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Décisions | Assistance juridique

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AC/2371/2023

DAAJ/139/2023 du 14.12.2023 sur AJC/4703/2023 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2371/2023 DAAJ/139/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 14 DECEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

représentée par Me G______, avocat,

 

contre la décision du 18 septembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante), de nationalité turque, née le ______ 1976, réside en Suisse depuis 2013, au bénéfice d'une autorisation de séjour.

b. Par ordonnance du 1er septembre 2017, Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) a instauré une curatelle de portée générale en faveur de son fils, B______, né le ______ 1999, et désigné C______ et D______, respectivement chef de secteur et intervenante en protection de l'adulte auprès du Service de protection de l'adulte (SPAd), aux fonctions de curateurs du précité, avec pour tâches de représenter ce dernier dans les rapports avec les tiers, veiller à son bien-être social ainsi qu'à son état de santé en mettant en place les soins médicaux nécessaires et veiller à la gestion de ses revenus et charges, administrer ses biens avec diligence et accomplir les actes juridiques liés à la gestion.

c. Par décisions des 7 octobre 2020 et 4 janvier 2022, le TPAE a désigné E______ et F______, respectivement chef de secteur et intervenante en protection de l'adulte auprès du SPAd, aux fonctions de curateurs de B______.

B.            Le 21 août 2023, la recourante a formé une requête tendant à l'obtention de l'assistance juridique pour solliciter du TPAE un changement des curateurs désignés en faveur de son fils au motif qu'ils ne font pas leur travail, qu'elle a besoin d'aide pour formuler ses griefs et qu'elle parle peu le français.

Elle a demandé que Me G______ soit nommé à cette fin et ce dernier a inscrit sur le formulaire de demande d'assistance juridique la mention "pour accord" à côté de laquelle il a signé et apposé le tampon de son Etude.

La demande d'assistance juridique et ses annexes ont été envoyées au greffe de l'assistance juridique par mémo de Me G______. Aucune procuration en faveur de l'avocat n'a été jointe à ladite demande.

C.           Par décision du 18 septembre 2023, reçue le 22 septembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que les éléments fournis par la recourante ne permettaient pas de se prononcer sur les mérites de sa cause, puisqu'elle ne formulait ni à fortiori ne prouvait les reproches qu'elle adressait aux curateurs de son fils. Dès lors qu'elle était assistée d'un avocat, elle n'avait pas à être interpellée pour compléter sa requête lacunaire.

En tout état, l'assistance d'un avocat n'apparaissait pas nécessaire dès lors que la recourante avait les capacités de solliciter seule un changement de curateurs auprès de l'Autorité de protection par le biais d'un simple courrier énonçant les motifs qui justifieraient selon elle la libération des deux curateurs. Elle pouvait, cas échéant, se faire assister par un organisme à vocation sociale, dont la plupart dispensaient des conseils juridiques en plusieurs langues.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 2 octobre 2023 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut principalement à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique, subsidiairement à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause au greffe de l'assistance juridique pour instruction complémentaire.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             La recourante reproche au premier juge d'avoir retenu qu'elle était assistée d'un avocat pour sa requête d'assistance juridique et de ne pas lui avoir imparti, en conséquence, de délai supplémentaire pour compléter sa requête lacunaire. Elle fait encore valoir qu'elle a besoin d'être assistée d'un avocat dès lors que la procédure de libération de curateurs n'est pas anodine et nécessite un travail d'analyse et de formulation dont elle est incapable.

2.1. 2.1.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

2.1.2. Applicable à la procédure portant sur l'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire, la maxime inquisitoire est limitée par le devoir de collaborer des parties découlant en particulier de l'art. 119 al. 2 CC. Selon cette disposition, le requérant doit justifier de sa situation de fortune et de ses revenus et exposer l'affaire et les moyens de preuve qu'il entend invoquer. L'autorité saisie de la requête d'assistance judiciaire n'a pas à faire de recherches approfondies pour établir les faits ni à instruire d'office tous les moyens de preuve produits. Elle ne doit le faire que sur les points où des incertitudes et des imprécisions demeurent, peu importe à cet égard que celles-ci aient été mises en évidence par les parties ou qu'elle les ait elle-même constatées. Il doit ressortir clairement des écritures de la partie requérante qu'elle entend solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire. Il appartient en outre à cette dernière de motiver sa requête s'agissant des conditions d'octroi de l'art. 117 CPC et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_502/2017 du 15 août 2017 consid 3.2).

Le juge doit inviter la partie non assistée d'un mandataire professionnel dont la requête d'assistance judiciaire est lacunaire à compléter les informations fournies et les pièces produites afin de pouvoir vérifier si les conditions de l'art. 117 CPC sont valablement remplies. Ce devoir d'interpellation du tribunal, déduit de l'art. 56 CPC, vaut avant tout pour les personnes non assistées et juridiquement inexpérimentées. Il est en effet admis que le juge n'a pas, de par son devoir d'interpellation, à compenser le manque de collaboration qu'on peut raisonnablement attendre des parties pour l'établissement des faits, ni à pallier les erreurs procédurales commises par ces dernières. Or, le plaideur assisté d'un avocat ou lui-même expérimenté voit son obligation de collaborer accrue dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombent pour démontrer que celles-ci sont remplies. Le juge n'a de ce fait pas l'obligation de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_480/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.2 et 5A_287/2023 du 5 juillet 2023 consid. 3.2).

2.1.3. Une procuration doit être jointe à la demande si celle-ci est déposée par l’intermédiaire d’un représentant au sens de l’art. 68 CPC (art. 221 al. 2 let. a CPC; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civil, 2ème éd., 2019, n. 27 ad art. 221 CPC).

2.1.4. En vertu de l'art. 118 al. 1 let. c CPC, la nomination d'un avocat rémunéré par l'Etat ne se justifie que lorsque son intervention apparaît nécessaire.

La défense d'office (art. 118 al. 1 lit. a CPC) est conçue comme la conséquence de l'octroi de l'assistance judiciaire, de sorte que tant la condition de l'indigence du requérant (art. 117 lit. c CPC) que celle d'une position dans la procédure non dépourvue de chances de succès (art. 117 lit. b CPC) doivent être préalablement réunies (arrêts du Tribunal fédéral 5A_101/2022 du 12 avril 2022 consid. 5.2.1; 5A_591/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4; 5A_961/2018 du 15 mai 2019 consid. 5.1.1).

Parmi les critères pour apprécier la nécessité objective d'un défenseur d'office, il convient de tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de sa complexité, des questions de fait et de droit à résoudre, des particularités des règles de procédure applicables, des connaissances juridiques de la personne requérante ou de son ou sa représentante, du fait que la partie adverse est assistée d'une avocate, de la situation juridique pouvant être affectée de manière particulièrement grave ou d'une affaire mettant sérieusement en cause les intérêts de la personne requérante et présentant des difficultés de fait ou de droit auxquelles elle ne pourrait faire face seule (ATF 130 I 180 consid. 2.2, JdT 2004 I 431; ATF 128 I 225 consid. 2.5.2, JdT 2006 IV 47; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2008 du 28 mars 2008 consid. 3.1).

La nécessité d'un défenseur d'office n'est pas exclue du simple fait que la maxime inquisitoire serait applicable à la cause, bien qu'il se justifie alors de se montrer plus exigeant quant à la réalisation des conditions auxquelles l'assistance d'une avocate est nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_36/2007 du 3 mai 2007; ATF 125 V 32 consid. 4b).

2.1.5. La personne concernée ou l'un de ses proches peut demander que le curateur soit libéré de ses fonctions (art. 423 al. 2 CC).

L'autorité de protection de l'adulte libère le curateur de ses fonctions (1) s'il n'est plus apte à remplir les tâches qui lui sont confiées ou (2) s'il existe un autre juste motif de libération (art. 423 al. 1 ch. 1 et 2 CC).

L'autorité de protection dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu aussi bien lorsqu'elle examine l'aptitude du ou de la mandataire (art. 400 CC) que lorsqu'elle le ou la libère pour inaptitude. L'application de l'art. 423 CC restant gouvernée par le principe de proportionnalité, l'autorité de protection doit exiger une sérieuse mise en danger des intérêts ou du bien-être de la personne protégée pour prononcer la libération du curateur ou de la curatrice, notamment par une grave négligence dans l'exercice du mandat, un abus dans l'exercice de sa fonction et une indignité de de la mandataire et de son comportement, tous ces motifs devant avoir pour résultante la destruction insurmontable des rapports de confiance (DAS/124/2017, DAS/225/2014; Rosch, Commentaire du droit de la famille, Protection de l'adulte, 2012, nos. 5, 6 et 8 ad art. 423 CC et les références citées).

2.2. En l'espèce, la demande d'assistance juridique de la recourante n'était accompagnée d'aucune procuration en faveur de Me G______. Ce dernier s'étant contenté d'envoyer par mémo le formulaire de demande d'assistance judiciaire au greffe de l'assistance juridique, la recourante restait seule interlocutrice du greffe précité dans le cadre de sa demande.

Il s'ensuit qu'il appartenait au greffe de l'assistance juridique d'interpeller la recourante, non assistée et juridiquement inexpérimentée, pour qu'elle complète sa requête d'assistance juridique lacunaire, à savoir pour préciser les reproches formulés à l'encontre des deux curateurs de son fils et produire les pièces susceptibles d'étayer ses allégations, afin que le premier juge puisse se prononcer sur les chances de succès de sa cause.

Si les deux conditions de l'art. 117 CPC devaient s'avérer remplies, il conviendrait de réexaminer la nécessité de l'intervention d'un avocat en tenant compte en particulier des circonstances concrètes du cas d'espèce et de la complexité de l'affaire.

Le recours sera donc admis et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision, après avoir octroyé un délai supplémentaire à la recourante afin qu'elle complète sa requête d'assistance juridique.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 2 octobre 2023 par A______ contre la décision AJC/4703/2023 rendue le 18 septembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2371/2023.

Au fond :

Annule ladite décision.

Renvoie la cause à l'Autorité de première instance pour nouvelle décision.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me G______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.