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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1877/2021

ATA/659/2021 du 28.06.2021 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1877/2021-FPUBL ATA/659/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 28 juin 2021

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Nicolas Hervieu-Causse, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Véronique Meichtry, avocate



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______ a été engagé par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) à partir du 1er novembre 1998 en qualité d’infirmier en soins généraux. Depuis le 1er avril 2020, il a été nommé adjoint responsable des blocs opératoires sous la direction de Monsieur B______.

2) En 2017, M. A______ avait fait l’objet d’une plainte déposée par un collaborateur pour harcèlement psychologique. Un rapport avait été rendu par le groupe de protection de la personnalité, à la suite duquel les HUG avaient demandé à M. A______ d’améliorer son style de management et son mode de communication afin de prévenir de nouvelles tensions.

3) Le 7 avril 2021, Madame C______, responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) de la direction des opérations des HUG a reçu une lettre des aides de salle d’opération. Plusieurs comportements inadéquats avaient été tenus par la hiérarchie, soit MM. B______ et A______. Ces personnes se sont plaintes de propos et attitudes déplacés utilisés de manière régulière, de comportements impulsifs de M. A______ sous le coup de la colère, couverts par son responsable M. B______, de comportements montrant une intention de passer certaines personnes à partir d’une absence d’empathie, d’une communication verbale trop directe, menaçante ou avec un chantage émotionnel. Ces collaborateurs avaient ensuite présenté des angoisses au quotidien, la peur de retourner au travail, des insomnies et une perte de confiance. Un fort taux d’absentéisme avait été observé au 31 mars 2021 parmi elles.

4) Par courrier du 17 mai 2021, les RRH ont demandé formellement d’ouvrir une enquête administrative à l’encontre de M. A______ concernant les faits relatés par les aides au bloc opératoire. Ce courrier a été signé par préavis positif par Monsieur D______, directeur général des HUG.

5) Par décision du 20 mai 2021, le président du conseil d’administration des HUG a ordonné la suspension de M. A______ à titre provisionnel, son droit au salaire étant maintenu, conformément à l’art. 28 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

6) Par acte déposé le 31 mai 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement, à titre de mesures provisionnelles à ce qu’il soit ordonné aux HUG de le réintégrer immédiatement à son poste d’adjoint responsable des blocs opératoires.

La lettre du 7 avril 2021 mentionnant qu’elle provenait des aides de salles de bloc ne contenait pas le nom des auteurs, de sorte qu’il était probable que seul un nombre limité d’entre ces personnes soient à l’origine de ce courrier. Parmi les sept collaborateurs qui ont adressé leur témoignage écrit à Mme C______, la plupart visait exclusivement M. B______. Les reproches formulés à l’encontre de M. A______ étaient formellement contestés. Son comportement avait été exemplaire pendant vingt-trois ans et ses évaluations avaient été toujours excellentes, notamment s’agissant de son comportement et ses relations avec ses collègues.

7) Le 18 juin 2021, les HUG ont conclu au rejet de la demande sur mesures provisionnelles. Une enquête administrative avait été ordonnée le 31 mai 2021. Au vu des allégations de plusieurs collaborateurs et de la situation préoccupante dans ce service, il se justifiait de suspendre l’activité de M. A______ jusqu’à droit connu sur l’enquête administrative, étant précisé que les HUG avaient intenté la même démarche vis-à-vis de M. B______. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

7) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8) La suspension provisoire prononcée en l’espèce se base sur l’art. 28 LPAC selon lequel il est possible, dans l’attente du résultat d’une enquête administrative, de suspendre provisoirement un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’implique l’exercice de sa fonction. L’alinéa 4 du même article prévoit qu’à l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale.

Il est de jurisprudence constante de la chambre de céans de considérer que l’ouverture d’une enquête administrative, comme une suspension avec maintien de traitement n’occasionne généralement pas de préjudice irréparable (ATA/210/2021 du 25 février 2021).

En l’espèce, la recevabilité du recours apparaît, de prime abord, douteuse. De surcroît, l’ouverture d’une telle enquête apparaît à première vue nécessaire et vise à déterminer le bien-fondé des reproches faits au recourant. Par ailleurs, le recours vise la « réintégration » du recourant au sein des HUG, de sorte que les mesures provisionnelles, si elles étaient ordonnées, se confondraient avec la décision au fond rendant ainsi illusoire la portée du procès au fond. Il s’ensuit que la requête de mesures provisionnelles sera rejetée.

9) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête sur mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Nicolas Hervieu-Causse, avocat du recourant ainsi qu'à Me Véronique Meichtry, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.

 

 

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :