Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/515/2010 du 03.08.2010 ( FPUBL ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1749/2010-FPUBL ATA/515/2010 ARRÊT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF du 3 août 2010
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dans la cause
Monsieur X______
représenté par Me Daniel Meyer, avocat
contre
CONSEIL D'ÉTAT
1. Monsieur X______, né le ______ 1955, est brigadier-chef de poste dans la gendarmerie. Il est entré au corps de police le 1er avril 1976.
2. Le 14 juillet 2008, Madame la cheffe de la police a adressé à Monsieur le Procureur général une dénonciation pénale mettant en cause M. X______. Un article paru dans le quotidien « Le Courrier » du 3 juillet 2008 avait rapporté que Monsieur H______ cherchait à discréditer Monsieur T______, journaliste. Celui-là aurait, à l’appui d’affirmations sur le passé judiciaire de celui-ci, montré à au moins deux journalistes au cours d’une interview, un document de police sur lequel figurait le nom de celui-ci, ainsi que les mentions de vol, cambriolage, agression et une affaire de mœurs. La cheffe de la police avait demandé à un spécialiste en charge des systèmes d’information et de la sécurité informatique qu’il détermine si un membre du corps de police avait consulté les bases de données informatiques de la police au sujet de M. T______. Le 8 juillet 2008, ce spécialiste avait déposé son rapport, duquel il ressortait que le 3 juillet 2008, M. X______ avait interrogé les fichiers informatiques de la police en rapport avec M. T______ ainsi qu’avec d'autres personnes portant le même patronyme.
3. Le 2 juillet 2009, sur la base de cette dénonciation, reçue le 16 juillet 2008, le Procureur général a ouvert une information pénale du chef d’infraction à l’art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). La procédure a été confiée à un juge d’instruction (PP/11893/08).
4. Le 3 juillet 2009, Mme la cheffe de la police a écrit à M. X______. Elle décidait d’ouvrir une enquête disciplinaire relative aux faits qu’elle avait dénoncés à M. le Procureur général, le 14 juillet 2008, et qui l’incriminaient. La procédure était suspendue jusqu’à droit connu dans la procédure pénale. M. X______ avait la possibilité de se faire assister d’un représentant de son association professionnelle, dans ce cadre.
5. Le 4 mars 2010, M. X______ a été inculpé par une juge d’instruction de violation du secret de fonction, de diffamation, voire de calomnie.
6. Le 8 mars 2010, Mme la cheffe de la police a écrit à M. X______. Elle se référait à sa décision du 3 juillet 2009 d'ouvrir une enquête disciplinaire et à l'inculpation de ce dernier. Dans le procès-verbal d'audition de l'intéressé enregistré ce jour-là, il reconnaissait avoir extrait des informations sur M. T______ en utilisant le système « MACS » donnant accès aux bases de données cantonales et fédérales et consulté la base de données « ABI » relative aux personnes et aux affaires, en communiquant à un tiers un document contenant ces informations. Ces faits, établis par la procédure pénale, justifiaient une sanction de la compétence du Conseil d'Etat ou de la cheffe du département. Elle leur transmettait donc la procédure pour raison de compétence en vertu de l'art. 36 al. 3 de la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05).
7. Par arrêté du 19 avril 2010, la conseillère d'Etat présidant le département de la sécurité, de la police et de l'environnement (ci-après : DSPE) a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de M. X______. Les faits reprochés à ce dernier étaient graves et il pourrait s'exposer à une révocation, voire à toute autre sanction disciplinaire au sens de l'art. 36 LPol. Elle allait solliciter du Conseil d'Etat la suspension provisoire de l’intéressé de ses fonctions sans traitement pendant la durée de l'enquête administrative. Cette décision a fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif (cause A/1778/2010) qui, par arrêt du 1er juin 2010, l’a déclaré irrecevable (ATA/365/2010).
8. Par arrêté du 5 mai 2010, le Conseil d'Etat a prononcé la suspension provisoire de M. X______ sans traitement. La décision était exécutoire nonobstant recours.
Lorsqu’il avait été interrogé le 4 mars 2010 par le juge d'instruction, M. X______ avait reconnu avoir effectué des recherches informatiques concernant M. T______, de même qu’imprimé et remis à un tiers un document comprenant des infractions et des dates. Il avait admis avoir eu connaissance professionnellement de ces informations et conscience de commettre une violation du secret de fonction. Ces faits étaient de nature à rompre la confiance qu'impliquait l'exercice de la fonction de gendarme. Ils étaient incompatibles avec les devoirs d'un agent assermenté et suffisamment graves pour justifier une suspension sans traitement pendant la durée de l'enquête administrative.
9. Par acte posté le 17 mai 2010, M. X______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre cet arrêté, concluant à son annulation et sollicitant préalablement la restitution de l’effet suspensif.
L’arrêté du Conseil d’Etat violait son droit d’être entendu lequel intégrait celui de s’expliquer, dès lors qu’il avait été pris sur la seule base de ses déclarations devant le juge d’instruction sans qu’il ait eu la possibilité de se déterminer avant que sa suspension temporaire sans traitement n’ait été décidée. En outre, cette décision violait le principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires de police, dès lors que la pratique avant la prise d’une telle décision consistant à attendre l’issue de la procédure pénale lorsque les faits étaient soumis à une instruction judiciaire.
Au surplus, l’arrêté du Conseil d'Etat ne poursuivait aucun but d'intérêt public, car la mesure était prise alors que les faits qui lui étaient reprochés étaient connus depuis deux ans.
Il exerçait son métier de gendarme depuis trente-quatre ans. Son activité professionnelle ne souffrait d’aucune remarque négative ni d’aucune sanction disciplinaire. Il avait servi avec loyauté et professionnalisme au sein de la gendarmerie genevoise. Concernant les faits qui lui étaient reprochés, il avait été abusé par un ami. S’il avait transmis à celui-ci des renseignements de police concernant M. T______ provenant du système « MACS » de la gendarmerie, il avait supprimé ceux relatifs à l’identité de celui-ci. Il ignorait que cet ami allait transmettre ces informations à M. H______.
Les conditions de la suspension temporaire d’activité au sens de l’art. 39 al. 1 LPol n’étaient pas réunies. Il était faux d’affirmer que les faits qui lui étaient reprochés étaient de nature à rompre la confiance qu’impliquait l’exercice de la fonction et qu’ils étaient suffisamment graves pour justifier, avec effet immédiat, sa suspension provisoire sans traitement pendant la durée de l’enquête administrative. Restant formellement lié à l’Etat, il ne pouvait entreprendre aucun autre emploi et ne saurait bénéficier d’allocations de chômage.
Enfin, la mesure prise violait le principe de proportionnalité, aucun intérêt digne de protection n’existant, légitimant sa suspension provisoire avec effet immédiat sans traitement.
10. M. X______ a également saisi d’un recours de teneur similaire la commission cantonale de recours en matière administrative (ci après : CCRA) que celle-ci a transmis au tribunal de céans le 19 mai 2010 pour raison de compétence.
11. Le 18 mai 2010, le conseil du recourant a écrit à la présidente du DSPE. Il la priait d’autoriser son client à exercer une autre activité lucrative pendant la durée de la suspension.
12. Le 21 mai 2010, la directrice des ressources humaines du DSPE lui a répondu. L’exercice d’une activité lucrative était possible. Cela impliquait une autorisation du Conseil d’Etat, conformément à l’art. 30 al. 2 LPol. M. X______ devait fournir les détails sur le type d’activité envisagé et les modalités de celles-ci, notamment la durée et le montant de la rémunération.
13. Le 31 mai 2010, le conseil du recourant a fait état, à l’appui du grief de violation du principe de l’égalité de traitement, de trois exemples de situations de fonctionnaires de police qui avaient été suspendus sans suppression de traitement, le premier suspendu pendant sa détention préventive et ce jusqu’à sa condamnation, le deuxième depuis trois ans et le troisième depuis une année.
14. Le 2 juin 2010, la présidente du Tribunal administratif a refusé la restitution de l’effet suspensif dans la présente cause.
15. Le 21 juin 2010, le Conseil d’Etat a conclu au rejet du recours. Si le recourant avait pu faire l’objet de félicitations et de lettres de remerciements de la part de citoyens, il avait également fait l’objet de remarques et sanctions infligées par sa hiérarchie, ayant été sanctionné à cinq reprises. Entre 1978 et 2004 il avait ainsi reçu deux avertissements, trois blâmes et une sanction de services hors tours ainsi qu’une sérieuse mise en garde. Au moment de la dénonciation au Procureur général du 14 juillet 2008, il n’était pas encore établi qu’il était l’auteur des contrôles informatiques mis en évidence par l’enquêteur auteur du rapport du 8 juillet 2008. C’était l’instruction pénale qui avait relevé l’implication du recourant qui avait admis la transmission des données informatiques à des tiers. Il était inexact de prétendre que le recourant se trouvait dans l’impossibilité d’exercer une activité lucrative et qu’il était privé de ressources en raison de la mesure de suspension exécutoire nonobstant recours. Il n’y avait pas de pratique de la police consistant à suspendre automatiquement une procédure administrative dans l’attente de l’issue pénale. Chaque cas faisant l’objet d’une analyse spécifique. Quant au bien-fondé de la mesure, il devait être confirmé. L’action disciplinaire n’était pas prescrite. Aucune violation du droit d’être entendu n’avait été commise dès lors que la mesure prise n’était que provisoire, le recourant pouvant faire valoir ses droits dans le cadre de l’enquête administrative. Il n’y avait pas d’inégalité de traitement dans la mesure où la situation du recourant avait fait l’objet d’un examen spécifique et qu’elle n’était pas comparable à celles d’autres fonctionnaires de police qui concernaient des situations particulière liées à des faits isolés liés en rapport avec l’usage de l’arme en service soit avec une affaire de nature strictement privée ou encore à un soupçon d’usage de la force lors d’une interpellation qui n’étaient en rien comparables à la situation du recourant. Les conditions d’une suspension provisoire, au sens de l’art. 39 al. 1 LPol étaient réalisées, étant précisé que, par principe, la suspension provisoire entraînait la suppression des prestations à la charge de l’Etat (art. 39 al. 4 LPol). La mesure était proportionnée dès lors que les faits reprochés au recourant étaient graves et de nature à rompre le lien de confiance. Compte tenu du départ imminent à la retraite de celui-ci, il existait un risque, que s’il continue à percevoir son salaire, ce dernier ne puisse le rembourser.
16. Le 22 juin 2010, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.
17. Le 23 juin 2010, le juge a informé les parties qu’une copie du chargé de pièces produites par le département dans la procédure A/1778/2010, auxquelles l’intimé s’était référé dans ses écritures, était versée à la présente cause.
1. a. Depuis le 1er janvier 2009, date d’entrée en vigueur des modifications adoptées le 18 septembre 2009 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison (ci-après : CRPP) instaurée par la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05) a été supprimée. Le Tribunal administratif est depuis lors l’autorité de recours contre les décisions concernant les fonctionnaires de police soumis à cette loi.
b. Selon la jurisprudence constante rendue par le tribunal de céans en matière de fonctionnaires cantonaux, mais aussi communaux, de même que celle de l’ancienne CCRP, une décision de suspension provisoire d’un fonctionnaire, est une décision incidente contre laquelle un recours est ouvert dans les dix jours (art. 63 al. 1 let. b LPA) dès lors qu’elle est susceptible de lui causer un préjudice irréparable (ATA/421/2008 du 26 août 2008 ; ATA/716/2005 du 25 octobre 2005 ; ATA/679/2002 du 12 décembre 2002 ; ATA/335/2000 du 23 mai 2000 ; ACOM/110/2006 du 13 décembre 2006 ; ACOM/17/1998 du 30 janvier 1998).
En l’espèce, formé devant l’autorité de recours compétente et dans le délai légal, le recours est recevable.
2. En vertu des art. 320 CP et 33 LPol, un gendarme est tenu au secret de fonction, lequel couvre toute information dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions, qu’il ne peut divulguer que dans la mesure où la loi le lui permet ou s’il reçoit des instructions pour le faire (art. 33 LPol). Le secret de fonction couvre les informations qui peuvent être tirées de la consultation des données informatiques constituées ou à disposition de la police.
3. a. La violation du secret de fonction est sanctionnée pénalement en application de l’art. 320 CP, ceci sans préjudice du prononcé d’une sanction disciplinaire (art. 33 al. 3 LPol).
b. Les sanctions disciplinaires sont celles prévues à l’art. 36 al. 1 LPol, pouvant aller du blâme à la révocation. Cette dernière est de la compétence du Conseil d’Etat (art. 36 al. 3 LPol).
c. Si une révocation (art. 36 al. let e LPol) est envisagée, la procédure à suivre est réglée par les art. 37 al. 2 ss LPol. Elle implique l’ouverture d’une enquête administrative et le respect du droit d’être entendu du fonctionnaire de police.
4. a. Dans l’attente du résultat de l’enquête administrative ou d’une information pénale, le Conseil d’Etat peut, de son propre chef, suspendre provisoirement un fonctionnaire de police auquel il est reproché un manquement incompatible avec le devoir d’un agent assermenté, ou susceptible de nuire à son autorité (art. 39 al. 1 LPol). La suspension provisoire entraîne en règle générale la suppression de tout ou partie des prestations à la charge de l’Etat (art. 39 al. 3 LPol). La procédure instaurée par l’art. 39 LPol est le pendant, pour les fonctionnaires de police, de celle prévue par l’art. 28 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).
b. Selon la jurisprudence développée en la matière, une suspension provisoire d’un fonctionnaire peut être justifiée soit par les besoins de l'enquête administrative, soit en tant qu'exécution anticipée à titre provisionnel, de la fin des rapports de service en raison d'une faute alléguée, de nature à rompre la confiance qu'implique l'exercice de la fonction de l'intéressé (ATA/421/2008 du 26 août 2008 ; ATA/716/2005 du 15 octobre 2005 ; ATA/679/2002 du 12 novembre 2002 ; ATA/335/2000 du 23 mai 2000 ; ATA V. du 14 février 1990 ; ACOM/ 110/2006 du 13 décembre 2006 ; ACOM/49/2004 du 4 juin/2004 ; ACOM/ 17/1998 du 30 janvier 1998). Dans ce dernier cas, la mesure n'est justifiée que si trois conditions sont remplies :
La faute reprochée à l'intéressé doit être de nature, a priori, à justifier une cessation immédiate de l'exerce de sa fonction. Il serait en effet manifestement contraire au principe de proportionnalité de prononcer une mesure de suspension, alors qu'il apparaîtrait d'emblée que la faute ne justifie pas un licenciement avec effet immédiat. Dans l'examen des conséquences de la faute, l'autorité peut effectuer, au stade de la mesure provisionnelle, une appréciation prima facie et dispose d'un important pouvoir d'appréciation (H. SCHROF/D. GERBER, Die Beendigung der Dienstverhältnisse in Bund une Kantonen, 1985, pp. 188-189). Elle doit cependant tenir compte du fait que le licenciement avec effet immédiat ne peut être prononcé que pour une « raison particulièrement grave » et non, comme le licenciement à terme, simplement pour une « raison grave » ;
La prévention de faute à l'encontre de l'intéressé doit être suffisante, même si, s'agissant d'une mesure provisionnelle prise précisément pendant la durée d'une enquête administrative ou pénale, une preuve absolue ne peut évidemment pas être exigée. Les charges devront être plus strictement établies lorsque l'autorité assortit la suspension de la suppression de toutes prestations à la charge de l'Etat ;
La suspension devra apparaître comme globalement proportionnelle, compte tenu de la situation de l'intéressé et des conséquences de sa suspension, de la gravité de la faute qui lui est reprochée, de la plus ou moins grande certitude quant à sa culpabilité, ainsi que de l'intérêt de l'Etat à faire cesser immédiatement tant les rapports de service que ses propres prestations. Sur ce dernier point, le Conseil d'Etat doit certes prendre en considération le fait que la loi fait de la suppression des prestations de l'Etat la règle, mais sans pour autant perdre de vue qu'une latitude d'appréciation lui est laissée, laquelle doit être exercée dans le respect du principe de proportionnalité.
c. Il se peut donc fort bien que malgré une suspension, la décision finale, prise après instruction complète et approfondie de la cause, ne comporte pas de licenciement avec effet immédiat. Dans l'autre sens, le fait qu'une suspension immédiate ne soit pas justifiée ne signifie nullement qu'un licenciement ne pourra pas être prononcé en fin de compte (ATA B. du 2 novembre 1993 ; ACOM/ 17/1998 et ACOM/110/2006 précités).
5. Le recourant se plaint tout d’abord d’une violation de son droit d’être entendu car il n’a pas pu s’expliquer avant que la décision de le suspendre temporairement sans traitement ne soit prise.
Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATA/634/2006 du 28 novembre 2006).
En l’occurrence, le caractère urgent et la nature provisionnelle de la mesure de suspension provisoire fondée sur l’art. 39 LPol impliquent qu’elle soit prise sans que l’autorité décisionnaire ait l’obligation de donner la possibilité de se déterminer à la personne visée par la mesure, contrairement à ce qui est prévu expressément pour les sanctions administratives énoncées à l’art. 36 LPol (ACOM/110/2006 précité). Le droit d’être entendu du recourant n’a donc pas été violé.
6. Le recourant considère que les conditions d'une mesure de suspension provisoire au sens de l'art. 39 LPol ne sont pas réalisées.
Dans le cas d’espèce, une enquête administrative a été ouverte, ordonnée, conformément à l'art. 37 al. 2 LPol par la présidente du département auquel le recourant est rattaché, parce que les faits qui lui sont imputés sont susceptibles d’entraîner sa révocation (art. 37 al. 2 LPol). Il se voir en effet reprocher d’avoir transmis à un tiers, sans y être autorisé et à la demande de celui-ci, des informations en rapport avec un journaliste, qu’il a obtenues par la consultation des bases de données à sa disposition en tant que gendarme. Un tel comportement, s’il est avéré à l’issue de l’enquête administrative, transgresse gravement le secret de fonction auquel un gendarme est astreint et constitue, s’agissant d’un membre du corps de police, un manquement incompatible avec ses devoirs, susceptible de justifier a priori son licenciement sans délai. En outre, à ce stade de la procédure, la prévention à l’encontre du recourant est suffisante puisqu’il ressort du procès-verbal d’audition devant le juge d’instruction qui l’a inculpé, qu’il admet les faits même s’il minimise son rôle et prétend avoir été abusé.
Les deux premières conditions retenues par la jurisprudence, et rappelées ci-dessus, étant réalisées, reste à déterminer si une mesure de suspension provisoire assortie d’une suspension de traitement d’une durée de deux mois respecte le principe de proportionnalité garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., par son principe, sa durée et son accessoire puisqu’elle est accompagnée d’une suspension du droit du recourant à percevoir son traitement et à bénéficier des autres prestations financières rattachées à sa fonction.
7. Le principe de la proportionnalité exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les références citées).
Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).
En l’occurrence, les faits sont graves et susceptibles de conduire à la révocation du recourant. En outre, contrairement à ce qu’il affirme, celui-ci n’est pas exempt de reproches dans sa carrière puisqu’il ressort de son dossier qu’il a été sanctionné disciplinairement à plusieurs reprises. Enfin, il est prévu que l’enquête administrative soit brève puisque la suspension n’est que de deux mois. La décision de suspendre provisoirement l’intéressé sans traitement pendant cette période est adéquate et n’est en aucun cas exagérée.
8. Le recourant conteste la suppression de son traitement qui entraîne pour lui un préjudice financier. Ce grief doit être écarté. Suivant le libellé de l’art. 39 al. 3 LPol, la suspension provisoire entraîne, par principe, la suppression de tout ou partie des prestations à la charge de l’Etat. Dès lors qu’il y a un risque de révocation d’un fonctionnaire, et un intérêt public prépondérant à suspendre provisoirement celui-ci dans ses fonctions, il apparaît justifié de suspendre également son droit aux prestations financières pendant la durée, limitée dans le temps, de la mesure de suspension (ATA/421/2008 ; ATA/716/2005 ; ATA/ 679/2002 ; ATA/335/2000 précités) ce d’autant plus que s’il venait à être révoqué, il y aurait un risque pour l’Etat de ne pas pouvoir récupérer le montant de son salaire. Au demeurant, ainsi que le service des ressources humaines du DSPE le lui a confirmé, il n’était pas interdit pendant cette période au recourant d’exercer une activité lucrative et celui-ci n’a pas allégué être exclu des prestations de chômage.
9. Le recourant se plaint d’une violation du principe d’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst.
Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 118 Ia 1 consid. 3 pp. 2-3 et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 Cst. lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 123 II 248 consid. 3c pp. 253-254 et arrêts cités ; ATA/194/2004 du 9 mars 2004 ; ATA M.-M. du 5 juin 1991 ; W.-S du 24 janvier 1990 ; T. du 13 avril 1988 ; E. du 23 mars 1988 ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, Berne 2000, pp. 502-503 n. 1025-1027 ; A. AUER, L’égalité dans l’illégalité, ZBl. 1978, pp. 281-302).
En l’occurrence, la décision attaquée découle d’une application correcte de l’art. 39 LPol. Le choix d’assortir ou non la mesure de suspension provisoire d’une suppression du droit aux prestations financières s’effectue en fonction des caractéristiques de chaque cas particulier. Il relève du pouvoir d’appréciation de l’autorité décisionnaire dont le Tribunal administratif ne revoit pas l’opportunité, sauf sous l’angle de l’arbitraire (art. 61 al. 1 LPA). Dès lors que l’autorité a opté pour une mesure respectant le cadre légal, le recourant ne peut se référer à d’autres exemples dans lesquels des décisions différentes auraient été prises dans des circonstances susceptibles d’être différentes de sa propre situation.
10. Le recours sera rejeté. Un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2010 par Monsieur X______ contre l’arrêté du 5 mai 2010 du Conseil d'Etat ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant ;
dit qu’il ne sera pas alloué d’indemnité ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Daniel Meyer, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'Etat.
Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.
Au nom du Tribunal administratif :
la greffière-juriste :
M. Tonossi |
| le vice-président :
Ph. Thélin
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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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