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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/27648/2024

ACPR/957/2024 du 19.12.2024 sur OTMC/3687/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/27648/2024 ACPR/957/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 19 décembre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 2 décembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 4 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 décembre 2024, notifiée le jour même, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 10 janvier 2025.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté immédiate avec des mesures de substitution [qu'il énumère].

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, ressortissant turc, né en 1984, a été interpellé par la police le 29 novembre 2024.

b. Selon les rapports d'interpellation et d'arrestation, D______ avait fait appel à la police après s'être réfugiée chez un voisin à la suite d'un conflit avec A______, son ex-compagnon et père de ses enfants, E______ et F______, nés les ______ 2018, respectivement ______ 2021. Malgré leur séparation, A______ disposait des clés de son appartement et s'y rendait régulièrement. Le jour en question, il était venu chez elle, l'avait frappée sur le haut de la tête, lui avait tiré les cheveux et l'avait menacée de mort. Les policiers n’avaient pas constaté de trace de lutte dans l'appartement, ni de blessure visible sur D______. Elle avait toutefois été emmenée en ambulance aux HUG dès lors qu'elle semblait très fatiguée et se plaignait, notamment, de fortes douleurs au niveau du crâne.

c. Le lendemain, à sa sortie de l'hôpital, D______ a déposé plainte contre A______.

d. Le 30 novembre 2024, le prénommé a été prévenu de viol (art. 190 CP), menaces (art. 180 CP), voies de fait (art. 126 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP) et injure (art. 177 CP).

Il lui était reproché d'avoir, à Genève :

- en 2021 et en 2023, à plusieurs reprises, menacé de mort D______ et l'avoir traitée de pute;

- le 25 octobre 2024, contraint celle-ci à une relation sexuelle;

- le 26 octobre 2024, alors qu'elle refusait ses avances, saisi son ex-compagne à la mâchoire lui causant des lésions et l'avoir traitée de pute;

- le 28 novembre 2024, menacé de mort D______;

- le 29 novembre 2024, traité de pute la précitée, asséné un coup de poing sur son crâne, tiré ses cheveux et menacé de la tuer.

e. À la police et devant le Ministère public, A______ a contesté l'intégralité des faits, soutenant que D______ était "parfaitement consentante" lors de la relation sexuelle intervenue possiblement le 25 octobre 2024. Il assurait ne lui avoir jamais fait de mal et s'engageait à ne pas la contacter.

f. A______ est divorcé et père d'un autre enfant, né de son précédent mariage. Il est titulaire d'un permis B, travaille en tant que chauffeur indépendant et réalise un revenu de CHF 3'000.- par mois.

À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse [état au 30 novembre 2024], le prénommé a été condamné, le 27 septembre 2021, dans la procédure P/1______/2019, par la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après, CPAR) à une peine pécuniaire de 120 jours-amende avec sursis durant trois ans et à une amende de CHF 2'000.-, pour voies de fait (commission répétée) et menaces (commission répétée).

g. Il ressort de l'arrêt de la CPAR susmentionné, versé au dossier, que les infractions avaient été commises au préjudice de D______ pendant leur vie commune. A______ l'avait saisie au cou avec ses deux mains lui occasionnant des marques [le 18 septembre 2018], l'avait poussée alors qu'ils étaient assis sur le canapé, sa tête ayant heurté le mur [en automne 2017], lui avait tiré sa jambe [en automne 2018] et l'avait régulièrement menacée en lui disant qu'il la tuerait ou enlèverait E______ [entre le mois de mai et le 12 juillet 2019]. Il était fait mention de la soumission de D______ qui était revenue sur sa plainte, dès son audition au Ministère public, sous l'influence du prévenu, afin de le ménager, étant souligné qu'elle avait finalement repris une vie commune avec lui et eu un second enfant. Par ailleurs, il ressortait du dossier des autorités de protection des mineurs que le prénommé s'était déjà montré violent à l’égard de son ex-femme et de son fils aîné.

h. Lors de son audition devant le TMC, A______ s'est, à nouveau, engagé à ne pas contacter D______, affirmant que celle-ci ne manquerait toutefois pas de l'approcher, comme elle l'avait fait dans le cadre de l'ancienne procédure.

C. Dans l'ordonnance querellée, le TMC retient que les charges sont graves et suffisantes pour justifier la mise en détention provisoire de A______, eu égard aux constatations de police, aux déclarations de la plaignante, à la photographie attestant d'une lésion subie le 26 octobre 2024 et à sa condamnation pour des faits en partie similaires. Malgré la présence de ses enfants et son emploi en Suisse, le risque de fuite ne pouvait être exclu, compte tenu de la nationalité étrangère du prévenu, dont le permis B arrivait prochainement à échéance, et de ses liens familiaux en Turquie. Ce risque était renforcé par la peine-menace et celle concrètement encourue ainsi que la perspective d'une expulsion. Le risque de collusion devait être retenu vis-à-vis de son ex-compagne, laquelle avait peur du prévenu. Le risque de réitération était également tangible au vu de sa précédente condamnation et l'aggravation des charges. Si des mesures de substitution permettaient de contenir le risque de fuite, aucune ne pouvait pallier les risques de collusion et de réitération. L'instruction ne faisait que commencer, le Ministère public devant notamment confronter les parties et procéder aux premiers actes d'enquête.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas avoir retenu de mesures de substitution. Son assignation à résidence, doublée d'une surveillance électronique, ainsi que l'interdiction d'approcher la plaignante ou de la contacter d'une quelconque manière (courriers, courriels, téléphones, SMS) suffisaient pour prévenir le risque de collusion. D'autres mesures pouvaient s'ajouter, telles que la saisie d'appareils électroniques et d'un éventuel double des clés de l’appartement de la plaignante, le blocage de sa connexion internet, l'interdiction de recevoir des visites afin d'éviter l'accès au téléphone de la plaignante, laquelle devait être "responsabilisée" s'agissant de visites, non souhaitées, à son domicile, se tenir à l'écart de lui et "rester constante et cohérente dans sa position". Il préconisait, en outre, la pose d'un émetteur sur la plaignante ou la désignation d'un tiers qui le dénoncerait s'il venait chez elle. L'audience de confrontation devait être réalisée dans les plus brefs délais et les mesures de substitution levées au plus tard le 10 janvier 2025.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

d. Le recourant réplique, persiste dans ses conclusions, ajoutant que les mesures de substitution proposées permettaient également de prévenir le risque de réitération.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Les charge ne sont pas discutées, ni les risques de collusion, fuite et réitération. Il n'y a donc pas à y revenir mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art. 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

3.             Le recourant estime que des mesures de substitution pourraient pallier les risques de collusion et de réitération.

3.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple, l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (al. 2 let. c) et l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).

Une interdiction d'approcher peut dans certains cas suffire à prévenir le risque de collusion. Tel est notamment le cas lorsque les déclarations à charge émanent de la victime elle-même (cf. ATF 137 IV 122 consid. 4.3 p. 128 et 6.4), puisque l'on peut attendre de celle-ci qu'elle signale spontanément et immédiatement à l'autorité toute tentative de prise de contact ou d'intimidation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_172/2015 du 28 mai 2015 consid. 4.2.).

3.2. En l'occurrence, quand bien même les accusations émanent de la plaignante, aucune mesure de substitution n'est, à ce stade, envisageable. Une interdiction d'entrer en contact avec la partie plaignante, même accompagnée des autres mesures proposées, est insuffisante au regard de la nature des risques retenus. Pour rappel, dans l'ancienne procédure, D______ s'était rétractée, sous l'influence du prévenu, dès son audition au Ministère public, étant souligné que, dans la présente cause, certaines infractions pourraient être poursuivies seulement sur plainte.

Il est ainsi nécessaire que la confrontation entre les parties et les premiers actes d'enquête puissent se faire sans risque de pressions ou de représailles de la part du prévenu, lequel semble peu conscient de la gravité des faits reprochés malgré sa précédente condamnation.

4. La durée de la détention provisoire, pour une durée de deux semaines, est largement proportionnée à la peine concrètement encourue si le recourant devait être reconnu coupable des infractions dont il est soupçonné.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). La défense d'office n’empêche, en effet, pas que les frais de l’instance doivent être fixés (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

7. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

7.1. Le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

7.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui s'élèvent en totalité à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit, pour lui, son défenseur, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Françoise SAILLEN AGAD et
Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/27648/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

 

 

Total

CHF

900.00