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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14433/2022

ACPR/135/2025 du 20.02.2025 sur OCL/1374/2024 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;MOTIVATION DE LA DÉCISION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : CPP.319; CP.180; CP.144

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14433/2022 ACPR/135/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 20 février 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Reynald BRUTTIN, avocat, rue du Mont-de-Sion 8,
1206 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 30 septembre 2024 par le Ministère public,

 

et

B______, représenté par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 14 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 septembre 2024, notifiée le 2 octobre 2024, par laquelle le Ministère public a classé la procédure, en tant qu'elle était dirigée contre B______.

Il conclut, sous suite de frais et dépens non chiffrés, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu'il instruise les infractions dénoncées de lésions corporelles simples, menaces et dommages à la propriété, notamment en entendant son ex-compagne, D______, puis engage l'accusation auprès du Tribunal compétent.

b. Le recourant a versé, dans le délai imparti, les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Selon l'inscription au journal du 11 mars 2022, la police a été sollicitée le jour même par la CECAL pour une altercation dans le quartier E______. À son arrivée, la situation était calme. Deux hommes, A______ et F______, avaient expliqué aux agents qu'ils étaient en conflit depuis plusieurs mois pour diverses raisons personnelles. Selon le premier, le second s'était approché de lui avec quatre autres personnes, qui lui avaient dit de prendre sa voiture et de s'en aller. Lorsqu'il était passé à leur hauteur avec le véhicule, F______ lui avait toutefois asséné un coup au visage. Le véhicule avait également reçu des coups. D'après le second, A______ s'était approché de lui et avait craché à ses pieds en insultant sa mère. En réponse, il lui avait donné un coup de poing sur l'épaule et un autre sur l'arrière du véhicule.

b.a. Le 14 mars 2022, A______ s'est présenté au poste de police et y a déposé plainte.

Le 11 précédent, vers 19h30, alors qu'il sortait de son domicile du no. ______, rue 1______, pour rejoindre sa compagne, D______, qui l'attendait dans sa voiture stationnée devant l'immeuble, il avait croisé une connaissance, F______, qui l'avait fixé d'un regard haineux et avait dit quelque chose qu'il n'avait pas compris. Après avoir répondu "tu sais que je suis malade, attends juste que je guérisse", il avait poursuivi son chemin vers la voiture. À ce moment-là, il avait vu son amie en sortir en criant et, en se retournant, avait constaté que F______ se dirigeait vers lui, avec six autres personnes qu'il ne connaissait pas, à l'exception d'un dénommé B______, accompagné de ses deux fils. D______ avait tenté de retenir F______, mais un des jeunes avait attrapé le plaignant pour le maintenir, pendant que F______ lui donnait des coups de poing dans le ventre. Lorsqu'il avait demandé au jeune de desserrer son étreinte, B______ lui avait dit "prie pour que tu restes en vie". Il avait ensuite reçu un coup de poing au visage qui avait brisé ses lunettes, sans qu'il puisse dire qui, de F______ ou B______, en était l'auteur. Alors qu'il avait réussi à se libérer et à monter dans la voiture avec D______, B______ lui avait dit "tu sais qui je suis. Ferme ta bouche et pars avant que je te détruise", avant de lui asséner deux coups de poings sur l'œil gauche à travers la fenêtre ouverte. Lorsque lui-même avait répondu "ici, on n'est pas au Liban, ni en Iran", tous s'étaient mis à frapper son véhicule. Il avait tenté de partir en effectuant diverses manœuvres, mais n'y était pas parvenu, car il ne voulait écraser personne. La police était intervenue, ce qui avait mis un terme à l'altercation.

b.b. A______ a pour l'essentiel confirmé ses accusations devant le Ministère public. F______ l'avait "choppé" par derrière et avait commencé à le frapper. Les personnes qui l'accompagnaient s'étaient également approchées. Il y avait sept personnes, soit deux adultes, des enfants et des femmes. Dans un premier temps, B______ et ses fils avaient tenté de calmer le jeu, puis l'un des jeunes l'avait maintenu pour que F______ puisse le frapper. Des clients du restaurant étaient intervenus pour les séparer. Lui-même n'avait asséné aucun coup, étant précisé qu'il ne travaillait qu'à 20% en raison d'hernies discales et cervicales. Lorsqu'il était parvenu à se réfugier dans sa voiture, F______ et ses amis étaient "devenus comme des malades", le frappant au visage et "tapant partout sur la voiture"; F______ avait en outre saisi ses lunettes et les avait jetées à terre. B______ l'avait pour sa part menacé. Lui-même n'avait craché, insulté ou menacé personne.

b.c. À l'appui de ses déclarations, A______ a produit des photographies de son véhicule endommagé, un devis pour les réparations de celui-ci d'un montant de CHF 8'397.05 TTC, ainsi qu'un constat médical rapportant des douleurs à la palpation au visage, aux côtes, au dos et sur la face interne de la cuisse droite, ainsi qu'au cou, malgré une amplitude cervicale relativement conservée.

c. Entendu par la police, puis par le Ministère public, en qualité de prévenu, F______ a expliqué qu'il connaissait A______ depuis son arrivée en Suisse, en 2019, et qu'à la base, il s'agissait d'un ami, dont il s'était peu à peu éloigné.

Le jour des faits, alors qu'il guidait B______ dans ses manœuvres pour se parquer devant le restaurant sis no. ______, rue 1______, A______ s'était approché, avait subitement craché sur sa veste, puis l'avait ensuite injurié à plusieurs reprises ("ta sœur et ta mère sont des putes", "j'ai baisé avec ta mère et ta sœur", "j'ai baisé ta mère, c'est comme ça que je t'ai eu", "dès que ton père sortait, j'allais coucher avec ta mère"). Lui-même n'avait pas réagi, jusqu'à ce que son antagoniste, arrivé vers sa voiture, ajoute "c'est moi qui couche avec ta femme quand tu sors", "il y a plein de personnes qui couchent avec ta femme", "tu n'es pas un homme", "tu n'as pas d'honneur pour me répondre". Considérant que c'en était trop, il s'était approché de A______ et tous deux avaient commencé à se pousser mutuellement, à plusieurs reprises. B______ était alors intervenu pour le raisonner et ses deux fils l'avaient saisi pour le calmer. A______ avait toutefois profité de ce qu'ils le tenaient pour lui asséner un coup de poing à la tête et un autre sur l'épaule. Il s'était alors dégagé et avait frappé A______, également sur l'épaule. Sur ce, ce dernier était monté dans son véhicule, non sans continuer d'adresser des insultes, tant à lui-même qu'à B______; après avoir dit à ce dernier "je vais te passer dessus", il avait enclenché la marche arrière, manquant de percuter B______, qui s'était éloigné. En voyant cela, les enfants de ce dernier (version donnée à la police), respectivement ses amis (version au MP), avaient commencé à taper sur le véhicule en criant "arrête, tu vas tuer notre père" et l'un d'eux avait donné un coup de pied dans la portière en disant "tu as failli tuer notre père". Lui-même avait également donné un coup sur l'arrière du coffre du véhicule (version à la police), respectivement sur une vitre (version au MP). Il s'était par ailleurs approché de A______, qui avait laissé la fenêtre ouverte et continuait d'insulter tout le monde, et lui avait asséné un coup de poing au visage, dans le but de le repousser. Ce faisant, il lui avait cassé ses lunettes. Il n'avait vu personne d'autre donner des coups à A______, ou à son véhicule.

Il niait avoir frappé le plaignant au ventre, ou tenu les propos que celui-ci lui prêtait.

Au terme de son audition, il a à son tour déposé plainte contre A______ pour crachat et injures.

d. B______ a expliqué à la police, puis au Ministère public – en l'absence de A______ –, qu'à l'invitation de F______, il s'était rendu au restaurant avec ses quatre fils. Alors que son ami était sorti du véhicule pour l'aider à se parquer devant l'établissement, il avait vu A______ s'approcher soudainement et cracher sur l'épaule de F______, tout en l'insultant en arabe ("je nique ta mère, je nique ta sœur", "je vais baiser ta femme pendant que tu n'es pas là" et autres "amabilités"). F______ avait alors "flambé" et s'était dirigé vers son agresseur. Alors que ses fils tentaient de le retenir, A______ lui avait asséné un coup de poing. Alors que lui-même tentait de calmer la situation, A______ l'avait par ailleurs insulté, notamment en lui disant "je nique ta mère, je nique ta femme", puis était monté dans sa voiture en laissant la portière ouverte. Alors que lui-même se trouvait derrière le véhicule avec F______ et l'un de ses fils, A______ avait enclenché la marche arrière pour les écraser. Il n'avait réussi à éviter le choc que de justesse, s'écartant lorsque son fils avait hurlé "papa, fais attention". Ils avaient ensuite tapé sur le capot de la voiture pour alerter A______ et qu'il cesse de reculer. Après avoir indiqué à la police que, sous le coup de l'émotion et de la peur, il avait donné un coup de pied dans la portière pour la fermer, B______ a affirmé au Ministère public n'avoir tapé qu'avec une main sur la portière, son autre main étant handicapée. Il n'avait en tout cas pas endommagé le véhicule. F______ s'était ensuite approché de A______, qui tentait de le repousser, et lui avait asséné un coup, brisant ses lunettes. La police était arrivée sur ces entrefaites et lui-même était parti, car son fils de 13 ans était choqué et pleurait. Il n'avait pas frappé A______, ni ne l'avait injurié, et n'avait pas eu de paroles telles que "prie pour que tu restes en vie".

e. À la suite de l'avis de prochaine clôture rendu par le Ministère public, A______ a requis l'audition de D______, qui avait assisté à la scène et serait à même de confirmer ses dires, ainsi que la convocation d'une audience de confrontation avec B______, le mandat de comparution à la précédente audience ne lui étant pas parvenu.

f. Par ordonnances pénales du 30 novembre 2023, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'injures, de menaces et de voies de fait, et F______ coupable de lésions corporelles simples, dommages à la propriété et menaces.

Les intéressés ont tous deux formé opposition à leur condamnation.

g. Le même jour, le Ministère public a classé la procédure ouverte à l'encontre de B______.

Sur recours de A______, la Chambre de céans a toutefois annulé cette ordonnance, estimant qu'en l'absence de confrontation, la décision apparaissait prématurée (ACPR/192/2024 du 14 mars 2024).

h. Réentendu par le Ministère public le 2 juillet 2024, A______ a précisé que, le jour des faits, il portait une minerve. Le fils de B______, qui l'avait maintenu tout le temps et l'avait menacé, était le véritable coupable. Au début, B______ n'avait rien fait. Il avait commencé à taper sur la voiture lorsque lui-même s'y était assis. Toutes les personnes présentes, au nombre de quatre à six, avaient frappé partout sur le véhicule. B______ et son fils lui avaient par ailleurs asséné des coups de poing, de même que F______, qui lui avait cassé ses lunettes. B______ l'avait également menacé en lui disant "tu ne touches pas. La famille [de] F______, ce sont mes employés. Ils transportent de l'argent". B______ était celui qui l'avait le plus menacé. Lui-même avait effectué une marche arrière doucement, pour partir et non pour écraser quelqu'un. Lorsque la police était arrivée, elle avait constaté que le véhicule était "cassé de partout".

B______ a confirmé ses précédentes déclarations. Son fils G______ avait tenté de maintenir F______ et, lui-même, A______. Il a contesté avoir frappé et menacé ce dernier, son rôle étant uniquement de séparer les protagonistes, qui étaient "deux volcans". Il n'avait tapé sur le véhicule que lorsque A______ avait reculé, manquant de les écraser. F______ n'avait jamais été son employé, même s'ils étaient parfois en relations d'affaires.

F______ a confirmé ces dires. B______ avait tenté d'apaiser le conflit et n'avait frappé personne. Ils avaient tous deux frappé sur le coffre de la voiture pour la stopper. Lui-même avait également tapé sur une vitre. Il n'avait toutefois rien vu de cassé et la voiture "allait très bien".

Bien que dûment convoquée, D______ ne s'est pas présentée. A______ a expliqué qu'ils s'étaient séparés et qu'il n'avait pas le numéro de téléphone de son ancienne compagne.

i. A______ n'a pas fait valoir de nouvelles réquisitions de preuve dans le délai imparti par le Ministère public dans son avis de prochaine clôture du 2 septembre 2024.

j. À l'issue de ce délai, le Ministère public a maintenu ses ordonnances pénales et transmis la cause au Tribunal de police, lequel est désormais saisi de la suite de ce pan de la procédure.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public, qui a entre autres rappelé qu'il était reproché à B______ d'avoir endommagé le véhicule de A______ en donnant des coups dans les portières, a relevé que les faits objet de la plainte étaient susceptibles d'être constitutifs de lésions corporelles simples, menaces et dommages à la propriété, mais que les versions des parties étaient contradictoires et qu'aucun élément de preuve objectif ne permettait d'établir la culpabilité de B______. Il ressortait au contraire des déclarations des protagonistes, notamment de celles de F______, que le prévenu avait essayé de calmer la situation en retenant A______, mais qu'il ne l'avait pas frappé. Les menaces qu'aurait proférées B______, non mentionnées dans la plainte, semblaient par ailleurs peu crédibles, dès lors qu'il n'était pas l'employeur de la famille [de] F______.

D. a. Dans son recours, A______, qui reprend une grande partie des faits tels que relatés par le Ministère public, conteste qu'il n'existerait aucun soupçon suffisant d'infraction pour justifier une mise en accusation. D______, dont il venait de retrouver la trace par l'intermédiaire de tiers, était au demeurant à même de confirmer que les agissements de B______ revêtaient un caractère pénal.

À l'appui de ses écritures, il produit une attestation de son ex-compagne, datée du 10 octobre 2024, exposant que, le jour des faits, elle avait vu F______ courir vers A______ et le frapper. F______ était accompagné d'environ sept personnes, tous des hommes, qui avaient également couru vers son ex-compagnon et l'avaient frappé, insulté, et même menacé de mort. Vu l'état de santé de son ex-compagnon, elle était sortie de la voiture en criant et avait tenté de séparer les protagonistes, étant précisé qu'une personne était en train d'immobiliser A______ pendant que F______ le frappait. Des voisins avaient enfin réagi à ses appels à l'aide et mis un terme à l'altercation en faisant entrer A______ dans la voiture. B______ avait alors recommencé à parler méchamment avec un ton menaçant en arabe et à frapper A______. Quand ils avaient essayé de démarrer le véhicule, lui et ses compagnons l'avaient bloqué en donnant des coups à la voiture.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. F______ avait, de manière constante, affirmé avoir été le seul à frapper A______. Les déclarations de ce dernier, selon lesquelles non seulement F______, mais également B______ et son fils, lui avaient donné des coups par la fenêtre du véhicule, étaient ainsi peu crédibles. Dans ce contexte, l'audition de D______ paraissait superflue, ce d'autant plus que ses déclarations devaient être prises avec circonspection, dès lors qu'elle était l'ex-compagne du plaignant et la mère de l'un de ses enfants et que le témoignage écrit avait été rédigé plus de deux ans après les faits et après l'ordonnance de maintien du Ministère public.

c. Dans ses observations, B______ fait valoir, sur le fond, que la Chambre de céans avait d'ores et déjà, dans son arrêt du 14 mars 2024, repris les arguments du Ministère public justifiant de ne pas convoquer D______. L'attestation produite était au demeurant farfelue et pleine d'incohérences.

Il réclame une indemnité pour ses frais d'avocat correspondant à deux heures d'activité au tarif horaire de CHF 450.-, à charge de l'État, subsidiairement de A______.

d. Dans sa réplique, A______ maintient que l'audition de D______, seule témoin de l'altercation, hormis ses protagonistes, était indispensable, et qu'il n'appartenait pas au Ministère public de se prononcer sur sa crédibilité, le principe "in dubio pro duriore" devant s'appliquer à ce stade.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Le principe in dubio pro duriore, qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP) et s'applique à ce stade de la procédure, signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3). La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, il n’appartient pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

2.2.1. L'art. 123 al. 1 CP réprime les lésions corporelles simples, c'est-à-dire des atteintes physiques, voire psychiques, qui revêtent une certaine importance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1064/2019 du 16 janvier 2020 consid. 2.2), telles que des blessures, meurtrissures, hématomes, écorchures ou des griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

2.2.2. L'art. 144 al. 1 CP punit, du chef de dommages à la propriété, quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui.

2.2.3. L'art. 180 al. 1 CP vise quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne.

La menace suppose que l'auteur ait volontairement fait redouter à sa victime la survenance d'un préjudice, au sens large (ATF 122 IV 97 consid. 2b). Elle constitue un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (cf. ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a), ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 122 IV 322 consid. 1a).

La menace est grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique (ATF 122 IV 322 consid. 1a). Il faut en outre que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Celle-ci doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d'une part, qu'elle le considère comme possible et, d'autre part, que ce préjudice soit d'une telle gravité qu'il suscite de la peur (cf. ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2; 119 IV 1 consid. 5a; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 7.1 et 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 8.1).

2.3.1. En l'espèce, il est établi que le recourant a reçu plusieurs coups, le soir du 11 mars 2022, lui causant diverses lésions. La version selon laquelle le mis en cause pourrait être l'auteur de certains d'entre eux n'est toutefois étayée par aucun élément solide.

En premier lieu, le mis en cause nie avoir frappé le recourant, soutenant au contraire être intervenu pour calmer les protagonistes.

Ensuite, F______ a confirmé ces déclarations, admettant avoir lui-même porté des coups et n'avoir vu personne agir de même.

Enfin, les déclarations du recourant ont varié sur ce point. Le jour même de l'altercation, il n'a mentionné à aucun moment à la police que l'intimé lui aurait asséné des coups; dans sa plainte, il a affirmé que ce dernier l'avait frappé à deux reprises alors qu'il était assis dans son véhicule; devant le Ministère public, il a déclaré dans un premier temps que F______ et ses amis étaient devenus "comme des malades", le frappant au visage, sans toutefois désigner spécifiquement l'intimé, pour ensuite dire que le fils de l'intéressé était le véritable coupable et lui avait asséné des coups de poing, à l'instar de son père et de F______.

Il résulte de ce qui précède que, en l'absence d'éléments objectifs, il est impossible de privilégier une version au détriment d'une autre et les seules accusations du recourant ne sauraient suffire à fonder des soupçons à l'encontre de l'intimé quant à l'origine des lésions corporelles constatées. Le Ministère public a, à cet égard, à juste titre, considéré qu'une audition de D______ n'était pas de nature à étayer les griefs du recourant, au vu notamment des liens les unissant et du temps écoulé depuis les faits.

Il s'ensuit que c'est à raison que le Ministère public a classé la procédure sur ce point

2.3.2. L'infraction de menaces n'est pas davantage rendue vraisemblable. D'une part, l'intimé conteste avoir tenu les propos qui lui sont reprochés. D'autre part, le recourant n'a pas mentionné avoir fait l'objet de menaces, encore moins de la part de l'intimé, lorsque la police est intervenue, le 11 mars 2022; dans sa plainte, il lui a imputé des termes tels que "prie pour que tu restes en vie" et "pars avant que je te détruise"; devant le Ministère public, il s'est ensuite limité à dire que l'intimé l'avait menacé, puis a précisé que, dans un premier temps, B______ n'avait rien fait mais que son fils l'avait menacé, avant de soutenir enfin qu'il aurait dit "tu ne touches pas. La famille [de] F______, ce sont mes employés. Ils transportent de l'argent".

Compte tenu de ces variations, il n'est pas possible de considérer qu'il existe des soupçons suffisant de menaces à l'endroit de l'intimé. C'est d'autant moins le cas qu'à aucun moment, le recourant ne prétend avoir été effrayé par les mots exprimés, dont on peut au demeurant douter, s'agissant de la dernière version fournie, qu'ils revêtiraient les caractéristiques d'une menace grave au sens de l'art. 180 al. 1 CP.

Il s'ensuit que c'est également à juste titre que le Ministère public a classé la procédure sur ce point.

2.3.3. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a retenu qu'il était reproché à l'intimé d'avoir endommagé le véhicule du recourant en donnant des coups dans les portières, ce qui était susceptible d'être qualifié de dommages à la propriété. Il n'explique toutefois pas spécifiquement les raisons pour lesquelles un classement devrait être prononcé sur ce point. Il ne les expose pas davantage dans ses observations, qui ne portent que sur les infractions de lésions corporelles et de menaces.

Il s'ensuit que la Chambre de céans n'est pas en mesure de déterminer si le Ministère public a considéré que la responsabilité de l'intimé était exclue pour des motifs de fait (par exemple parce qu'il ne serait pas à l'origine des dégâts), ou de droit (en raison de motifs justificatifs – résultant des art. 14ss CP – ou d'une application de l'art. 319 al. 1 let. e CPP) et, ainsi, de vérifier le bien-fondé du classement à cet égard.

L'ordonnance querellée sera dès lors annulée sur ce point et la cause renvoyée au Ministère public pour décision motivée, s'agissant des dommages à la propriété dont l'intimé est accusé par le recourant.

3. 3.1. Le recourant, qui succombe pour l'essentiel, supportera les trois quarts des frais envers l'État, arrêtés en totalité à CHF 1'000.-, le solde, soit CHF 250.-, étant laissé à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

3.2.1. Le recourant, partie plaignante, qui est assisté d'un avocat, conclut à l'allocation de dépens, sans toutefois les chiffrer, de sorte qu'il ne saurait lui en être alloués (art. 433 al. 1 CPP).

3.2.2. L'intimé, prévenu, a réclamé une indemnité de CHF 900.- HT, correspondant à deux heures d'activité d'avocat chef d'étude, en vertu de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

Cette prétention apparaît adéquate, tant dans l'ampleur de l'activité invoquée qu'au regard du tarif horaire articulé, de sorte qu'elle sera admise, à concurrence de CHF 972.90, TVA à 8.1% comprise.

Dans la mesure où, selon la jurisprudence, la partie plaignante qui succombe devant l'autorité de recours n'a pas à supporter l'indemnité des frais de défense du prévenu lorsque la décision attaquée est une ordonnance de classement (ATF 139 IV 45 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_357/2015 du 16 septembre 2015 consid. 2.2), celle-ci sera mise à la charge de l'État.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours.

Annule la décision querellée en tant qu'elle porte sur l'infraction de dommages à la propriété (art. 144 CP) et renvoie la cause au Ministère public pour nouvelle décision sur ce point.

Rejette le recours pour le surplus.

Condamne A______ aux trois quarts des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-, soit CHF 750.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées et le solde de CHF 250.- restitué à A______.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 972.90 TTC (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils, et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

Siégeant :

Mesdames Daniela CHIABUDINI, présidente; Corinne CHAPPUIS BUGNON et
Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/14433/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

Total

CHF

1'000.00