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Décisions | Assistance juridique

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AC/1617/2024

DAAJ/140/2024 du 05.12.2024 sur AJC/3544/2024 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1617/2024 DAAJ/140/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 5 DECEMBRE 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, p.a. Hospice général, ______ [GE],

représenté par Me I______, avocat, [Fondation] J______, ______ [GE],

 

contre la décision du 1er juillet 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant), ressortissant afghan né le ______ 2006, est le fils de B______ et C______, également ressortissants afghans. Il a trois sœurs mineurs, soit D______, E______ et F______.

b. Arrivé en Suisse le 27 mai 2022 en tant que mineur non accompagné, le recourant a obtenu l'asile et le statut de réfugié en date du 20 septembre 2022, puis s'est vu délivrer une autorisation de séjour (B).

c. Le 23 octobre 2023, le recourant, représenté par la [fondation] J______, a déposé une demande de regroupement familial inversé en faveur de ses père et mère, et de ses trois sœurs.

Il s'est prévalu de la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) et de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après : CJUE) ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : Cour EDH) selon laquelle un mineur non accompagné devenant majeur en cours de procédure d'asile conservait son droit au regroupement familial.

d. Par courrier du 11 mars 2024, l’Office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a informé le recourant de son intention de refuser d'accéder à sa requête et à celle de sa famille.

Le recourant s'est déterminé à l'égard de la position de l'OCPM, par courrier du 21 mars 2024.

e. Par décision du 16 mai 2024, l’OCPM a refusé l'octroi de l'autorisation d'entrée et de séjour en faveur de la famille du recourant.

f. Les éléments de faits suivants résultent de la décision de l'OCPM :

f.a Selon le procès-verbal d'audition effectué le 12 juillet 2022 par la division asile de Secrétariat d'État aux Migrations (ci-après : SEM), le recourant a déclaré avoir décidé d'interrompre ses études et de quitter l'Afghanistan à la suite de l'arrivée des Talibans. Sa mère et ses sœurs étaient restées dans le village de G______. Son père se trouvait alors au Pakistan et son frère sur une île. Le recourant a indiqué avoir des contacts téléphoniques réguliers avec sa mère.

f.b D'après un rapport de l'Office médico-pédagogique du 23 novembre 2023, le recourant présentait des symptômes post-traumatiques dus à son emprisonnement de trois jours et les tortures subies par les Talibans, avait des idées suicidaires avec risque de passage à l'acte du fait d'être séparé de sa famille et se faisait énormément de soucis pour celle-ci.

f.c Par courriel du 15 février 2024, la [fondation] J______ a confirmé que la famille du recourant se trouvait réunie en Iran depuis octobre 2023 et souhaitait avoir l'autorisation de déposer une demande d'entrée personnelle auprès de la représentation suisse à H______ [Iran]. Ils étaient dépourvus de passeport et d'autorisation de séjour en Iran.

g. Aux termes de sa décision, l'OCPM a retenu que le recourant ne pouvait se prévaloir d'un droit au regroupement familial inversé découlant de l'ancien art. 51 al. 2 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), abrogé depuis le 1er février 2014, ni prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour en application de l'art. 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), dans la mesure où il ne se trouvait pas dans une situation de dépendance particulière vis-à-vis de ses parents. Il ne pouvait tirer parti de sa minorité au moment du dépôt de la demande de regroupement familial, dès lors qu'il n'avait déposé sa demande qu'en octobre 2023, soit treize mois après l'obtention de son titre de séjour et cinq mois seulement avant son accession à la majorité, si bien qu'il était prévisible qu'il deviendrait majeur en cours de procédure, laquelle avait par ailleurs présenté une durée de traitement raisonnable. L'OCPM a également retenu que, d'après les éléments du dossier, le recourant, à l'époque âgé de 15 ans, avait voyagé seul et de manière indépendante d'Afghanistan jusqu'en Suisse avec l'aide de passeurs et de sa famille, qui avait consenti et financé ce voyage. La séparation familiale devait ainsi être considérée comme volontaire et imputable à la famille, si bien que même si l'ancien régime lui était applicable, le recourant n'aurait pu invoquer l'ancien art. 51 al. 2 LAsi, cette disposition ne s'appliquant que lorsque les membres de la famille ont été séparés par la fuite, soit en cas de séparation non intentionnelle.

h. Le 13 juin 2024, le recourant a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à l'octroi de l'autorisation de séjour demandée.

En substance, il a fait valoir que l'OCPM n'avait pas satisfait à son devoir de motivation, puisque cette autorité s'était bornée à reprendre la même argumentation que développée dans son préavis négatif du 11 mars 2024, sans répondre aux arguments que lui-même avait développés dans ses déterminations du 21 mars 2024. Sur le fond, il a fait valoir que la séparation familiale n'avait pas été volontaire, ses parents l'ayant envoyé en Suisse pour le soustraire aux persécutions infligées par les Talibans. Il a rappelé avoir été battu et séquestré durant trois jours par ces derniers. A la demande de sa mère, les barbes blanches du village avaient convaincu les Talibans de le libérer et sa mère avait ensuite demandé à leur voisin d'organiser sa fuite. Il a fait valoir qu'en soulignant le fait qu'il ait voyagé seul jusqu'en Suisse pour nier l'existence d'un lien de dépendance, l'OCPM faisait fi de la problématique des requérants d'asile mineurs non accompagnés et, partant, des standards internationaux préconisant leur protection spécifique en raison de leur extrême vulnérabilité. Selon les jurisprudences du TAF et de la CEDH, un requérant d'asile mineur non accompagné qui devenait majeur au cours de la procédure d'asile conservait son droit au regroupement familial, indépendamment de l'existence, ou non, d'un lien de dépendance. En outre, la demande de regroupement familial n'avait été déposée qu'en octobre 2023, car pendant plus d'une année, il était resté sans nouvelles de son père, qu'il croyait disparu. Ce n'était qu'au printemps 2023 qu'il avait appris que ses parents et ses frère et sœurs se trouvaient en Iran.

B.            Le 18 juin 2024, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour la procédure de recours auprès du TAPI.

C.           Par décision du 1er juillet 2024, notifiée le 4 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause du recourant était dénuée de chances de succès.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 2 août 2024 à la Présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure de recours susvisée, avec suite de dépens.

Le recourant produit une pièce nouvelle, soit un jugement du TAPI rendu le 7 décembre 2022 dans une autre cause.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 10 al. 1 du règlement de la Cour de justice (RCJ - E 2 05.47 - E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 - CPC - RS 272), applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 du règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 - RAJ - E 2 05.04; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4. Il n'y a pas lieu d'entendre le recourant, celui-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.             A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions et les allégations de faits nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

Par conséquent, la pièce nouvellement produite ne sera pas prise en considération.

3.             3.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance juridique gratuite.

Selon la jurisprudence, les conditions d'octroi de l’assistance judiciaire gratuite sont réalisées si le requérant est indigent, si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée et si les conclusions du recours ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec (ATF 125 V 371 consid. 5b et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2013 du 14 janvier 2014 consid. 2.1).

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1). La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

De manière générale, plus les questions en cause sont complexes et débattues, plus il faut tendre à admettre que les chances de succès de l'action sont suffisantes au sens de l'art. 117 let. b CPC; lorsque de nombreux éclaircissements sont nécessaires, la cause n'est pas dépourvue de chances de succès. Il faut alors laisser au juge du fond en décider (arrêts du Tribunal fédéral 5A_327/2017 du 2 août 2017 consid. 5.2 et 5A_313/2013 du 11 octobre 2013 consid. 2.2). L'assistance peut en revanche être refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

3.2. 3.2.1 Selon l’art. 51 al. 1 LAsi, le conjoint d’un réfugié et ses enfants mineurs sont reconnus comme réfugiés et obtiennent l’asile, pour autant qu’aucune circonstance particulière ne s’y oppose. Si les ayants droit définis à l’alinéa 1 ont été séparés par la fuite et se trouvent à l’étranger, leur entrée en Suisse sera autorisée sur demande (art. 51 al. 4 LAsi).

3.2.2 Un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse, ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse, qu'il soit au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 146 I 185 consid. 6.1; 144 II 1 consid. 6.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1). D'après une jurisprudence constante, les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire (« Kernfamilie »), soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 145 I 227 consid. 5.3; 144 II 1 consid. 6.1 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1).

Le Tribunal fédéral admet aussi qu'un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 par. 1 CEDH s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2; 129 II 11 consid. 2; arrêts 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3; fédéral 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1; 2C_369/2015 du 22 novembre 2015 consid. 1.1; 2C_253/2010 du 18 juillet 2011 consid. 1.5).

3.2.3 Dans un arrêt de principe (arrêt du TAF F-3045/2016, publié aux ATAF 2018 VII/4 du 25 juillet 2018), le TAF a opéré un revirement de jurisprudence, s'agissant du champ d'application ratione personae de l'art. 8 CEDH. Il a jugé en substance que le droit au regroupement familial ne s'éteignait pas - s'il existait en vertu de l'art. 8 CEDH au moment du dépôt de la demande de regroupement familial - lorsque l'enfant qui pouvait s'en prévaloir devenait majeur en cours de procédure. Ainsi, le moment déterminant du point de vue de l'âge de l'enfant comme condition du regroupement familial est celui du dépôt de sa demande, quand bien même le droit à la délivrance de l'autorisation de séjour découle du seul art. 8 CEDH (ATAF 2018 VII/4 précité consid. 5.1 [non publié] et 10 [arrêt de principe auquel il est renvoyé s'agissant de la motivation détaillée du revirement de jurisprudence]). Le TAF a en effet considéré que les conditions strictes posées pour un revirement de jurisprudence étaient réalisées dans le cas particulier et fondait son raisonnement notamment sur la jurisprudence de la Cour EDH, la jurisprudence de la CJUE, la critique de la doctrine ainsi que la jurisprudence rendue par le TF en lien avec le regroupement familial en vertu du droit interne.

Dans un arrêt postérieur du 28 mai 2019 (ATF 145 I 227), le Tribunal fédéral a pris position sur le revirement de jurisprudence proposé par le TAF. Il a considéré que les conditions posées pour modifier une pratique bien établie, consistant à se fonder sur l’âge atteint par l’enfant au moment où il statuait pour déterminer si cet enfant pouvait se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour revendiquer une autorisation de séjour en Suisse n’étaient pas réalisées; il a cependant laissé ouverte la question de savoir si une exception à ce principe était envisageable en présence de circonstances exceptionnelles, telle par exemple qu’une procédure de traitement de la demande de regroupement familial extrêmement longue ou d’autres circonstances. Le Tribunal fédéral a également « laissé ouverte la question de savoir s’il convenait d’admettre l’invocation de l’art. 8 CEDH à titre exceptionnel dans d’autres situations encore » (ATF 145 I 227 consid. 6.8).

Le Tribunal fédéral a également ajouté qu’à l’instar des tribunaux cantonaux, le TAF devait offrir aux étrangers une voie de recours effective leur permettant de faire contrôler que les autorités administratives de première instance n’avaient pas violé un potentiel droit au regroupement familial déduit de l’art. 8 CEDH. Le présent arrêt n’empêchait donc par le TAF et les tribunaux cantonaux de s’en tenir à cette nouvelle pratique et de continuer à contrôler que le SEM ne portait pas d’atteinte injustifiée au droit à la vie familiale en rejetant les demandes de regroupement familial impliquant des enfants, quand bien même ceux-ci seraient devenus majeurs en cours de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 2C_920/2018 du 28 mai 2019 consid. 8 non publié in ATF 145 I 227).

3.2.4 Selon la CJUE, il ne se justifiait pas de faire dépendre le droit au regroupement familial visé à l’art. 10 § 3, sous a), de la Directive 2003/86/CE du moment où l’autorité nationale compétente adopte formellement la décision reconnaissant la qualité de réfugié à la personne concernée et, dès lors, de la plus ou moins grande célérité avec laquelle la demande de protection internationale est traitée par cette autorité remettrait en cause l’effet utile de cette disposition et irait à l’encontre non seulement de l’objectif de cette directive, qui est de favoriser le regroupement familial et d’accorder, à cet égard, une protection particulière aux réfugiés, notamment aux mineurs non accompagnés, mais également des principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique (arrêt du 12 avril 2018, A et S, C‑550/16, EU:C:2018:248, point 55). En outre, ces mêmes considérations s’appliquaient, a fortiori, à une situation où le mineur non accompagné devenait majeur non pas au cours de la procédure d’asile, mais au cours de la procédure de regroupement familial. Ainsi, un tel réfugié mineur pouvait se fonder sur l’art. 10 § 3, sous a), de la Directive 2003/86/CE pour bénéficier du droit au regroupement familial avec ses parents sur la base des conditions plus favorables, prévues par cette disposition, sans que l’État membre concerné puisse rejeter la demande de regroupement familial au motif que le réfugié concerné n’est plus mineur à la date de la décision relative à cette demande [voir, en ce sens, arrêt du 1er août 2022, Bundesrepublik Deutschland (Regroupement familial avec un mineur réfugié), C‑273/20 et C‑355/20, EU:C:2022:617, point 52].

La CJUE a en outre récemment confirmé que lorsqu’un des parents d’un réfugié mineur non accompagné introduit une demande d’entrée et de séjour aux fins du regroupement familial avec celui-ci, au titre de l’art. 10 par. 3 let. a de la Directive 2003/86/CE, les États membres ne sauraient exiger du mineur ni de ses parents qu’ils satisfassent aux conditions visées à l’art. 7 par. 1 de cette directive, soit qu’ils disposent d’un logement considéré comme suffisant pour tous les membres de la famille, d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des membres de cette famille ainsi que des ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir aux besoins de ladite famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné (arrêt 560/20 du 30 janvier 2024 § 78).

3.2.5 Le fait qu’un traité international ne soit pas d’application directe n’implique nullement que le juge puisse simplement ignorer son existence. Il en va spécialement ainsi dans les matières relatives aux droits de l'homme, qui plus est dans un domaine où l'on a affaire à des personnes en état de faiblesse, par exemple au regard de leur âge (ATF 144 II 56 consid. 5.2).

Le Tribunal fédéral a d’ailleurs pris en considération la Directive 2003/86/CE dans l’ATF 136 II 497 dans son examen, sous l’angle du droit interne, de la recevabilité du recours interjeté contre une décision rendue en matière de regroupement familial, le Tribunal se fondant dans ces cas sur l’âge de l’enfant au moment du dépôt de la demande (consid. 3.2).

3.2.6 En l'espèce, comme mentionné par la vice-présidence du Tribunal civil, le Tribunal fédéral a, de prime abord, confirmé sa jurisprudence établie dans l’ATF 145 I 227, selon laquelle il convenait de se fonder sur l’âge atteint par l’enfant au moment où l’autorité statuait pour déterminer s’il pouvait se prévaloir de l’art. 8 CEDH. Cependant, comme relevé à juste titre par le recourant, cet arrêt concernait uniquement la question de la recevabilité d'un recours en matière de droit public formé devant le Tribunal fédéral. Les principes dégagés dans cet arrêt découlaient des règles de procédure issues de la LTF.

Or, le Tribunal fédéral a ajouté (dans le consid. 8 non publié de l'arrêt précité) que cela n'empêchait pas les autorités cantonales de contrôler que les autorités administratives de première instance n'ont pas violé un potentiel droit au regroupement familial déduit de l'art. 8 CEDH, quand bien même l'enfant qui se prévaut de ce droit serait devenu majeur en cours de procédure. Il semble en outre que, à première vue, le Tribunal fédéral n’a encore jamais examiné la question du regroupement familial inversé en faveur d’un réfugié, comme dans le cas d’espèce, au bénéfice d’un droit de séjour durable en Suisse, qui est devenu majeur en cours de procédure, mais ayant toutefois déposé sa demande de regroupement familial plusieurs mois avant sa majorité. Le TAF semble d’ailleurs avoir récemment admis l’application de l’art. 8 CEDH dans un cas similaire (arrêt du TAF F-2951/2019 consid. 7.5 et ss).

Au regard des éléments qui précèdent et des circonstances exceptionnelles dont se prévaut le recourant, il ne semble a priori pas impossible que les considérations de l’OCPM soient invalidées par le TAPI dans le cadre de l'examen du recours porté devant lui.

Partant, contrairement à ce qu'a retenu la vice-présidence du Tribunal civil, le recours ne semble pas dénué de toutes chances de succès, les perspectives d'une admission ne paraissant pas notablement plus faibles que les risques d'un rejet, au vu notamment de la complexité des développements juridiques évoqués.

Le recours sera donc admis et la décision querellée annulée.

La cause sera renvoyée à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire sur les autres conditions d'octroi de l'assistance juridique, puis nouvelle décision.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, l'Etat de Genève sera condamné à verser au recourant 400 fr. à titre de dépens (ATF 140 III 501 consid. 4).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 1er juillet 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1617/2024.

Au fond :

Annule la décision entreprise et, cela fait, statuant à nouveau :

Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Condamne l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à verser la somme de 400 fr. à A______ à titre de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me I______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière de droit public; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 82 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.