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Décisions | Chambre civile

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C/7675/2019

ACJC/1627/2024 du 17.12.2024 sur JTPI/4861/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7675/2019 ACJC/1627/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 17 DECEMBRE 2024

 

Entre

A______ CAPITAL CORPORATION, sise ______, ILES VIERGES BRITANNIQUES, appelante d'un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 avril 2022, représentée par Me Eric HESS, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4,

et

B______, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Olivier WEHRLI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4861/2022 du 21 avril 2022, reçu par les parties le 25 avril 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ CAPITAL CORPORATION des fins de sa demande en paiement dirigée contre [la banque] B______ (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 20’360 fr., compensés avec l’avance versée par A______ CAPITAL CORPORATION et les a mis à sa charge, ordonné la restitution à A______ CAPITAL CORPORATION du montant de 1'240 fr. (ch. 2), condamné à A______ CAPITAL CORPORATION à payer à B______ le montant de 18’000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 25 mai 2022, A______ CAPITAL CORPORATION a formé appel de ce jugement, concluant à l'annulation et la mise à néant de l’intégralité du jugement JTPI/4861/2022 et, cela fait, à la condamnation de B______ au paiement de 350’000 USD plus intérêts à 5% dès le 15 avril 2016, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse du 22 août 2022, B______ a conclu au déboutement de A______ CAPITAL CORPORATION de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. La cause a été gardée à juger le 11 novembre 2022, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

C. Les éléments pertinents suivants, non contestés en appel, ressortent de la procédure de première instance :

a. A______ CAPITAL CORPORATION (ci-après : A______) est une société de domicile sise aux Iles Vierges Britanniques dont les actionnaires et ayants droit économiques sont les époux C______ et D______, domiciliés au Brésil et de nationalité brésilienne.

Depuis le 29 novembre 2016, C______ est le seul administrateur de A______.

C______ a fait des études de droit au Brésil. C'est un chef d'entreprise possédant une usine, ayant fait fortune dans l'industrie chimique, et investisseur en bourse, qui connaît les actions et obligations.

b. B______ (ci-après : la Banque) est un établissement bancaire sis à Genève.

c. A______ a ouvert un compte auprès de la Banque en 2011, par l'intermédiaire de son gérant de fortune externe, initialement E______, de sorte que la Banque n'a jamais rencontré son client.

d. A______ a notamment signé les documents d'ouverture de compte, une décharge pour la communication par téléphone, télécopie et e-mail et a accepté les Conditions générales de la banque.

Selon le document d'ouverture de compte, la correspondance devait être gardée banque restante. En outre, E______ était indiquée comme personne à contacter en cas d'urgence.

e. La décharge pour la communication par téléphone, télécopie et e-mail comporte les passages suivants :

"The undersigned (hereinafter : "the Client") hereby confirm(s) that he/she/they is/are aware of the risks inherent in the use of the telephone, facsimile, e-mails and any other means of communication, including, without limitation, any risk of error, falsification, interception and/or alteration by third parties and the fact that it is not possible to ensure the confidentiality and integrity of information transiting over publicly networks such as the internet."

"The client hereby acknowledges that the Bank, may require, but is not obliged, written confirmation of the instructions thus transmitted and hereby declares that he/she agrees to assume the consequences of the use of any of the abovementioned means of communications, discharging the Bank of any liability save in the event of gross negligence on its part."

Quant aux conditions générales, elles contiennent les clauses pertinentes suivantes :

"1. Signatures and verification

Signatures communicated in writing by the Client to the Bank are the only signatures recognized by the Bank until revoked in writing and notwithstanding any divergent entries in the Commercial Register or existing in any public announcement. If several people are authorized to sign, each of them is deemed to have individual sole signature, unless contrary instructions are given in writing to the Bank. The Bank shall verify that the signatures match the specimens on file and is not required to undertake any additional verifications. Any loss or damage resulting from defects in identity documents or from failure by the Bank to detect any forgeries shall be borne by the Client, insofar as the Bank has acted diligently. In case of any doubt regarding the authenticity of a signature, the Bank may postpone executing orders until receipt of a confirmation or any other satisfactory evidence."

"4. Bank Correspondence

Correspondence from the Bank is deemed to have been validly made when dispatched to Client at the last address supplied to the Bank by the Client and timely made on the date specified on the Bank's own copy (or its mailing records). The Client shall be liable for any damage resulting from the use of the postal, phone, telex or fax services or of other means of transmission (for example, electronic mail), insofar as the Bank has acted diligently. If the Client instructs the Bank to retain correspondence in its custody ("Hold Mail"), all correspondence delivered or received will be so kept. Any such correspondence shall be considered delivered to the Client personally on the date it bears and shall be considered received on the date of reception indicated on it. Subject to any legal requirements to the contrary, the Bank is authorized to destroy the correspondence unless collected by the Client within five years from the date appearing on any such correspondence."

"5. Complaints

Any complaint by the Client regarding the performance or the non-performance of any orders must be lodged immediately upon receipt of the respective communication and any complaint regarding any exchange order shall be made at the latest on the day following the transaction. Any account and/or deposit account or statement account will be deemed correct, conclusive and binding on the client if not objected to in writing within thirty Geneva business days of dispatch by the Bank, even in the absence of any written confirmation statement."

f. A teneur du document "Know your Custumer Document", le compte a été ouvert dans le but d'investir sur les marchés financiers en euros, yens, pounds et dollars américains. La valeur initiale du compte était de l'ordre de 500'000 USD.

g. La gestion du compte avait été confiée au gérant externe, soit initialement à E______, puis à la société F______ (BRASIL) LTDA (ci-après : F______ BRASIL) sise au Brésil et dont l'animatrice est E______.

A teneur du document signé par A______, les pouvoirs du gestionnaire externe étaient limités de la sorte : "No withdrawal or disposal of assets is authorised under the present mandate".

Un contrat de conseil en investissement avait été signé en 2000 par A______ et F______ LLC (ci -après : F______ USA), société sise à G______ [États-Unis], également liée à E______.

C______ et D______ avaient ainsi noué une relation de longue date et de confiance avec E______.

h. La Banque entretenait elle aussi des relations contractuelles avec F______ BRASIL, cette société agissant comme gérant externe et apportant des clients à la Banque, se chargeant notamment de l'identification de ceux-ci.

i. A compter de 2014, la seule personne autorisée à signer sur le compte de A______ était H______, en sa qualité de représentant de I______ LTD, administratrice de la société A______.

j. Pendant toute la durée de la relation, la Banque recevait régulièrement des instructions par fax ou courriel, de E______ d'abord, puis de F______ BRASIL, et en particulier de J______, portant essentiellement sur des ordres d'achat ou de vente de titres. Les autres instructions de paiement signées par les organes de A______ étaient reçues par fax ou courriel de F______ BRASIL.

k. Le 15 avril 2016, la Banque a reçu une instruction portant la signature apparente de H______ par courriel d'une employée de F______ BRASIL, soit J______. A______ sollicitait ainsi qu'un crédit lombard lui soit accordé d'un montant de 350'000 USD afin de transférer ladite somme sur le compte de la société F______ USA à G______.

Selon l'instruction de transfert, l'objet de celui-ci était de "Buying shares of a real estate in G______, a rental building located at N. 1______ 2______nd Street", un bien immobilier géré indirectement par la société F______ USA.

A______ affirme que H______ n'a jamais signé le document, ce que conteste la Banque.

l. Le 21 avril 2016, une procédure de vérification par rappel téléphonique a été effectuée par un employé de la Banque, auprès de J______.

A teneur de la retranscription de l'entretien téléphonique, il a été décidé de vendre des obligations afin d'obtenir assez de liquidités pour transférer le montant requis, afin qu'aucun crédit lombard ne soit nécessaire.

m. La Banque a exécuté l'ordre de transfert le même jour.

n. Le 19 janvier 2017, E______ a sollicité l'envoi d'un relevé de compte de A______ au 31 décembre 2016 indiquant qu'il serait signé par le client.

o. C'est ainsi que C______, alors seul administrateur de A______, a signé en date du 26 janvier 2017 un relevé de compte au 31 décembre 2016 sur lequel figurait la mention de retraits d'un montant total de 377'341 USD, le solde du compte étant alors de 77'663 USD.

p. C______ s'est présenté dans les locaux de la Banque en date du 16 août 2017 avec son fils. Le contenu des échanges entre la Banque et C______ et son fils n'est pas établi.

q. La Banque a été contactée à compter de l'été 2017 par des avocats représentant A______ au sujet du compte et des transactions ayant eu lieu sur ledit compte.

r. La communication conservée en banque restante a été relevée pour la première fois le 10 octobre 2017 par un avocat de A______.

s. La relation bancaire a par la suite été clôturée.

D. a. Par demande en paiement à l’encontre de B______ du 4 avril 2019, déclarée non conciliée le 29 août 2019 et introduite le 12 novembre 2019 auprès du Tribunal, A______ a conclu à ce que la banque soit condamnée à lui verser la somme de 350’000 USD avec intérêts à 5% dès le 15 avril 2016 à titre de réparation du dommage causé par la mauvaise exécution du contrat, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle invoquait la responsabilité de la banque, qui avait commis une faute grave et n’avait pas procédé aux vérifications commandées par les circonstances avant d’exécuter le transfert de 350’0000 USD intervenu le 21 avril 2016. Ledit transfert était insolite s’agissant notamment de son montant, du but pour lequel le compte avait été ouvert et du bénéficiaire de l’opération, soit une entité proche du gérant indépendant. Le caractère insolite de l’opération était reconnaissable et la banque aurait dû effectuer un call back directement auprès de son client en lieu et place du gérant indépendant.

Au regard de la négligence grave, les clauses d’exonération de responsabilité n’étaient pas opposables à A______. La banque avait violé ses obligations contractuelles et il en était résulté un dommage à hauteur de la contre-valeur du transfert effectué.

b. Dans sa réponse du 18 mars 2020, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaire et dépens.

B______ estimait que les clauses de transfert de risque prévues dans les conditions générales de la banque et la décharge pour ordre téléphonique, fax et e-mail étaient pleinement applicables, en l’absence d’une faute grave imputable à son auxiliaire.

Dès lors, la banque n’était pas redevable à l’égard de son client des sommes que celui-ci lui avait confiées.

Enfin, elle estimait que quoi qu’il en soit, en raison de la clause de banque restante et de la tardiveté de la réclamation, le transfert litigieux avait été ratifié.

c. Une audience de débat d’instruction, de débats principaux et de premières plaidoiries s’est tenue le 10 novembre 2020, suite à laquelle une ordonnance de preuve a été rendue le 18 janvier 2021. Dans le cadre de celle-ci, un délai était imparti à A______ pour produire tout document portant sur les démarches effectuées en vue d’obtenir de F______ USA, F______ BRASIL ou E______ la restitution de la somme de 350'000 USD.

d. Dans le délai imparti, A______ a indiqué au Tribunal ne pas avoir engagé de démarches en ce sens.

e. Le 11 novembre 2021, le Tribunal a procédé à l’audition des parties et du témoin H______.

C______ a notamment déclaré avoir appris, peut-être fin 2018, que 350'000 USD avaient été transférés en faveur de F______ par la banque. Il avait contesté tout de suite le virement, dans un entretien personnel et par téléphone.

Il a également déclaré au Tribunal que E______ n’avait pas pris d’argent sur d’autres comptes de A______ ou d’autres comptes à lui et n’avoir entrepris aucune démarche à l’encontre de la précitée, nulle part.

H______ a notamment déclaré au Tribunal ne pas avoir signé l’ordre litigieux. Il a indiqué ne pas avoir déposé plainte pénale pour utilisation frauduleuse de sa signature, car cela ne lui avait pas porté préjudice à lui.

f. Dans leurs plaidoiries finales écrites du 11 février 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

g. Chacune des parties a fait usage de son droit à la réplique, persistant dans ses conclusions respectives.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu, en substance, que la demanderesse n’avait pas démontré à satisfaction de droit que la banque avait agi sans mandat, de sorte qu’elle devait être déboutée de sa demande.

Le Tribunal a également estimé que la demanderesse devait également être déboutée de sa demande dans la mesure où les faits retenus ne permettaient pas d’imputer à la banque un comportement comparable à un manquement absolument inexcusable de sa part en exécutant l’ordre de transfert du 15 avril 2016, de sorte que les clauses de transfert de risque contenues dans les conditions générales et la décharge pour la communication par téléphone, télécopie et e-mail étaient applicables.

Même en cas de faute grave, le Tribunal estimait que la demande devait être rejetée, A______ devant se voir opposer la clause de fiction de ratification contenue dans les conditions générales qu’elle avait signée, puisqu’elle n’avait relevé son courrier remis en banque restante que le 10 octobre 2017 et n’avait pas contesté le transfert litigieux dans le délai de 30 jours imposé par les conditions générales, en violation de son obligation de diligence. Il en résultait que la transaction était réputée ratifiée.

Enfin, le Tribunal retenait que l’appelante avait eu connaissance du transfert litigieux au plus tard le 26 janvier 2017, date de la signature par C______ du relevé de compte faisant figurer un retrait de 377'341 USD et un solde de 77’663 USD. Faute de contestation dans les 30 jours, A______ était réputée avoir ratifié le transfert litigieux.

Au vu du déboutement de la demande, A______ a été condamnée aux frais judiciaires et aux dépens de l’instance.

EN DROIT

1. 1.1. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le jugement entrepris est une décision finale et la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi, l'appel est en l'espèce recevable (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. b, 311 al. 1 CPC).

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen. Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

1.4 La compétence des tribunaux genevois ainsi que l'application du droit suisse ne sont, à juste titre, pas remises en cause par les parties (cf. art. 23 CL et 116 LDIP).

2. L’appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir condamné l’intimée à la dédommager du préjudice causé par une exécution défectueuse du contrat les liant.

2.1

2.1.1 Lorsque la banque vire de l'argent depuis le compte du client à un tiers sans ordre (sans mandat) du client, elle n'acquiert pas de créance en remboursement. A l'action en restitution du client (première étape), la banque ne peut donc pas opposer en compensation une créance en remboursement ; elle doit contre-passer l'écriture et l'art. 402 CO n'entre pas en considération, étant ici précisé que, dans le système légal, le défaut de légitimation ou l'existence de faux non décelés font partie des risques inhérents à l'activité bancaire, au même titre que l'insolvabilité du client (ATF 146 III 121 consid. 2 et réf. citée).

Le client dispose donc, en cas de virements exécutés par la banque sans mandat de sa part, à la suite de défauts de légitimation ou de faux non décelés, d'une action en restitution de ses avoirs (sauf clause de transfert de risque), qui est une action en exécution du contrat. Cette action, qui n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de la banque, ne doit pas être confondue avec l'action en responsabilité pour inexécution contractuelle intentée par le client, laquelle serait subordonnée à l'existence d'une faute de la banque (ATF 146 III 121 consid. 3.1.2).

Il en découle que la banque ne peut pas opposer à l'action en restitution du client une prétention en réduction pour faute concomitante de celui-ci au sens de l'art. 44 al. 1 CO (ATF 146 III 121 consid. 3.1.2; ATF 132 III 449 consid. 2 p. 452 ;
112 II 450 consid. 3a p. 454 ; 111 II 263 consid. 1a).

2.1.2 Lorsque le demandeur allègue que des versements ou virements ont été exécutés par la banque en dépit du défaut de légitimation du donneur d'ordre ou à la suite de faux non décelés, le juge doit examiner qui, du client ou de la banque, doit supporter le dommage qui en résulte en procédant en trois étapes. Tout d'abord (première étape), sur l'action principale du client en restitution de son avoir non amputé des prélèvements indus (art. 107 al. 1 CO), il doit examiner si les virements ont été exécutés sur mandat ou sans mandat du client, ce qui présuppose, en cas de représentation du titulaire du compte par un tiers, de se poser la question des pouvoirs du représentant, respectivement de la ratification des virements par le titulaire. Ce n'est que si les ordres ont été exécutés sans mandat que le juge doit examiner (deuxième étape) si le dommage est un dommage de la banque ou si, en raison de la conclusion d'une clause de transfert de risque, le dommage est à la charge du client. Ce n'est enfin que lorsque le dommage est subi par la banque que le juge peut encore devoir examiner (troisième étape) si la banque peut opposer, en compensation, à l'action en restitution de son client une prétention en dommages-intérêts (art. 97 al. 1 CO) parce que celui-ci aurait fautivement contribué à causer ou à aggraver le dommage en violant ses propres obligations (par exemple, en ne contestant pas dans le délai convenu les opérations irrégulières ou infondées, respectivement en ne consultant pas son dossier de banque restante)
(ATF 146 III 121 consid. 2).

2.1.3 Constitue une faute grave de la banque la violation des règles élémentaires de prudence dont le respect se serait imposé à toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances (ATF 128 III 76 consid. 1b p. 81 ; 119 II 443 consid. 2a p. 448 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2016 consid. 2.2.5 ; 4A_398/2009 du 23 février 2010 consid. 6.1). Commet, en revanche, une négligence légère la personne qui ne fait pas preuve de toute la prudence qu'on aurait pu attendre d'elle, sans toutefois que sa faute - non excusable - puisse être considérée comme une violation des règles de prudence les plus élémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2016 déjà cité ibidem et les références). Le juge apprécie (art. 4 CC) les agissements de l'auteur négligent en se référant à la diligence que l'autre partie était en droit d'attendre, en vertu, notamment, des clauses du contrat et des usages professionnels (arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2016 déjà cité ibidem; 4A_438/2007 du 29 janvier 2008 consid. 5.3).

Même en cas de faute grave de la banque, le juge doit encore examiner la faute concomitante du client, comme facteur d'interruption du lien de causalité adéquate, voire de réduction de l'indemnité qui lui est due. Autrement dit, lorsqu'il examine le défaut de diligence de la banque dans la vérification de l'authenticité des ordres frauduleux, le juge doit tenir compte du comportement du client dans la survenance ou dans l'aggravation du dommage, notamment en relation avec la non-consultation par celui-ci de son dossier de banque restante et/ou avec l'absence de contestation des communications que lui adresse la banque, en violation de la clause de réclamation figurant dans les conditions générales (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 consid. 5.2).

En règle générale, la banque n'est tenue de vérifier l'authenticité des ordres qui lui sont adressés que selon les modalités convenues entre les parties ou, le cas échéant, spécifiées par la loi (ATF 132 III 449 consid. 2).

En matière de vérification des signatures, la banque n'a pas à prendre de mesures extraordinaires, incompatibles avec une liquidation rapide des opérations, et elle n'a pas à systématiquement présumer l'existence d'un faux (ATF 111 II 263 consid. 2b p. 268 ; cf. également ATF 122 III 26 consid. 4a/aa p. 32 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_438/2007 déjà cité consid. 5.3). Elle ne doit procéder à des vérifications supplémentaires que s'il existe des indices sérieux d'une falsification, si l'ordre ne porte pas sur une opération prévue par le contrat ni habituellement demandée ou encore si des circonstances particulières suscitent le doute (ATF 132 III 449 consid. 2 p. 453 ; 116 II 459 consid. 2a p. 461 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2016 déjà cité consid. 2.2.6 ; 4A_230/2008 du 27 mars 2009 consid. 4.1.2 ; 4A_438/2007 déjà cité consid. 5.3). Ainsi, la jurisprudence a notamment retenu une faute grave de la banque lorsque deux ordres, qui étaient supposés émaner de personnes différentes, présentaient les mêmes fautes d'orthographe et portaient des signatures présentant des différences par rapport aux signatures de référence déposées à la banque, lesquelles étaient décelables au premier coup d'œil (arrêt du Tribunal fédéral 4A_438/2007 déjà cité consid. 5.5). De même, la jurisprudence a admis une faute grave de la banque en présence d'ordres frauduleux d'un gérant indépendant parce que ces ordres avaient pour conséquence de vider le compte de l'essentiel de sa substance alors que ce gérant n'avait pas le pouvoir de faire des bonifications à des tiers lorsque la contrepartie ne se retrouvait pas dans le compte du client (arrêts du Tribunal fédéral 4A_379/2016 déjà cité consid. 5.3; 4A_119/2018 du 7 janvier 2019 consid. 3.2).

Lorsque les parties sont convenues d'habiliter le client à transmettre des ordres par e-mail, la banque n'a pas non plus à prendre de mesures extraordinaires, incompatibles avec une liquidation rapide des opérations, et elle n'a pas à systématiquement présumer que l'e-mail qui lui est communiqué depuis l'adresse e-mail du client ne provient pas de celui-ci. La clause de transfert de risque met à la charge du client le dommage causé par des interventions illicites de tiers dans son système informatique ou sur son ordinateur. Il lui appartient en effet de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter de telles utilisations abusives. La responsabilité du client s'étend même aux cas fortuits (Zufallshaftung), notion qui, en responsabilité contractuelle, englobe les événements et les comportements humains qui ne peuvent pas être imputés aux parties au contrat. Par conséquent, il ne peut y avoir de faute grave de la banque et, partant, de responsabilité de celle-ci que si l'examen auquel elle procède, nécessairement rapidement pour ce type d'opérations bancaires, fait apparaître des indices sérieux d'une usurpation d'adresse et donc d'identité. Tel serait le cas s'il devait sauter aux yeux de toute personne raisonnable que l'ordre transmis, de par son adresse, son texte, son contenu ou un lieu de virement exotique, et compte tenu de la situation du client, ne pouvait émaner de celui-ci (ATF 146 III 326 consid. 6.2.1.2 et les références citées).

2.1.4 Par la clause de banque restante, la banque accepte de conserver chez elle, dans le dossier bancaire du client, les avis qu'elle doit lui adresser, mais prévoit que les communications ainsi faites sont opposables à celui-ci comme s'il les avait effectivement reçues. Le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir reçu immédiatement les avis qui lui sont adressés de cette façon (fiction de réception) ; il sera traité de la même façon que le client qui aura réellement reçu le courrier, quant à la fiction de ratification d'une opération non contestée dans un certain délai (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 déjà cité consid. 6.1.1 et les arrêts cités).

En effet, l'option banque restante n'est pas utilisée dans l'intérêt de la banque, mais bien dans celui du client, qui, pour des raisons de discrétion, n'entend pas recevoir les communications que la banque doit lui adresser. En pareil cas, la banque, qui a l'obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu'elle accomplit pour ceux-ci, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du courrier en banque restante soit traité de la même manière que le client qui a réellement reçu le courrier en ce qui concerne l'obligation, découlant des règles de la bonne foi, de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont il a reçu communication (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 déjà cité, ibidem).

Le client qui choisit l'option banque restante prend donc un risque, dont il doit supporter les conséquences s'il se réalise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 déjà cité, ibidem).

Les conditions générales des banques prévoient usuellement que toute réclamation relative à une opération doit être formulée par le client dans un certain délai (habituellement un mois) dès la réception de l'avis de transaction ou de l'extrait de compte correspondant, faute de quoi l'opération est réputée acceptée. Le Tribunal fédéral a admis la validité d'une telle clause, qui implique donc qu'à défaut d'objection formulée en temps utile contre une opération effectuée sans instructions, le client est réputé la ratifier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5.2.1 ; 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 5.2 ; 4A_488/2008 du 15 janvier 2009 consid. 5.1).

En effet, les communications de la banque ne servent pas seulement à l'information du client, mais visent aussi à permettre la détection et la correction en temps utile d'écritures erronées, voire d'opérations irrégulières, à un moment où les conséquences financières ne sont peut-être pas encore irrémédiables. Les règles de la bonne foi imposent au client une obligation de diligence relativement à l'examen des communications reçues de la banque et à la contestation des écritures qui lui paraissent irrégulières ou infondées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 déjà cité, ibidem et les références). Cette contestation doit intervenir dans le délai d'un mois, à moins que les circonstances n'exigent une réclamation immédiate (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 déjà cité, consid. 5.4.1).

Faute de contestation, même s'il n'a pas consciemment voulu ratifier les opérations par son comportement, le client doit se laisser opposer la fiction de ratification (contenue dans les conditions générales) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_161/2020 déjà cité, consid. 5.2.1 in fine et les arrêts cités).

La clause de réclamation - et sa fiction de ratification - sont applicables aux clients auxquels les communications sont faites en banque restante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_119/2018 déjà cité, consid. 6.1.2).

La fiction de ratification s'applique non seulement aux opérations que le client découvre, mais également à celles qu'il aurait dû découvrir en y prêtant l'attention que les circonstances permettent d'exiger de lui (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 déjà cité, consid. 5.4.5 in fine ; 4A_119/2018 déjà cité, consid. 7.1 ; 4A_471/2017 du 3 septembre 2018 consid. 4.2.2).

Si l'application stricte de la clause de banque restante, entraînant fiction de réception, combinée avec la clause de réclamation, emportant fiction de ratification, conduit à des conséquences choquantes, le juge peut exclure ces fictions en se fondant sur les règles de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 déjà cité, consid. 5.4.5 ; 4A_119/2018 déjà cité, consid. 6.1.3 et les arrêts cités).

Les fictions de réception et de ratification ne sont en effet opposables au client que pour autant que la banque ne commette pas d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). En rapport avec la fiction de réception du courrier, il y a notamment abus de droit lorsque la banque sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (par exemple lorsqu'elle agit sans instructions dans le cadre d'un contrat "execution only" ou de conseil en placements) (arrêts du Tribunal fédéral 4A_161/2020 déjà cité, ibidem; 4A_449/2018 du 25 mars 2019 consid. 7 ; 4A_119/2018 déjà cité, ibidem; 4A_471/2017 déjà cité consid. 4.2.3).

Il incombe à la banque d'apporter la preuve que le client a ratifié les opérations qu'elle a effectuées sans instruction de sa part (arrêts du Tribunal fédéral 4A_41/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.5 ; 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.2 ; 4C_18/2004 du 11 juin 2008 consid. 1.5 et 1.8).

2.1.5 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, cette disposition répartit le fardeau de la preuve - auquel correspond en principe le fardeau de l'allégation et, partant, les conséquences de l'absence de preuve ou d'allégation (ATF 127 III 519 consid. 2a et les références).

2.2

2.2.1 En l’espèce, l’appelante a fondé ses prétentions envers l’intimée sur l’action en responsabilité pour inexécution de ses obligations par la banque.

L'appelante reproche en premier lieu au Tribunal d'avoir violé le principe de libre appréciation des preuves en retenant que le témoignage de H______ était insuffisant pour démontrer l’existence d’un faux et partant, pour retenir que l’appelante n’avait pas démontré à satisfaction de droit que la banque avait agi sans mandat.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, la preuve de la fraude alléguée par l’appelante, soit de la falsification de la signature figurant sur l’ordre, qui impliquerait que le transfert litigieux ne serait pas intervenu dans le cadre de l'exécution du mandat confié à l'intimée, incombe à celle-là.

A cet égard, l’appelante se prévaut du témoignage de H______, qui a indiqué au Tribunal ne pas avoir signé l’ordre litigieux.

Le précité, qui indique exercer la profession de fiduciaire, a précisé n’avoir fait aucune démarche judiciaire dans ce contexte, car la falsification de sa signature ne lui aurait causé aucun dommage.

Ni l’appelante, ni C______, ayant droit économique de celle-ci, n’ont entrepris de démarches à l’encontre de F______ USA, F______ BRASIL, E______ ou tout autre tiers en lien avec la fraude alléguée.

Dès lors, l’existence de la fraude ne repose que sur les déclarations de l’ancien directeur, soit un organe de l’appelante, qui conteste avoir donné l’ordre litigieux.

Au regard du montant considéré, il apparait toutefois que ces seules déclarations, provenant d’une personne dont la responsabilité pourrait également être engagée au vu de sa position, ne sont pas suffisantes pour établir l’existence d’une fraude.

A cela s’ajoute que, comme le relève l’intimée, le montant du virement litigieux figure sur les documents bancaires remis par le tiers gérant à l’appelante pour signature le 26 janvier 2017.

C______ a confirmé avoir reçu et signé ces documents, ce qui implique que le retrait litigieux ne lui a jamais été dissimulé par le gestionnaire externe.

Une telle manière de procéder apparait peu cohérente avec la fraude alléguée, qui porterait sur 350'000 USD, soit une somme identifiable au premier coup d’œil sur la pièce 17, présentant trois lignes, dont les retraits pour 377'341 USD, de même que le solde du compte.

Toutes ces circonstances prises dans leur ensemble conduisent la Cour à retenir, à l’instar du premier juge, que l’ordre litigieux émanait bien de l’appelante.

Dans ces conditions, l'appelante a échoué à démontrer que l'intimée n'aurait pas agi dans le cadre de l'exécution régulière de son mandat, nonobstant les instructions reçues, en transférant la somme de 350'000 USD au bénéficiaire qui lui était indiqué. La fraude alléguée n'étant pas établie, il y a lieu d'admettre que l'intimée s'est correctement acquittée de ses obligations.

Il convient donc de retenir que l’ordre a été passé sur mandat du client.

L'appelante n'est par conséquent pas fondée à réclamer le paiement desdites sommes en exécution du contrat. Le jugement entrepris, qui a débouté l'appelante de ses prétentions en ce sens, sera confirmé.

2.2.2 Même à retenir que l’ordre litigieux était falsifié, la demanderesse devrait être déboutée de ses prétentions au vu de ce qui suit.

2.2.3 L’appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir constaté que la banque avait commis une faute grave en omettant d’effectuer un appel de vérification directement auprès du client.

Cette faute grave impliquerait que la clause de transfert de risque ne trouverait pas application.

Elle estime qu’au regard du caractère insolite de l’ordre, la banque ne pouvait en obtenir la confirmation que par son client uniquement, et non par le tiers gérant, conformément à la jurisprudence, soit l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_379/2016 consid. 3.3.2.

En l’espèce, il ressort de la procédure que la Banque et l’appelante n’ont pas eu de contact direct depuis l’ouverture du compte, en 2011.

Les ordres du client étaient transmis par le tiers gérant, sous forme de courrier transmis par e-mail ou fax, et portant la signature de l’appelante. C’est par cette forme que l’ordre litigieux est parvenu à la banque.

L’ordre litigieux visait à l’achat d’actions/de parts dans un bien immobilier à G______.

Alors que l’appelante supporte la preuve de la faute grave de la banque, aucun de ses allégués ne porte sur les ordres usuels qu’elle transmettait, via le gérant externe, à la banque ou que le gérant externe donnait directement à la banque.

En particulier, la procédure ne permet pas de savoir de quelle manière les fonds de l’appelante étaient jusque-là gérés par le gérant externe, et de quelle manière l’ordre litigieux différait notablement des ordres exécutés jusqu’alors, notamment les années précédentes, par la banque, étant précisé que le « management mandate assigned to a third party » du 10 septembre 2014 mentionne des investissements alternatifs, tels que des investissements dans des fonds non-traditionnels.

Il ressort de la transcription de l’appel de vérification que celui-ci porte essentiellement sur le fait que l’ordre litigieux ne peut pas être effectué au regard du montant présent sur le compte, de sorte que la banque propose que des positions soient liquidées pour exécuter l’ordre.

Comme il ressort des pièces, cette décision pouvait être prise par le gérant externe.

Enfin, l’absence de réaction du directeur de l’appelante après avoir apposé sa signature sur le relevé de compte du 31 décembre 2016 impliquait que l’ordre n’était pas, prima facie, apparu insolite à la société elle-même.

L’appelante a ainsi échoué à prouver que l’ordre litigieux était insolite, de sorte qu’il ne peut être retenu que la banque aurait commis une faute grave en procédant à son exécution.

Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les clauses de transfert de risque étaient applicables.

L’appelante devait ainsi, en tout état de cause, être déboutée de sa demande.

Quoi qu’il en soit, l’appelante devait également être déboutée dans la mesure où, même à retenir, ce qui n’est pas le cas, que l’ordre était donné sans mandat et que la banque aurait commis une faute grave, l’appelante ne pouvait pas obtenir l’exécution du contrat, dans la mesure où l’ordre litigieux a, quoi qu’il en soit, été ratifié, comme il sera développé ci-après.

2.2.4 L’appelante reproche également au Tribunal d’avoir retenu qu’il existait une faute concomitante de l’appelante, qui n’avait pas relevé sa banque restante, ce qui impliquait une fiction de ratification. La banque ne pourrait se prévaloir d’une action en dommages et intérêts compensant la créance en restitution de l’appelante.

2.2.5 Il est établi que l'appelante était liée par une clause de banque restante, selon laquelle les documents conservés en application de cette clause étaient considérés comme reçus par le titulaire du compte et que celui-ci en supportait le risque.

Il est également établi que l'appelante était liée par la clause de réclamation figurant dans les conditions générales de la Banque, laquelle prévoyait qu'en l'absence de contestation du titulaire du compte aux avis bancaires qui lui étaient adressés, les opérations y figurant étaient considérées comme approuvées.

L’appelante soutient que dans la mesure où elle ne relevait pas son courrier en banque restante, l’invocation par la Banque de la clause de ratification procéderait d’un abus de droit, car la précitée savait qu’elle n’approuvait pas les actes communiqués.

A ce titre, elle soutient que la banque restante n’était pas un moyen de communication, dans la mesure où les relevés de comptes étaient envoyés à l’appelante par l’intermédiaire du tiers-gérant.

L’appelante se méprend sur la signification qu’elle donne à l’arrêt 4A_386/2016. A cet égard, il ressort clairement des arrêts cités par cette jurisprudence, et notamment des arrêts 4A_42/2015 du 9 novembre 2015 consid. 5.2 et 4A_548/2013 du 31 mars 2014 consid. 3.6., que l’abus de droit concerne le cas où la banque savait que la cliente n'approuverait pas des actes de gestion contraires aux instructions données. Il ne s’agit dès lors pas de savoir si la cliente relevait effectivement sa correspondance en banque restante.

En l’espèce, il ressort des documents d’ouverture de compte et des déclarations de C______ que la banque restante était le seul moyen de communication convenu contractuellement entre l’appelante et la banque.

Par ailleurs, il n’a jamais été allégué ou prouvé que la Banque aurait su que l’ordre litigieux était contraire à la volonté de l’appelante de sorte qu’elle ne l’aurait pas approuvé.

Partant, c’est à juste titre que le Tribunal a estimé que les fictions de réception et de ratification n’étaient pas, dans le cas d’espèce, constitutives d’un abus de droit.

2.2.6 Il reste dès lors à examiner si l'appelante a contesté les opérations litigieuses dans les 30 jours qui ont suivi la réception de sa documentation bancaire.

En l’espèce, il ressort de la procédure que l’ordre litigieux figurait sur un avis de débit remis en poste restante le 21 avril 2016. Aucune contestation n’est intervenue dans les 30 jours suivant cette date.

Même à retenir que la fiction de réception ne s’appliquait pas, il ressort du dossier qu’aucune contestation n’est par ailleurs intervenue après le 26 janvier 2017, date de la signature par C______ du relevé bancaire laissant apparaitre le versement litigieux.

Enfin, aucune contestation n’est intervenue après le 10 octobre 2017, date de la prise de connaissance du courrier en banque restante par le Conseil de l'appelante.

Des échanges ultérieurs ont eu lieu s’agissant de cet ordre, sans qu’il ne soit contesté, ni par l’appelante ni par son conseil.

Ainsi, même si l’ordre avait été donné sans mandat et la banque avait commis une faute grave rendant inopérante la clause de transfert de risque, l’appelante devrait être déboutée de ses prétentions, car elle a valablement ratifié l’ordre litigieux.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal a considéré à bon droit que l'appelante n'avait pas contesté les opérations litigieuses en temps utile et que celles-ci devaient par conséquent être considérées comme ratifiées. Il existait donc une faute concomitante et une créance en compensation du dommage, de sorte que l’appelante devait être déboutée.

2.2.7 Enfin, l’appelante invoque que le Tribunal aurait retenu, à tort, que la signature de C______ sur le relevé bancaire du compte au 31 décembre 2016 n’aurait pas emporté ratification. Elle soutient à ce titre que le précité n’aurait pas été organe de l’appelante ou signataire du compte bancaire à l’époque.

Il est toutefois établi que le précité était directeur de l’appelante depuis 2016, ce qu’il a confirmé au Tribunal. Il a par ailleurs confirmé au Tribunal qu’il avait signé le relevé bancaire au 31 décembre 2016 et en avait pris connaissance.

L’appelante a par ailleurs allégué dans sa demande, sur la base de documents datés du 29 novembre 2016, que le précité pouvait l’engager sous sa seule signature (allégué 4 demande).

C’est ainsi à bon droit que le Tribunal a également rejeté la demande en considérant que l’appelante avait en tout état de cause ratifié le transfert litigieux, puisqu’aucune contestation n’était intervenue dans le délai de 30 jours qui s’était écoulé depuis le 26 janvier 2017, date de la signature par C______ du relevé bancaire laissant apparaitre le versement litigieux.

En tout état, l’absence de contestation dans un délai de 30 jours vaut à elle seule ratification, conformément aux conditions générales, de sorte que la portée de la signature du décompte par le précité est sans pertinence.

Infondé, l’appel sera rejeté et le jugement attaqué confirmé.

3. Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge de l’appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront fixés à 15’000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie par celles-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer la somme de 3'000 fr. (18’000 fr. – 15’000 fr.) à l'appelante à titre de solde de son avance de frais.

L’appelante sera, en outre, condamnée à verser à l'intimée 15’000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 96 CPC, art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA inclus (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ CAPITAL CORPORATION contre le jugement JTPI/4861/2022 rendu le 21 avril 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7675/2019.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 15’000 fr., les met à la charge de A______ CAPITAL CORPORATION et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par elle, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 3’000 fr. à A______ CAPITAL CORPORATION.

Condamne A______ CAPITAL CORPORATION à verser 15'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente ; Monsieur Jean REYMOND, juge, Madame Aliénor WINIGER, juge suppléante ; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.