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Décisions | Chambre civile

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C/22905/2019

ACJC/330/2024 du 12.03.2024 sur OTPI/599/2023 ( SCC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22905/2019 ACJC/330/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 12 MARS 2024

 

Entre

1) Madame A______, domiciliée ______ [GE],

2) B______ SA, sise ______, République du Panama,

3) C______, sise ______ D______ [ville], E______ [pays],

4) F______, sise ______ D______, E______,

5) G______, sise ______ D______, E______,

6) H______, sise ______ D______, E______,

7) I______ LTD, sise ______, République des Iles Marshall,

recourantes contre une ordonnance rendue par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 septembre 2023, toutes représentées par
Me J______, avocat, ______ [GE],

et

1) REPUBLIQUE DE E______, sise House of Ministries, ______, E______,

2) VILLE DE D______, c/o Finance Department of the City of D______, ______ D______, E______,

intimées, représentées toutes deux par Me Balz GROSS, avocat, Etude Homburger AG, Prime Tower, Hardstrasse 201, 8005 Zurich.

EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/599/2023 du 29 septembre 2023, reçue par A______ le 3 octobre suivant, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), a condamné [les sociétés] B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD, prises conjointement et solidairement, à fournir, soit en espèces, soit sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse, des sûretés en garantie des dépens d'un montant de 800'000 fr. (chiffre 1 du dispositif), fixé aux précitées un délai au vendredi 1er décembre 2023 pour déposer lesdites sûretés, soit en espèces auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, soit sous forme de garantie auprès de la chambre du Tribunal (ch. 2), réservé la suite de la procédure à l'issue de ce délai (ch. 3), arrêté les frais à 2'000 fr., compensés avec l'avance fournie et mis à charge de B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD, prises conjointement et solidairement, condamné les précitées à verser 2'000 fr. à la REPUBLIQUE DE E______ et à la VILLE DE D______ (ch. 4) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 13 octobre 2023 au greffe de la Cour de justice, A______, B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD (ci-après également : "les recourantes") ont recouru contre cette ordonnance, dont elles ont requis l'annulation, avec suite de frais.

Elles ont conclu, principalement, au déboutement de la REPUBLIQUE DE E______ et de la VILLE DE D______ de leurs conclusions en versement de sûretés.

Elles ont sollicité, subsidiairement, la fixation des sûretés à fournir en garantie des dépens à un montant n'excédant pas 68'412 fr.

Elles ont préalablement requis l'octroi de l'effet suspensif à leur recours.

b. Par pli du 24 octobre 2023, la REPUBLIQUE DE E______ et la VILLE DE D______ (ci-après également : "les intimées") ont indiqué qu'elles ne s'opposaient pas à l'octroi de l'effet suspensif au recours.

c. Par arrêt ACJC/1434/2023 du 25 octobre 2023, la chambre civile de la Cour a ordonné la suspension de l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance entreprise et dit qu'il serait statué sur les frais liés à cette décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

d. Les intimées ont conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours formé par A______, C______, F______, G______ et H______, et au rejet du recours formé par B______ SA et I______ LTD, avec suite de frais.

Elles ont conclu, subsidiairement, au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, avec suite de frais.

Elles ont allégué des faits nouveaux en relation avec le défaut de représentation valable de F______, G______ et H______

e. Les parties ont répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

f. Le greffe de la Cour a informé les parties par pli du 10 janvier 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par demande en paiement déposée le 8 octobre 2019 en vue de conciliation et introduite au fond le 18 mars 2021 au greffe du Tribunal, A______, domiciliée à Genève, ainsi que les sociétés B______ SA, dont le siège se trouve en République du Panama, C______, F______, G______, H______, dont le siège se trouve à E______, et I______ LTD, dont le siège se trouve en République des Iles Marshall, ont conclu, principalement, à la condamnation de la REPUBLIQUE DE E______ et de la VILLE DE D______, prises conjointement et solidairement, à leur verser la somme de K______ 136'136'590'095.039 [monnaie de E______] avec intérêts à 5% dès le 8 octobre 2018.

Elles ont préalablement sollicité la jonction de la présente procédure avec les causes C/22904/2019, C/22906/2019 et C/22908/2019 opposant L______ et M______ à la REPUBLIQUE DE E______ et à la VILLE DE D______.

b. Par courrier du 6 janvier 2020 adressé au Tribunal, les recourantes ont exposé, en substance, que les sociétés F______ et G______ avaient été cédées à B______ SA, société de droit panaméen détenue intégralement par A______. Les administrateurs de cette société avaient accordé une procuration générale à Me N______, lequel avait à son tour mandaté le conseil des recourantes.

La société C______ était détenue intégralement par O______ LTD, à son tour détenue par A______, qui en était administratrice unique. Celle-ci avait dès lors pouvoir de signer une procuration au nom de C______.

La société H______ était détenue intégralement par la société I______ LTD, à son tour détenue par A______, qui en était administratrice unique. Celle-ci avait dès lors également pouvoir de signer une procuration au nom de H______.

Les sociétés C______, G______, F______ et H______ n'avaient pas d'administrateur et faisaient l'objet d'un blocage judiciaire à E______, de sorte qu'il était impossible d'en inscrire un au registre du commerce. L'actionnaire unique de chacune de ces sociétés avait cependant donné mandat à Me J______ de représenter les intérêts de chacune d'elles dans la présente procédure.

c. Par acte du 15 décembre 2022, les intimées ont formé, dans le cadre de la cause C/22905/2019, une requête de sûretés en garantie des dépens et de limitation de la procédure.

Elles ont conclu à ce que le Tribunal condamne chacune des recourantes à lui verser des sûretés en garantie des dépens d'un montant de 2'000'000 fr., suspende la procédure jusqu'à droit connu sur la présente requête et jusqu'au paiement des sûretés et, cela fait, limite la procédure à la question de la recevabilité de la demande.

Les intimées ont notamment allégué que B______ SA et I______ LTD possédaient leur siège en République du Panama respectivement en République des Iles Marshall, soit des Etats qui n'étaient pas signataires d'une convention prohibant une obligation de fournir des sûretés liée au seul domicile du demandeur à l'étranger. Ces sociétés étaient dès lors tenues de verser des sûretés en application de l'art. 99 al. 1 let. a CPC.

Les sociétés C______, F______, G______ et H______ présentaient, quant à elles, des indices d'insolvabilité au sens de l'art. 99 al. 1 let. b CPC, puisqu'elles avaient allégué que leurs actifs avaient été confisqués à la suite du jugement [de] E______ rendu le 8 octobre 2018 (sur ce point, cf. infra let. C.g.).

La société C______ avait, pour sa part, cessé ses activités le ______ mars 2011 et fait l'objet d'une liquidation.

Les sociétés F______ et H______ avaient enfin déclaré qu'elles avaient cessé leurs activités depuis le mois d'avril 2015, respectivement le mois d'avril 2014.

Compte tenu de ce qui précède, il existait un risque considérable que les sociétés B______ SA, C______, F______, G______ et H______ ne puissent pas verser de dépens aux intimées au sens de l'art. 99 al. 1 let. d CPC.

Le montant des sûretés à verser devait être fixé à 2'000'000 fr. pour chacune des parties recourantes. Or, cette somme très importante remplissait également à elle seule la condition du risque considérable au sens de l'art. 99 al. 1 let. d CPC.

Concernant la limitation de la procédure, les intimées ont fait valoir qu'elles entendaient se prévaloir de l'immunité de juridiction dont elles jouissaient en vertu du droit international public, de l'incompétence ratione loci des juridictions genevoises, dès lors que les conditions du for de nécessité prévu par l'art. 3 LDIP n'étaient pas satisfaites, de l'incompétence ratione materiae du Tribunal, dès lors que la cause ne présentait pas un caractère civil, de l'absence de capacité de partie de C______ et, enfin, de l'absence de capacité d'ester en justice de F______, de G______ et de H______.

Ces questions devaient, conformément à la jurisprudence, être tranchées à titre préjudiciel, soit avant d'entrer en matière sur le fond de la demande. Les intimées sollicitaient dès lors qu'un délai leur soit fixé pour déposer une réponse écrite limitée à ces questions, après droit connu sur leur requête de sûretés en garantie des dépens et le paiement de ces dernières.

d. Par courrier du 7 février 2023, les recourantes ont sollicité la jonction des procédures C/22904/2019, C/22905/2019, C/22906/2019 et C/22908/2019, ainsi que la suspension de la procédure relative aux sûretés en garantie des dépens jusqu'à droit jugé sur la recevabilité des demandes.

e. Par courrier du 3 mars 2023, les intimées ont déclaré ne pas s'opposer à la jonction des procédures susmentionnées. Elles ont en revanche rejeté la demande de suspension de la procédure relative aux sûretés.

f. Par ordonnance du 8 mars 2023 rendue dans la cause C/22904/2019, le Tribunal a joint les procédures C/22904/2019, C/22906/2019 et C/22908/2019 sous le numéro de cause C/22904/2019.

Il a en revanche refusé la jonction de la présente cause avec les affaires susmentionnées au motif que les parties n'étaient pas les mêmes et qu'une procédure de cautio judicatum solvi était en cours.

Afin d'éviter une avancée différée des procédures susvisées, il a toutefois suspendu les causes jointes sous le numéro C/22904/2019 jusqu'à droit jugé sur la question des sûretés dans la présente procédure.

g. Dans leur réponse du 17 avril 2023 à la requête de sûretés en garantie des dépens, les recourantes ont conclu, principalement, au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que le Tribunal leur ordonne de fournir, conjointement et solidairement, des sûretés à hauteur de 77'490 fr.

Elles ont fait valoir, en premier lieu, que A______ avait été condamnée, à la suite d'une violente répression politique et judiciaire, à une peine privative de liberté de quatorze ans et à la confiscation de ses avoirs par un jugement rendu le 8 octobre 2018 par un tribunal pénal de D______. Les avoirs confisqués comprenaient les biens des sociétés recourantes dont A______ était l'unique ayant-droit économique. Dans le jugement, les sociétés recourantes n'étaient en effet pas considérées comme des entités juridiques propres mais comme de simples modalités de détention d'actifs. De ce fait, les biens de ces sociétés avaient été traités comme ceux de A______. Corollairement, A______ était habilitée, en droit E______, à agir personnellement pour recouvrer les biens en question. Elle était ainsi l'unique titulaire du dommage qu'elle alléguait et les sociétés recourantes ne s'étaient portées parties à la présente procédure que pour des raisons formelles.

Selon les recourantes, les intimées avaient dès lors elles-mêmes considéré qu'il n'y avait pas lieu de distinguer les biens des sociétés recourantes de ceux de A______. Pourtant, elles se prévalaient désormais de la prétendue dualité juridique entre les celle-ci et celles-là pour requérir la constitution de sûretés par les sociétés recourantes, tout en sachant que ces sûretés seraient fournies par A______. Pareil comportement était manifestement abusif et contraire à la bonne foi.

Les recourantes ont invoqué, en second lieu, l'application directe ou par analogie de l'art. 99 al. 2 CPC, selon lequel les consorts nécessaires n'étaient tenus de fournir des sûretés que si l'une des conditions de l'art. 99 al. 1 CPC était réalisée pour chacun d'eux. Or, A______ était, en droit E______, la seule titulaire du dommage subi par les sociétés recourantes. Le sort de l'ensemble des recourantes était donc intimement lié et ne pourrait être tranché que par une unique décision. Les recourantes devaient dès lors être traitées comme des consorts nécessaires. Or, A______ était domiciliée en Suisse et n'était pas insolvable, si bien qu'elle ne pouvait être astreinte à fournir des sûretés. Conformément à l'art. 99 al. 2 CPC, les sociétés recourantes ne pouvaient par conséquent pas non plus être condamnées à en constituer.

Les recourantes requéraient subsidiairement une réduction des sûretés à 70'000 fr., débours et TVA en sus. Le montant des dépens envisageables, calculé selon la valeur litigieuse, au taux de change K______/CHF du jour, aboutissait en effet à un montant totalement disproportionné, qu'il y avait lieu de réduire de moitié conformément à l'art. 23 al. 1 CC. Les intimées avaient en outre requis la limitation de la procédure à la question de la recevabilité, ce qui allait en toute logique être accepté par le Tribunal dès lors que les procédures connexes jointes sous le numéro de cause C/22904/2019 avaient également été limitées à cette question. La procédure était dès lors susceptible de se terminer prématurément sans examen au fond ou de donner lieu à un jugement incident. Il convenait d'en tenir compte dans la fixation des sûretés, étant rappelé que l'art. 100 al. 2 CPC permettait de requérir en tout temps des sûretés supplémentaires si celles déjà versées se révélaient insuffisantes.

h. Par ordonnance du 18 avril 2023, le Tribunal a informé les parties de ce que la requête de sûretés serait gardée à juger dans un délai de vingt jours.

i. Dans leurs déterminations du 9 mai 2023, les intimées ont persisté dans leurs conclusions en constitution de sûretés.

Elles ont notamment contesté que A______ ait fait l'objet d'une violente répression politique et judiciaire, dans le cadre de laquelle la REPUBLIQUE DE E______ se serait approprié ses biens. Elles ont également contesté que le jugement pénal du 8 octobre 2018 n'ait opéré aucune distinction entre les biens des sociétés recourantes et ceux de A______, et considéré que la propriété des précitées formait une unité. Les recourantes n'avaient à l'inverse apporté aucun argument crédible permettant de retenir qu'elles étaient des consorts nécessaires; partant, elles devaient être considérées comme des consorts simples.

j. Dans leurs déterminations des 5 juin et 25 juillet 2023 (recte : 21 juillet 2023), les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

D. Aux termes de l'ordonnance entreprise, le Tribunal a retenu, en substance, que la valeur litigieuse de K______ 136'136'590'095.039 correspondait à 300'975'768 fr. au taux de change en vigueur au jour du dépôt de la demande (1 K______ = 0.00221075 CHF), respectivement à 260'855'739 fr. au taux de change du jour du prononcé de l'ordonnance (1 K______ = 0.00191624 CHF).

S'agissant de la réalisation des conditions figurant à l'art. 99 al. 1 CPC, il apparaissait que les sièges des sociétés B______ SA, sise en République du Panama, et I______ LTD, sise en République des Iles Marshall, ne se trouvaient pas dans un Etat signataire d'une convention prohibant l'obligation de fournir des sûretés en cas d'absence de domicile en Suisse. Conformément à l'art. 99 al. 1 let. a CPC, ces sociétés devaient par conséquent être condamnées à verser des sûretés en garantie des dépens en raison de leur siège à l'étranger.

Concernant les autres sociétés recourantes, la Suisse et E______ avaient ratifié la Convention de La Haye relative à la procédure civile du 1er mars 1954 (RS 0.274.12; CLaH54), ainsi que la Convention de La Haye tendant à faciliter l'accès international à la justice du 25 octobre 1980 (RS 0.274.133; CLaH80). En application de ces conventions, C______, F______, G______ et H______ ne pouvaient être astreintes à fournir une cautio judicatum solvi en raison de leur siège dans un Etat étranger signataire. Leur condamnation à verser des sûretés pouvait en revanche être prononcée sur la base des autres hypothèses prévues par l'art. 99 al. 1 CPC.

Or, les recourantes affirmaient que les actifs de C______, F______, G______ et H______ avaient été confisqués à la suite du jugement [de] E______ rendu le 8 octobre 2018. C______ avait cessé ses activités le 3 mars 2011 et été liquidée. H______ et F______ avaient déclaré avoir cessé leurs activités en 2014, respectivement 2015. L'insolvabilité de ces sociétés paraissait dès lors vraisemblable, de sorte qu'il existait un risque considérable qu'elles ne puissent pas, cas échéant, verser de dépens aux intimées.

Les recourantes ne démontraient par ailleurs pas en quoi elles formeraient une consorité nécessaire; elles formaient au contraire une consorité simple, leur action commune relevant d'un choix procédural et non du droit matériel. Le fait que A______ ne remplisse aucune des conditions de l'art. 99 al. 1 CPC ne pouvait par conséquent avoir pour effet de dispenser les autres parties recourantes de fournir des sûretés en garantie des dépens.

Il convenait dès lors de faire partiellement suite à la requête de fourniture de sûretés formée par les intimées.

Compte tenu, notamment, du fait que les sûretés devaient couvrir en principe les dépens présumés que le demandeur aurait à verser au défendeur en cas de perte totale du procès, de la possibilité de tenir les parties défenderesses solidairement responsables des frais judiciaires et des dépens, de la valeur litigieuse de la présente cause, de la réserve prévue par l'art. 23 al. 1 LaCC et de l'important pouvoir d'appréciation dont le Tribunal disposait en la matière, le montant des sûretés que devraient fournir B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD, prises conjointement et solidairement, devait être fixé à 800'000 fr.

Conformément à l'art. 101 al. 1 CPC, ces sûretés devaient être fournies d'ici au vendredi 1er décembre 2023.

EN DROIT

1. 1.1 Conformément à l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.

Selon la jurisprudence de la Cour, ces décisions ayant nature d'ordonnance d'instruction, le délai de recours est de dix jours en application de l'art. 321 al. 2 CPC (Tappy, in Commentaire Romand, CPC, 2ème éd. 2019, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Suter/Von Holzen, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2016, n. 14 ad art. 99 CPC et n. 8 ad art. 103 CPC).

1.2 Interjeté auprès de la Cour de justice (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de dix jours, selon la forme prescrite par la loi (art. 130 et 321 al. 1 CPC), le recours est en l'occurrence recevable à la forme.

1.3 Sont également recevables la réponse des intimées, déposée dans le délai légal (art. 321 al. 2 cum 322 al. 2 CPC), ainsi que les réplique et duplique respectives, conformément au droit de réplique applicable (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1).

2. 2.1 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en droit et avec un pouvoir d'examen restreint à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition 2010, n° 2307).

2.2 La requête de sûretés est soumise à la procédure sommaire (ACJC/1092/2023 du 29 août 2023 consid. 1.2 et l'arrêt cité; Tappy, op. cit., n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Rüegg/Rüegg, in Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 4 ad art. 100 CPC). Le juge se fonde par conséquent essentiellement sur les allégations et preuves des parties (ACJC/1092/2023 précité, ibidem et l'arrêt cité). Il statue sous l'angle de la vraisemblance, sans préjuger du fond (ACJC/818/2015 du 8 juillet 2015 consid. 2.5.1).

3. Les intimées ont allégué des faits nouveaux devant la Cour en relation avec le défaut de représentation valable de C______, F______, G______ et H______. Elles ont fait valoir, en substance, que, contrairement à ce qu'avaient affirmé les recourantes dans leur courrier du 6 janvier 2020 au Tribunal, F______, G______ et H______ disposaient d'administrateurs inscrits au registre du commerce. Les actions de F______ et G______ n'avaient en outre jamais été transférées à B______ SA. Il n'était enfin pas prouvé que A______ fût actionnaire et administratrice unique de O______ LTD, laquelle détenait C______. Il s'ensuivait que les procurations en faveur du conseil des recourantes annexées au courrier du 6 octobre 2020 n'étaient pas valables.

3.1 Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Il n'y a cependant pas d'interdiction des nova pour les faits et moyens de preuve qui sont déterminants pour la recevabilité du recours (arrêt du Tribunal fédéral 5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 2.3 n.p. in ATF 142 III 617, résumé in CPC Online, let. C ad art. 326 CPC).

La validité de la procuration constitue une condition de recevabilité selon l'art. 59 CPC. Elle doit dès lors être examinée d'office, les parties devant collaborer à l'établissement de l'état de fait pertinent à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_454/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.4, résumé in CPC Online, let. C.b ad art. 59 CPC).

3.2 En l'espèce, bien que les nova soient en principe irrecevables dans le cadre d'un recours, les faits allégués par les intimées devant la Cour en relation avec le défaut de représentation valable des sociétés recourantes sont admissibles. Ces faits sont en effet déterminants pour juger de la recevabilité du recours, qui doit être examinée d'office. Leur pertinence pour la solution du litige sera pour le surplus examinée ci-après (cf. consid. 5.3).

4. 4.1 Les intimées soulèvent divers motifs d'irrecevabilité du recours qu'il convient d'examiner en premier lieu.

Elles invoquent en premier lieu le défaut de légitimation au recours de A______, au motif que celle-ci ne disposerait pas d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'ordonnance entreprise, faute d'avoir été astreinte à verser une cautio judicatum solvi.

4.2 Le CPC ne prévoit pas de disposition traitant expressément de la qualité pour recourir. Certains auteurs se réfèrent aux conditions prévues par l'art. 76 LTF, la légitimation à recourir au niveau cantonal ne devant pas être plus restrictive que devant le Tribunal fédéral. Celui qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire est ainsi légitimé à recourir, pour autant qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise (cf. art. 59 al. 2 let. a CPC également applicable devant l'autorité d'appel; arrêt du Tribunal fédéral 5D_14/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3.1 et les références citées).

L'intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise doit être actuel (ATF 131 II 361 consid. 1.2; parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 5A_52/2022 du 9 février 2022 consid. 3). Il doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu (ATF 136 II 101 consid. 1.1; parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 4A_306/2022 du 14 juillet 2022).

L'absence d'intérêt digne de protection doit être relevée d'office, à tous les stades de la procédure (art. 60 CPC; ATF 130 III 430 consid. 3.1). Elle entraîne l'irrecevabilité du recours (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4).

4.3 En l'espèce, les recourantes font valoir que A______ ne dispose d'aucun intérêt pratique et actuel au recours, dès lors que l'ordonnance entreprise a rejeté la requête de sûretés en ce qui la concernait. A______ rétorque à cet argument qu'elle dispose d'un intérêt au recours dès lors qu'elle est l'ayant-droit économique des sociétés recourantes qui ont été astreintes à fournir des sûretés.

En l'état, la question de savoir si cette position d'ayant-droit économique des sociétés recourantes – que les intimées contestent partiellement – confère à A______ un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'ordonnance entreprise, et donc la qualité pour recourir contre celle-ci, peut souffrir de rester indécise. Comme il sera exposé ci-après, le recours doit en effet être rejeté sur le fond.

5. 5.1 Les intimées font en second lieu valoir que le recours formé par C______ serait irrecevable au motif que cette société ne disposerait pas de la capacité d'être partie. Elle avait en effet cessé ses activités en 2011 et été liquidée, de sorte qu'elle n'avait plus d'existence sur le plan juridique.

Le recours formé par C______, F______, G______ et H______ serait également irrecevable dès lors que ces sociétés ne seraient pas valablement représentées dans le cadre de la présente procédure.

5.2.1 Toutes les personnes qui prennent part à un procès civil doivent se comporter conformément aux règles de la bonne foi (art. 52 CPC; cf. également art. 5 al. 3 Cst.). Elles sont dès lors tenues de présenter leurs objections du droit de procédure aussi tôt que possible, c'est-à-dire à la première occasion, dès qu'elles ont connaissance du vice, sous peine de ne plus pouvoir l'invoquer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_75/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.3, commenté par Bastons Bulletti in Newsletter CPC Online 2019-N7).

L'application des règles de la bonne foi n'est pas limitée aux conditions de recevabilité concernant la compétence ou la composition du tribunal, ou aux conditions que le juge ne serait pas en mesure de détecter d'office. Cette règle peut au contraire être opposée en cas d'invocation tardive des exceptions d'irrecevabilité, qu'elles doivent être examinées d'office ou non (arrêt du Tribunal fédéral 5A_347/2018 du 26 octobre 2018 consid. 3.2.4 commenté in RSPC 1/2019 n. 2183).

5.2.2 Dès lors qu'il s'agit d'une ordonnance d'instruction au sens de l'art. 124 al. 1 CPC, la décision relative aux sûretés n'entre qu'en force de chose jugée formelle (et non matérielle). Partant, elle peut être modifiée ou rapportée en tout temps en cas de changement des circonstances, voire reconsidérée si le requérant fait valoir des pseudo nova (arrêt du Tribunal fédéral 5A_886/2017 du 20 mars 2018 consid. 3.3.2).

5.3.1 En l'espèce, les intimées font valoir qu'elles s'étaient initialement fondées sur les déclarations figurant dans le courrier adressé par les recourantes au Tribunal le 6 octobre 2020, selon lesquelles F______, G______ et H______ n'avaient pas d'administrateur en raison du fait qu'il était impossible d'en faire inscrire un au registre du commerce. Les intimées avaient, sur cette base, considéré que ces sociétés étaient dépourvues des organes nécessaires et avaient, pour cette raison, soulevé le vice de l'incapacité d'ester en justice dans leur requête de sûretés. Après vérification, elles avaient toutefois constaté que, contrairement à ce qui était affirmé dans le courrier précité, F______, G______ et H______ disposaient d'administrateurs et que leurs actions n'avaient jamais été transférées à B______ SA. Or, les procurations fournies au Tribunal avaient été signées par A______ qui n'était, eu égard à ce qui précède, pas habilitée à représenter ces sociétés. Ces procurations étaient par conséquent dénuées de validité, de sorte que ces sociétés n'étaient pas valablement représentées à la procédure.

5.3.2 En l'occurrence, la question de savoir si les sociétés précitées sont valablement représentées dans la présente procédure ne saurait être tranchée dans le présent arrêt. Il en va de même de la question de savoir si C______ a perdu la capacité d'être partie au motif qu'elle est aujourd'hui en liquidation.

Les intimées ont effet sollicité d'entrée de cause que les recourantes soient condamnées à fournir des sûretés en garantie des dépens, en demandant au Tribunal de trancher cette question avant même celle de la recevabilité de la demande. Une fois les sûretés ordonnées et constituées, la procédure devait, selon les intimées, être limitée à la question de la recevabilité, notamment à celle de l'absence de capacité d'être partie et de capacité d'ester en justice d'une partie des sociétés recourantes. Un délai devait être fixé aux intimées pour déposer une réponse écrite limitée à ces questions.

Dans ces circonstances particulières, la position des intimées, consistant à se prévaloir de l'irrecevabilité du recours en invoquant les motifs qu'elles avaient expressément demandé au Tribunal de ne pas instruire avant que les sûretés ne soient ordonnées et constituées, est contradictoire et heurte le principe de la bonne foi en procédure.

Les intimées perdent en outre de vue que l'ordonnance tendant à la constitution de sûretés est dénuée de force de chose jugée matérielle. Il s'ensuit que l'admission de la recevabilité du présent recours ne saurait emporter celle de la qualité pour agir, respectivement de la validité de la représentation des recourantes.

Les griefs d'irrecevabilité du recours soulevés par les intimées seront dès lors écartés.

6. 6.1 Les intimées font en troisième lieu valoir que le recours serait partiellement irrecevable au motif qu'une grande partie de l'argumentation y figurant serait identique à celle présentée devant le Tribunal. Tel serait le cas des griefs des recourantes relatifs à la prétendue violation de l'art. 99 al. 2 CPC, de l'art. 2 al. 2 CC et du pouvoir d'appréciation du Tribunal en lien avec le montant des sûretés.

6.2 Le recours est recevable pour violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Il incombe à cet égard au recourant de motiver son recours (art. 321 al. 1 CPC).

Les exigences de motivation découlant de l'art. 321 al. 1 CPC sont à tout le moins les mêmes que pour l'appel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_387/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3.1; 5A_247/2013 du 15 octobre 2013 consid. 3). Il appartient dès lors au recourant de démontrer le caractère erroné de la décision attaquée. La motivation du recours doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 par analogie). Cette obligation s'applique tant aux griefs de violation du droit que de constatation [manifestement] inexacte des faits (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5 par analogie).

Le recourant doit ainsi démontrer clairement et en détails, dans son recours, en quoi l'appréciation des preuves du tribunal est arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2 et les arrêts cités). Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait présentés en première instance; il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2 par analogie).

6.3 En l'espèce, les intimées relèvent à juste titre que l'argumentation contenue dans le recours en relation avec les prétendues violations de l'art. 99 al. 2 CPC, de l'art. 2 al. 2 CC et des principes gouvernant la fixation du montant des sûretés est identique à celle présentée par les recourantes devant le Tribunal, dans leur réponse à la requête en constitution des sûretés.

Comme il sera exposé ci-après (cf. infra consid. 7.3.2), le Tribunal n'a toutefois pas traité les questions juridiques susmentionnées dans l'ordonnance entreprise. Or, en l'absence de motivation idoine, il ne saurait être reproché aux recourantes de s'être limitées à reprendre leurs arguments de première instance sur ces points, sans s'attacher à démontrer en quoi le raisonnement du premier juge était erroné. Le grief des intimées relatif à la motivation insuffisante du recours est dès lors infondé.

La question de la recevabilité du recours étant tranchée, il reste à examiner ci-après les arguments de fond contenus dans celui-ci.

7. 7.1 Les recourantes reprochent en premier lieu au Tribunal d'avoir violé leur droit d'être entendues en ne leur donnant pas l'occasion de se déterminer sur le mémoire des intimées du 21 juillet 2023, alors que celui-ci était irrecevable et qu'elles avaient annoncé leur intention de déposer une réplique dans un délai de trente jours.

Elles font également grief au premier juge d'avoir violé leur droit à recevoir une décision motivée en omettant d'établir les faits pertinents pour le traitement de la problématique des sûretés. Le Tribunal ne s'était en outre pas prononcé sur leurs arguments de droit relatifs au caractère abusif de la requête de sûretés, à l'application par analogie de l'art. 99 al. 2 CPC et à l'impact, sur le montant des sûretés, de la limitation de la procédure à la question de la recevabilité.

7.2 L'art. 53 CPC, qui reprend la formulation générale de l'art. 29 al. 2 Cst., prévoit que les parties ont le droit d'être entendues.

7.2.1 Le droit d'être entendu garantit notamment le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute pièce du dossier ainsi que de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à leur propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit (parmi plusieurs : ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 138 I 484 consid. 2.1; 137 I 195 consid. 2.3.1; 133 I 100 consid. 4.3 et les références aux arrêts de la CourEDH; arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.1 n.p. in ATF 142 III 195).

Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 142 III 48 précité, ibidem; 138 I 484 précité consid. 2.4).

7.2.2 De même, la jurisprudence a déduit du droit d'être entendu le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1, 134 I 83 consid. 4.1 et les arrêts cités). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_491/2021 du 2 février 2022 consid. 4.2 et les arrêts cités).

7.2.3 Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 IV 302 consid. 3.1 et les références). Cependant, ce droit n'est pas une fin en soi. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence sa violation a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1). Partant l'admission de la violation du droit d'être entendu suppose que, dans sa motivation, le recourant expose quels arguments il aurait fait valoir dans la procédure cantonale et en quoi ceux-ci auraient été pertinents. A défaut, le renvoi de la cause au juge précédent, en raison de la seule violation du droit d'être entendu, risquerait de conduire à une vaine formalité et à prolonger inutilement la procédure. Dans cette perspective, la violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_679/2022 du 25 avril 2023 consid. 4.1 n. p. in ATF
148 III 109).

7.3.1 En l'espèce, la question de savoir si le Tribunal a contrevenu au droit d'être entendu des recourantes en versant au dossier l'écriture déposée par les intimées le 21 juillet 2023, alors que celle-ci était prétendument irrecevable et que les recourantes n'avaient pas eu l'occasion de se déterminer à ce sujet, peut rester ouverte.

Les recourantes perdent en effet de vue que le grief de violation du droit à la réplique présupposait qu'elles exposent, dans leur recours, les arguments qu'elles avaient été empêchées de faire valoir devant le Tribunal et qu'elles expliquent les raisons pour lesquelles ceux-ci auraient été pertinents en regard de la décision qui a finalement été rendue. Or, le recours est muet à ce propos. Les recourantes ne décrivent pas davantage les raisons pour lesquelles l'écriture déposée par les intimées le 21 juillet 2023 aurait dû être déclarée irrecevable. Enfin, elles n'allèguent ni ne démontrent que cette écriture aurait influé sur le résultat final. Leur grief de violation du droit d'être entendu ne satisfait dès lors pas aux exigences de motivation applicables au stade du recours. Partant, il ne saurait être examiné plus avant.

7.3.2 S'agissant de la motivation de l'ordonnance entreprise, il est vrai que le Tribunal ne s'est prononcé ni sur le prétendu caractère abusif de la requête de sûretés eu égard aux liens existant entre A______ et les sociétés recourantes, ni sur les faits sous-tendant cet argument. Le Tribunal n'a pas non plus examiné la question d'une réduction du montant des sûretés en raison d'une éventuelle limitation de la procédure à la question de la recevabilité. Il a dès lors violé le droit des recourantes à recevoir une décision motivée sur ces points.

Concernant l'application par analogie de l'art. 99 al. 2 CPC, le premier juge s'est limité à mentionner que les recourantes n'avaient pas démontré en quoi elles formeraient une consorité nécessaire, leur action relevant d'un choix procédural et non du droit matériel. Ce faisant, il n'a pas traité l'argument selon lequel A______ serait la seule titulaire du dommage en droit E______, de sorte que son propre sort et celui des sociétés recourantes dans la procédure était intimement lié et ne pourrait être tranché que par une unique décision, si bien qu'il pouvait déjà être prévu que les recourantes succomberaient toutes ensemble si tel devait être le cas. L'ordonnance entreprise souffre dès lors également d'un défaut de motivation sur ce point.

Ceci étant, la Cour dispose d'un pouvoir de cognition complet sur les questions litigieuses, qui relèvent de l'arbitraire dans l'établissement des faits et de l'application du droit, de sorte que le défaut de motivation dont l'ordonnance entreprise est entachée peut être guéri dans le cadre du présent arrêt (cf. infra consid. 8-10).

8. Eu égard à ce qui précède, il convient d'examiner en premier lieu si les recourantes pouvaient être assimilées à des consorts nécessaires et dispensées de fournir des sûretés par application directe ou analogique de l'art. 99 al. 2 CPC.

8.1 Selon l'art. 99 al. 1 CPC, le demandeur doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens notamment dans les cas suivants : il paraît insolvable, notamment en raison d'une mise en faillite, d'une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d'actes de défaut de biens (b), d'autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés (d).

L'art. 99 al. 2 CPC prévoit que les consorts nécessaires ne sont tenus de fournir des sûretés que si l'une des conditions déterminant l'obligation de verser des sûretés, énoncées à l'alinéa 1, est réalisée pour chacun d'eux.

La règle selon laquelle des sûretés ne sont exigibles que si chaque consort y est astreint s'explique par la nature de la consorité nécessaire et les conséquences liées au défaut de fourniture des sûretés ordonnées par le juge, condition de recevabilité de la demande (art. 59 al. 2 let. f et art. 101 al. 3 CPC). En effet, dans le cas d'une consorité nécessaire, les demandeurs sont ensemble titulaires d'un droit, de sorte qu'ils doivent nécessairement agir en commun, et leur prétention ne peut faire l'objet que d'un seul jugement (art. 70 al. 1 CPC). A défaut d'action commune, la qualité pour agir fait défaut et la demande doit être rejetée. Logiquement, on ne saurait exclure l'un des consorts nécessaires demandeurs en lui imposant le versement de sûretés sans mettre les autres hors de cause (ATF 147 III 529 consid. 4.2 et les références).

Même si l'art. 99 CPC ne l'exprime pas en toutes lettres, la situation est tout autre dans les cas de consorité simple, appréhendés par l'art. 71 CPC (ATF 147 III 529 précité consid. 4.3).

L'art. 71 al. 1 CPC prévoit que les personnes dont les droits ou les devoirs résultent de faits ou de fondements juridiques semblables peuvent agir ou être actionnées conjointement. A la différence de la consorité nécessaire, la consorité simple est facultative. Les demandes (des consorts simples) restent juridiquement indépendantes, même si elles font l'objet d'un jugement unique. Chaque consort simple peut procéder indépendamment des autres (art. 71 al. 3 CPC); l'attitude de l'un d'entre eux, notamment son désistement, son défaut ou son recours, est sans aucune influence sur la situation juridique des autres. Même si un seul jugement est rendu contre tous les consorts simples, il contient matériellement autant de décisions qu'il y a de consorts simples; il peut ainsi être différent d'un consort à l'autre. Comme chaque cause est, sur le plan de la procédure, divisible de celles des autres consorts simples, chaque demandeur peut se voir astreint individuellement à fournir des sûretés en garantie des dépens, sans égard à la situation des autres consorts; l'obligation de constituer des sûretés doit ainsi être examinée séparément pour chaque demandeur en consorité simple (ATF
147 III 529 précité consid. 4.3.1 et les références).

La raison d'être de ce qui précède est que le juge ne peut pas être certain, au stade de la requête de sûretés, que les consorts simples seront condamnés, conjointement et solidairement, au paiement des dépens. Une telle issue supposerait que les demandeurs succombent tous dans leurs conclusions individuelles. Or, le sort des demandes déposées par des consorts simples n'est pas nécessairement identique. L'un peut fort bien obtenir gain de cause alors que les autres succomberont, puisque leurs demandes restent juridiquement indépendantes (même si elles font l'objet d'un jugement unique; ATF 147 III 529 précité consid. 4.3.2).

8.2 En l'espèce, les recourantes ne prétendent pas être titulaires ensemble d'une seule et unique prétention en indemnisation qui ne pourrait faire l'objet que d'un seul jugement, de sorte qu'elles devraient nécessairement agir en commun. Elles font valoir que A______ disposerait à elle seule de la titularité du dommage, dès lors que le jugement [de] E______ n'avait opéré aucune distinction entre ses propres biens et ceux détenus par les sociétés recourantes. Elles en déduisent que leur sort serait intimement lié et ne pourrait être tranché que par une unique décision.

Cet argument n'emporte pas conviction. Si, comme elle le prétend, A______ est seule légitimée à agir, la présente procédure se soldera, dans l'hypothèse où elle obtiendrait gain de cause, par un jugement lui octroyant des dommages-intérêts et déboutant les sociétés recourantes de leurs prétentions, faute de légitimation active. Le cas d'espèce n'est dès lors en rien assimilable à celui d'une consorité nécessaire, dans lequel le juge peut prévoir d'emblée que les consorts succomberont ou obtiendront gain de cause ensemble. Il demeure celui d'une consorité simple, dans lequel chaque partie dispose d'une prétention indépendante pouvant connaître un sort différent de celles des autres consorts. Le fait que les recourantes aient choisi de procéder en commun ne change rien à ce qui précède.

L'ordonnance querellée peut dès lors être confirmée par substitution de motifs en tant qu'elle refuse de mettre les recourantes au bénéfice de l'exception prévue par l'art. 99 al. 2 CPC.

9. Il convient ensuite d'examiner si le Tribunal aurait pu rejeter la requête en constitution de sûretés au motif que celle-ci était manifestement abusive.

9.1 L'art. 52 CPC impose aux plaideurs de se conformer aux règles de la bonne foi. Dans le domaine de la procédure civile, la portée de cette règle est identique à celle qu'avait auparavant l'art. 2 al. 1 et 2 CC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2012 du 8 janvier 2013 consid. 6).

Constitue notamment un abus de droit l'attitude contradictoire d'une partie. Lorsqu'une partie adopte une certaine position, elle ne peut pas ensuite soutenir la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium, qui constitue un abus de droit. La prétention de cette partie ne mérite alors pas la protection du droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_590/2016 du 26 janvier 2017 consid. 2.1 et les références).

Il n'y a cependant pas de principe selon lequel l'on serait lié par ses propres actes. Si une personne contredit son comportement précédent, il ne faut y voir une violation du principe de la bonne foi que lorsque le comportement précédent a fondé une confiance digne de protection, qui serait déçue par les nouveaux actes (ATF 140 III 481 consid. 2.3.2, JdT 2015 II 298). Celui qui a fait confiance doit avoir pris des dispositions, en raison de la confiance créée, qui s'avèrent désormais préjudiciables pour lui (ATF 125 III 257 consid. 2a, JdT 1999 II 163, SJ 2000 I 33; arrêt du Tribunal fédéral 4A_443/2017 du 30 avril 2018 consid. 4.5.2).

La question d'un abus de droit doit se résoudre au regard des circonstances concrètes de chaque cas. L'art. 2 CC est un remède destiné à éviter que l'application de la loi conduise dans un cas particulier à une injustice flagrante. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement (ATF 143 III 666 consid. 4.2; 143 III 279 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_552/2020 du 12 mars 2021 consid. 3.2).

9.2 En l'espèce, les recourantes font valoir que les intimées n'avaient fait aucune distinction entre A______ et les sociétés détenues par cette dernière, puisqu'elles avaient confisqué les biens des secondes en tant que biens de la première. Elles ont cependant invoqué la dualité juridique entre A______ et ses sociétés, ainsi que l'insolvabilité découlant des confiscations susmentionnées, pour réclamer des sûretés dans le cadre de la présente procédure. Elles ont de surcroît exigé des sûretés couvrant l'entier du procès à venir alors qu'elles ont requis la limitation de la procédure à la question de la recevabilité. Leur requête serait dès lors manifestement abusive.

En l'occurrence, il ne saurait être exclu qu'une requête en constitution de sûretés, formée dans les circonstances décrites par les recourantes, puisse être considérée comme abusive. Les faits sur lesquels se fondent les recourantes pour asseoir leur argument sont toutefois intégralement contestés par les intimées et constitueront un des principaux points d'achoppement du procès qui opposera les parties. Ils ne sauraient dès lors être examinés plus avant au stade de la cautio judicatum solvi, ne serait-ce que sous l'angle de la vraisemblance, dès lors que cela reviendrait à préjuger du fond du litige. Le grief d'abus de droit que les recourantes déduisent de ces faits doit dès lors être écarté.

La question de l'adéquation entre le montant des sûretés et le fait que les intimées ont sollicité la limitation de la procédure à la question de la recevabilité de la demande sera pour le surplus examinée ci-après.

10. 10.1 Les recourantes font à cet égard valoir que l'application littérale du tarif prévu à l'art. 85 RTFMC aboutissait à des dépens de 1'236'341 fr. pour l'ensemble du litige, compte tenu d'une valeur litigieuse de K______ 136'136'590'095.039, soit 257'268'205 fr. selon le cours de change en vigueur le 13 octobre 2023 (1 CHF = 525,382 K______). Ce montant étant en soi totalement disproportionné, il fallait le réduire de moitié conformément à l'art. 23 al. 1 LaCC, soit 618'170 fr. Les intimées ayant requis la limitation de la procédure à la question de la recevabilité, la procédure allait toutefois donner lieu soit à une décision d'irrecevabilité, soit à un jugement incident. Conformément à l'art. 87 RTFMC, il convenait dès lors de réduire encore le montant précité de quatre cinquièmes, soit 123'634 fr. Ce montant devait enfin être réduit de moitié en équité, compte tenu de la gravité de l'injustice subie par les recourantes, soit 68'412 fr.

10.2.1 Les sûretés doivent couvrir en principe les dépens présumés que les appelants auraient à verser aux intimés en cas de perte totale du procès. Pour fixer le montant des sûretés, le juge mènera donc de façon anticipée le raisonnement qu'il opérerait à l'issue de la procédure au moment de fixer les dépens, définis à l'art. 95 al. 3 CPC (ATF 147 III 529 consid. 4.3.2 et les références; Sterchi, in Berner Kommentar ZPO, 2012, n. 4 ad art. 100 CPC).

Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent, notamment, les débours nécessaires (let. a) et le défraiement d'un représentant professionnel (let. b). Le tarif des frais, qui comprend celui des dépens, est fixé par les cantons (art. 95 al. 1 et 96 CPC).

10.2.2 Selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du canton de Genève (RTFMC), le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC). A teneur de l'art. 85 RTFMC, une valeur litigieuse au-delà de 10'000'000 fr. donne lieu à des dépens de 106'400 fr. plus 0.5% de la valeur litigieuse dépassant 10'000'000 fr., auxquels sont ajoutés les débours (3%) et la TVA (8,1%; art. 25 et 26 LaCC). Le juge peut, en outre, s'écarter de plus ou moins 10% de ce barème pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC (art. 85 al. 1 RTFMC).

A teneur de l'art. 91 al. 1 CPC, la valeur du litige est déterminée par les conclusions; les intérêts et les frais de la procédure en cours et, le cas échéant, la valeur résultant des conclusions subsidiaires ne sont pas pris en compte.

La valeur litigieuse doit être calculée d'après la situation au moment de l'introduction de la demande (ATF 141 III 137 consid. 2.2). Il s'agit là du jour du dépôt de la demande devant le tribunal, et non du jour de la création de la litispendance, qui correspond fréquemment au dépôt de la requête de conciliation. Ainsi, si la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC), elle correspond à la somme d'argent indiquée dans ces conclusions au jour du dépôt de la demande (arrêt du Tribunal fédéral 5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2, avec note de Bastons Bulletti in CPC Online, newsletter du 28 février 2018).

L'art. 23 LaCC prévoit en outre que lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la loi et le travail effectif de l'avocat, le juge peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimum et maximum prévus (al. 1). Lorsque le procès ne se termine pas par une décision au fond mais en particulier par un retrait du recours, un désistement, une transaction ou une décision d'irrecevabilité, le défraiement peut être réduit en conséquence (al. 2).

Selon l'art. 87 RTFMC, qui concrétise ce dernier principe, pour les procédures ne conduisant pas au prononcé d'un jugement à caractère final, le défraiement est, dans la règle, réduit à deux tiers et au plus à un cinquième du tarif de l'art. 85.

10.2.3 A teneur de l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Selon la jurisprudence, la garantie du droit d'accès aux tribunaux, qui découle de la norme conventionnelle précitée ainsi que des art. 29 et 29a Cst., n'exclut pas d'exiger des sûretés destinées à couvrir les dépens de la partie défenderesse, à condition notamment que le montant de celles-ci respecte le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_270/2009 du 14 juillet 2009 consid. 4.2 avec renvoi à l'ATF 132 I 134).

10.2.4 Lorsque l'Etat défendeur se prévaut de son immunité de juridiction, cette question doit être tranchée d'entrée de cause, dans le cadre de l'examen des conditions de recevabilité de la demande. Il ne serait en effet guère compatible avec le principe même de l'immunité de forcer un Etat à procéder sur le fond alors qu'il entend, en invoquant sa souveraineté, se soustraire à toute juridiction d'un autre Etat. Il ne s'agit ainsi pas d'une question de procédure possédant une double pertinence qu'il n'y aurait lieu d'examiner qu'avec le fond de la demande (ATF 133 III 539 consid. 4.6; 124 III 382 consid. 3b). Cette question doit, au contraire, être examinée sans aucune réserve, quand bien même le tribunal serait, ce faisant, amené à trancher simultanément, et de manière définitive, des questions relevant du fond du litige (par analogie: ATF 121 III 495 consid. 6d et les références).

10.3.1 En l'espèce, les recourantes ne sauraient être suivies lorsqu'elles affirment que le montant des dépens envisageables pour l'ensemble du litige devrait être calculé sur la base d'une valeur litigieuse de 257'268'205 fr., soit K______ 136'136'590'095.039 convertis selon le cours de change en vigueur le 13 octobre 2023. Il découle en effet des principes rappelés ci-dessus que la valeur litigieuse déterminante pour le calcul des dépens est celle du jour de l'introduction de l'action devant le Tribunal. Il s'ensuit que si celle-ci porte sur le paiement d'un montant en monnaie étrangère, la valeur litigieuse doit être calculée en se référant au taux de change en vigueur à la date précitée (cf. parmi plusieurs: ACJC/1500/2021 du 17 novembre 2021 consid. 2.3.2; ACJC/1621/2018 du 20 novembre 2018 consid. 4.2.2).

In casu, le Tribunal a retenu, dans l'ordonnance entreprise, que la valeur litigieuse de K______ 136'136'590'095 correspondait à 300'975'768 fr. au jour du dépôt de la demande (1 K______ = 0.00221075 CHF). Le taux en question n'ayant fait l'objet d'aucune critique devant la Cour, la valeur du présent litige sera fixée au montant précité.

10.3.2 Selon l'art. 85 RTFMC, le défraiement du représentant professionnel des intimées, en cas de rejet de la demande, s'élèverait donc à 1'561'280 fr. [(106'400 fr. + 0.5% x (300'975'768 fr. – 10'000'000 fr.)], auxquels il conviendrait d'ajouter les débours à 3% et la TVA, sans tenir compte de l'éventuelle augmentation ou réduction de 10% autorisée par la disposition précitée.

Il appert dès lors qu'en fixant les sûretés à 800'000 fr., le Tribunal a renoncé à faire usage de la possibilité d'augmentation de 10% prévue par l'art. 85 RTFMC, et ce nonobstant l'importance de la cause et la difficulté de l'affaire. Faisant application du principe de proportionnalité prévu par l'art. 23 al. 1 LaCC, il a, au contraire, réduit de plus de moitié le montant des dépens présumés en cas de rejet de la demande. Or, les recourantes ne prétendent pas que le travail prévisible du conseil des intimées aurait commandé une plus ample réduction. Leur grief tiré de la violation de l'art. 23 al. 1 LaCC est dès lors infondé.

S'agissant de l'application des art. 87 RTFMC et 23 al. 2 LaCC, il aurait certes été loisible au Tribunal de réduire davantage le montant des sûretés, au motif que la procédure allait, selon toute vraisemblance, être limitée à la question de la recevabilité de la demande, en particulier à celle de l'éventuelle immunité de juridiction des intimées, et était par conséquent susceptible d'aboutir à un jugement d'irrecevabilité donnant lieu à des dépens réduits. La jurisprudence prévoit toutefois que le montant des sûretés doit en principe couvrir les dépens que les recourantes auraient à verser aux intimées en cas de perte totale du procès. Le Tribunal pouvait dès lors également envisager que les motifs d'irrecevabilité soulevés par les intimées soient écartés par un jugement incident, dans le cadre duquel il ne serait pas statué sur le sort des frais encourus jusque-là (art. 104 al. 2 CPC), et que la procédure se poursuive jusqu'au jugement final. Dans cette perspective, il était loisible au Tribunal de réclamer d'entrée de cause des sûretés suffisantes pour couvrir l'intégralité du procès. Cette démarche lui évitait au demeurant de rendre plusieurs décisions successives sur la question des sûretés, ce qui aurait été de nature à ralentir le cours de la procédure, laquelle s'annonçait d'ores et déjà longue et complexe. Elle ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

Il convient enfin de relever que si le montant exigé des recourantes est très important, celui-ci reste admissible en regard des principes gouvernant la fixation des sûretés. Les recourantes ne prétendent en outre pas qu'elles ne seraient pas en mesure de s'acquitter de la somme qui leur est réclamée, de sorte que la décision entreprise les priverait du droit d'accès à un tribunal. Le grief qu'elles prétendent tirer de l'art. 6 par. 1 CEDH se révèle dès lors infondé.

Le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise, condamnant les sociétés recourantes à fournir des sûretés en garantie des dépens à hauteur de 800'000 fr., sera dès lors confirmé.

Les recourantes ayant obtenu l'effet suspensif, il convient en revanche de leur octroyer un nouveau délai au vendredi 19 avril 2024 pour la constitution desdites sûretés. Le chiffre 2 du dispositif querellé sera dès lors modifié en ce sens.

11. 11.1 Les frais judiciaires de recours, qui comprennent l'émolument de décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 4'000 fr. (art. 6, 21 et 41 RTFMC), mis à la charge des recourantes, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), et compensés partiellement avec l'avance de 2'200 fr. fournie par ces dernières, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les recourantes seront dès lors condamnées conjointement et solidairement à verser la somme de 1'800 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires de recours (art. 106 al. 3, 111 al. 1 CPC).

11.2 Les recourantes seront en outre condamnées, conjointement et solidairement, à verser aux intimées la somme de 4'000 fr., TVA et débours inclus, à titre de dépens de recours (art. 106 al. 3, 111 al. 2 CPC; art. 84, 87 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme et au fond :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 13 octobre 2023 par A______, B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD contre l'ordonnance OTPI/599/2023 rendue le 29 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22905/2019-6.

Annule le chiffre 2 du dispositif de l'ordonnance susmentionnée et statuant à nouveau :

Fixe à B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD un délai au vendredi 19 avril 2024 pour déposer les sûretés, soit en espèces auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, soit sous forme de garantie auprès de la chambre du Tribunal.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de recours à 4'000 fr. et les compense partiellement avec l'avance de frais fournie par les recourantes.

Les met à charge de A______, B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD, prises conjointement et solidairement.

Condamne A______, B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD à verser 1'800 fr. l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde des frais judiciaires de recours.

Condamne A______, B______ SA, C______, F______, G______, H______ et I______ LTD, prises conjointement et solidairement, à verser 4'000 fr. à la REPUBLIQUE DE E______ et à la VILLE DE D______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.