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Décisions | Assistance juridique

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AC/1825/2023

DAAJ/115/2023 du 02.11.2023 sur AJC/3203/2023 ( AJC ) , REJETE

Normes : LEI.741.ala
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1825/2023 DAAJ/115/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 2 NOVEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______, France,

représenté par Me B______, avocat, ______, Genève,

 

contre la décision du 23 juin 2023 de la vice-présidence du Tribunal de première instance.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : le recourant), ressortissant nigérian, né le ______ 1996, est arrivé en Suisse à une date indéterminée.

b. Par ordonnance pénale du 10 juin 2023 (P/12528/2023), le Ministère public a déclaré le recourant coupable d'infractions à l'art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121) et à l'art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), et l'a condamné à une peine privative de liberté de 60 jours, assortie d'un sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans.

Le recourant avait été interpellé par la police genevoise, sur la place des Volontaires, après que celle-ci l'ai observé vendre quatre pilules d'ecstasy contre la somme de EUR 80.- à un tiers l'ayant immédiatement mis en cause. Le recourant s'était refusé à toute déclaration s'agissant des faits qui lui étaient reprochés.

Le recourant a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance pénale.

c. Le 10 juin 2023 également, le Commissaire de police a rendu une décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève à l'encontre du recourant pour une durée de six mois.

Le recourant avait été interpellé à cinq reprises – soit les 20 octobre, 23 novembre, 14 décembre 2022, 10 avril et 18 mai 2023 – par les services de police genevois dans le quartier de la Jonction pour, principalement, des faits constitutifs d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20) et faux dans les certificats (art. 252 CP), ainsi que pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121) pour possession et consommation de haschich.

Le recourant ne disposait d'aucun titre de séjour en Suisse, de sorte qu'il pouvait lui être fait interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 LEI. Quand bien même l'ordonnance pénale précitée n'était pas entrée en force, les constatations des policiers assermentés suffisaient à fonder le soupçon concret que le recourant, démuni de moyens de subsistance, commettait des infractions dans le milieu de la drogue, soupçon confinant à la certitude, étant rappelé que la consommation de stupéfiants, reconnue par le recourant lors de ses précédentes arrestations, participait audit trafic. Il ressortait de la jurisprudence bien établie du Tribunal fédéral et de la Chambre administrative de la Cour de justice, qu'une durée de six mois était un minimum en ce qui concernait les mesures fondées sur cette disposition. Cette durée était justifiée compte tenu des circonstances du cas d'espèce et plus particulièrement du risque de récidive présent. L'étendue géographique prenait quant à elle en considération le fait que l'intéressé était susceptible de reproduire ses agissements coupables dans tout le canton, où il n'avait manifestement aucune raison de se trouver.

d. Le 19 juin 2023, le recourant a formé opposition à l'encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (TAPI), au motif qu'il contestait l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup qui lui était reprochée à teneur de l'ordonnance pénale du 10 juin 2023 précitée, elle-même contestée.

B.            Le même jour, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour former opposition à l'encontre de cette décision par-devant le TAPI, cause A/1______/2023, et que Me B______ soit nommé d'office à cette fin.

C.           Par décision du 23 juin 2023, notifiée le 29 juin 2023, la vice-présidence du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause du recourant était dénuée de chances de succès.

En substance, elle a constaté que le recourant ne disposait d'aucune autorisation de séjour en Suisse et faisait l'objet d'une nouvelle condamnation pour séjour illicite et commerce de stupéfiants, certes contestées par la voie de l'opposition pénale, mais prononcée sur la base des constatations d'agents de police assermentées qui ont directement observé la transaction. Le recourant avait déjà été interpellé à cinq reprises par les services de police genevois entre octobre 2022 et mai 2023 pour des infractions à la LEI, faux certificats et contravention à la LStup. Il se limitait pour le surplus à indiquer qu'il contestait l'infraction de commerce de stupéfiants qui lui était reprochée, sans toutefois étayer ses griefs, ni même remettre en cause les déclarations des agents de police l'ayant interpellé en flagrant délit. L'interdiction territoriale apparaissait ainsi fondée sur son principe, puisque prononcée sur la base d'un risque concret de commission d'autres infractions, étant précisé qu'une condamnation entrée en force n'était, en tous les cas, pas nécessaire, un simple soupçon de récidive pouvant justifier le prononcé d'une telle mesure. Le recourant ne rendait pas vraisemblable, ni même n'alléguait, que la durée et/ou l'étendue de la mesure prononcée violeraient le principe de proportionnalité.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 12 juillet 2023 au greffe de la Cour de justice. Le recourant conclut principalement à l'annulation de la décision entreprise, à l'octroi de l'assistance juridique avec effet au 19 juin 2023, et à la nomination d'office de son conseil, sous suite de frais judiciaires et dépens, lesquels seront fixés à 600 fr. Subsidiairement, le recourant conclut au renvoi de la décision entreprise au Service de l'assistance juridique pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le recourant reproche au premier juge d'avoir refusé sa demande d'assistance juridique au motif qu'il n'aurait pas suffisamment étayé ses griefs, alors que celui-ci ne l'a jamais interpellé pour en connaître le détail. Il affirme que son conseil aurait traité de nombreux cas similaires au sien antérieurement, et qu'un tel comportement constituerait un changement de pratique portant atteinte au principe de la sécurité du droit. Il semble que le premier juge aurait en outre attendu que l'audience ait lieu par-devant le TAPI (laquelle s'est déroulée le 28 juin 2023) pour rendre sa décision, étant donné que la décision entreprise a été postée le même jour, soit le 28 juin 2023, et donc reçue par son conseil postérieurement à ladite audience. Pour ces motifs, le recourant invoque une violation du principe de la bonne foi.

Le recourant estime que le premier juge se serait substitué au juge du fond en considérant que l'interdiction territoriale qui lui était signifiée apparaissait fondée, tant sur le principe que sur son étendue et sa durée. La décision du premier juge ne pouvait être aussi tranchée, d'autant que celui-ci n'était même pas en possession de son dossier.

Le recourant soutient que son opposition, par laquelle il conteste toute vente de stupéfiants, présente des chances de succès, "étant précisé qu'il conteste principalement le principe de l'interdiction de territoire ainsi que subsidiairement sa durée et son étendue".

b. La vice-présidence du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 CPC, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrits par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4 Il n'y a pas lieu d'entendre le recourant, celui-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.             2.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

2.2 Applicable à la procédure portant sur l'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire, la maxime inquisitoire est limitée par le devoir de collaborer des parties. Ce devoir de collaborer ressort en particulier de l'art. 119 al. 2 CPC qui prévoit que le requérant doit justifier de sa situation de fortune et de ses revenus et exposer l'affaire et les moyens de preuve qu'il entend invoquer. Il doit ressortir clairement des écritures de la partie requérante qu'elle entend solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire et il lui appartient de motiver sa requête s'agissant des conditions d'octroi de l'art. 117 CPC et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.2 et les références citées).

Le juge doit inviter la partie non assistée d'un mandataire professionnel dont la requête d'assistance judiciaire est lacunaire à compléter les informations fournies et les pièces produites afin de pouvoir vérifier si les conditions de l'art. 117 CPC sont valablement remplies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_327/2017 du 2 août 2017 consid. 4). Ce devoir d'interpellation du juge, déduit de l'art. 56 CPC, vaut avant tout pour les personnes non assistées et juridiquement inexpérimentées. Il est en effet admis que le juge n'a pas, de par son devoir d'interpellation, à compenser le manque de collaboration qu'on peut raisonnablement attendre des parties pour l'établissement des faits, ni à pallier les erreurs procédurales commises par ces dernières. Or, le plaideur assisté d'un avocat ou lui-même expérimenté voit son obligation de collaborer accrue dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombent pour démontrer que celles-ci sont remplies. Le juge n'a de ce fait pas l'obligation de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (arrêts du Tribunal fédéral arrêts 5A_287/2023 du 5 juillet 2023 consid. 3.2; 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 3.2; 4A_48/2021 du 21 juin 2023 consid. 3.2).

2.3 En l'espèce, le recourant s'est contenté d'indiquer, à l'appui de sa demande d'assistance juridique, qu'il souhaitait s'opposer à l'interdiction qui lui était faite de pénétrer sur le territoire genevois durant six mois. Il a précisé, à l'appui de son opposition auprès du TAPI, qu'il contestait l'infraction de l'art. 19 al. 1 let. c LStup qui lui était reprochée, portant sur l'aliénation à un tiers ou commerce de stupéfiants. Il n'a formulé aucun grief, ni aucune autre critique contre la décision d'interdiction précitée, que ce soit dans son principe, son étendue ou sa durée.

Ainsi, à raison, l'autorité de première instance a retenu que l'opposition du recourant paraissait dénuée de chances de succès, dans la mesure où, de jurisprudence constante, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue est suffisant pour justifier qu'une mesure soit prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, que cette infraction avait été observée par deux agents de police assermentés et que le recourant n'avait pas remis en cause les déclarations de ces derniers à ce sujet.

Le recourant reproche au premier juge de ne pas l'avoir interpellé sur cette question. Il perd néanmoins de vue que l'autorité de première instance n'y était pas tenue, dès lors qu'il était assisté par un conseil professionnel, réputé connaître les conditions d'octroi de l'assistance juridique, ce d'autant plus qu'il a déclaré que son conseil avait traité de nombreux cas similaires au sien antérieurement. Il ne saurait dès lors être suivi lorsqu'il affirme que l'autorité aurait, à cet égard, violé le principe de la bonne foi ou la sécurité du droit en changeant sa prétendue pratique.

Au demeurant, dans son recours, le recourant n'expose toujours pas les motifs, ni les moyens de preuve, qui permettraient d'admettre que sa cause présenterait des chances de succès. Il se borne en effet à l'affirmer, en précisant contester "principalement le principe de l'interdiction de territoire, ainsi que subsidiairement sa durée et son étendue", sans la moindre démonstration, ni motivation plus fournie.

Le recourant affirme par ailleurs que la décision entreprise aurait été rendue le même jour que l'audience s'étant tenue devant le TAPI et doute qu'il s'agisse d'une simple coïncidence. Il ne peut qu'être constaté que le recourant se fonde ici sur de simples suppositions, infondées, qui ne peuvent dès lors qu'être écartées.

Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, il ressort de la décision attaquée que la vice-présidence du Tribunal civil a examiné sommairement, conformément aux principes applicables en la matière, les chances de succès de l'opposition contre la décision du commissaire de police. Elle ne pouvait en particulier pas, vu les dispositions légales applicables au cas d'espèce, s'abstenir de procéder à une analyse de l'interdiction de pénétrer sur le territoire genevois et la proportionnalité de cette mesure pour évaluer de prime abord les chances de succès de l'opposition. Dans cette mesure, la vice-présidence ne s'est pas substituée au juge du fond, ni n'a violé le droit en procédant de la sorte.

C'est donc à raison que la vice-présidence du Tribunal de première instance a retenu que l'opposition pour laquelle le recourant sollicitait l'assistance juridique était dénué de chances de succès.

Par conséquent, la décision entreprise sera confirmée.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 12 juillet 2023 par A______ contre la décision rendue le 23 juin 2023 par la vice-présidence du Tribunal de première instance dans la cause AC/1825/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Etude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La vice-présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.