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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1227/2015

ATA/1039/2017 du 30.06.2017 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : TAXI LOI FÉDÉRALE SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR
Normes : LMI.2 ; LMI.3 ; LTaxis.9.al1.letd ; LTaxis.45
Résumé : Confirmation de l'interdiction immédiate de l'activité exercée par les recourantes jusqu'à l'octroi d'une autorisation d'exploiter au sens de l'art. 9 LTaxis. Réduction de l'amende litigieuse en raison de la modification subséquente de la pratique des recourantes devenue conforme aux exigences de l'autorité compétente. Le fait de soumettre l'activité des recourantes à autorisation est une restriction au libre accès du marché genevois, conforme à la LMI en raison des circonstances particulières du cas, en particulier des intérêts publics prépondérants poursuivis par la LTaxis et le RTaxis. Admission partielle du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/ 1277/2015-TAXIS ATA/1039/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juin 2017

 

dans la cause

 

A______
et B______

représentées par Me Marcel Dietrich, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) A______(ci-après : A______) est une société à responsabilité limitée inscrite depuis le 27 mars 2013 au registre du commerce du canton de Zurich ; son siège est à Zurich. Elle est entièrement détenue par B______ (ci-après : B______) dont le siège est à Amsterdam, aux Pays-Bas. B______ est aussi l’associée de A______, sans pouvoir de signature. A______ dispose de locaux à Genève et à Zurich.

A______ a notamment pour but de soutenir des entreprises, en particulier celles du groupe A______, dans l’offre de prestations de service de transport par le biais de la téléphonie mobile ou de la communication en ligne et de fournir toutes les prestations directes ou indirectes y relatives. Elle peut exercer des activités commerciales, financières et autres qui apparaissent aptes à promouvoir son but social ou qui sont liées, de manière directe ou indirecte, à ce dernier.

2) La maison-mère du groupe A______ (ci-après : A______) est C______, située à San Francisco, aux États-Unis. Elle détient indirectement les sociétés intervenant dans le canton de Genève, à savoir A______ et D______.

D______ est une société de droit néerlandais qui a la même adresse que B______, ces deux dernières sociétés partageant les mêmes locaux à Amsterdam. D______ n’a pas de locaux en Suisse. D______ détient les droits de licence permettant l’utilisation de l’application A______ tant par les chauffeurs que par les utilisateurs. D______ est le partenaire contractuel des chauffeurs et des utilisateurs dans le cadre du contrat de licence, étant précisé que le contrat de licence que D______ passe avec les chauffeurs est dénommé « contrat de partenariat ». Ce dernier est plus étoffé que le contrat que cette société passe avec les utilisateurs, qui n’a pas de dénomination particulière, les documents informatiques se référant à des « conditions d’utilisation ».

D______ et B______ sont des sociétés sœurs, qui sont toutes les deux détenues à 100% par E______. D______ et A______ sont des sociétés filiales du même groupe qui sont liées par un contrat de services.

3) Entre le 28 août 2014 et le 31 octobre 2014, des rencontres et des échanges de courriels ont eu lieu entre les représentants d’A______ et les autorités genevoises.

4) Par courrier du 5 février 2015, le service du commerce, devenu entre-temps le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : le service ou PCTN), a invité A______ à exercer son droit d’être entendu au sujet de l’amende susceptible de s’élever jusqu’à CHF 100'000.-, envisagée à son encontre pour les motifs suivants. L’activité qu’elle déployait sur le marché genevois depuis septembre 2014 relevait de la centrale d’ordres de courses de taxis, dont l’exploitation était subordonnée à la délivrance préalable d’une autorisation au sens des art. 9 al. 1 let. d et art. 13 de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30). Or, elle n’avait déposé à cet effet aucune requête auprès du service et ne disposait ainsi pas d’autorisation d’exploiter une centrale d’ordres de courses « A______ » en violation des dispositions légales précitées. De plus, elle proposait à la clientèle genevoise des courses effectuées par des taxis de service public, des taxis de service privé ou des limousines, ce qui constituait une violation de l’art. 13 al. 3 LTaxis interdisant à une centrale d’ordres de courses d’avoir pour affiliés des chauffeurs exerçant dans différentes catégories de transport telles que définies à l’art. 3 al. 2 à 4 LTaxis.

Par ailleurs, le service a imparti un délai à A______ pour régulariser sa situation par le biais du dépôt d’une requête complète en autorisation d’exploiter une centrale d’ordres de courses de taxis. À défaut d’une telle démarche, le service lui ordonnerait de cesser immédiatement l’exploitation de la centrale d’ordres de courses « A______ » sur le territoire genevois, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Le formulaire d’une telle requête, la liste de toutes les pièces nécessaires à celle-ci et un extrait de normes genevoises étaient joints.

5) Le 19 février 2015, le service a transmis, par courriels successifs, les pièces du dossier à A______.

6) Par arrêt A/122/2015 du ______ 2015, la chambre civile de la Cour de justice a débouté des tiers ayant déposé, à l’encontre de A______, une requête de mesures provisionnelles visant notamment à faire interdiction à A______ de déployer une quelconque activité en lien avec le transport rémunéré de personnes au moyen de véhicules légers sur le territoire du canton de Genève. Cette requête était fondée sur l’allégation de violations de la loi fédérale contre la concurrence déloyale commises par cette société dans le but de s’approprier le marché du taxi que les requérants occupaient, et sur celle d’un dommage que cette société leur causerait en s’appropriant des parts importantes de ce marché.

Cet arrêt a été contesté par les requérants devant le Tribunal fédéral qui a, le 15 juillet 2015, déclaré leur recours irrecevable (cause 4A-197/2015).

7) Le 4 mars 2015, A______ s’est déterminé en argumentant, sur la base de la législation genevoise en matière de taxis et de la liberté économique, que son activité n’était ni une centrale d’ordres de courses de taxis, ni n’était soumise à autorisation dans le canton de Genève. Elle considérait ainsi ne pas être tenue de déposer une requête en autorisation d’exploiter une centrale d’ordres de courses de taxis dans le canton de Genève, aucune base légale ne justifiant une telle exigence.

8) Par courriel du 26 mars 2015, la commission de discipline LTaxis, présidée par le directeur du service, a préavisé favorablement l’amende de CHF 35'000.- et l’interdiction d’exercer avec effet immédiat l’activité sur territoire genevois à l’encontre de A______ en raison des infractions aux art. 9 al. 1 let. d et art. 13 al. 3 LTaxis, et du fait qu’elle incitait les chauffeurs à poursuivre l’activité pour « A______ » malgré les infractions à la LTaxis.

9) Par décision du 30 mars 2015, le service a constaté que A______ respectivement B______, exerçait une activité de centrale d’ordres de courses de taxis, soumise à autorisation au sens de l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis. Il leur a interdit avec effet immédiat d’exercer leur activité de transport professionnel de personnes dans le canton de Genève, précisant que l’interdiction serait levée dès qu’une autorisation d’exploiter au sens de l’art. 9 LTaxis aurait été délivrée. Il a infligé une amende de CHF 35'000.- à A______. Cette décision, assortie de la menace de la peine d’amende prévue à l’art. 292 CP, était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Étant communément admis que l’activité de centrale d’ordres de courses consistait à mettre en relation un client avec un transporteur en vue d’une course rémunérée, le service considérait, sur la base du modèle proposé par A______, que l’activité déployée par cette société consistait « à tout le moins » en celle d’une centrale d’ordres de courses soumise à autorisation préalable au sens de l’art. 13 LTaxis. Le fait que la mise en relation s’effectuait par le biais d’une application internet, et non par celui d’une centrale téléphonique, n’était pas déterminant, dans la mesure où l’activité déployée et la finalité de celle-ci était la même, seul le moyen utilisé différait. Le fait que l’application faisait elle-même la mise en relation entre le chauffeur et le client, sans intervention de la part d’A______, n’était pas, pour les raisons suivantes, un argument pertinent pour exclure la qualification de centrale d’ordres de courses. A______ concluait les contrats de partenariats avec les chauffeurs inscrits sur la plateforme, procédait à leur recrutement et leur remettait un smartphone sur lequel était configurée l’application qu’ils devraient utiliser pour recevoir et effectuer des courses. Une équipe d’A______ se trouvait dans des locaux à Genève ; elle avait pour mission de contrôler le recrutement des chauffeurs, de les former sur l’utilisation de l’application F______ et de veiller d’une manière générale au bon fonctionnement de cette dernière, tout en étant régulièrement en communication avec les chauffeurs. De plus, A______ percevait une commission de 20 % sur toutes les courses effectuées et encaissait l’intégralité des montants facturés aux clients avant d’en reverser le 80 % aux chauffeurs. A______ fixait en outre les tarifs pratiqués par les chauffeurs, proposait différentes sortes de services (G______, H______, I______) et versait des bonus aux chauffeurs sur chaque course effectuée. L’activité d’A______ frôlait ainsi celle d’une véritable entreprise de transport professionnel de personnes. A______ offrait également un service de 365 jours par année, 24 heures sur 24 et disposait d’un service d’objets perdus/trouvés.

Implantée sur le marché genevois depuis septembre 2014 et ne disposant pas d’autorisation pour exercer son activité dans le canton de Genève, A______ enfreignait dès cette date l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis. Cette infraction était d’autant plus grave qu’elle avait refusé, malgré l’invitation du service à cet effet, de déposer une requête en autorisation d’exploiter sa centrale et qu’elle avait indiqué ne pas avoir l’intention de le faire, tout en encourageant ses chauffeurs à effectuer des courses sur le territoire genevois et en développant les services proposés par l’introduction de « H______ » depuis le 18 mars 2015. Par ailleurs, en sus du défaut d’autorisation, l’activité telle que pratiquée par A______ posait d’importants problèmes de transparence et de protection des consommateurs, en raison de chauffeurs affiliés dépourvus d’autorisation et de carte professionnelle de taxi/limousine, de la mixité des catégories de transport ou encore d’erreurs de calculs du prix des courses induits par l’utilisation de l’application F______ - en lieu et place d’un taximètre - imposée par A______ à ses chauffeurs pour les facturer.

L’ensemble de ces circonstances et de ces multiples irrégularités, justifiait d’interdire à A______ avec effet immédiat de déployer son activité sur le canton de Genève. Le comportement d’A______ justifiait également le prononcé d’une sanction au sens de l’art. 45 al. 2 LTaxis. A______ avait été informée, avant son implantation sur le territoire genevois, du fait que l’activité qu’elle envisageait n’était pas conforme à la LTaxis et qu’elle était donc interdite. Malgré ces informations préalables communiquées par le département, A______ s’était implantée à Genève en septembre 2014 et avait développé de nouveaux services de transport depuis mars 2015. La persévérance d’A______ à adopter un comportement illicite avait été démontrée à maintes reprises, soit en particulier en incitant ses chauffeurs, par le biais de multiples courriels et de bonus offerts sur les courses réalisées, à poursuivre l’activité de transport sur le territoire genevois, ou encore en confirmant dans les médias et au service qu’elle n’entendait pas cesser son activité respectivement en refusant de se régulariser.

10) Par décision exécutoire nonobstant recours du 30 mars 2015, le service a également ordonné à A______ de lui transmettre, dans un délai de vingt jours, la liste de l’intégralité des chauffeurs effectuant du transport professionnel de personnes par le biais de l’application www.F______.com sur le territoire genevois, en précisant le prénom, le nom et les plaques, ainsi qu’une copie de l’intégralité des quittances relatives aux courses effectuées sur le canton de Genève depuis le 1er septembre 2014. Cette décision était assortie de la menace de la peine d’amende prévue à l’art. 292 CP.

Cette décision a été contestée par A______ dans le cadre d’un recours interjeté le 28 avril 2015 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), qui a été enregistré sous le numéro de cause A/1396/2015 et a fait l’objet d’une autre procédure devant la juridiction de céans.

11) Par acte mis à la poste le 14 avril 2015, A______ et B______ ont recouru contre la première décision susmentionnée du 30 mars 2015 auprès de la chambre administrative en concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de la décision litigieuse. Elles concluaient, à titre subsidiaire, au renvoi du dossier au service pour nouvelle décision, le cas échéant à la réduction du montant de l’amende infligée. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1227/2015.

Elles se plaignaient d’un établissement lacunaire et inexact des faits retenus par le service dans la décision litigieuse, dont certains ne reposaient pas sur des pièces du dossier. Elles faisaient valoir la violation de l’art. 6 CEDH, du droit d’être entendu et des règles relatives à la notification des décisions. La décision litigieuse à l’égard de B______ devait être déclarée nulle, faute de notification valable. Elles invoquaient une interprétation insoutenable de la LTaxis, en particulier de ses art. 9 et 13, la violation des art. 2 et 3 de la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) ainsi que celle de la liberté économique garantie à l’art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et à l’art. 35 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

Les services du groupe A______ étaient disponibles, depuis juin 2013, dans le canton de Zurich et dans celui de Genève dès septembre 2014. La technologie développée par A______ offrait une nouvelle alternative pour se déplacer sur le territoire du canton. A______ proposait une plateforme et des applications smartphone qui mettaient automatiquement en relation des chauffeurs privés indépendants et des clients. L’application localisait le client au moyen du GPS de son smartphone et identifiait le chauffeur le plus proche, auquel la course était automatiquement attribuée. S’il le souhaitait, le client pouvait indiquer à l’avance le lieu de destination et obtenir une estimation du prix de la course. Une fois l’estimation communiquée, le client avait le choix d’accepter ou non la course et de commander le véhicule. Lorsque le chauffeur avait accepté la course, le client pouvait, dans un certain délai, annuler la course directement depuis l’application. À la fin de chaque course, le client recevait un reçu détaillé de la course par courriel. Les données pertinentes étaient transmises par l’application aux serveurs d’A______ et inversement, sans intervention ou contrôle exercé par A______ qui ne disposait pas de personnel agissant en qualité d’intermédiaire entre les chauffeurs et les clients. L’activité d’A______ consistait uniquement à mettre une plateforme technologique à disposition du public et des chauffeurs professionnels intéressés. L’application ne commettait pas d’erreurs de calculs du prix des courses, ni ne remplaçait le taximètre que les chauffeurs de taxis continuaient d’utiliser lorsqu’ils acceptaient un client par le biais de l’application d’A______, ce qui permettait à celui-là de s’assurer que le prix maximal légal n’était pas dépassé. L’application n’était pas un taximètre et ne calculait pas le prix de la course ; elle était un « software ». Elle transmettait par satellite les coordonnées GPS pertinentes aux serveurs d’A______, situés aux États-Unis, qui calculaient sur cette base le prix et renvoyaient celui-ci au chauffeur et au passager, étant précisé que le chauffeur pouvait choisir un prix plus faible aux prix maximaux recommandés par A______.

La décision litigieuse entretenait une « confusion complète entre les différentes sociétés du groupe A______ ». A______ effectuait certaines prestations de services internes au groupe A______ pour soutenir l’activité de ce dernier en Suisse. Cette activité se limitait à des prestations auxiliaires de service dans le domaine de la communication, de la promotion et du marketing, notamment à promouvoir l’application A______ auprès des chauffeurs et des consommateurs, à soutenir la conclusion de contrats de partenariats ou à répondre aux questions des chauffeurs partenaires. A______ disposait de locaux dans le canton de Genève et d’une équipe de trois collaborateurs. Elle n’était pas rémunérée par les chauffeurs ni les utilisateurs. A______ ne concluait pas de tels contrats avec les chauffeurs inscrits sur la plateforme. Elle ne prélevait pas de commission sur les prix des courses, ni ne percevait ces derniers. Elle ne payait pas les chauffeurs partenaires. Elle ne s’occupait en rien du trafic de paiement relatif à l’activité des chauffeurs dans le canton de Genève. Elle ne recevait ni ne transmettait de commande ; elle n’intervenait en aucune manière pour mettre en relation un client et un chauffeur. Les données utiles étaient directement transmises aux serveurs d’A______. Elle ne disposait pas d’une licence d’utilisation de la technologie développée par A______, ni n’avait de pouvoir de disposition sur les activités d’autres sociétés du groupe A______ en Suisse, ni ne répondait de celles-ci.

Quant à B______, elle n’avait aucune activité en Suisse, dans le canton de Genève ou dans aucun autre pays. Il s’agissait d’une pure société financière qui n’avait aucun employé et dont le but était la prise de participations, la gestion et le financement d’entreprises du groupe A______. Elle détenait notamment A______.

Outre le droit d’A______ - fondé sur l’art. 2 al. 1 LMI - d’exercer son activité et d’offrir ses services dans toute la Suisse, les recourantes n’exerçaient pas d’activité soumise à autorisation au sens de l’art. 9 LTaxis. A______ n’était pas une entreprise de taxis ni de limousines ; elle ne possédait ni ne louait de véhicule. Elle n’employait pas de chauffeurs, ni n’effectuait aucune prestation de transport ; le contrat de transport était conclu entre le chauffeur et le passager et A______ n’était pas partie à ce contrat. L’activité d’A______ ne correspondait pas à la notion de centrale de courses au sens de l’art. 13 LTaxis, à savoir une entreprise recevant et transmettant, au moyen d’un numéro téléphonique d’appel général, des ordres de courses, étant donné qu’A______ mettait à disposition de chauffeurs partenaires indépendants une technologie leur permettant de générer des courses pour
eux-mêmes, par l’intermédiaire de leur smartphone et sans intervention d’A______. Le modèle d’A______ était sûr et fiable pour les passagers, offrait une transparence et une sécurité accrues, à des prix avantageux. Aucune base légale ne justifiait dès lors de soumettre l’activité d’A______ à autorisation. Il en allait de même pour A______ et pour B______ dont les activités décrites ci-dessus ne constituaient pas une centrale d’ordres de courses. En outre, une interprétation extensive des activités soumises à autorisation selon la LTaxis violerait, en sus de cette dernière, la liberté économique.

12) Les 16 et 22 avril 2015, les recourantes ont produit une nouvelle pièce et persisté à demander l’effet suspensif au recours.

13) S’agissant des mesures sollicitées relatives à l’effet suspensif, le service a conclu à leur rejet le 30 avril 2015 et les recourantes ont répliqué le 6 mai 2015.

Par décision du 20 mai 2015 sur effet suspensif (ATA/486/2015), le président de la chambre administrative a restitué l’effet suspensif au recours en ce qui concernait le prononcé de l’amende de CHF 35'000.- à l’encontre des recourantes et, pour le surplus, a rejeté la requête en restitution de l’effet suspensif, respectivement refusé de prononcer d’autres mesures provisionnelles. Le recours des deux sociétés contre cette décision a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral (cause 2C_547/2015) le 7 janvier 2016.

14) Le 13 mai 2015, les recourantes ont complété leur mémoire de recours sur le fond en reprenant les griefs susmentionnés et persisté dans leurs conclusions principale et subsidiaires. À titre préalable, elles sollicitaient l’apport du dossier complet du service à la procédure, le droit de répliquer et la tenue d’une audience publique.

15) Le 17 juillet 2015, le service a conclu principalement au rejet du recours.

À titre préalable, il a conclu à ce que la chambre administrative lui donne acte qu’il ne s’opposait pas à l’apport à la présente procédure, à titre de preuves, de dix procédures parallèles (causes A/99/2015, A/100/2015, A/101/2015, A/102/2015, A/103/2015, A/104/2015, A/105/2015, A/106/2015, A/107/2015 et A/988/2015), et à ce qu’elle ordonne aux recourantes de produire la traduction de certaines pièces ainsi que le contrat de travail, le certificat de salaire ou toute autre pièce utile permettant d’établir l’identité de l’employeur de Monsieur J______, directeur de « K______ », et de tous les employés de l’« équipe A______ » responsable de l’activité déployée à Genève.

16) Le 5 octobre 2015, le service a produit une offre d’emploi publiée par A______ sur le site internet www.jobup.ch, afin de recruter des chauffeurs pour effectuer du transport professionnel à Genève, et invitant les candidats à postuler auprès de « A______». Il n’était pas exigé des candidats de détenir la carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de limousine comme l’exigeaient les art. 6 et 7 LTaxis.

17) Le 30 novembre 2015, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties à laquelle ont assisté deux juristes du service et un mandataire commercial des recourantes, Monsieur L______, muni d’une procuration de chacune de celles-ci et assisté de leur conseil. L______ était, depuis le 21 septembre 2015, employé de D______ qui était « la société opérationnelle ». Avant cette date, il n’était pas employé du groupe A______ mais pouvait répondre aux questions relatives aux événements survenus avant cette date. Il était en charge des opérations juridiques du groupe Uber pour l’Europe de l’Ouest au sein d’une équipe de juristes s’occupant de tous les aspects juridiques de cette zone.

a. Après avoir décrit la structure du groupe A_____ liée aux sociétés susmentionnées de ce dernier et son fonctionnement, L______ a apporté les explications suivantes au sujet des changements de l’offre des recourantes dans le canton de Genève. Lors du lancement de l’application Uber, celle-ci concernait un type de prestation (à savoir l’application G______) ; le programme était ouvert à tout chauffeur professionnel détenteur d’une autorisation de conduire un taxi de service privé ou de service public, ainsi qu’aux chauffeurs de limousine. En mars 2015, les recourantes avaient commencé à rechercher des chauffeurs dans le cadre de l’application « H______ ». En juin 2015, elles avaient renoncé à conclure des partenariats avec des chauffeurs de taxi et renoncé aux contrats de partenariat existants. Elles avaient eu des échanges de courriels avec le département compétent qui leur avait indiqué que « dans ce cadre, les activités de G______ étaient conformes à la LTaxis ». Un échange de courriels du 10 juin 2015 entre M. J______ et le département au sujet de la modification de la pratique d’Uber était versé à la procédure par L______. Cette modification portait également sur d’autres aspects que celui de la renonciation à des taxis. Il s’agissait aussi de modifier l’application rendant clair pour le client que le prix communiqué à l’avance était le prix maximal que le chauffeur de limousine pouvait demander. En outre, elles ne faisaient plus appel qu’à des chauffeurs de limousines autorisés. Depuis juin 2015, la plateforme utilisée dans le canton de Genève ne faisait plus état de taxis. Les seuls chauffeurs professionnels concernés étaient des chauffeurs professionnels. Les recourantes comprenaient le souci du service mais elles n’étaient pas « la police ». Elles avaient pris un engagement de ne plus utiliser des chauffeurs de taxis auprès du département et s’y tenaient depuis lors. Elles ne considéraient pas devoir prouver « la non-utilisation de chauffeurs de taxis » depuis juin 2015 et ne voyaient pas comment elles pourraient justifier une chose qu’elles ne faisaient plus depuis cette date. Elles avaient par ailleurs modifié l’inscription du prix annoncé à l’utilisateur, ce qui pouvait être constaté. Concernant les indications de prix données à l’utilisateur, jusqu’en juin 2015, il lui était annoncé une fourchette de prix indicative. Les recourantes avaient renoncé à ce système. Depuis lors, le montant supérieur était le prix maximal dont la perception était autorisée. Cela découlait directement des discussions avec le département compétent, car cela ne ressortait pas d’une obligation légale pour les limousines.

b. Le service a indiqué que si les engagements précités étaient respectés, l’activité des recourantes respecterait le cadre en vigueur de la LTaxis, dans la mesure notamment où il n’y avait pas besoin d’une autorisation pour exploiter une centrale de limousines. Cela ne vidait pas le litige de son actualité, d’une part, parce que la décision litigieuse couvrait la période située entre août 2014 et la période de renonciation. D’autre part, les recourantes avaient toujours refusé de fournir l’identité des chauffeurs partenaires et des documents relatifs aux courses qu’ils avaient effectuées. De ce fait, le service ne savait pas si les engagements étaient complètement respectés. Le service maintenait l’amende litigieuse de CHF 35'000.- qui avait été exclusivement infligée à A______ en lien avec les faits énoncés dans la décision litigieuse.

c. L’échange de courriels du 10 juin 2015, versé à la procédure lors de l’audience précitée, faisait état des éléments suivants.

M. J______ informait le département compétent du fait que « A______ apport[ait] un certain nombre de modifications à son fonctionnement de manière à se mettre en conformité avec le cadre réglementaire en vigueur ». Il énonçait les trois modifications suivantes : « A______ n’utilisera[it] plus de taxis publics, ni privés ; A______ utilisera[it] exclusivement des limousines conduites par des chauffeurs professionnels autorisés ; A______ modifiera[it] son application pour rendre clair que le prix communiqué à l’avance sera[it] un prix maximal pour autant que le passager communique son lieu de destination dans l’application ». Il demandait au département de lui confirmer que « pour l’État de Genève, en procédant à ces modifications, A______ sera[it] considéré comme légal dans le canton et que tous les chauffeurs de limousines, au bénéfice des autorisations nécessaires du [service], pourr[aient] utiliser A______ dans le canton de manière légale ».

Un représentant du département compétent a répondu à M. J______ en lui confirmant que « la mise en place effective de l’ensemble des points évoqués dans [son courriel] rend[ait son] activité conforme à la loi sur les taxis genevoise, selon le département [genevois compétent] ».

18) Le 7 avril 2017, les recourantes ont répliqué, contesté les arguments du service et persisté dans leurs conclusions hormis celle relative à la tenue d’une audience publique.

19) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

20) Le 1er juillet 2017 est prévue l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (nLTVTC).

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige est régi, sur le fond, par la LTaxis et le règlement d’exécution de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 4 mai 2005 (RTaxis - H 1 30.01). En effet, il a trait à l’activité de transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles sur territoire genevois en échange d’une rémunération, aucune des exceptions de l’art. 4 LTaxis n’entrant en compte. De plus, l’ensemble des faits déterminants se sont déroulés sous le droit actuel, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte la nLTVTC, dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er juillet 2017.

Par ailleurs, dans la mesure où les recourantes les invoquent, sont susceptibles de s’appliquer à la présente cause la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) et l’art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). La LMI vise notamment à faciliter les échanges économiques en Suisse (art. 1 al. 2 LMI) et garantit à toute personne ayant son siège en Suisse l’accès libre et non discriminatoire au marché afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse (art. 1 al. 1 LMI). L’art. 27 al. 1 Cst. garantit la liberté économique ; celle-ci comprend notamment le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2).

3) Suite à l’audience de comparution personnelle des parties, il y a lieu de préciser l’objet du présent litige. Les parties admettent que ce dernier concerne la période située entre septembre 2014, début de l’activité d’A______ dans le canton de Genève, et juin 2015, moment de la modification de la pratique d’A______ telle qu’exposée dans l’échange de courriels du 10 juin 2015. Le service considère que les trois changements annoncés dans cet échange et décrits ci-après, rendent l’activité d’A______ conforme à la LTaxis, notamment du fait que celle-là consiste à exploiter une centrale de limousines qui n’est pas soumise à autorisation, pour autant que ces changements soient effectifs.

Quant aux recourantes, elles reconnaissent, tant par leur représentant lors de l’audience du 30 novembre 2015 que par M. J______ dans l’échange de courriels du 10 juin 2015, avoir effectué les trois changements suivants dans l’exercice de leur activité sur territoire genevois depuis juin 2015 : ne plus utiliser des taxis (qu’ils soient de service public ou de service privé), utiliser exclusivement des limousines conduites par des chauffeurs professionnels au bénéfice des autorisations nécessaires, ainsi que communiquer à l’avance et clairement le prix maximal à condition que le client indique son lieu de destination dans l’application. Le fait que ces trois éléments aient dû faire l’objet de « modifications » du « fonctionnement » d’A______, selon les propres termes utilisés par son représentant dans le courriel du 10 juin 2015 et confirmés lors de l’audience précitée, démontrent que tel n’était pas le cas avant juin 2015. Il peut dès lors être retenu, comme le soutient le service, qu’avant cette date, A______ faisait appel à des chauffeurs dont tous n’étaient pas nécessairement au bénéfice des autorisations nécessaires pour effectuer du transport professionnel de personnes, que l’activité de ce groupe se déployait tant à travers des taxis que des limousines et que le prix annoncé par l’application A______ avant la course n’indiquait pas clairement qu’il s’agissait du prix maximal.

Par conséquent, l’objet du présent litige se limite, à ce stade, à vérifier si le service était en droit, en mars 2015, de prononcer l’interdiction immédiate de l’activité des recourantes et de prononcer une amende de CHF 35'000.- à l’encontre de A______ pour les faits survenus entre septembre 2014 et juin 2015 sur le territoire genevois.

4) L’argument des recourantes reprochant au service de confondre les différentes sociétés du groupe, ne saurait être retenu. En effet, le fait que les différentes relations que le service a attribuées à A______ (telles que le partenaire contractuel des tiers utilisant en tant que chauffeur ou passager l’application A______, le bénéficiaire direct du versement du prix des trajets facturés par ladite application par carte de crédits, l’entité percevant la commission de 20% imposée aux chauffeurs sur le prix et reversant le solde à ceux-ci) ne concernent formellement pas cette société mais D______, ne change rien au fait qu’A______ agit, en Suisse, par le biais de sa filiale A______, comme le démontre par exemple la représentation des intérêts de ce groupe lors du litige portant sur la modification du règlement intercommunal vaudois sur le service des taxis du 7 mai 2015 ayant abouti à l’arrêt 2C_500/2016 du Tribunal fédéral du 31 octobre 2016 et à l’arrêt consécutif du 4 mai 2017 du Tribunal cantonal vaudois (affaire n°CCST.2016.0006). Va également dans ce sens le fait que M. J______, employé de A______, défende les intérêts de A______ vis-à-vis des autorités genevoises, tant dans la présente procédure que dans des procédures tierces concernant des chauffeurs sanctionnés dans le cadre de leur utilisation de l’application A______ (causes A/99/2015, A/100/2015, A/101/2015, A/102/2015, A/103/2015, A/104/2015, A/105/2015, A/106/2015, A/107/2015, A/988/2015, A/1763/2015). Par ailleurs, comme l’a expliqué en audience le mandataire commercial des recourantes, également employé de D______, D______ et B______ - qui détient entièrement A______ - sont des sociétés sœurs détenues à 100 % par une société tierce dénommée E______. D______ et B______ occupent en outre les mêmes locaux à Amsterdam, étant précisé que la première est qualifiée par le mandataire précité de « société opérationnelle » tandis que la seconde est, d’après les intéressées, une société purement financière ayant pour seul but la prise de participations, la gestion et le financement d’entreprises du groupe A______ et détenant entre autres A______. B______ est de plus, d’après l’extrait du registre du commerce zurichois, l’associée de A______. À ces interdépendances entre les sociétés néerlandaises et la société suisse s’ajoute le fait que la maison-mère américaine du groupe A______, à savoir C______, détient, d’après les déclarations du mandataire commercial des intéressées, indirectement A______ et D______.

L’ensemble de ces éléments permet de démontrer, malgré l’indépendance juridique et le but social de « sout[ien] » de A______ auprès des entreprises du groupe A______, l’interdépendance, voire l’identité, économique entre ces différentes sociétés du groupe A______, qui sont au surplus toutes désignées par l’appellation « A______ ». Dès lors, la confusion entre A______ et D______, commise par le service, résulte de circonstances extérieures imputables à la structure même du groupe A______, caractérisée par son envergure mondiale notoire et son fonctionnement fractionné en entités juridiques distinctes suivant les zones géographiques concernées, ce qui résulte d’un choix ayant comme conséquence d’entretenir une confusion de ce type. Ainsi, non seulement il ne peut être reproché au service d’avoir confondu A______ et D______, mais ces deux sociétés ainsi que les sociétés qui les dominent - telles que B______, E______ et C______ - se confondent effectivement dans les faits, dans le cadre de la fourniture de la prestation de transport offerte par l’application A______, en raison de l’unité - à tout le moins apparente - créée par l’emploi de la même dénomination (« A______ ») et de la volonté manifeste d’un rayonnement au niveau mondial poursuivi par ledit groupe. Admettre le contraire reviendrait, dans le cas d’espèce, à invoquer de manière abusive l’indépendance juridique des différentes sociétés du groupe A______ pour échapper à l’examen de la conformité à la LTaxis des activités du groupe A______, en violation de l’art. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) prohibant l’abus de droit notamment en lien avec le principe de la transparence (Durchgriff) (ATF 137 III 550 consid. 2.3.1 ; 128 II 329 consid. 2.4 et les références citées). L’application du principe de la transparence suppose, d’après la jurisprudence, d’une part, l’identité des personnes, conformément à la réalité économique, ou en tout cas la domination économique d’un sujet de droit sur l’autre, et, d’autre part, le fait que la dualité soit invoquée de manière abusive, c’est-à-dire pour en tirer un avantage injustifié (arrêt du Tribunal fédéral 4A_417/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.3). La mainmise d’une personne juridique sur une autre ne se traduit pas nécessairement par la possession de l’ensemble ou de la majorité des participations au sein de cette société ; d’autres formes de dépendance sont envisageables (arrêt du Tribunal fédéral 4A_384/2008 du 9 décembre 2008 consid. 4.1).

A______ ne peut donc pas se prévaloir de son indépendance juridique par rapport aux autres sociétés du groupe, notamment D______, ni du fait que son but social se limite formellement à des prestations de services internes au groupe de soutien, notamment dans la communication et la promotion auprès des chauffeurs et des consommateurs - L______ qualifiant A______ de « local supporting entity » -, pour soustraire le groupe A______, souhaitant offrir ses prestations sur territoire genevois, aux obligations légales qui y sont applicables.

5) Il y a ensuite lieu d’examiner les griefs d’ordre formel invoqués par les recourantes, étant rappelé que l’amende de CHF 35'000.- ne touche que A______. Ces dernières se plaignent d’un établissement insuffisant des faits qui leur sont reprochés. Elles invoquent également la violation de leur droit d’être entendues à différents titres, notamment sous l’angle de l’administration des preuves. Elles estiment aussi ne pas avoir eu connaissance des manquements qui leur sont attribués et ne pas avoir eu accès au dossier complet du service avant le prononcé de la décision litigieuse. Enfin, celle-ci serait nulle faute de notification valable.

a. S’agissant de l’établissement des faits, outre le dossier produit par le service, les déclarations du représentant des recourantes lors de l’audience du 30 novembre 2015 ainsi que le courriel du 10 juin 2015 versé alors par ledit représentant permettent d’écarter le grief des recourantes sur ce point. En effet, celles-ci admettent les faits à l’origine des manquements à la réglementation genevoise sur les taxis qui leur sont reprochés, en particulier le recours à des taxis de service public, des taxis de service privés et des limousines entre le début de leur activité dans le canton de Genève, en septembre 2014, et le moment de leur changement de pratique exposé lors de l’audience précitée et intervenu en juin 2015.

b. Quant au droit d’être entendu, il est garanti par les art. 41 ss LPA et 29 al. 2 Cst., l’art. 6 § 1 CEDH n’accordant pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de la disposition constitutionnelle précitée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_24/2010 du 20 mai 2010 consid. 1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I consid. 229 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF/138 I 232 Consid. 5.1; 138 IV 81 consid. 2.2; 134 I 83 consid. 4). S’agissant de l’obligation de motiver, il suffit que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1; 136 I 184 consid. 2.2.1).

La réparation de la violation du droit d’être entendu devant l’instance de recours est possible lorsque celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 138 I 97 consid. 4.1.6.1 ; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et la jurisprudence citée) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; 133 I 201 consid. 2.2). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/548/2016 du 28 juin 2016 ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 et les arrêts cités).

En l’espèce, les arguments soulevés par les recourantes au sujet du grief précité tendent, s’agissant des faits pertinents pour l’issue du litige, à remettre en cause l’existence d’infractions à la législation genevoise sur les taxis qui puissent leur être imputables. Sur ce point, le pouvoir d’examen de la chambre de céans se recoupe avec celui du service, dans la mesure où il se limite à des considérations portant sur les faits et le droit, à l’exclusion de l’opportunité (art. 61 al. 1 et 2 LPA). Dès lors, même à admettre une violation du droit d’être entendu des recourantes, elle pourrait être réparée devant la chambre administrative de sorte que la question d’une éventuelle violation peut rester ouverte. Quant aux pièces relatives au différend opposant Uber à des concurrents sur territoire genevois, dont les recourantes se plaignent de ne pas trouver trace dans le dossier du service les concernant, il y a lieu de constater qu’elles ne sont pas déterminantes pour la résolution du présent litige, faute d’avoir un lien ou même une influence sur la question litigieuse de savoir si les intéressées ont commis des infractions à la réglementation genevoise en matière de taxis. Par ailleurs, il n’est pas contesté que les recourantes ont pu faire valoir tous leurs arguments devant la chambre de céans, en particulier dans leur acte de recours et dans leurs écritures des 13 mai 2015 et 7 avril 2017 ainsi que lors de l’audience du 30 novembre 2015. À cela s’ajoute que A______ a pu s’exprimer sur les manquements que le service lui reprochait et avoir accès au dossier de ce dernier, avant le prononcé de la décision litigieuse. Le fait que, contrairement à A______, B______ n’ait pas été invitée à exercer son droit d’être entendue avant le prononcé de la décision litigieuse, constituerait un vice formel affectant celle-ci, est une question dont l’examen peut toutefois rester ouvert dans la mesure où cette société-ci a pu s’exprimer devant la chambre de céans, étant notamment représentée lors de l’audience de comparution personnelle du 30 novembre 2015. Par ailleurs, même si un tel vice n’avait pas pu être réparé, le renvoi à l’autorité intimée pour ce seul motif constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure au vu des circonstances du cas d’espèce, notamment des liens entre les deux recourantes exposés plus haut, de l’identité des manquements reprochés, du fait que B______ n’est pas visée par l’amende infligée mais uniquement par l’interdiction d’exercer l’activité, étant au surplus précisé que cette même société invoque n’être qu’une pure société financière et ne mener aucune activité dans le domaine en cause. Quant aux procédures parallèles opposant des tiers au service que celui-ci mentionne dans son écriture du 17 juillet 2015, elles concernent certes le fonctionnement de l’application A______ dans le cadre de son utilisation par des chauffeurs actifs sur le territoire genevois, mais n’affectent pas la situation juridique des recourantes de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner leur apport à la présente procédure, étant au demeurant rappelé que les recourantes soutiennent ne pas être une entreprise de transport ni engager du personnel à de telles fins. Enfin, il y a lieu de préciser que la décision litigieuse est suffisamment claire pour permettre aux recourantes de saisir son enjeu et de la contester de manière efficace, ce qu’elles ont d’ailleurs fait devant la juridiction de céans. Par conséquent, le grief tiré du droit d’être entendu doit, en l’espèce, être écarté.

c. En ce qui concerne la question de la notification de la décision litigieuse à l’égard de B______, l’art. 47 LPA prévoit qu’une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties. Or, en l’espèce, L______, mandataire commercial pour A______ et B______ et employé de D______, a déclaré, lors de l’audience du 30 novembre 2015, que B______ avait reçu copie de la décision querellée, étant précisé qu’il n’est pas contesté que cette société a pu recourir et exposer tous ses arguments devant la chambre de céans. Dès lors, même à admettre que la notification à son égard eut été irrégulière, elle n’a, en l’espèce, causé aucun préjudice à l’égard de cette partie. Ce grief doit donc également être écarté.

6) Sur le fond, les recourantes considèrent que la décision litigieuse viole les art. 2 et 3 LMI au motif qu’elle interdit à A______ d’accéder au marché genevois et d’y proposer ses prestations de service.

a. Selon l’art. 2 al. 1 LMI, toute personne a le droit d’offrir des marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le territoire suisse pour autant que l’exercice de l’activité lucrative en question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou son établissement. L’offre de marchandises, de services et de prestations de travail est régie par les prescriptions du canton ou de la commune où l’offreur a son siège ou son établissement (art. 2 al. 3 LMI). Toute personne exerçant une activité lucrative légale est autorisée à s’établir sur tout le territoire suisse afin d’exercer cette activité conformément aux dispositions en vigueur au lieu du premier établissement et sous réserve de l’art. 3 ( ) Il incombe aux autorités du lieu de destination de contrôler le respect des dispositions légales applicables en vertu du premier établissement (art. 2 al. 4 LMI). L’application des principes indiqués ci-dessus se fonde sur l’équivalence des réglementations cantonales ou communales sur l’accès au marché (art. 2 al. 5 LMI). Lorsqu’une autorité d’exécution cantonale a constaté que l’accès au marché d’une marchandise, d’un service ou d’une prestation est conforme au droit fédéral ou en a autorisé l’accès au marché, sa décision est applicable dans toute la Suisse (art. 2 al. 6 phr. 1 LMI).

Selon l’art. 3 al. 1 LMI, la liberté d’accès au marché ne peut être refusée à des offreurs externes. Les restrictions doivent prendre la forme de charges ou de conditions et ne sont autorisées que si elles s’appliquent de la même façon aux offreurs locaux (let. a), sont indispensables à la préservation d’intérêts publics prépondérants (let. b), répondent au principe de la proportionnalité (let. c). L’art. 3 al. 2 LMI dispose que les restrictions ne répondent pas au principe de la proportionnalité lorsque : une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être obtenue au moyen des dispositions applicables au lieu de provenance (let. a) ; les attestations de sécurité ou certificats déjà produits par l'offreur au lieu de provenance sont suffisants (let. b) ; le siège ou l'établissement au lieu de destination est exigé comme préalable à l'autorisation d'exercer une activité lucrative (let. c) ; une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être garantie par l'activité que l'offreur a exercée au lieu de provenance (let. d). Les restrictions visées à l'al. 1 ne doivent en aucun cas constituer une barrière déguisée à l'accès au marché destinée à favoriser les intérêts économiques locaux (art. 3 al. 3 LMI).

b. La LMI pose le principe du libre accès au marché selon les prescriptions du lieu de provenance, qui est l’un de ses principes fondamentaux avec celui de la non-discrimination entre les offreurs externes et locaux (Vincent MARTENET/Pierre TERCIER in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013, n. 65 ss ad Intro. LMI ; Manuel BIANCHI DELLA PORTA in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013 n. 79 ss ad Intro. LMI). Le principe du libre accès au marché a été renforcé par la modification de la LMI du 16 décembre 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006, au travers de laquelle le législateur a tendu, en supprimant les entraves cantonales et communales à l’accès au marché, à consacrer la primauté du marché intérieur sur le fédéralisme (Message du Conseil fédéral du 24 novembre 2004 relatif à la révision de la LMI in FF 2005 p. 422). L’idée du législateur était entre autres d’empêcher que le principe du fédéralisme ne l’emporte sur celui du marché intérieur (ATF 134 II 329 consid. 5.2). Cela ne signifie pas pour autant que toutes les limitations cantonales au libre accès au marché sont prohibées, notamment lorsqu’elles résultent du droit fédéral (ATF 141 II 280 consid. 5.1).

Les restrictions à la liberté d’accès au marché, qui figurent dans le droit cantonal et qui ne trouvent pas leur base dans une délégation de compétences figurant dans une loi fédérale de nature fédéraliste, tombent sous le coup de la LMI ; elles ne sont admissibles qu’aux conditions de l’art. 3 LMI et bénéficient de la présomption de l’art. 2 al. 5 LMI. Par rapport au droit cantonal autonome, la LMI fixe des exigences minimales qui doivent en tout cas être respectées (ATF 141 II 280 consid. 5.2.2).

c. Selon la jurisprudence, la présomption légale d’équivalence ancrée à l’art. 2 al. 5 LMI vise les réglementations d’accès elles-mêmes, telles qu’elles ressortent des dispositions générales et abstraites du droit cantonal ou communal et de la jurisprudence fondée sur ces dispositions. La vérification de l’équivalence de la réglementation cantonale du lieu de provenance avec celle du lieu de destination doit demeurer générale et abstraite. La présomption légale d’équivalence serait dénuée de toute portée pratique si l’autorité du lieu de destination était admise à procéder à une vérification rétroactive, au cas par cas, de la situation de l’offreur externe avec les conditions d’accès au marché au lieu du premier établissement. Ce n’est qu’exceptionnellement, en présence d’indices concrets indiquant que l’autorité ayant délivré la première autorisation n’a manifestement pas tenu compte des intérêts publics prépondérants, que la situation personnelle de l’offreur externe peut être examinée par l’autorité du lieu de destination (ATF 135 II 12 consid. 2.4 = JdT 2009 I 364 ; Manuel BIANCHI DELLA PORTA in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013 n. 37 ad Art. 2 I-VI LMI).

L’autorisation d’accès au marché du lieu de destination doit être accordée dans tous les cas – sans charges, ni conditions aucunes – excepté lorsque l’autorité du lieu de destination parvient à démontrer que la législation du lieu de provenance ne tient pas suffisamment compte d’intérêts publics prépondérants au sens de l’art. 3 LMI (ATF 135 II 12 consid. 2.4 = JdT 2009 I 364). Seulement dans un tel cas, l’autorité du lieu de destination est autorisée à soumettre l’autorisation d’accès au marché à des charges et à des conditions, lesquelles devront encore respecter l’exigence de proportionnalité. La diversité réglementaire inhérente à la structure fédéraliste de la Suisse a pour conséquence que certaines professions sont réglementées dans le canton de destination, alors qu’elles peuvent être librement exercées dans le canton de provenance. Dans un tel cas, l’autorité du lieu de destination ne saurait se contenter de relever l’absence de réglementation au lieu de provenance pour imposer des charges et des conditions. L’art. 3 al. 2 let. d LMI impose dans ce cas de tenir compte de l’expérience professionnelle acquise au lieu de provenance et de vérifier si une protection suffisante des intérêts publics prépondérants ne peut être atteinte par ce biais (Manuel BIANCHI DELLA PORTA, op. cit., n. 38 s ad Art. 2 I-VI LMI). L’autorité administrative doit se laisser opposer la solution du canton de provenance, sous réserve de l’art. 3 LMI. La présomption d’équivalence des réglementations cantonales posée à l’art. 2 al. 5 LMI perdrait de son sens si l’autorité du canton d’établissement pouvait revoir l’habilitation concédée par le canton de provenance, comme s’il s’agissait d’une nouvelle procédure d’autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_844/2008 du 15 mai 2009 consid. 3 et 4 ; Manuel BIANCHI DELLA PORTA, op. cit., n. 39 ad Art. 2 I-VI LMI).

L’application de la LMI peut conduire à des situations paradoxales, lorsque par exemple un offreur externe invoque la LMI contre une décision de soumettre l’accès au marché indigène à autorisation, en arguant que, selon le droit où il est établi, son activité peut être conduite sans autorisation ; dans cette hypothèse, les offreurs locaux demeurent soumis au régime d’autorisation. La situation est paradoxale dans la mesure où l’offreur externe réclame, par la voie de la LMI, le bénéfice d’un traitement préférentiel par rapport aux offreurs locaux. Elle résulte de l’application du principe de primauté du droit de l’établissement, qui conduit à favoriser les membres de la collectivité publique dont la réglementation est la moins sévère. Ce risque de nivellement par le bas est cependant limité par l’art. 3 LMI (Manuel BIANCHI DELLA PORTA, op. cit., n. 24 ad Art. 2 I-VI LMI).

d. Le titulaire de la liberté d’accès au marché doit établir son droit. Pour ce faire, il lui suffit de rapporter la preuve que l’activité qu’il entend mener au lieu de destination est licite selon le droit applicable au lieu où il est établi ou a son siège et, le cas échéant, qu’il est autorisé à la pratiquer selon ce droit (art. 2 al. 1 LMI). Si l’offreur externe a établi son droit à satisfaction, l’autorité ne peut s’y opposer, sauf à démontrer que la restriction envisagée est justifiée à la lumière de l’art. 3 LMI. L’autorité doit d’abord établir qu’il existe un motif suffisant pour restreindre la liberté d’accès au marché. Elle n’y parvient que s’il existe un intérêt public prépondérant à la restriction (art. 3 al. 1 let. b et al. 2 LMI). L’autorité doit encore démontrer que l’intérêt public prépondérant n’a pas été suffisamment pris en compte par le droit du lieu d’établissement de l’offreur externe (art. 3 al. 3 let. a LMI). Ce n’est qu’à ce titre qu’il peut être dérogé au principe de primauté du droit d’établissement. Cette démonstration implique de renverser la présomption légale d’équivalence des réglementations cantonales et communales, consacrée à l’art. 2 al. 5 LMI. Il appartient à l’autorité du lieu de destination qui s’oppose à l’accès au marché d’un offreur externe de renverser la présomption légale d’équivalence entre la réglementation du lieu de provenance et la réglementation locale applicable, et non à l’offreur externe de démontrer l’équivalence entre les deux réglementations (Manuel BIANCHI DELLA PORTA, op. cit., n. 32 ss ad Art. 2
I-VI LMI).

Dans un ATA/173/2012 du 27 mars 2012, après avoir constaté l’équivalence des réglementations cantonales en cause, l’absence de tout élément susceptible de renverser ladite présomption d’équivalence ainsi que l’absence d’un intérêt public prépondérant à l’exigence litigieuse posée par la réglementation genevoise, la chambre de céans a reconnu que la décision du service imposant à une compagnie de taxis, ayant son siège dans une commune valaisanne, de requérir une autorisation spécifique pour prendre en charge et déposer des clients dans le canton de Genève, était contraire à la LMI.

e. L’un des points majeurs de la révision de la LMI susmentionnée a été le durcissement du régime d’exception de l’art. 3 LMI. Les autorités du lieu de destination ne peuvent en principe plus refuser l’accès au marché, tout au plus elles peuvent le restreindre au moyen de charges. Il faudra soumettre les restrictions à l’accès au marché à de plus hautes exigences en matière de proportionnalité. Le principe du marché intérieur est ainsi renforcé par rapport à celui du fédéralisme. Un refus reste possible pour les cas où les règles d’accès au marché divergent de façon très marquée (Message du Conseil fédéral relatif à la révision de la loi sur le marché intérieur du 24 novembre 2004 [ci-après : Message révision LMI] in FF 2005 p. 421 ss, p. 437 et 441). L’art. 3 al. 3 LMI oblige les autorités à tenir aussi compte de l’expérience professionnelle que l’offreur a acquise au lieu de provenance lorsqu’elles procèdent à un examen sous l’angle de la proportionnalité. Le fait d’avoir dûment exercé une activité professionnelle pendant trois années consécutives peut être considéré comme suffisant, s’agissant de la notion de « protection suffisante des intérêts publics ». La reconnaissance de l’expérience professionnelle est notamment importante dans les cas où aucun titre n’est exigé dans le canton de provenance (Message révision LMI in FF 2005 p. 421 ss, p. 442).

Parmi les intérêts publics prépondérants susceptibles d’être invoqués dans le cadre de l’art. 3 LMI, figurent la loyauté des échanges commerciaux et la protection des consommateurs. D’une manière générale, les consommateurs s’attendent à ce qu’une réglementation s’applique de manière uniforme à tous les produits ou services qui leur sont offerts, sans distinction. Or, le principe de primauté du droit de provenance conduit précisément à paralyser l’application d’une réglementation pour certains biens ou services – ceux qui sont « importés » ou viennent de l’extérieur – au motif que leur conformité au droit d’où ils proviennent est présumée garantir la préservation des intérêts publics protégés par la réglementation du lieu de destination. Le fait que des réglementations différentes puissent s’appliquer à des biens ou des services concurrents proposés au même cercle de consommateurs peut créer un avantage indû de l’offreur externe si les consommateurs croient à tort que ces biens ou services répondent aux exigences posées par le droit du lieu de destination. Il est légitime que l’autorité du lieu de destination puisse également imposer à l’offreur externe certaines règles de nature à détromper les consommateurs, notamment en matière d’information (ex : étiquetage des produits). L’intérêt à la protection des consommateurs va plus loin que la loyauté des échanges commerciaux, même si celle-ci sert aussi celle-là. Il couvre de manière générale toutes les situations dans lesquelles la réglementation applicable au lieu de destination protège plus efficacement leurs intérêts que celle applicable au lieu de provenance. Le motif est cependant insuffisant à justifier une restriction, si la protection obtenue au moyen des prescriptions applicables au lieu de provenance est équivalente à celle de la réglementation du lieu de destination, même si sur certains points elle est aménagée de manière différente (art. 3 al. 3 LMI). La justification tirée de la loyauté commerciale et de la protection des consommateurs devrait, selon la doctrine, avoir une portée pratique très limitée, cette matière étant codifiée sur le plan fédéral en particulier dans la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD - RS 241) (Manuel BIANCHI DELLA PORTA in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013 n. 22 ss ad Art. 3 LMI).

f. En l’espèce, le service a prononcé la cessation immédiate mais conditionnelle des activités d’A______ sur territoire genevois et infligé une amende de CHF 35'000.- à A______, au motif que cette entreprise exerçait l’activité d’une centrale d’ordres de courses sans autorisation - qu’elle avait refusé de solliciter en dépit de l’invitation du service - et que son activité posait des problèmes en matière de protection des consommateurs (chauffeurs sans autorisation ni carte professionnelle, mixité des catégories de transport, erreurs de calculs des prix). Cette décision constitue, à l’égard d’A______, une restriction au libre accès au marché genevois. Les recourantes soutiennent ne pas avoir à requérir une telle autorisation considérant, d’une part, ne pas être une centrale d’ordres de courses et, d’autre part, pouvoir avoir accès au marché genevois du fait de la licéité de leur activité à la législation communale du lieu du siège zurichois d’A______.

Les parties ne contestent pas qu’en ville de Zurich, lieu du siège d’A______, l’activité des intermédiaires entre les chauffeurs de taxis et les clients n’est pas soumise à autorisation (Verordnung über das Taxiwesen [Taxiverordnung] n° 935.460 de la ville de Zurich du 8 juillet 2009, dans sa teneur applicable entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014 [ci-après : TaxiV] ; extrait du
procès-verbal du conseil de la ville de Zurich du 18 mars 2015 relatif à une question écrite portant sur l’application de la législation communale sur les taxis précitée à A_____ [Auszug aus dem Protokoll des Stadtsrats von Zürich vom 18. März 2015, point n° 248 intitulé « Schriftliche Anfrage von Thomas Schwendener und Dr. Daniel Regli betreffend Taxiservice « A______ », Anwendung der Vorschriften der Verordnung über das Taxiwesen] [ci-après : PV-ville ZH], p. 3 disponible in : http://www.gemeinderat-zuerich.ch/Geschaefte/detailansicht-geschaeft/Dokument/9ed3ef1b-e44e-4d63-aef4-4017c351b800/2014_0373.pdf [consulté le 31 mai 2017]). La preuve de la licéité de l’activité d’A______ à son lieu de provenance lui incombant est donc admise. Or, contrairement à A______, le service considère que les réglementations entre les lieux de provenance (ville de Zurich) et de destination (canton de Genève) ne sont pas équivalentes, puisque, d’après lui, l’activité d’A______ doit être qualifiée de centrale d’ordres de courses au sens de l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis et donc soumise à autorisation au regard du droit genevois. Par ailleurs, il y a lieu d’écarter l’argument du service qualifiant de contradictoire et tardive la position des recourantes qui invoquent au seul stade du recours la LMI pour offrir leur prestation dans le canton de Genève alors même qu’elles soutenaient en rapport avec l’assujettissement à la LTaxis ne pas intervenir dans la mise en contact entre les chauffeurs et les passagers en raison de sa nature automatique résultant de l’application A______. En effet, la mise sur le marché de cette application consiste à proposer, dans le canton de Genève, une nouvelle prestation dans le domaine du transport professionnel de personnes au moyen de véhicules et tombe ainsi dans le champ d’application de la LMI, sans égard au moment à partir duquel cette loi a été invoquée par les recourantes, le service devant appliquer le droit pertinent d’office.

L’éventuel constat que les réglementations zurichoise et genevoise ne sont pas équivalentes, ne suffit pas, dans le domaine en cause régi exclusivement par le droit cantonal respectivement communal, à contrecarrer les effets de la LMI au bénéfice des offreurs ayant leur siège dans un autre canton, dont le droit n’exige pas d’autorisation à l’exercice de leur activité économique, et ce malgré le paradoxe généré par l’application de la LMI pour les offreurs genevois. En vertu de la LMI, il revient au service, d’une part, d’établir l’existence d’un intérêt public prépondérant justifiant la restriction au libre accès du marché genevois et, d’autre part, de démontrer que ledit intérêt n’a pas été suffisamment pris en compte par le droit zurichois du lieu de provenance de l’offreur externe. Ce n’est qu’à ces conditions que la restriction au libre accès peut se justifier et, par là même, la présomption d’équivalence ancrée à l’art. 2 al. 5 LMI être renversée.

7) La question du bien-fondé de la restriction litigieuse doit s’examiner, en l’espèce, en particulier au regard de la LTaxis et du RTaxis afin de déterminer s’il existe un intérêt public prépondérant et, le cas échéant, s’il est suffisamment pris en compte par la législation communale zurichoise du lieu de provenance d’A______, voire par l’activité que celle-ci y a exercée, conformément aux conditions de l’art. 3 LMI.

a. La LTaxis vise à assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes, notamment aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l’environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public (art. 1 al. 1 LTaxis). Le service prend les mesures nécessaires pour assurer le respect des buts fixés par la loi, notamment afin de préserver l’intérêt public à disposer de services de transport de personnes sûrs, performants, bien organisés et favorisant l’image de Genève (art. 1 al. 2 RTaxis). Seuls les titulaires d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de chauffeur de limousine - dont les conditions d’octroi sont posées aux art. 6 et 7 LTaxis - peuvent conduire un véhicule pour transporter professionnellement des personnes (art. 5 al. 1 LTaxis). Par ailleurs, l’exploitation d’un service de transport de personnes est subordonnée à la délivrance préalable de l’une des autorisations prévues à l’art. 9 al. 1 LTaxis, notamment l’autorisation d’exploiter une centrale d’ordre de courses de taxis (let. d) dont les conditions de délivrance figurent à l’art. 13 LTaxis.

À teneur de l’art. 13 al. 1 LTaxis, l’autorisation d’exploiter une centrale d’ordres de courses de taxis ( ) est délivrée par le département à une personne physique ou à une personne morale lorsque : a) la personne physique ou la personne dirigeant effectivement une personne morale est suisse ou est au bénéfice d’une autorisation lui permettant de travailler en Suisse comme indépendant ou comme employé, et offre des garanties de moralité et de comportement suffisantes ; b) la requérante est solvable ; c) la personne physique ou morale est inscrite au registre du commerce de Genève ; d) la requérante justifie être affiliée à une caisse de compensation ; e) la centrale dispose à son siège d’une adresse fixe et d’un numéro téléphonique d’appel général ; f) la centrale justifie de l’affiliation dans le délai d’un an à compter de la délivrance de l’autorisation d’un nombre minimal de taxis, fixé par le Conseil d’Etat ; g) la centrale dispose de l’infrastructure suffisante et des moyens techniques adéquats pour gérer le trafic des taxis qui lui sont affiliés, ainsi que pour recevoir et leur transmettre des ordres de courses ; h) la centrale garantit un service 24 heures sur 24 tous les jours de l’année et s’assure qu’un nombre suffisant de véhicules est à disposition du public durant la nuit, les samedi et les jours fériés ; i) dans la limite de ses places disponibles et de ses capacités de diffusion des ordres de courses, la centrale offre la faculté aux exploitants d’un service de taxis de service public de s’affilier sans autres contreparties financières, telles que des indemnités d’entrée, que celles liées aux prestations mises à disposition ; j) la centrale dispose d’un service d’appel général permettant aux clients d’obtenir après la course des prestations de recherches d’objets perdus ou d’émettre des réclamations ; k) la centrale dispose des places de stationnement nécessaires à permettre aux chauffeurs qui lui sont affiliées de se présenter à la centrale. L’autorisation confère la faculté d’exploiter une centrale d’ordres de courses de taxis de service privé ou de service public (art. 13 al. 2 LTaxis). La même centrale ne peut avoir pour affiliés des exploitants de taxis de service privé et des exploitants de taxis de service public (art. 13 al. 3 LTaxis). Le Conseil d’État peut imposer aux centrales ayant pour affiliés des taxis de service public d’autres obligations liées à la gestion du trafic dans les voies réservées aux transports en commun (art. 13 al. 4 LTaxis).

S’agissant des tarifs, la réglementation est différente selon qu’il s’agit d’un taxi (de service public ou privé) ou d’une limousine. Pour les taxis, les tarifs sont déterminés selon l’enregistrement du compteur horokilométrique, calculé dans les limites maximales imposées par le Conseil d’État (art. 42 al. 1 LTaxis et art. 68 ss RTaxis), sous réserve du cas prévu à l’art. 42 al. 2 LTaxis non pertinent en l’espèce. L’art. 42 al. 3 LTaxis prévoit que tous les abonnés d’une même centrale d’ordres de courses doivent pratiquer le même tarif. Quant aux limousines, les tarifs sont fixés librement entre l’exploitant et le client par entente préalable (art. 42 al. 6 LTaxis). En outre, les prérogatives des taxis se distinguent de celles des limousines et également entre eux suivant leur type (service public ou privé). Seuls les taxis de service public (sous forme d’indépendant ou d’une entreprise de ce type) disposent, dans certaines limites, d’un usage commun accru du domaine public, leur permettant de s’arrêter aux stations de taxis dans l’attente de clients et d’utiliser les voies réservées aux transports en commun ainsi que d’emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte (art. 19 al. 2 LTaxis).

Le service est l’autorité chargée de l’application de la LTaxis ; il exerce la surveillance des activités autorisées (art. 1 al. 1 RTaxis). Le service prend les mesures nécessaires pour assurer le respect des buts fixés par la loi susmentionnés (art. 1 al. 2 RTaxis). Il renseigne les milieux concernés sur le champ d’application de la LTaxis, afin d’éviter que des transporteurs exercent sur le territoire du canton de Genève une activité soumise au champ d’application de la loi sans autorisation. Il renseigne également dans la mesure utile les autorités compétentes des autres cantons et des départements français frontaliers (art. 2 al. 1 RTaxis). Les personnes qui ont un doute quant à l’application de la loi à leur activité peuvent solliciter du service un examen sommaire de leur situation (art. 2 al. 3 RTaxis). Le service exerce régulièrement les contrôles nécessaires afin de vérifier que la loi est appliquée à toutes personnes entrant dans son champ d’application (art. 2 al. 2 RTaxis).

b. La loi antérieure à la LTaxis ne prévoyait pas un « quelconque régime d’autorisation pour les centrales d’ordres de courses de taxis » (MGC 2003-2004 VII 3203 et 3221). Or, le législateur cantonal a considéré, lors des travaux relatifs à la LTaxis, que « ces entreprises [en faisant référence aux centrales d’ordres de courses de taxis] jou[ai]ent toutefois un rôle non négligeable dans le service au public et il [était] d’intérêt public à ce que les centrales soient soumises à autorisation, ce qui permet[tait] à l’autorité administrative de veiller à ce que ces entreprises remplissent les tâches nécessaires au meilleur service public et à la protection du consommateur » (MGC 2003-2004 VII 3203). L’exposé des motifs du projet de loi (PL 9198) à l’origine de la LTaxis, souligne l’importance de soumettre les centrales d’ordres de courses de taxis à autorisation, en raison de leur rôle - qualifié d’important - dans le service public du taxi et dans l’activité de ce dernier. En effet, « [c]’est grâce à elles que le client est en mesure d’obtenir un taxi par appel téléphonique, notamment de jour comme de nuit. Les centrales jouent également un rôle important pour le service aux clients après la course, en particulier lorsqu’il s’agit de retrouver un véhicule en raison d’objets perdus ( ) Mais il s’agit avant tout, et c’est là le but d’intérêt public, de veiller à ce que le consommateur qui se fie à un numéro d’appel d’une centrale d’ordres de courses puisse réellement faire appel à un service comportant une véritable organisation de taxis et susceptible de lui adresser un véhicule, de jour comme de nuit, week-end compris » (MGC 2003-2004 VII 3221 s). C’est pour cette raison que l’exposé des motifs pose des exigences, en partie, identiques aux entreprises de limousines et de taxis et, en partie, spécifiques auxdites centrales. Ces conditions particulières sont, premièrement, une infrastructure suffisante et un nombre minimal de taxis afin d’assurer à la clientèle l’existence d’une « véritable centrale et éviter ainsi que le client fasse appel à une centrale qui en réalité ne disposerait ni des moyens techniques, ni surtout du nombre de véhicules nécessaires à assurer les courses », un service 24 heures sur 24 ainsi que la prestation de recherche d’objets ou de réclamation (MGC 2003-2004 VII 3222). En outre, la mixité des centrales a été abolie car « dans la mesure où les taxis sans droit de stationnement n’ont en effet aucun accès ni aux stations, ni aux voies de bus, on ne peut concevoir que la même centrale diffuse indifféremment des courses à l’une et à l’autre catégorie de taxis, au risque sinon de tromper la clientèle » (MGC 2003-2004 VII 3222 s).

Le rôle prépondérant des centrales dans le service public a été également rappelé devant la commission des transports chargée d’étudier le projet de loi à l’origine de la LTaxis, étant précisé que l’idée est d’inciter à l’affiliation à une centrale et non de l’imposer, et de permettre une concurrence entre les centrales (MGC 2004-2005 IV 1676). La discussion de ladite commission au sujet des centrales a notamment porté sur une centrale unique, dont le principe a été rejeté, ainsi que sur le « numéro d’appel unique » que la profession n’a jamais réussi à mettre en place mais dont la possibilité de l’introduire a été adoptée par les commissaires ; il est précisé à ces derniers que l’accent sur les centrales dans le projet de loi est dû au fait qu’un service 24 heures sur 24 ne peut pas s’organiser sans elles (MGC 2004-2005 IV 1690 s).

Selon les travaux à l’origine de la LTaxis, les entreprises et associations des limousines ont dénoncé, auprès du département compétent, l’absence de cadre législatif cantonal concernant leur profession, carence qui permet, d’après elles, « la prolifération, notamment durant l’été, de divers exploitants qui organisent, au gré de l’arrivée de riches étrangers en séjour à Genève, d’importants services de limousines qui disparaissent aussitôt, sans avoir créé un réel établissement à Genève, et sans même avoir été astreints à des impôts. Ces entreprises, que les [exploitants de services de limousines] qualifient de sauvages », ne répondent souvent pas aux exigences de la législation fédérale ; des chauffeurs travaillent sans permis de conduire professionnel, et des véhicules ne sont pas équipés selon l’OTR 2 [ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes et de voitures de tourisme lourdes du 6 mai 1981 - RS 822.222] d’un tachygraphe, pour avoir été loués à une entreprise de location suisse ou étrangère. [Lesdits exploitants] dénoncent également le fait que des chauffeurs ou exploitants travaillent en Suisse sans permis de séjour ou de travail. L’absence de réglementation cantonale ne permet pas un contrôle efficace par les autorités et rend pratiquement impossible un contrôle de l’activité par la police ( ) cette situation est néfaste, non seulement à [l’égard des exploitants de services de limousines installés à Genève], dans la mesure où une partie du travail leur échappe, mais également pour la protection du consommateur et pour l’image de Genève » (MGC 2003-2004 VII 3178 ss).

Quant à la cohabitation des taxis et des limousines, les travaux préparatoires précités relèvent que leurs exploitants respectifs « vivent en bonne harmonie, chacun reconnaissant sa complémentarité réciproque. La difficulté tient dans la délimitation de la zone frontière entre les deux activités puisque dans la finalité, chacun prend en charge un client pour le transporter. La différenciation tient sur plusieurs critères combinés, dont la qualité ou plutôt le caractère luxueux ou personnalisé du service, mais surtout sur le choix fait par le consommateur qui, dans le recours à une limousine, devra être conscient qu’il paie plus cher, pour un autre service, que le prix qui lui aurait été facturé selon le compteur du taxi. Le critère de la commande préalable et éclairée du client joue donc un rôle primordial. Toutefois, ici encore, la différenciation est difficile, car tant le taxi que la limousine sont commandés, le taxi pouvant aussi l’être par une réservation préalable. En outre, la limousine peut être disponible, en quelques minutes, et même par une commande écrite, grâce aux moyens de télécommunication modernes. Les chauffeurs qui exploitent [alors] avec le même véhicule à la fois un service de taxi et à la fois un service de limousine, profitent ainsi de la faculté qui a été laissée aux taxis de se mettre à disposition de clients pour une période de temps et non plus selon le compteur, et enlever leur enseigne. Cette pratique pose toutefois un problème concret de protection du consommateur. En effet, un simple transfert entre un hôtel du centre ville et l’aéroport est facturé quelque 120 F en limousine, alors que le compteur du taxi aurait enregistré un montant d’environ 35 à 50 F. Des courses sont ainsi effectuées par des chauffeurs de taxis qui, au dernier moment, enlèvent leur enseigne pour prendre le client et lui facturer le prix d’une limousine ( ) En intégrant dans la loi sur les services de taxis les services de limousines, il devient impératif de mieux définir cette zone frontière et de définir des activités reconnaissables par le consommateur, au risque sinon de permettre encore des abus » (MGC 2003-2004 VII 3195s). Comme « la permission accordée jusqu’ici à des exploitants de taxis de retirer l’enseigne « taxi » pour se mettre à disposition de clients comme limousine est susceptible de léser la clientèle et créer des abus », les « taxis n’ont plus la faculté de retirer l’enseigne qui devient fixe ou de quitter leur désignation de taxis » sous une réserve liée aux trajets hors frontières cantonales. « Le client reste ainsi renseigné sur le fait que le véhicule qu’il loue est un taxi, ce qui est suffisant à le protéger dans son choix et dans l’acceptation du prix proposé » (MGC 2003-2004 VII 3200).

S’agissant du service au public, les travaux préparatoires à l’origine de la LTaxis relèvent que ce dernier est devenu insuffisant, notamment en ce qui concerne la présence suffisante de taxis en tous lieux et à toutes heures du jour et de la nuit (MGC 2003-2004 VII 3197). Seuls les groupes constitués en tant qu’entreprise ou centrales d’ordres de courses permettent d’assurer un service au public 24 heures sur 24, notamment durant la nuit. Les centrales, qui n’ont que des affiliés volontaires, ne disposent pas de moyens coercitifs pour obliger des chauffeurs à travailler durant certaines périodes. Le service au public n’implique pas seulement la présence 24 heures sur 24, mais aussi le service « après course », pour tous les événements courants tels que la perte ou l’oubli d’objets, les réclamations, etc. (MGC 2003-2004 VII 3196 s).

c. Ainsi, les travaux préparatoires de la LTaxis démontrent clairement que le législateur cantonal a voulu modifier la situation juridique des centrales d’ordres de courses des taxis en soumettant leur activité à autorisation, et ce afin d’assurer aux clients sur territoire genevois la mise à disposition effective de taxis à toute heure de la journée et de la semaine, en particulier la nuit, le week-end et les jours fériés. Bien que l’absence de moyens en mains des centrales afin d’obliger les chauffeurs à travailler à des périodes définies soit reconnue, le législateur estime alors qu’un service 24 heures sur 24 ne peut pas s’organiser sans elles. L’intérêt poursuivi par l’assujettissement des centrales d’ordres de courses de taxi à autorisation relève ainsi d’un intérêt public évident et essentiel permettant aux consommateurs situés dans le canton de Genève de pouvoir accéder à tout moment à un service de taxi. Par ailleurs, il existe une volonté du législateur genevois de permettre la concurrence entre les centrales, ainsi que d’inciter à l’affiliation à l’une d’elles.

Outre l’accès permanent à un service de taxi, le législateur de l’époque a été amené à répondre à un besoin exprimé par les milieux professionnels des limousines souhaitant un meilleur contrôle de leur activité par l’État en raison du développement d’entreprises dites « sauvages » profitant de l’arrivée de riches étrangers dans le canton pendant l’été pour faire des profits substantiels à leur détriment et au mépris des législations en vigueur dans leur profession. La question de la délimitation entre l’activité des taxis par rapport à celle des limousines a donc dû être réglée car il est notoire que le prix d’un service de limousine est beaucoup plus élevé que celui d’un service de taxi astreint à l’utilisation d’un compteur limitant le prix. Le législateur à l’origine de la LTaxis a voulu éviter des abus en matière de fixation de prix des courses - ceux-là étant déjà connus vu la possibilité qu’avaient jusqu’alors les chauffeurs de taxi d’enlever leur enseigne « taxi » et de se transformer en limousine, faculté supprimée depuis l’entrée en vigueur de la LTaxis - en distinguant le service des limousines de ceux des taxis pour des raisons évidentes de protection des consommateurs. Par conséquent, les travaux préparatoires de la LTaxis démontrent que la réglementation genevoise, et en particulier la soumission à autorisation - alors nouvelle - des centrales d’ordres de courses de taxis, vise la protection de deux intérêts publics essentiels que sont l’accessibilité effective en tout temps à des taxis et la protection des clients quant à la transparence et à la fiabilité de la fixation du prix de tels services. Le fait que la législation de la ville de Zurich applicable en 2013 ne pose pas une telle obligation à l’égard des centrales, n’annihile pas pour autant les besoins exprimés par les acteurs genevois lors de l’élaboration de la LTaxis et propres à chaque contexte.

Quant à la définition de centrale d’ordres de courses qui n’est prévue ni par la LTaxis et son règlement ni par la jurisprudence, il ressort des travaux préparatoires précités que la mise en contact par le biais d’un appel téléphonique est certes principalement appréhendée par le législateur de l’époque, sans toutefois qu’il n’en découle une exclusivité de ce type de moyen. Le législateur met l’accent sur les buts à atteindre par la nouvelle réglementation soumettant à autorisation les centrales et sur le rôle important de ces dernières dans la mise en contact des clients avec les taxis. Cette lecture se trouve confirmée par la terminologie utilisée dans la LTaxis, en particulier l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis, et dans lesdits travaux. Cette loi emploie l’expression de « centrale d’ordres de courses de taxis », sans que celle-ci ne contienne en son sein de référence au moyen de contacter la centrale, telle que l’aurait été par exemple l’ajout, après le mot « centrale », du terme « téléphonique ». Outre le fait que le type de centrale n’est pas spécifié, le recours au mot « centrale » met en évidence le phénomène consistant à regrouper, en un pôle, les demandes de courses, sans que la forme (matérielle ou immatérielle) de ce dernier ne soit un critère déterminant pour l’assujettissement à autorisation. En effet, d’après la définition du dictionnaire en ligne de l’Académie française, le mot « central/ale » résulte de celui de centre, l’adjectif étant défini comme « qui est situé au centre d’une figure, d’un lieu, d’une chose, d’un ensemble, etc. ». Quant au substantif, il existe, d’une part, au masculin (par exemple « central téléphonique ») et signifie « organisme d’où rayonnent les lignes d’un réseau » ; le substantif au féminin fait entre autres référence au commerce par l’exemple de « centrale d’achat », qui est définie comme un « organisme regroupant, pour les achats, les commandes, plusieurs entreprises de distribution ».

Par conséquent, contrairement à la position des recourantes, l’activité du groupe A______ mettant en relation, par le biais de son application, chauffeurs et clients en vue d’un transport en voiture en échange d’une rémunération, entre dans la définition de « centrale d’ordres de courses » au sens de la LTaxis. Le fait qu’il s’agisse, comme l’expliquent les recourantes, d’un outil technologique qui permet aux chauffeurs partenaires indépendants de générer des courses pour eux-mêmes, par l’intermédiaire de leur smartphone et sans intervention d’A______, ne change rien à la fonction de ce nouveau procédé technique. Quant au principal point de divergence de la notion litigieuse entre les parties, qui tient à l’exigence d’un numéro de téléphone dans les conditions d’octroi prévues à l’art. 13 LTaxis, il ne s’agit pas, à la lumière des travaux préparatoires susmentionnés, d’un élément constitutif de la notion de centrale d’ordres de courses au sens de l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis. Étant donné que l’instruction de la cause devant la chambre de céans a permis d’établir qu’entre septembre 2014 et juin 2015, l’application A______ était également utilisée par des taxis, il ne peut être reproché au service d’avoir considéré que l’activité d’A______ consistait alors en une centrale d’ordres de courses de taxis au sens de l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis et devait, au regard du droit genevois, être soumise à autorisation.

8) Il reste à vérifier si les intérêts publics prépondérants susévoqués sont suffisamment pris en compte par la législation respectivement l’activité d’A______ au lieu de son siège suisse, conformément à l’art. 3 LMI.

a. L’art. 9 al. 1 let. d LTaxis est une base légale qui s’applique de la même manière aux offreurs externes et locaux (art. 3 al. 1 let. a LMI). Elle poursuit, comme exposé plus haut, des intérêts publics prépondérants relatifs tant à la garantie d’un service public effectif en matière de transport professionnel de personnes qu’à la protection des intérêts des consommateurs en ce qui concerne la fixation du prix des courses (art. 3 al. 1 let. b LMI). Une restriction du libre accès d’A______ au marché genevois doit encore respecter le principe de la proportionnalité (art. 3 al. 1 let. c et al. 2 LMI). Elle ne peut prendre la forme que de charges ou de conditions (art. 3 al. 1 LMI), un refus restant possible, d’après le message du Conseil fédéral susmentionné, pour les cas où les règles d’accès au marché divergent de façon très marquée.

b. Dans la mesure où la réglementation zurichoise susmentionnée ne soumet pas à autorisation les centrales d’ordres de courses de taxis, il n’est pas insoutenable de considérer que la législation zurichoise du lieu du siège d’A______ ne permet pas d’offrir une protection suffisante des intérêts publics prépondérants poursuivis par la LTaxis. Le fait que ceux-ci soient assurés, en ville de Zurich, par le contrôle des véhicules et des chauffeurs de taxi ne permet pas de garantir l’accessibilité des clients genevois aux services de taxis dans ce canton-ci, en raison des besoins spécifiques à chaque territoire. Par ailleurs, en ville de Zurich, A______ offre ses services par le biais de véhicules qui ne sont pas désignés comme « taxis » (« A______ vermittelt lediglich Fahrten von Fahrzeugen, die nicht als Taxis gekennzeichnet sind », p. 3 du PV-ville ZH), à l’instar de l’offre des limousines. Les autorités de la ville de Zurich soulignent aussi que les véhicules A______ n’offrent pas leurs services aux lieux de forte fréquentation ni ne prétendent à des emplacements publics (« [die Fahrzeuge] bieten ihren Service nicht an Laufpublikum an und beanspruchen keine öffentlichen Standplätze », p. 2 du
PV-ville ZH). Quant à la protection des consommateurs en matière de fixation de prix, il ne saurait être garanti par le seul contrôle sur les chauffeurs et véhicules de taxis, lorsque cette dernière découle, d’après les propres déclarations des recourantes, de l’envoi de données à des serveurs situés aux États-Unis sans autre clarification sur la manière de fixer les prix. S’il ne revient pas à l’État de garantir la transparence sur la fixation des prix de tous les services offerts sur son territoire, il relève d’un intérêt public prépondérant évident, au regard de la protection des consommateurs, incombant à l’État lorsqu’il s’agit d’un service public destiné à garantir sur son territoire l’accès à des services de transport de personnes sûrs garantissant la sécurité publique et la loyauté dans les transactions commerciales. Dès lors, la situation, à tout le moins entre septembre 2014 et juin 2015, est différente entre l’offre d’A______ en ville de Zurich et celle proposée dans le canton de Genève, où elle s’exerce également par le biais des taxis qui y sont encouragés par A______, comme le démontre un courriel d’A______ du 10 octobre 2014 produit à la pièce 14.2 de l’autorité intimée. L’activité d’A______ déployée en ville de Zurich depuis juin 2013 ne permet donc pas d’offrir les garanties suffisantes aux autorités genevoises en vertu de l’art. 3 al. 2 let. d LMI, la durée légèrement supérieure à une année étant au surplus relativement courte pour une telle appréciation, le Conseil fédéral préconisant une durée de trois ans pour les cas où aucune autorisation n’est requise dans le lieu de provenance contrairement à celui de destination.

Par conséquent, une restriction au libre accès au marché genevois peut être imposée à A______ dans la mesure où il propose ses services par le biais des taxis, les intérêts publics prépondérants poursuivis par la législation genevoise ne pouvant être assurés, au vu des circonstances particulières du cas et des différences précitées de l’activité d’A______ menée en ville de Zurich par rapport à celle exercée dans le canton de Genève à tout le moins jusqu’en juin 2015.

9) Reste encore à examiner si la restriction au libre accès du marché genevois imposée par le service à A______ respecte le principe de la proportionnalité et la LMI. En effet, la décision litigieuse impose deux types de restrictions à A______ : l’interdiction immédiate de ses activités sur territoire genevois jusqu’à l’octroi d’une autorisation au sens de l’art. 9 LTaxis et l’amende de CHF 35'000.-, celle-ci ayant pour effet d’amener A______ à déposer une requête en autorisation telle que demandée par le service.

a. Ladite interdiction se base sur l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis imposant l’octroi d’une autorisation pour les centrales d’ordres de courses. L’amende est fondée sur l’art. 45 al. 2 LTaxis posant comme condition l’organisation « dans un dessein de lucre, sans autorisation, d’un service de transport de personnes » et comme conséquence une amende pouvant s’élever jusqu’à CHF 100'000.-. En cas d’infraction à la LTaxis ou au RTaxis, une amende entre CHF 100.- et CHF 20'000.- peut également être prononcée en vertu de l’art. 45 al. 1 LTaxis.

b. Sous l’angle de la proportionnalité, la question se pose de savoir si le respect par A______ des deux intérêts publics déterminés plus haut exige l’octroi d’une autorisation pour son activité de centrale d’ordres de courses, étant précisé que contrairement aux centrales locales, A______ dispose d’un siège à Zurich où la législation n’exige pas une telle démarche et qu’il peut se prévaloir d’exercer, en septembre 2014, lors de son implantation à Genève, une activité licite au regard des autorités de la ville de Zurich dans les circonstances exposées ci-dessus.

La réponse ne peut qu’être affirmative. On ne voit en effet pas par quel moyen autre que celui d’une procédure d’autorisation initiée par le dépôt d’une demande accompagnée de toutes les pièces utiles, le service aurait pu s’assurer du respect des deux intérêts publics susmentionnés poursuivis par la LTaxis et son règlement. À cela s’ajoute l’attitude initiale d’A______ de ne pas tenir compte des remarques du service relatives aux exigences découlant de la LTaxis, comme cela ressort de leur échange de courriels des 28 août et 3 septembre 2014 produit à la pièce 23 de l’autorité intimée. A______ a annoncé, dans son courriel du 3 septembre 2014, au service choisir la voie consistant à « aller de l’avant avec le lancement [d’A______ dans le canton de Genève] (..) avec la conviction de le faire dans le respect de la législation actuelle », faisant ainsi fi de l’avis du service pour s’imposer de facto sur le marché genevois. La société n’a par ailleurs pas saisi la possibilité prévue à l’art. 2 al. 3 RTaxis, selon lequel les personnes qui ont un doute quant à l’application de la loi à leur activité peuvent solliciter du service un examen sommaire de leur situation. Par ailleurs, outre le fait qu’A______ mettait, en tout cas jusqu’en juin 2015, son application à disposition des chauffeurs de taxis et ne se limitait ainsi pas aux seules limousines, il existait des problèmes liés à la fixation du prix, par exemple celui exposé dans le courriel du 18 février 2015 produit à la pièce 14 de l’autorité intimée. Dans cette pièce, un chauffeur de la place genevoise démontre, preuves à l’appui, qu’alors que son véhicule ne s’était pas déplacé, son client s’est vu facturer un prix fondé sur un débit au kilométrage par A______. Par conséquent, la décision litigieuse en tant qu’elle ordonne l’interdiction immédiate de l’activité d’A______ dans le territoire du canton de Genève jusqu’à l’octroi d’une autorisation d’exploiter au sens de l’art. 9 LTaxis, ne viole pas le principe de la proportionnalité ancré à l’art. 3 al. 1 let. c LMI. Cette interdiction est donc une restriction au marché genevois conforme à la LMI. Sur ce point, le recours sera rejeté.

c. S’agissant de l’amende, elle repose sur le fait qu’A______ a enfreint l’art. 9 al. 1 let. d LTaxis en s’obstinant, en dépit de la position du service, à introduire son application sur le marché genevois du transport professionnel de personnes sans être au bénéfice d’une autorisation d’exploiter une centrale d’ordres de courses. Ce faisant, A______ a commis une infraction à la LTaxis susceptible d’amende conformément à l’art. 45 LTaxis. La question de savoir si A______ doit être qualifiée d’entreprise de transport, peut dès lors rester ouverte. Comme exposé ci-dessus, le fait de soumettre l’activité d’A______ à autorisation dans le canton de Genève ne viole pas, en l’espèce et pour les raisons susévoquées, la LMI de sorte que, sur ce point, la décision litigieuse ne constitue pas non plus une restriction indue au marché genevois. L’amende litigieuse doit donc, sur le principe, être confirmée. Quant à sa quotité, elle doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/1024/2016 du 6 décembre 2016 ; ATA/263/2016 du 22 mars 2016 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 s). En l’espèce, outre l’écoulement du temps depuis le prononcé de la décision litigieuse, il y a lieu de tenir compte de la modification de la pratique d’Uber annoncée dans le courriel du 10 juin 2015 au service et tenant compte des remarques de ce dernier. Dès lors, la chambre administrative, qui a la compétence de réformer les décisions faisant l’objet d’un recours devant elle (art. 67 LPA), réduira à CHF 20'000.- le montant de l’amende infligée à A______ en tenant compte des deux éléments précités, de l’attitude initiale d’A______ et de l’importance de permettre au service de veiller au respect des intérêts publics de la LTaxis et de son règlement. Le recours sera ainsi, sur ce volet, partiellement admis.

10) Quant au grief tiré de la violation de la liberté économique garantie à l’art. 27 Cst. et comprenant entre autres le libre accès à une activité économique lucrative privée (art. 27 al. 2 Cst.), il se confond largement avec celui lié à la violation de la LMI qui vise l’accès libre et non discriminatoire au marché suisse (art. 1 et 2 LMI). En effet, cette loi, fondée notamment sur l’art. 94 Cst. qui régit les principes de l’ordre économique et notamment le principe de la liberté économique, met en œuvre ce dernier (Vincent MARTENET/Pierre TERCIER in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013 n. 50 ad Intro. LMI). Les conditions de restriction à la liberté économique découlant de l’art. 36 Cst., se recoupent largement avec celles posées par l’art. 3 LMI, étant précisé que le raisonnement relatif à la LMI exposé ci-dessus a également démontré l’existence d’une base légale au sujet des restrictions litigieuses. Par conséquent, dans la mesure où le raisonnement fondé sur le principe de la liberté économique revient dans le cas d’espèce au même que celui tenu sous l’angle de la LMI, il n’y a pas lieu de le développer davantage.

11) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. La décision litigieuse sera réformée en tant que l’amende de CHF 35'000.- infligée à A______ sera réduite à CHF 20'000.-, et confirmée pour le surplus.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourantes (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- sera allouée, à la charge de l’État de Genève, aux recourantes, prises conjointement et solidairement, qui n’obtiennent que partiellement gain de cause (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 avril 2015 par A______ et B______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 30 mars 2015 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule partiellement la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 30 mars 2015, en réduisant à CHF 20'000.- le montant de l’amende infligée à A______;

la confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge conjointe et solidaire d’A______et B______ ;

alloue à A______et B______, prises conjointement et solidairement, une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marcel Dietrich, avocats des recourantes, au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, ainsi qu’à la commission de la concurrence.

Siégeants : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

la greffière :