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13/02/25
Information du Pouvoir judiciaire
Point de situation sur la transition numérique de la justice en Suisse et à Genève après le vote de l'Assemblée fédérale en décembre 2024
La transition numérique de la justice concerne près de 300 tribunaux en Suisse, cantonaux et fédéraux (de première et de deuxième instance, des filières civile, pénale et administrative), les ministères publics cantonaux et le Ministère public de la Confédération, la fédération suisse des avocates et des avocats, ainsi que les barreaux cantonaux.
Les projets
Elle présuppose l'adoption d'un cadre légal approprié, aux niveaux fédéral et cantonal. Cette transition implique également l'adaptation des procédures de travail des autorités judiciaires, de leurs systèmes d'information, des postes de travail des magistrates, magistrats, collaboratrices et collaborateurs ou encore des salles d'audience.
Sur le plan législatif fédéral, l'Assemblée fédérale a adopté en décembre 2024 la loi fédérale sur les plateformes de communication électronique dans le domaine judiciaire (LPCJ). La loi fixe les conditions-cadres nécessaires à la communication et à la consultation électroniques dans le monde judiciaire. Il contient également les modifications nécessaires du droit de procédure fédéral. Les cantons devront pour leur part adapter le droit cantonal, en particulier le droit de procédure administrative.
La Conférence de la justice – qui réunit des représentants des autorités judiciaires fédérales et cantonales – et la Conférence des chefs de département de justice et police ont en outre lancé un projet national appelé Justitia 4.0, pour faire en commun ce qui peut l'être dans la mise en œuvre concrète de la transition numérique de la justice. Le projet vise notamment à construire une plateforme commune de consultation et de communication dans le domaine judiciaire Justitia.Swiss.
Le projet national n'a pas pour ambition de réaliser lui-même la transition numérique de chacune des autorités judiciaires. Il appartient notamment aux cantons de conduire les projets indispensables à cet effet. Le Pouvoir judiciaire genevois conduit ainsi un projet interne appelé eDossier judiciaire, destiné à adapter ses processus de travail, son système d'information, ses équipements, ses salles d'audience et les postes de travail de son personnel ou des magistrates et magistrats.
La planification du projet est encore provisoire. Elle dépendra de la date d'entrée en vigueur de la loi
Que prévoit le droit fédéral?
La loi sur les plateforme de communication électronique dans le domaine judiciaire (LPCJ), adoptée le 20 décembre 2024, fixe les conditions-cadres à la communication et à la consultation électroniques. Elle adapte également le droit fédéral de procédure.
En substance, elle prévoit:
- L'obligation des autorités judiciaires de tenir le dossier judiciaire sous forme électronique.
- L'obligation des autorités judiciaires de communiquer sous forme électronique avec les avocates et avocats ou avec les autres mandataires professionnellement qualifié∙e∙s.
- L'obligation des avocates et avocats ou des autres mandataires professionnellement qualifié∙e∙s de communiquer sous forme électronique avec les autorités judiciaires, mais aussi de consulter le dossier judiciaire sous cette même forme.
- La faculté, pour les personnes physiques et morales agissant en personne de faire de même.
La LPCJ contient en outre les dispositions qui permettront à la Confédération et aux cantons de créer, par le biais d'une convention, une corporation de droit public. Celle-ci s'appellera justitia.swiss et aura pour mission d'exploiter la plateforme de communication du même nom, voire d'autres applications informatiques développées en commun dans le domaine judiciaire. Elle sera gérée par une assemblée générale comprenant le conseiller fédéral chargé du département de justice et police, le président du Tribunal fédéral et deux représentants de chaque canton, ainsi que par un comité. Le projet de convention est actuellement en cours de consultation auprès des autorités fédérales et cantonales.
Il appartiendra au Conseil fédéral de fixer prochainement l'entrée en vigueur de la loi
Que se passera-t-il en procédure administrative contentieuse?
Les cantons sont libres de décider s'ils entendent également passer au dossier judiciaire électronique dans les procédures contentieuses administratives. Ils devront le cas échéant modifier le droit
Quel calendrier envisageable?
La LPCJ prévoit un délai de mise en œuvre de la loi par les cantons et la Confédération, qui devront fixer la date du passage de leurs autorités judiciaires au dossier numérique obligatoire. Cette date pourra être fixée au plus tôt un an après l'entrée en vigueur de toutes les dispositions de la LPCJ et au plus tard cinq ans après ladite entrée en vigueur. Les cantons pourront en outre fixer une date différente pour les procédures pénales et les procédures civiles. Il s'agit de permettre un passage par étape au dossier judiciaire numérique et, ainsi, de favoriser une transition aussi sereine que possible.
Dès lors que la LPCJ prévoit la possibilité d'échelonner le passage au dossier judiciaire numérique en procédure civile et en procédure pénale et que le canton est libre de décider du passage au dossier judiciaire numérique dans les procédures relevant du droit cantonal, la transition numérique de la justice pourrait a priori intervenir à Genève en trois voire quatre lots distincts: la procédure civile, la procédure pénale, la procédure administrative et les procédures de protection de l'adulte et de l'enfant.
Au vu de ce qui précède et à des fins de seule illustration, les grandes étapes de la transition numérique de la justice à Genève pourraient être les suivantes:
- Entrée en vigueur courant 2025 des dispositions de la LPCJ permettant la création de la corporation de droit public (présupposerait une décision en ce sens du Conseil fédéral).
- Entrée en vigueur courant 2026 de toutes les autres dispositions de la LPCJ (présupposerait une décision en ce sens du Conseil fédéral): dès ce moment, les avocates et avocats et les parties agissant en personne auront la possibilité (et non l'obligation), dans toute la Suisse, de communiquer avec les autorités judiciaires par la plateforme justitia.swiss. Le dossier judiciaire restera le dossier papier et les autorités judiciaires pourront continuer à communiquer par voie postale.
- Passage au dossier judiciaire numérique obligatoire courant 2027 à Genève, par exemple pour les procédures civiles (présupposerait une décision en ce sens du canton de Genève): dès ce moment, les juridictions civiles auront l'obligation de tenir le dossier sous forme numérique, la communication et la consultation interviendront sous cette forme et seules les parties agissant en personne pourront continuer à communiquer en format papier.
- Passage au dossier judiciaire numérique obligatoire courant 2028 à Genève, par exemple pour les procédures pénales (présupposerait une décision en ce sens du canton de Genève): les effets seront alors les mêmes que pour les procédures civiles.
- Passage au dossier judiciaire numérique obligatoire courant 2029 à Genève en procédure administrative et en matière de protection de l'adulte et de l'enfant (présupposerait une décision en ce sens du canton de Genève): les effets seront alors les mêmes que pour les procédures civiles et pénales.
Il appartiendra ainsi aux autorités genevoises, après que le Conseil fédéral aura fixé l'entrée en vigueur de la LPCJ, de déterminer le calendrier et l'ordre dans lequel les divers types de procédures seront concernés, d'autres combinaisons étant évidemment imaginables. Seule contrainte imposée par le droit fédéral dans les procédures civiles et pénales: tous les cantons devront avoir passé au dossier judiciaire numérique obligatoire cinq ans après l'entrée en vigueur de la LPCJ soit, dans l'exemple présenté ci-dessus à des fins illustratives, courant 2031.
Plateforme Justitia.Swiss et application du dossier judiciaire
Le projet Justitia 4.0 a notamment pour but le développement de la plateforme sécurisée Justitia.Swiss, qui permettra la communication électronique avec les autorités judiciaires, ainsi que la consultation en ligne des dossiers judiciaires. Initiés fin 2022, les travaux sont en cours. Le Pouvoir judiciaire genevois contribue activement.
Le projet Justitia 4.0 envisage par ailleurs de mettre à disposition une application de gestion des dossiers judiciaires numériques, que les autorités judiciaires cantonales et fédérales pourront acquérir. Le Pouvoir judiciaire genevois a notamment participé courant 2022, aux côtés de Berne et d'Argovie, à l'étude de faisabilité conduite par le projet national.
Des mesures d'accompagnement au changement sont également proposées par le projet Justitia 4.0 aux autorités judiciaires fédérales et cantonales. Ces mesures constituent un axe central. Elles devront être adaptées et complétées par un plan d'accompagnement au changement propre au Pouvoir judiciaire genevois.
Test de la plateforme Justitia.Swiss au Tribunal civil
Le projet national Justitia 4.0 a développé une première version de la plateforme Justitia.Swiss, disposant des fonctionnalités de base. Il a émis le souhait de lancer son exploitation avec des autorités judiciaires pilotes, de manière à disposer du retour d'expérience nécessaire à la finalisation des travaux.
Le Pouvoir judiciaire genevois a proposé que le Tribunal civil fonctionne comme juridiction pilote, amenée à tester en conditions réelles cette première version de la plateforme.
Dès septembre 2024, trois chambres du Tribunal de première instance sélectionnent ainsi des procédures afin de tester, en conditions réelles, certaines des fonctionnalités de la plateforme, notamment:
-
La communication des courriers, écritures et pièces au tribunal par les avocates et avocats
-
La signification et la notification des actes et décisions par le tribunal
-
La mise à disposition du dossier en ligne pour consultation dans une certaine mesure.
Cette phase de test permettra de vérifier le bon fonctionnement de la plateforme dans ces domaines et le niveau de satisfaction des utilisatrices et des utilisateurs.
L'Ordre des avocats soutient la démarche, à laquelle il collabore. Il s'engage pleinement pour favoriser l'accompagnement des avocates et avocats dans les grands changements à venir.
eDossier judiciaire
Le projet eDossier judiciaire est le projet développé par le Pouvoir judiciaire pour mener à bien la transition numérique de la justice genevoise. Il vient compléter le programme national, qui n'a pas pour vocation d'accompagner les autorités judiciaires et cantonales dans la mise en œuvre concrète de cette réforme.
Le projet de loi d'investissement du projet eDossier judiciaire, destiné à financer la transition numérique de la justice à Genève, a été adopté par le Grand Conseil le 27 janvier 2023.
Outre la contribution genevoise au projet Justitia 4.0, le crédit d'ouvrage voté par le Grand Conseil permettra de financer l'adaptation:
- Du système d'information du Pouvoir judiciaire, soit la refonte d'applications existantes, l'intégration de la future application du dossier judiciaire électronique et leur interfaçage avec la future plateforme nationale Justitia.Swiss
- Des processus de travail induits par le passage du dossier judiciaire papier au dossier judiciaire électronique
- Des logiciels et des équipements nécessaires à la numérisation
- Des postes de travail et des salles d'audience, en collaboration avec l'office cantonal des bâtiments
- Des infrastructures de l'office cantonal des systèmes d'information et du numérique, notamment de la capacité de stockage des données en prévision du passage au dossier judiciaire électronique.
Il financera également:
- Le passage à l'archivage électronique
- La numérisation des procédures judiciaires en cours et
- Les mesures d'accompagnement au changement.