnement louées dans les parkings situés dans un rayon de 300 m. Différents scénarios d’affectation de l'immeuble étaient examinés, dans le respect du plan d’utilisation du sol (ci-après : PUS) de la Ville de Genève (ci-après : la ville).

5) Dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de construire, tous les préavis délivrés étaient favorables, dont certains avec conditions, dérogations ou souhaits, à savoir, en particulier :

- celui du 6 mars 2019 de l’office cantonal de l’environnement (ci-après : OCE) prévoyant que le maître de l’ouvrage devait s’assurer que les exigences de l’art. 31 al. 1 de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) étaient respectées et si nécessaire et par exemple, adapter la typologie ou mettre en œuvre des mesures constructives ;

- celui de l'office de l'urbanisme du 8 mars 2019, sans observations ;

- celui du 19 mars 2019 de l’office cantonal des transports (ci-après : OCT), prévoyant que le nombre de places voitures à mettre à disposition variait selon la répartition des surfaces brutes de plancher (ci-après : SBP) affectées aux logements et aux activités dans la demande définitive. En cas d’impossibilité constructive ou de coût prohibitif pour construire le parking à voitures sur la parcelle, il faudrait déposer une demande de dérogation à joindre à la demande définitive. Une solution consistant à trouver des places disponibles dans un périmètre de 300 m autour du projet était envisageable. Les places à vélos et à deux-roues motorisés devaient être réalisées sur la parcelle ;

- celui du 20 mars 2019 de la ville, exigeant qu'une partie des SBP de la nouvelle construction devrait obligatoirement être affectée à du logement soit, conformément au règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la Ville de Genève du 20 février 2007 (RPUS - LC 21 211), au minimum 810 m2. Elle se prononcerait sur la demande de démolition uniquement dans le cadre de l’instruction d’une demande définitive sur les parcelles concernées. Ce préavis a été confirmé le 8 octobre 2019 ;

- celui du 18 septembre 2019 de l’office des autorisations de construire (OAC), avec dérogation. La toiture de la construction basse sur cour ne serait pas accessible et le balcon en limite des parcelles voisines n’était pas autorisé ;

- celui du 24 septembre 2019 de la commission d’architecture (ci-après : CA), favorable à une dérogation au sens de l’art. 11 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Au vu du contexte urbanistique, la CA était favorable au gabarit proposé sur l’avenue de Frontenex. À ce stade, elle se réservait sur les aspects typologiques.

6) Dans le cadre de l’autorisation de démolir, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a émis un préavis favorable le 25 février 2019. Le bâtiment était représentatif de la production courante des immeubles administratifs de la période en cause mais ne présentait pas d’intérêt patrimonial justifiant l’ouverture d’une procédure de mise sous protection. Le SMS demandait à ce que l’autorisation de démolir soit toutefois subordonnée à l’acceptation de l’autorisation des travaux de remplacement.

7) Par décision DP 18'819 du 6 février 2020, le département a autorisé Allianz, moyennant respect des divers préavis y mentionnés, à construire un immeuble de logements avec activités conformément aux plans visés ne varietur du 6 février 2020, « sous réserve des conditions particulières de l’autorisation ».

Cette décision fixait l’implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture de la construction projetée. Elle a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le même jour.

8) Par décision M 8'317 du même jour, le département a parallèlement autorisé Allianz à démolir les deux bâtiments d’activités actuellement érigés sur la parcelle en cause, autorisation publiée dans la FAO du 6 février 2020.

9) Le 6 février 2020 encore, le département a informé la ville de la délivrance des autorisations précitées. L’ensemble des instances de préavis s’était déclaré favorable au projet, avec ou sans réserves. Les conditions techniques mentionnées par la ville dépendaient de la répartition définitive des affectations des locaux, qui n’étaient pas encore arrêtées au stade de l’autorisation préalable. Le préavis de la ville était toutefois communiqué au requérant à titre informatif. L’autorisation de construire préalable intégrait le respect du RPUS.

L'autorisation de démolir était délivrée parallèlement, dans la mesure où, selon l’art. 15 al. 3 LCI, une telle autorisation n’était pas liée, sauf exceptions non réalisées en l’espèce, à la présentation d’un projet de construction.

10) Par actes distincts du 26 février 2020, Agescom a recouru contre ces deux décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à leur annulation.

Le recours dirigé contre l’autorisation DP 18'819 a été enregistré sous le numéro de procédure A/732/2020 et celui contre l’autorisation M 8'317 sous numéro A/734/2020.

Agescom avait un intérêt économique et pratique à l’annulation de ces décisions puisque, si la procédure suivait son cours, elle serait amenée à déménager et perdrait sa clientèle de quartier.

L’autorisation de construire devait être annulée car aucune place pour deux roues motorisées n’était prévue sur la parcelle, alors que l’OCT l’avait clairement requis dans son préavis. Les valeurs limites d’immissions (ci-après : VLI) étaient dépassées la nuit sur les façades du projet situées sur l’avenue de Frontenex, tant pour les locaux d’exploitation que pour les locaux à usage sensible. L’art. 43 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) était violé, dans la mesure où l'on n'avait pas recueilli les observations des locataires. L’art. 10 RPUS n’était pas respecté, le projet querellé induisant la perte d’un des seuls commerces de proximité encore présents dans le quartier. L’art. 14 LCI était violé, l’augmentation du nombre de logements entraînant un accroissement du trafic routier et de nuisances sonores « intolérables ». Le projet allait par ailleurs à l'encontre de l'art. 15 LCI, car il était de mauvaise qualité et « déconstruit ». Les nouveaux loyers seraient de toute évidence hors de prix. Le projet était dépassé en termes de typologie, d’urbanisation et de mobilité.

S’agissant de l’autorisation de démolir, outre les arguments déjà évoqués, les art. 5 et 6 LDTR avaient été violés. Le projet ne fournissait aucune garantie que les logements créés répondraient aux exigences légales. Les nouveaux loyers ne s’adresseraient qu’à une tranche de population qui n’était pas touchée par la pénurie de logements. Il n’y avait aucun sens à avoir un chantier sans autorisation de construire définitive entrée en force, au centre-ville, ce qui était la position du SMS et de la ville.

11) Par actes distincts du 6 mars 2020, M. CHAMBAZ a également formé recours au TAPI, reprenant les mêmes argumentations et conclusions qu’Agescom.

Ces recours ont été enregistrés sous A/892/2020 en ce qui concerne l’autorisation DP 18'819 et sous A/893/2020 pour l’autorisation de démolir M 8'317.

12) Par décision du 25 mars 2020 (DITAI/150/2020), le TAPI a ordonné la jonction des quatre procédures susmentionnées sous la cause A/732/2020 et « restitué en tant que besoin » l’effet suspensif aux recours dirigés contre l’autorisation de démolir M 8'317.

13) Allianz a conclu, le 13 mai 2020, au rejet des recours et à la confirmation des autorisations délivrées le 6 février 2020.

Elle revenait sur l’historique de l’immeuble qu’elle avait dans un premier temps souhaité rénover entièrement. Toutefois, cet immeuble, construit en 1960, ne répondait plus à de nombreuses normes. Dès lors, elle avait décidé, à partir de mars 2017, de procéder à sa démolition/reconstruction.

La demande préalable ne pouvait pas être remise en cause en raison des places de stationnement, de la violation de l’OPB, de l’application du RPUS, et de violations des art. 14 et 15 LCI, questions qui seraient traitées dans la demande définitive. En outre, le projet soumis au département avait été étudié par les services compétents qui ne s’opposaient pas à sa réalisation, démontrant ainsi qu’il ne s’agissait pas d’un mauvais projet.

La LDTR ne s’appliquait pas au projet, puisque l’immeuble actuel était affecté exclusivement à des locaux commerciaux. Au vu du type de demande déposée, le propriétaire n’était pas tenu à ce stade de fixer la taille des appartements ni d’obtenir une décision de l’office du logement concernant le montant des futurs loyers.

Le dépôt de la demande de démolition était une exigence de l’OAC. Il ne faisait aucun doute qu’elle entendait reconstruire un immeuble sur la parcelle en cause.

14) Le département a conclu, le 15 mai 2020, à l’irrecevabilité des recours et, subsidiairement, à leur rejet.

De jurisprudence constante, les locataires n’avaient pas d’intérêt digne de protection à l'annulation d'une autorisation de démolir, ni d'une autorisation préalable de construire. Leurs griefs démontraient par ailleurs l’absence d’intérêt pratique et direct, la modification du projet sur les points soulevés n’ayant aucune influence sur leur situation. Lesdits griefs étaient au demeurant prématurés, voire sans pertinence.

15) Dans leur réplique du 10 juin 2020, Agescom et M. CHAMBAZ ont soutenu avoir la qualité pour recourir et pouvoir s’attaquer à tous les points des décisions litigieuses. L’autorisation préalable de construire ne faisait pas que valider le gabarit de l’immeuble. La propriétaire devait expliquer quelles dispositions elle comptait prendre pour résoudre les carences de son projet.

Il n’existait pas de places de parking disponibles dans un rayon de 300 m, ce qui conduirait inévitablement à une augmentation du trafic routier. Cette exigence ne pouvait donc être satisfaite en l’état du projet, pas plus que s'agissant des places pour deux roues motorisés, inexistantes.

16) Allianz a dupliqué le 18 juin 2020.

Il était patent que l’autorisation de construire préalable visait également à examiner, outre le gabarit, l’implantation, la destination, le volume et la dévestiture du projet présenté. Il était évident que la démolition de l’immeuble existant ne serait effective qu’au moment de l’entrée en force de la décision définitive de construire. La question de l’art. 14 LCI en lien avec les places de parking ne devait pas être examinée au stade de l’art. 5 al. 1 LCI. Au demeurant, cet argument était difficile à comprendre : si un parking souterrain de 500 places avait été prévu, une augmentation du trafic s'en serait inévitablement suivie. Tel n’était pas le cas avec le projet prévu, dès lors que l’utilisation des transports en commun serait encouragée.

17) Le 30 juin 2020, le département a relevé qu'une confusion était faite entre objet du recours et qualité pour recourir. Les recours n'apportaient aucun intérêt pratique à leurs auteurs et s’apparentaient à une action populaire, interdite par la jurisprudence.

Les griefs d'Agescom et M. CHAMBAZ étaient prématurés, car ils portaient sur la future autorisation de construire définitive, concrétisant le projet litigieux. En vertu des principes de coordination matérielle et formelle, en présence d’une autorisation de construire impliquant la démolition d’un bâtiment existant, l'autorisation de démolir devait être obtenue au moment de la délivrance de l’autorisation préalable de construire.

18) Le TAPI a, par jugement du 10 novembre 2020, déclaré recevables les recours interjetés le 26 février 2020 par Agescom et le 6 mars 2020 par M. CHAMBAZ contre les autorisations du 6 février 2020, et les a rejetés.

Il ne ressortait pas du dossier que les baux commerciaux d'Agescom et de M. CHAMBAZ auraient été annulés. Si l’autorisation était confirmée, elle les priverait, à terme, de la jouissance de locaux et de leur clientèle. La question de savoir si les griefs invoqués, par hypothèse bien fondés, pourraient aboutir à l’abandon du projet, voire à son remaniement substantiel et si, dans ces conditions, la qualité pour agir pouvait leur être reconnue, pouvait en tout état de cause rester ouverte, compte tenu de l'issue du litige sur le fond. Il en allait de même de la question de savoir si l’admission de leurs griefs serait susceptible de leur procurer l’avantage pratique qu’ils recherchaient, soit l’absence de destruction et de reconstruction du bâtiment abritant leurs locaux.

C'était conformément à la jurisprudence qu'Allianz avait sollicité une autorisation préalable de construire au sens de l'art. 5 al. 1 LCI et, son projet de construction impliquant la démolition des bâtiments sur la parcelle en cause, avait en parallèle requis l'octroi d'une autorisation de démolir, respectivement que le département avait instruit, puis autorisé simultanément ces deux demandes. L'art. 15 al. 3 LCI conférait un certain pouvoir d'appréciation au DT en la matière et ne l'obligeait pas à subordonner la délivrance d'une autorisation de démolir à la présentation préalable d'un projet de nouvelle construction. Le principe de coordination était respecté.

Les griefs relatifs à diverses violations de la LDTR étaient sans objet, cette loi ne s'appliquant pas aux immeubles administratifs, tel celui visé par le projet litigieux. Les autres développements d'Agescom et de M. CHAMBAZ concernant l'autorisation de démolir, soit les prétendues violations du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés (RPSFP - L 5 05.10), de l'OPB, du RPUS et des art. 14 et 15 LCI, visaient uniquement à démontrer leur intérêt au recours contre l'autorisation de démolir. Ces griefs étaient dénués de pertinence sur le fond en lien avec ladite autorisation, dans la mesure où ils visaient en réalité l'autorisation préalable de construire.

En lien avec ladite autorisation préalable de construire, le préavis de l'OCT du 19 mars 2019 relevait les exigences auxquelles l'autorisation de construire définitive devrait répondre, en particulier quant au stationnement. Le grief des recourants sur ce point était donc prématuré, ce dont ils étaient conscients, puisqu'ils considéraient qu'il était « peu probable voire impossible que l'intimée puisse satisfaire aux exigences », admettant de ce fait que l'autorisation préalable ne donnait aucune information sur cet aspect qui n'avait pas à être réglé à ce stade. En outre, rien dans le dossier n'indiquait qu'Allianz ne serait pas en mesure de respecter les préavis, et le moment venu, ne s'assurerait pas avec la diligence voulue du respect des prescriptions applicables.

Dans son préavis du 6 mars 2019, l'OCE avait relevé que le maître d'ouvrage devrait s'assurer, s'agissant de l'exposition au bruit routier, que l'art. 31 al. 1 OPB serait respecté. L'autorisation préalable ne traitait pas des détails des façades, point qui serait réglé dans la demande définitive, où l'emplacement des appartements et les détails des façades seraient décidés, avec par exemple la création de loggias. Ces mesures de protection ne pourraient être mises en œuvre qu'une fois la distribution interne du bâtiment déterminée, ce qui n'était ni l'objet ni le cas au stade de la demande préalable.

Rien n'indiquait que les préavis de la ville, au demeurant favorables, ne seraient pas repris et suivis au stade de l'autorisation définitive. Contrairement aux allégations des recourants, il n'était pas certain ni même démontré que l'aboutissement du projet conduirait « inévitablement à la perte d'un des seuls commerces de proximité » du quartier.

Le DT s'était appuyé sur le préavis positif de l'OCT, instance spécialisée en matière de mobilité et de sécurité routière, lequel n'avait finalement émis aucune remarque quant à la sécurité ou à une éventuelle augmentation du trafic, étant rappelé que la loi n'exigeait pas une telle motivation et qu'un préavis sans observation était considéré comme un préavis favorable. Ce point ne devait au demeurant pas être examiné dans le cadre d'une demande préalable. Partant, il n'y avait pas de raisons d'examiner plus avant les arguments d'Agescom et de M. CHAMBAZ s'agissant de « l'impossibilité de stationner sur la parcelle » ou de l'augmentation de trafic induite par la multitude de logements créés.

Le grief d'une violation de l'art. 15 LCI devait également être écarté. Au stade de l'autorisation préalable, les aspects internes et externes de la construction n'étaient pas encore déterminés. Les allégations concernant le prix des loyers, le nombre de logements ou encore les nuisances sonores n'étaient que des suppositions.

19) Agescom et M. CHAMBAZ ont formé un recours commun contre ce jugement du TAPI par acte déposé le 11 décembre 2020 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant, préalablement, à ce que la suspension de travaux soit ordonnée en application de l'art. 129 let. a LCI. Au fond et principalement, ils ont conclu à l'annulation des autorisations de démolir et de construire, subsidiairement à l'annulation de l'autorisation de démolir seule et à ce qu'il soit dit que l'autorisation de démolir sera assortie d'une condition suspensive tenant à l'octroi d'une autorisation de construire définitive.

En complément à l'état de fait tel que retenu par le TAPI, ils relevaient qu'Allianz avait entamé des démarches sur place depuis quelques mois en vue de la démolition du bâtiment, ce que démontraient les photos produites. Des professionnels étaient déjà venus à plusieurs reprises poser des indices de référence sur ledit bâtiment et ceux adjacents. Ils avaient aussi commencé à effectuer des mesures à l'intérieur du bâtiment.

En procédant à ces démarches, Allianz avait déjà commencé un travail en lien avec la démolition de l'immeuble, ce qui violait l'art. 1 al. 7 LCI et justifiait qu'il lui soit fait interdiction de poursuivre, voire qu'une amende lui soit infligée.

Concernant le nombre de places de parking exigé par l'art. 5 RPSFP, le TAPI et le département semblaient ignorer que dans son préavis, la ville avait imposé une obligation d'affectation d'une partie de l'immeuble projeté à du logement, d'où celle de respecter notamment le RPSFP, le RPUS et l'OPB. Cette obligation arrêtait, à tout le moins en partie, la répartition définitive des locaux qui, selon la ville, devait s'élever à 810 m2 au minimum de logements, soit à 22 % de la SBP. C'était donc arbitrairement que le TAPI avait retenu que les aspects internes et externes n'étaient à ce stade pas encore déterminés et que leurs allégations en lien avec le nombre de logements, le prix des loyers et les nuisances sonores n'étaient que des suppositions. Ainsi, la destination du projet ne pouvant être jugée conforme à ce stade, il existait une impossibilité objective de le réaliser, en conformité avec le RPSFP, même si Allianz ne créait que le ratio de logements minimum imposé par la ville. Si l'OCT avait admis une dérogation, à savoir que de telles places devraient exister dans un périmètre de 300 m, le seul parking existant, de Villereuse, avait d'ores-et-déjà indiqué ne pas disposer de places ces prochaines années. Vu la saturation du nombre de places dans ce quartier et l'impossibilité objective à créer un parking sur la parcelle, l'autorisation préalable ne pouvait pas être délivrée.

Par ailleurs, tant la ville que l'OCT exigeaient que des places pour
deux-roues devraient être réalisées sur la parcelle en cause, alors que le formulaire DGT-N04 du 21 janvier 2019 fourni par Allianz n'en prévoyait aucune, et pour cause, en raison de l'impossibilité objective du projet actuel et de ses variantes.

Le TAPI avait versé dans l'arbitraire en omettant d'indiquer comment ces impossibilités objectives seraient résolues dans le cadre de l'autorisation définitive.

En lien avec les dispositions légales de protection contre le bruit, le TAPI avait admis que le projet comportait des appartements dont l'emplacement restait à décider, tout en retenant de manière contradictoire que la répartition interne des locaux n'était pas encore arrêtée. Cela démontrait l'importance de refuser l'octroi de l'autorisation préalable pour un projet clairement destiné à du logement mais qui n'avait pas été présenté comme tel. Le département ne pouvait fixer la destination du projet et ordonner la démolition du bâtiment existant sans s'assurer qu'Allianz aurait, au moins dans une des variantes présentées, la possibilité de satisfaire aux exigences légales. Vu la localisation de l'immeuble projeté, plus de la moitié serait exposée aux nuisances sonores révélées comme dépassées par l'autorité. En conséquence, peu importait la distribution interne du bâtiment car, eu égard au quota de logements à respecter, Allianz ne pourrait objectivement pas respecter les exigences des art. 22 LPE et 31 OPB. Le TAPI avait versé dans l'arbitraire en retenant que les mesures pourraient être mises en œuvre une fois que la distribution interne de l'immeuble serait déterminée.

Il était étrange que le TAPI considère que le préavis de l'OCT était positif sans observations, alors qu'il en comportait une multitude et avait été émis sous condition. La jurisprudence que cette instance citait en la matière n'était dès lors pas applicable au cas d'espèce. Contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, le contrôle de la conformité du projet à l'art. 14 LCI devait intervenir déjà au stade de l'autorisation préalable, considérant en l'espèce le nombre de logements prévisibles.

La chambre administrative avait retenu que l'art. 10 RPUS tendait à lutter contre la disparition progressive des activités industrielles et artisanales au centre-ville et protégeait également l'intérêt public à la lutte contre la pénurie de logements à Genève. Dans ses deux préavis, la ville exigeait que le projet contienne une surface de plancher au moins équivalente à la moitié de la surface initiale destinée à des activités industrielles ou artisanales, ce qui n'était le cas dans aucune des variantes soumises par Allianz. « Ce faisant, elle n'aura[it] pas d'autre choix que de construire des logements pour satisfaire à la jurisprudence de la chambre de céans, ce qui accrédit[ait] l'argument des recourants sur le fait que l'impossibilité objective de satisfaire aux exigences du RPSFP notamment ne permet[tait] pas de fixer, en l'état, la destination du projet litigieux ». Le TAPI avait donc versé dans l'arbitraire en retenant que rien n'indiquait que les préavis de la ville ne seraient pas suivis au stade de l'autorisation définitive.

Quant au principe de proportionnalité, il n'existait en l'état aucun intérêt privé prépondérant à la destruction de cet immeuble. Il ne faisait aucun sens d'en ordonner la démolition en l'absence à ce stade de tout projet tangible. On voyait mal comment Allianz, qui avait soumis toutes les variantes possibles de son projet au département et qui, ce nonobstant, contrevenait de façon flagrante aux dispositions légales en vigueur et n'obtiendrait pas de manière objectivement prévisible l'autorisation de construire définitive, pourrait déjà entamer la destruction d'un immeuble occupé par des entrepreneurs, dont certains faisaient partie de secteurs menacés comme les imprimeries et papeteries. Si par hypothèse une telle demande d'autorisation était délivrée et faisait aussi l'objet d'un recours, le bâtiment aurait déjà été détruit et ses locataires chassés, soit une mesure inadéquate dans les circonstances actuelles liées à la crise sanitaire. L'intérêt public à la construction de logements ne pouvait être retenu à ce stade du projet, étant relevé qu'il impliquerait le respect des dispositions légales évoquées ci-dessus. Le DT avait récemment accordé une autorisation de démolir lors de l'octroi de l'autorisation de construire définitive, de sorte que Agescom et M. CHAMBAZ peinaient à comprendre pour quelle raison il se justifiait d'agir différemment dans le cas d'espèce. Il y avait partant lieu de subordonner l'autorisation de démolir à l'octroi d'une autorisation de construire définitive entrée en force.

Le TAPI avait versé dans l'arbitraire en omettant d'invoquer un quelconque motif pour rejeter le grief d'une violation de l'art. 15 al. 3 LCI. Or, il existait un intérêt public, en l'état du projet, à subordonner la délivrance de l'autorisation de démolir à la présentation préalable d'un projet de construction, ce qui était une exigence du SMS et de la ville et permettrait notamment aux entreprises situées dans l'immeuble de ne pas voir leur bâtiment détruit, d'où un dommage irréparable, tant qu'un projet de construction adéquat ne serait pas présenté. En application du principe de coordination, contrairement à ce qu'exigeait la jurisprudence abondante en la matière, l'autorisation de démolir aurait dû être délivrée dans le cadre de la procédure en demande d'autorisation préalable et non, comme en l'espèce, dans le cadre d'une procédure distincte. Pour cette raison, l'autorisation de détruire indépendante devait être annulée.

20) Allianz a conclu, le 8 janvier 2021, au rejet du recours.

Elle contestait avoir entamé une quelconque démarche en vue de la démolition de son bâtiment. Les relevés et sondages effectués par un architecte l'avaient été sur les parcelles voisines 2462-483 et 484, en vue de la construction d'un immeuble de logements selon autorisation de construire définitive DD 111'846. Elle ne pouvait ainsi avoir violé l'art. 1 al. 7 LCI.

Dans la mesure où l'autorisation de construire querellée était préalable, les griefs invoqués par Agescom et M. CHAMBAZ étaient prématurés, comme retenu à juste titre par le TAPI. En tout état, lesdits griefs devaient être rejetés.

L'OCT avait, dans son préavis favorable du 19 mars 2020, relevé les exigences auxquelles l'autorisation de construire définitive devrait répondre, notamment en matière de stationnement. Allianz avait déjà commencé à discuter avec la Migros et la Fondation des parkings qui possédaient des parkings à proximité, afin d'obtenir la garantie qu'un nombre suffisant de places serait mis à disposition des locataires de son immeuble. L'OCT n'avait posé des conditions qu'en lien avec la création de places de parking pour voitures, vélos et deux roues motorisées, et nullement avec des mesures qui devraient être prises pour remédier à d'éventuels inconvénients graves de circulation pour les usagers, le voisinage ou le public, que provoquerait la destination ou l'exploitation de l'immeuble.

Les griefs fondés sur une prétendue violation de l'OPB devraient, le cas échéant, être relevés dans le cadre de la demande définitive d'autorisation de construire qui serait la prochaine étape. Le détail des façades jouerait notamment un rôle important à cet égard puisque, notamment par la création de loggias, le maître de l'ouvrage pourrait respecter l'art. 31 al. 1 OPB. Ainsi, peu importait que la ville ait imposé un ratio de logements dans la mesure où dans tous les cas, au moment du dépôt de la demande définitive, Allianz devrait décider de l'emplacement des appartements et des mesures prises pour pouvoir respecter l'OPB.

Agescom et M. CHAMBAZ n'avaient nullement démontré ou prouvé que l'aboutissement du projet conduirait inévitablement à la perte d'un seul commerce de proximité du quartier.

Le grief nouvellement formulé d'une prétendue violation du principe de proportionnalité, sur la base de l'argumentation développée en lien avec le principe de coordination précédemment invoqué, devait être rejeté. Le TAPI avait fait une application conforme de la jurisprudence cantonale prévoyant qu'en présence d'une autorisation préalable de construire, impliquant la démolition d'un bâtiment existant, l'autorisation de démolir devait être obtenue dans le cadre de la première procédure.

L'art. 15 al. 3 LCI conférait un certain pouvoir d'appréciation au département et ne l'obligeait pas à subordonner une autorisation de démolir à la présentation préalable d'un projet d'une nouvelle construction dont l'exécution serait assurée dans le délai maximum de dix ans. L'objectif de cette disposition était de démontrer que le propriétaire de l'immeuble qui allait être détruit avait véritablement une intention de reconstruire un autre immeuble sur la parcelle en cause et non pas la laisser libre de tout immeuble, ce qu'Allianz avait démontré, quand bien même son projet ne faisait en l'état l'objet que d'une demande d'autorisation préalable.

21) Le département a, le 18 février 2021, conclu au rejet du recours.

On ne pouvait raisonnablement considérer que la prise de mesures ou la pose de points de référence puissent être assimilés à des travaux de démolition au sens de l'art. 1 al. 7 LCI, mais tout au plus à des travaux préparatoires en vue de démolition ne supposant pas que celle-ci commencerait avant l'entrée en force de l'autorisation M 8317 y relative.

La ville avait constaté que, dans la dernière version du projet, la part minimale de SBP affectée à du logement était respectée. La répartition finale des locaux resterait à déterminer dans le cadre du projet de la demande définitive. De cette répartition dépendrait le ratio des places de parking à respecter pour les voitures, vélos et deux-roues motorisés. La conformité du projet au RPSFP ferait l'objet d'un examen approfondi dans le cadre de l'autorisation définitive de construire, ce qui valait également pour sa conformité à l'OPB, aux conditions prévues dans le préavis du SABRA du 6 mars 2019. Le respect des dispositions du RPSFP et de l'OPB était en l'état prématuré et partant exorbitant au litige, ce que le TAPI avait retenu à juste titre.

Agescom et M. CHAMBAZ échouaient à ce stade à démontrer un quelconque inconvénient grave induit par le projet (art. 14 al. 1 LCI).

L'immeuble dont la démolition était prévue ne faisait l'objet d'aucune protection, de sorte que les principes développés dans l'arrêt ATA/1999/2013 cité par les recourants n'étaient pas applicables. L'arrêt du Tribunal fédéral 1C_355/2019 n'était pas pertinent puisque dans le cas soumis, la requête d'autorisation préalable initialement déposée avait été traitée comme une demande d'autorisation définitive. Les recourants échouaient ainsi à démontrer tant une violation du principe de proportionnalité que du principe de coordination, étant relevé qu'il était courant que le département instruise en parallèle une autorisation de démolir et une autorisation préalable de construire, ce que démontraient trois exemples qu'il citait.

22) M. CHAMBAZ a indiqué, le 26 avril 2021, retirer son recours.

23) Agescom a répliqué à cette même date.

En consultant la FAO du mois de février 2021, elle avait été surprise d'apprendre qu'une demande d'autorisation préalable complémentaire avait été déposée le 20 novembre 2020 par Allianz, pour la parcelle objet du recours, alors même qu'il s'agissait d'une variante excluant totalement la présence de logements. Elle produisait les divers préavis y afférents, dont celui de la ville, du 11 janvier 2021, favorable sous conditions, à savoir le respect de l'art. 9 RPUS en lien avec l'exigence d'activités accessibles au public et correspondant à l'animation du quartier pour les surfaces du rez-de-chaussée, et disant qu'elle se prononcerait sur la demande de démolition dans le cadre de l'instruction conjointe avec la demande d'autorisation définitive.

Allianz, par cet acte, semblait admettre que le projet faisant l'objet de la décision attaquée était boiteux, puisqu'elle en proposait un sans logements. Ces faits étaient pertinents pour trancher le litige et la chambre administrative devait procéder à un établissement des faits exhaustif et conforme à la réalité.

Ce projet était sensiblement différent du projet initial dans la mesure où il modifiait l'affectation de l'immeuble. Le fait de le traiter dans le cadre d'une demande complémentaire aurait pour conséquence de faire perdre une voie de recours au justiciable.

Les multiples variantes proposées par Allianz démontraient qu'il n'y avait aucune urgence à ordonner la démolition de l'immeuble actuel. Elles confirmaient les conclusions d'Agescom et notamment le fait que le projet initialement prévu était assez concret pour en déduire qu'il était irréalisable, d'où la nécessité d'annuler les autorisations querellées ou du moins d'assortir celle de démolir d'une condition suspensive. La nécessité de démolir ledit bâtiment sans projet de construction plus concret ne répondait à aucun intérêt public, de surcroît vu l'impact sur les commerces de proximité et d'artisanat présents, dont une imprimerie, qui contribuaient de façon importante, comme le requérait la ville, à l'animation de la vie de quartier.

24) M. CHAMBAZ, Agescom et Alianz ont été appelés le 29 avril 2021 à se déterminer sur la question d'une éventuelle indemnité de procédure des suites du retrait du recours de M. CHAMBAZ.

25) S'exprimant au nom d'Allianz et de M. CHAMBAZ, le conseil de celle-là a, le 14 mai 2021, échanges de courriels à l'appui, fait savoir que tous deux avaient décidé d'une compensation des dépens entre eux et que les frais de la procédure administrative seraient couverts par l'avance de frais effectuée par M. CHAMBAZ.

26) Agescom ne s'est pas manifestée sur cette question auprès de la chambre de céans.

27) Allianz a dupliqué sur le fond le 14 mai 2021.

Le dépôt de sa demande préalable complémentaire n'avait aucune incidence sur la présente procédure et en particulier sur l'autorisation de démolition, raison pour laquelle elle n'avait pas jugé utile d'en faire mention dans son mémoire de réponse du 8 janvier 2021. C'était sur conseil de l'OAC que ses architectes avaient déposé une telle demande, plutôt qu'une nouvelle demande. De cette manière, l'évolution de son projet était plus claire pour tous les tiers concernés, dont le propriétaire de la parcelle voisine dont l'autorisation qu'il avait obtenue dépendait de la réalisation du projet d'Allianz.

Allianz avait décidé de changer de stratégie, notamment pour des raisons économiques, et ainsi d'alléger la tâche du bureau d'architectes, ce qui était son droit. Le projet prévoyait principalement la renonciation à la surélévation du nouvel immeuble qui remplacerait le bâtiment actuel et par conséquent le maintien d'une affectation exclusivement commerciale. Ces modifications supprimeraient les conditions posées dans certains des préavis, tel celui de l'OCT s'agissant de la création de places de stationnement pour voitures. Ainsi, les exigences légales seraient plus faciles à réaliser lors du dépôt de la demande définitive. D'ailleurs, tous les préavis étaient favorables au projet modifié, dont celui, capital, de la CA, sans condition ni réserve. Allianz n'avait nullement renoncé à son projet initial, mais l'avait simplement modifié. Au demeurant, la première version du projet avait été autorisée par l'OAC et confirmée par le TAPI, ce qui attestait à l'évidence de sa faisabilité.

Dans la mesure où le département lui octroyait l'autorisation complémentaire demandée, cette décision serait également sujette à recours, de sorte que le justiciable ne perdrait aucune voie de recours.

Si une démolition de l'immeuble actuel devait être impossible ou finalement refusée, il aurait été inutile que l'OAC et les diverses autres instances consultées perdent leur temps à examiner un projet de reconstruction qui, par hypothèse, ne verrait jamais le jour.

28) La juge déléguée a demandé le 10 juin 2021 à Agescom et Allianz de donner toute information utile à la chambre administrative sur le contrat de bail à loyer les liant toutes deux et en particulier sur une éventuelle résiliation, le cas échéant l'existence d'une procédure de contestation de congé.

29) a. Agescom a indiqué le 15 juin 2021, pièces à l'appui, que son contrat de bail avait été résilié sur formule officielle du 2 mars 2020 avec effet au 31 mars 2021. Dans la mesure où elle était toujours locataire de l'immeuble, elle serait particulièrement touchée dans ses droits en cas de démolition. Elle avait aussi un intérêt économique et pratique à l'annulation des décisions querellées car, si la procédure devait suivre son cours, elle serait notamment contrainte de déménager. L'issue de cette résiliation préventive était incertaine et elle était contrainte d'effectuer des recherches de locaux, en l'état sans succès, dans l'attente de la décision de la chambre de céans. Il était hautement prévisible qu'Allianz, experte en matière immobilière, avait résilié le contrat de bail afin de l'empêcher d'exercer ses droits à l'encontre des autorisations querellées. Ladite résiliation était intervenue après le dépôt du recours. Si une telle résiliation devait avoir un effet sur la présente procédure, cela reviendrait d'une part à recommander aux bailleurs de résilier les baux de tous les locataires formant recours contre une autorisation de construire et d'autre part à retirer indûment la qualité pour recourir au locataire.

Elle avait contesté cette résiliation et la procédure était en cours auprès du Tribunal des baux et loyers (ci-après : TBL).

b. Allianz a confirmé la litispendance du dossier devant le TBL des suites de la résiliation du bail d'Agescom. Cette dernière avait déposé le 9 avril 2021 son mémoire responsif à la demande reconventionnelle en évacuation d'Allianz.

30) Les parties ont été informées, le 18 juin 2021, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La question de la recevabilité du recours doit être tranchée en premier lieu, les griefs des recourants – qu'ils soient de forme ou de fond, à l'exception éventuelle d'un constat de nullité non plaidé en l'espèce – ne pouvant être traités que si le recours est recevable.

2) a. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. Il sera pris acte du retrait du recours de M. CHAMBAZ le 26 avril 2021.

3) La chambre de céans examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/751/2020 du 12 août 2020 consid. 1 ; ATA/413/2020 du 30 avril 2020 consid. 2 ; ATA/1021/2016 du 6 décembre 2016 consid. 2).

Se pose en l'espèce la question de la qualité pour recourir d'une locataire de surface commerciale dans l'immeuble appelé à être détruit, question que le TAPI a laissée ouverte.

4) a. Toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié, a la qualité pour recourir en vertu de l'art. 60 al. 1 let. b LPA.

Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

b. S'agissant d'un recourant, tiers locataire, le Tribunal fédéral a jugé que s'il existait un moyen de droit privé, même moins commode, à sa disposition pour écarter le préjudice dont il se plaignait, la qualité pour agir fondée sur l'intérêt digne de protection devait lui être niée (ATF 101 1b 212 ; 100 Ib 119 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005). Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (ATF 131 II 649 consid 3.4).

c. La chambre de céans a déjà jugé de façon constante qu'en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse implique la démolition de locaux qui font l'objet d'un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'autorisation de démolition, dès lors qu'il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu'à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut plus avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours ; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n'est plus concerné par le projet de démolition et n'a ainsi plus d'intérêt pratique à recourir (ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 et les références citées).

En revanche, la qualité pour recourir contre une autorisation de construire des locataires, dont les baux n'étaient pas résiliés, a été admise lorsque, si elle était confirmée, ladite autorisation les priverait de la jouissance de locaux situés dans les combles de l'immeuble dont la transformation était projetée. Certains des griefs invoqués portaient sur le gabarit de l'immeuble après travaux et sur les vices de forme ayant affecté la procédure qui, s'ils devaient se révéler bien fondés, pourraient aboutir à un refus de l'autorisation de construire litigieuse, à l'abandon du projet, voire à un remaniement substantiel de celui-ci, et à la mise en œuvre d'une nouvelle enquête.

De même, se sont vu reconnaître la qualité pour recourir les locataires d'immeubles d'habitation soumis à la LDTR ou dans les causes où l'application même de la LDTR était litigieuse (ATA/512/2010 du 3 août 2010 ; ATA/384/2010 du 8 juin 2010). Cette loi prévoit notamment l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsque le bailleur a l'intention d'exécuter des travaux (art. 43 al. 1 LDTR). Elle subordonne également l'ouverture du chantier au relogement des locataires touchés par l'autorisation définitive (art. 42 al. 4 LDTR - ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3 c et les références citées).

d. La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à son art. 2 (art. 1 al. 1 LDTR). À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, elle prévoit notamment des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d’affectation des maisons d’habitation art. 1 al. 2 let. a LDTR.

5) En l'espèce, la recourante s'est vu notifier la résiliation de son bail à loyer commercial par formule officielle du 2 mars 2020, avec effet au 31 mars 2021. Certes, elle a formé recours le 26 février 2020 devant le TAPI contre les autorisations DP 18'819 et M 8'317 du 6 février 2020. À teneur des dossiers A/732/2020 et A/734/2020 du TAPI, ces deux recours ont été reçus le 28 février 2020 par cette juridiction, qui n'en a donné connaissance à l'intimée que par courriers, dans chacune de ces causes, du 12 mars 2020. Agescom ne soutient ni a fortiori n'étaye qu'Agescom aurait eu connaissance desdits recours avant réception de ces courriers du TAPI. La résiliation dudit bail s'inscrit logiquement dans son projet immobilier impliquant que l'intégralité des locataires, quittent le bâtiment devant être, à terme, détruit.

Le litige en lien avec la résiliation de ce bail est pendant devant le TBL et c'est devant cette juridiction que doit se purger la question de la poursuite ou non, le cas échéant pendant quelle durée, des rapports contractuels entre la recourante et l'intimée. On se trouve ainsi dans la situation évoquée ci-dessus à savoir que, soit, à plus ou moins brève échéance, la recourante sera amenée à quitter l'arcade commerciale de l'immeuble dont la destruction est envisagée, soit la résiliation sera annulée et la propriétaire bailleresse se verra contrainte de conserver cette locataire pour une durée indéterminée, de sorte qu'elle devra, sur une période encore inconnue, renoncer à son projet de destruction/reconstruction.

Enfin, la recourante ne peut se prévaloir de la LDTR dans la mesure où le local qu'elle occupe ne sert nullement à l'habitation.

Dans ces conditions, la recourante n'a pas qualité pour recourir dans la présente procédure, tant contre la décision de démolition que l'autorisation de construire du 6 février 2020.

Il s'ensuit que son recours est irrecevable.

6) Vu le retrait du recours de M. CHAMBAZ au stade de la réplique, un émolument de jugement réduit, de CHF 300.-, sera mis à sa charge. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge d'Agescom (art. 87 al.1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux parties recourantes, lesquelles seront en revanche condamnées à verser CHF 1'500.- à ce titre à Allianz, à hauteur de CHF 500.- pour M. CHAMBAZ et de CHF 1'000.- pour Agescom (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

prend acte du retrait du recours de Monsieur Cyril CHAMBAZ le 26 avril 2021 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 11 décembre 2020 par Agescom administration et gestion de commerces SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 novembre 2020 ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de Monsieur Cyril CHAMBAZ ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Agescom administration et gestion de commerces SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Allianz Suisse société d’assurances sur la vie SA à la charge de Monsieur Cyril CHAMBAZ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Allianz Suisse société d’assurances sur la vie SA à la charge d'Agescom administration et gestion de commerces SA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Livio Natale, avocat des recourants, à Me Emmanuelle Guiguet-Berthouzoz, avocate d’Allianz Suisse société d’assurances sur la vie SA, au département du territoire-OAC ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, M. Rieben et Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :