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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2311/2006

ATA/634/2006 du 28.11.2006 ( DCTI ) , PARTIELMNT ADMIS

Parties : MENUISERIE DEGAUDENZI & CIE / SECURITE CIVILE
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2311/2006-DCTI ATA/634/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 novembre 2006

 

dans la cause

 

Messieurs Bernard et Jean DEGAUDENZI, DEGAUDENZI & CIE
représentés par Me Bruno Mégevand, avocat

 

Contre

 

DéPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION


 


1. Messieurs Bernard et Jean Degaudenzi sont associés dans la société en nom collectif Degaudenzi & Cie (ci-après : la SNC), de siège à Carouge, route de Veyrier 12, dont le but est l’exploitation d’une menuiserie. Celle-ci dispose d’une chaufferie dont la puissance nominale est de 262 kW, dans laquelle elle brûle les copeaux de bois résultant de son activité.

2. a. Le 22 mai 2000, le service cantonal d’écotoxologie a procédé à un contrôle de la chaufferie en question. A cette occasion, il a constaté que les teneurs en particules solides et en monoxyde de carbone dépassaient de plus du double les limites légales fixées dans l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142).

b. Le 14 décembre 2000, le service de la sécurité civile du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : la sécurité civile) a fixé à la SNC un délai échéant le 28 février 2001 pour exécuter les travaux de mise en conformité proposés par le fournisseur de la chaudière.

3. Le 15 mai 2001, le service cantonal de la protection de l'air (ci-après : le service) a constaté que les modifications apportées à l'installation ne suffisaient pas à garantir le respect des normes contenues dans l'OPair à long terme. Le fournisseur devait faire une offre pour un dispositif d'alimentation par vis d'Archimède, assortie d'une garantie de respect de l'OPair.

4. Les voisins ayant déposé plainte, la sécurité civile a fixé à la SNC un délai échéant le 15 janvier 2002 pour mettre l’installation aux normes, sous menace d'amende en cas de non respect. Sur demande de la SNC du 18 janvier 2002, dit délai a été reporté au 30 septembre de la même année.

5. Suite à une plainte du voisinage, le service s'est rendu sur place le 10 juillet 2003. Il a observé l'émission de fumée noire. Ce constat a été signalé à la sécurité civile par courrier du 11 juillet 2003. Un délai de mise en conformité à l'OPair devait être fixé.

6. Le 23 août 2003 de nouvelles mesures des émissions ont été effectuées. Il a été constaté que les teneurs en particules solides et en monoxyde de carbone des effluents gazeux dépassaient les valeurs limites de l’OPAIR. La teneur en particules solides s'élevait en effet à 336, 383 et 137 mg/m3, alors que la limite était fixée à 150 mg/m3. Quant au monoxyde de carbone, les mesures affichaient des taux de 7123, 5011 et 1613 mg/m3 pour une valeur limite de 800 mg/m3.

7. Le 22 octobre 2003, lors d'une séance avec le service, MM. Degaudenzi se sont engagés à faire régler l'installation par son concepteur.

8. Le 28 juin 2004, suite à une nouvelle plainte, le service s'est rendu sur les lieux et a constaté à nouveau l'émission de fumée noire. Il a transmis un rapport à la sécurité civile.

9. Le 9 décembre 2004, MM. Degaudenzi ont confirmé au service que des réglages avaient été effectués suite à la réunion du 22 octobre 2003. Par la suite, ils ont fourni le rapport de l'installateur, indiquant trois interventions pendant l'année 2004. Il a été convenu que le silo devait être vidé et nettoyé et que la poussière de bois ne devait plus être utilisée pour alimenter la chaudière dès le 10 janvier 2005.

10. Le 28 avril 2005, de nouvelles mesures ont été effectuées par le service. Les teneurs relevées étaient de 370, 271, 311 et 257 mg/m3 pour les particules solides et de 9976, 5930, 5272 et 4935 mg/m3 pour le monoxyde de carbone.

11. Le 20 mai 2005, la sécurité civile a fixé à la SNC un délai au 30 juin 2005 pour mettre l’installation en conformité ou, cas échéant, proposer un planning d'assainissement.

La SNC n’a pas répondu. Un nouveau délai échéant le 31 juillet 2005 lui a été imparti pour déférer à la demande de l’autorité, sous peine de sanction.

12. Le 2 septembre 2005, MM. Degaudenzi ont fait parvenir à la sécurité civile la copie d'un courrier de l'installateur Schmid S.A. indiquant qu'il ne pouvait proposer ni réglage ni modification sur ce type d'installation. S'agissant du remplacement de la chaudière, il ne pourrait pas s’atteler à ce travail avant le printemps 2006.

13. Par décision du 24 mai 2006, la sécurité civile a fixé un délai pour l'assainissement de l'installation au 30 septembre 2006 en application des articles 8 et 10 OPair.

14. Le 23 juin 2006, la SNC a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision litigieuse en concluant à son annulation et, subsidiairement, à la fixation d'un délai d'assainissement de cinq ans, avec suite de frais et dépens.

La menuiserie existait à Carouge depuis près d'un siècle et employait vingt-cinq personnes à temps complet. Elle brûlait ses copeaux de bois dans une chaufferie avec cheminée. Les autres déchets, tels que résidus et poussières, par exemple, n'étaient plus brûlés sur place. Leur évacuation engendrait des surcoûts importants.

L'installation était en service depuis trente ans. Elle avait été régulièrement entretenue afin de diminuer les nuisances. La chaufferie ne fonctionnait pas en permanence, mais uniquement pendant une centaine de jours par année, de 7h00 à 12h00 et de 13h00 à 16h30. Ce nonobstant, des voisins s'étaient plaints d'être incommodés par la fumée.

Depuis plusieurs années, la SNC collaborait avec les autorités cantonales pour tenter de réduire au maximum ses émissions de fumée. Elle n’a au demeurant pas contesté qu’elle enfreignait les normes de l'OPair, tout en soulignant que pour pouvoir les respecter, elle devait procéder au remplacement intégral du système de combustion. Or, le délai fixé par la sécurité civile était insuffisant et toute l'opération s'avérait extrêmement coûteuse, soit environ CHF 172'000.-, non compris les frais d'étude.

De tels frais n'étaient pas supportables. La menuiserie serait contrainte de mettre la clé sous la porte, ce qui aurait des conséquences sociales pour ses vingt-cinq employés. De plus, la société pressentie pour effectuer les travaux avait d'ores et déjà indiqué qu’elle ne pourrait pas intervenir avant janvier 2007.

Une solution alternative était actuellement envisagée : suite à l’élaboration d’un plan localisé de quartier sur le périmètre des parcelles propriétés de MM. Degaudenzi et de leur père, la SNC envisageait de déménager après la construction des immeubles, soit dans cinq ans environ. Une demande de renseignements avait déjà été déposée auprès du service compétent.

Compte tenu de ces éléments, la décision litigieuse ne respectait pas le principe de proportionnalité ; il convenait de fixer un délai de cinq ans, ce qui permettrait à la menuiserie de survivre. De plus, la mise en conformité était disproportionnée, vu l’investissement financier nécessaire et le fonctionnement périodique de la chaudière.

Le droit fédéral prévoyait un délai ordinaire d'assainissement de cinq ans qui pouvait être réduit si les valeurs étaient trois fois supérieures à la valeur fixée pour la limite préventive des émissions. En l’espèce, la valeur n’était pas trois fois supérieure, s’agissant des particules solides et pour le monoxyde de carbone, il fallait tenir compte du fonctionnement périodique de la chaufferie. Le droit fédéral prévoyait également des allégements pour le détenteur d'une installation lorsqu'un assainissement était disproportionné, notamment si la technique ou l'exploitation ne le permettait pas ou s'il n'était pas supportable économiquement.

15. Le 17 juillet 2006, la sécurité civile a déposé ses observations. Elle conclut au rejet du recours.

La décision intervenait suite à une longue procédure, durant laquelle l’installation en question n'avait jamais été conforme aux valeurs limites. Les dépassements étaient relativement importants, représentant le double de la limite pour les particules solides et plus de six fois la limite pour le monoxyde de carbone.

Le délai ordinaire d'assainissement était de cinq ans. La première intervention de la sécurité civile avait eu lieu le 14 décembre 2000. La SNC avait déjà pu bénéficier du délai légal, mais malgré plusieurs tentatives de réglages, l'installation n'avait toujours pas pu être assainie.

S'agissant de l'octroi d'un nouveau délai de cinq ans, soit un délai total de dix ans, la condition était que les émissions soient inférieures à une fois et demie la valeur limite. Cette condition n'était manifestement pas remplie. Le projet de déplacement de l'entreprise n'était pas une garantie suffisante de l'arrêt de l'installation dans un délai de cinq ans.

En tenant compte de l'importance des dépassements des valeurs limites d'émission, il n'y avait pas de mesure alternative à l'assainissement. Un abaissement des exigences était irréaliste du fait que selon l'installateur, il n'était pas possible d'envisager de nouveaux réglages ou modifications.

L'argument de la SNC, fondé sur le fonctionnement sporadique de l'installation, n'était pas pertinent puisque l'Opair ne faisait pas de référence à la durée d'utilisation des installations, sauf pour celles fonctionnant moins de cent heures par année.

16. Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 11 septembre 2006.

a. MM. Degaudenzi ont exposé qu'aucune démarche en vue de déplacer la menuiserie n'avait été entreprise. En revanche, une procédure visant à valoriser les terrains avait été entamée. Le déménagement était inéluctable au vu de la densification de l'habitat dans le quartier.

L'évacuation des copeaux coûterait CHF 2'000.- par mois et le silo étant petit, il y aurait un va-et-vient très important de camions. Aucune autre mesure n'était envisageable.

La SNC avait besoin d’un délai de cinq ans pour se mettre en conformité avec les normes. Elle a encore insisté sur le fait que la sécurité civile avait rendu deux décisions dans des cas de chaudières de villas, où le délai avait été fixé à plus de cinq ans.

Un transport sur place permettrait de se rendre compte de la réalité des lieux.

b. La sécurité civile a confirmé qu'aucune décision formelle n'avait été prise avant celle faisant l'objet de la présente procédure. L’autorité avait été très souple, car la SNC avait entrepris des démarches pour tenter de remédier aux problèmes. Après l'écoulement du délai de cinq ans, une décision formelle avait été rendue.

c. Le tribunal a imparti à la sécurité civile un délai échéant le 30 septembre 2006 pour se déterminer sur les deux cas précités dans lesquels un délai de plus de cinq ans aurait été accordé à des propriétaires de villas pour la mise en conformité de leurs chaudières.

17. Le 22 septembre 2002, la sécurité civile a indiqué que les deux installations mentionnées par la SNC lors de l'audience fonctionnaient à l'huile extra-légère et non au bois. Il n'y avait pas d'émission de particules solides avec ce type de combustible.

Dans le premier cas d'une chaudière située au 20, avenue de la Forêt, la valeur des émissions pour le monoxyde de carbone respectait les limites autorisées. En revanche, celle pour les effluents gazeux était dépassée. L'installation répondait aux exigences relatives à l'hygiène de l'air, mais ne satisfaisait pas à celles portant sur les économies d'énergie. Dans de telles situations, l'OPair permettait de fixer un délai pouvant aller jusqu'à dix ans pour effectuer l'assainissement requis. Pendant ce délai, des contrôles étaient néanmoins effectués, afin de s'assurer qu'il n'y avait pas péjoration de la situation. Le délai fixé dans la décision était de huit ans.

Dans le deuxième cas, il s’agissait d'une chaudière sise au 94, route de Florissant, où les questions de pollution de l'air avaient pu être résolues après réglages. Seul subsistait le problème du dépassement des normes concernant l'économie d'énergie. Le délai fixé dans la décision était aussi de huit ans.

Ces deux cas ne pouvaient être comparés à celui de la SNC, qui présentait un sérieux problème de pollution.

18. Le 16 octobre 2006, la SNC s’est élevée contre la disparité des délais octroyés en vue de l'assainissement des chaudières, soit quatre mois en ce qui la concernait et dix ans pour les propriétaires des villas précités, au seul motif que dans son cas, il y avait un problème de pollution. Or la sécurité civile avait appliqué l'article 10 OPair dans les trois cas, de sorte qu’une comparaison devait être possible.

Un transport sur place permettrait au tribunal de se rendre compte que la sécurité civile tentait de ternir indûment le tableau et minimisait les difficultés concrètes que représenterait l'obligation de remplacer intégralement son installation.

19. Sur quoi, les parties ont été informées que l'affaire était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 30 al. 1 du règlement sur la protection de l'air - K 1 70.08; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.200/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004 consid. 2).

En l'espèce, le tribunal de céans considère qu’il dispose d’éléments suffisants pour se prononcer sur le présent litige. Il n’y a ainsi pas lieu d’ordonner des mesures d’instruction complémentaires et la conclusion des recourants tendant à un transport sur place sera rejetée.

3. a. L'OPair a pour but de protéger l'homme, les animaux et les plantes, leurs biotopes et biocénoses, ainsi que le sol, des pollutions atmosphériques nuisibles ou incommodantes et régit la limitation préventive des émissions dues aux installations qui causent ces pollutions (art. 1 OPair). Dans son annexe 3, sont fixées les valeurs limites d'émission concernant les installations de combustion alimentées au bois (chiffre 522 annexe 3 OPair).

L'autorité veille à ce que les installations stationnaires existantes qui ne correspondent pas aux exigences de l'ordonnance soient assainies. Elle fixe le délai d'assainissement et impose au besoin une réduction de l'activité (art. 8 al. 1 et 2 OPair).

b. Le règlement cantonal sur la protection l'air du 19 juin 2002 (K 1 70.08 ; ci-après : le règlement) précise les obligations résultant directement de l'application de la législation fédérale en matière de protection de l'air et désigne les autorités cantonales d'exécution (art. 1du règlement).

S'agissant des valeurs limites d'émission. le règlement renvoie à celles fixées dans l'OPair (art. 6 al. 2 du règlement) et l'exécution des mesures prescrites ainsi que l'assainissement sont faits en conformité de l'OPair (art. 8 al. 5 et art. 9 du règlement).

L'inspection cantonale du feu et de la sécurité, soit pour lui, le service de la sécurité civile, est chargé du contrôle de la limitation préventive des émissions et de l'assainissement des installations stationnaires d'une puissance calorifique inférieure à 900 kW (art. 10 al. 4 lett. a du règlement).

4. La SNC estime que la décision est contraire au principe de la proportionnalité, d'une part en raison du délai de quatre mois prévu pour l'exécution de l'assainissement et de l'absence d'alternative envisagée. D'autre part, la dépense liée au remplacement de l'installation ne serait pas économiquement supportable et entraînerait la fermeture de la SNC.

a. Le principe de la proportionnalité implique que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé et porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés, compte tenu du résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 123 I 112 consid. 4e p. 121 et les arrêts cités).

b. Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l'état de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al.2 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01).

Cette concrétisation du principe de la proportionnalité est repris dans les dispositions concernant la protection de l'air qui précisent que, pour évaluer si la limitation des émissions est économiquement supportable, on se fondera sur une entreprise moyenne, économiquement saine de la branche concernée (art. 4 al. 3 OPair).

c. Le délai ordinaire d’assainissement est de cinq ans (art. 10 al. 1 OPair).

Des délais plus courts, mais d'au moins trente jours, sont fixés lorsque l'assainissement peut être exécuté sans investissements importants (art. 10 al. 2 OPair).

Des délais plus longs, de dix ans au plus, sont fixés lorsque les émissions sont inférieures à une fois et demie la valeur fixée pour la limitation préventive des émissions ou que les dispositions concernant les pertes par les effluents gazeux ne sont pas respectées et que l'assainissement ne peut être exécuté sans investissements importants ou que les immissions provoquées par l'installation elle-même ne sont pas excessives (art 10 al. 3 OPair).

d. Sur demande, l'autorité accorde des allégements au détenteur d'une installation lorsqu’un assainissement serait disproportionné, notamment si la technique ou l’exploitation ne le permettent pas ou s’il n'est pas supportable économiquement. A titre d’allégement, l’autorité pourra accorder en premier lieu des délais plus longs. Si des délais plus longs devaient être insuffisants, l’autorité accordera une limitation des émissions moins sévère (art. 11 OPair).

5. En l'espèce, les teneurs en particules solides et en monoxyde de carbone, mesurées par le service de protection de l'air, pour la dernière fois le 28 avril 2005, attestent un dépassement important des valeurs limites. Elles ne sont pas contestées par la SNC, qui allègue uniquement que les dépassements doivent être relativisés pour tenir compte de l'utilisation sporadique de l'installation de combustion, une centaine de jours par an.

Cet argument ne peut être retenu, car la notion de moyenne annuelle d'émissions est absente de l'OPair. Les valeurs limites d'émissions correspondent à des mesures faites lorsque l'installation est en fonction et ne peuvent être atténuées par un emploi discontinu. Bien plus, les mesures doivent porter sur les phases d'activité importante pour l'appréciation des émissions (art. 14 al. 1 OPair).

Le dépassement des valeurs limites OPair est attesté. Il ne correspond pas à un dépassement qui permettrait une prolongation du délai ordinaire de cinq ans selon l'article 10 alinéa 3 OPair, puisque les émissions sont de plus d'une fois et demie les valeurs fixées pour la limitation préventive. En effet, les dernières mesures faites le 28 avril 2005 indiquent des valeurs double pour les particules solides et de six fois la valeur limite pour le monoxyde de carbone.

6. Reste à examiner si un allègement au sens de l'article 11 OPair se justifie et donc si l’assainissement, tel qu'exigé, est disproportionné.

Le service a invité la SNC à entreprendre des travaux et des réglages nécessaires à trois reprises, soit les 23 janvier 2002, 20 mai et 8 juillet 2005. Selon les installateurs consultés par la SNC, les interventions préconisées devaient permettre de respecter les normes OPair. La SNC a donc bel et bien donné suite aux injonctions précitées, mais ses efforts n’ont pas été couronnés de succès. De plus, le 2 septembre 2005, l'installateur choisi par la SNC a indiqué qu'il n'était plus en mesure de proposer de nouvelles modifications ou des réglages. Seul un remplacement de l'installation permettrait d'aboutir à l’assainissement requis. Suite à quoi, le service a pris la décision litigieuse le 24 mai 2006 et a fixé à la SNC un délai échéant le 30 septembre 2006 pour assainir son installation.

La manière d’agir du service correspond à la volonté du législateur qui préconise une collaboration entre les particuliers et l'administration dans l'application de la législation pour la protection de l'environnement. Les autorités, sauf en cas d'urgence, doivent demander au détenteur de l'installation de proposer un plan d'assainissement avant d'ordonner des mesures (art. 16 LPE).

Cette procédure a été suivie par l'administration. Celle-ci a ménagé au mieux les intérêts des recourants par des tentatives répétées de faire procéder à des réglages et des travaux sur l'installation existante dans le but d'éviter les frais de remplacement. Il s'est avéré finalement qu'il n'était plus possible de procéder à de nouveaux réglages ou travaux sur l'installation en question, de sorte que son remplacement est inéluctable.

La décision d'assainissement est donc justifiée dans son principe. Par contre, le délai de quatre mois fixé par le service pour procéder au remplacement de l'installation est inadapté. En effet, le service n’a pas suffisamment tenu compte ni du délai de six mois annoncé par l'installateur pour entreprendre les travaux nécessaires, ni des conséquences financières pour la SNC. De plus, l’obligation faite à MM. Degaudenzi de remplacer une installation coûteuse est disproportionnée, compte tenu du fait qu’ils ont prévu de déménager la menuiserie dans un laps de temps relativement court, estimé à deux ou trois ans au maximum.

Au vu de ce qui précède, il se justifie d'octroyer aux recourants un allègement au sens de l'article 11 OPair, sous forme d'un délai plus long leur permettant soit de réaliser le projet de délocalisation, soit de remplacer l'installation dans des conditions financièrement acceptables.

En revanche, il ne se justifie pas de prolonger ce délai à cinq ans pour tenir compte de la valorisation des terrains envisagée par MM. Degaudenzi, le déménagement de la menuiserie pouvant être réalisé plus rapidement.

En conséquence le recours sera partiellement admis et un délai au 31 décembre 2009 sera accordé aux recourants pour qu’ils procèdent à l'assainissement.

7. Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 et 3 LPA) et une indemnité de procédure réduite de CHF 1'000.- leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juin 2006 par MM. Bernard et Jean Degaudenzi, Degaudenzi & Cie, contre la décision de la sécurité civile du 24 mai 2006 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

fixe le délai d'assainissement au 31 décembre 2009;

met à la charge de MM. Bernard et Jean Degaudenzi, Degaudenzi & Cie, un émolument de CHF 500.- ;

alloue une indemnité de CHF 1'000.- à MM. Bernard et Jean Degaudenzi, Degaudenzi & Cie, à la charge de l'Etat de Genève;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par-devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bruno Mégevand, avocat de MM. Bernard et Jean Degaudenzi, Degaudenzi & Cie, ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information et à l'office fédéral de l'environnement.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste-adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :