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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12575/2024

ACPR/862/2024 du 20.11.2024 sur ONMMP/3466/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ABUS DE CONFIANCE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : Cst; CPP.310; CP.138.al2.ch1; CP.181; CPP.107

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12575/2024 ACPR/862/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 20 novembre 2024

 

Entre

 

A______, représentée par Me Shayan FARHAD, avocate, FARLEGAL, cours de Rive 2, case postale, 1211 Genève 3,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 7 août 2024 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 août 2024, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 21 mai 2024 à l'encontre de la [banque] B______ (ci-après : la banque ou B______).

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ était mariée à feu C______, décédé le ______ 2021, père de trois enfants issus d'un premier mariage. Depuis le décès, plusieurs litiges ont opposé les différents héritiers [soit les trois enfants [de] C______ à A______], au Chili, aux États-Unis et en Suisse, s'agissant de la validité des testaments américain et chilien, de la qualité d'héritier et de la liquidation de la succession.

b. Les époux avaient ouvert le compte joint n° 1______ auprès de la banque B______, disposant d'un solde de USD 25'734'432.- au mois d'avril 2024. Le contrat relatif à ce compte prévoyait, notamment, que chaque titulaire avait la faculté d'effectuer toutes opérations en agissant individuellement, sans l'accord ou la participation de l'autre, et qu'en cas de décès de l'un des titulaires, les héritiers de celui-ci en deviendraient les successeurs juridiques.

c. Le compte joint était notamment alimenté de fonds distribués par deux trusts dont A______ était devenue seule bénéficiaire après le décès de son époux. Six versements pour un montant total de USD 529'583.90 avaient été effectués à tort en 2022 sur le compte litigieux et la banque avait refusé, par courriels des 16 août et 27 septembre 2022, de restituer ces montants sans l'accord de tous les héritiers.

d. Par courrier du 18 novembre 2022, la banque a expliqué ne pas intervenir dans les rapports internes entre héritiers et que la propriété des valeurs patrimoniales se trouvant sur le compte bancaire devrait être déterminée dans le cadre de la procédure successorale. Ainsi, tout transfert devait être approuvé par les quatre héritiers.

e. Par acte du 25 janvier 2023, les enfants [de] C______ ont requis le blocage du compte auprès du Tribunal civil qui l'a refusé par ordonnance du 26 septembre 2023, confirmée par arrêt ACJC/332/2024 du 6 mars 2024 de la Cour de justice. La requête portait sur la totalité des avoirs du compte, quand bien même A______ n'était cohéritière que d'une partie de ce montant et que l'insolvabilité de celle-ci et un préjudice difficilement réparable n'avaient pas été rendus vraisemblables.

La Cour avait notamment retenu que, malgré le litige concernant l'applicabilité des testaments, il fallait comprendre que c'était le chilien qui s'appliquait vraisemblablement aux biens situés en Suisse et l'américain aux biens restants. Les enfants [de] C______ n'avaient dès lors aucune prétention pécuniaire à faire valoir à l'encontre de A______ tendant au partage du compte joint. Le blocage du compte constituait ainsi un "séquestre déguisé".

f. Par requête du 8 mai 2023, A______ a déposé une demande en paiement auprès du Tribunal civil, concluant au transfert en sa faveur de la moitié des avoirs du compte joint, avec intérêts à 5% l'an. Cette procédure (C/2______/2022) est toujours pendante.

g. Par courrier du 10 avril 2024, A______ a mis en demeure la banque de lui verser USD 529'583.90. Elle a réitéré cette demande ainsi que celle tendant au versement de la moitié des avoirs se trouvant sur le compte précité le 18.

h. Par courrier du 22 avril 2024, la banque a persisté dans ses précédentes explications et refusé de verser des fonds sans le consentement de tous les héritiers.

i. Le 21 mai 2024, A______ a déposé plainte pénale contre B______ et toute personne en son sein. Elle était l'ayant droit économique de la moitié des valeurs patrimoniales confiées à la banque et se trouvant sur le compte, ses instructions de transfert ne concernant que ces montants. Le refus de la banque, sans droit et en violation des clauses conventionnelles, de lui verser cette somme, malgré ses diverses demandes, constituait un abus de confiance et un "séquestre déguisé", lui causant un préjudice considérable. L'activité accessoire des enfants de feu C______ à titre de complicité ou d'investigation devait également être retenue.

Le refus de la banque de transférer les fonds constituait également une contrainte. Le "blocage" des avoirs ne résultait d'aucune décision judiciaire ou motif objectif et l'entravait dans sa liberté d'accéder à son compte et de disposer librement de ses avoirs. Il n'était pas exclu que la banque et les autres héritiers aient agi de concert afin qu'elle renonce à ses droits successoraux.

La succession de feu C______ était "hautement contentieuse, dans la mesure où ses trois enfants [avaient] initié de nombreuses actions judiciaires à [son] encontre par-devant les juridictions de plusieurs pays".

Face à l'attitude de la banque, elle avait dû saisir le Tribunal de première instance d'une demande en paiement et la procédure était toujours pendante.

j. Dans ses observations du 15 juillet 2024, la banque a fait valoir que, compte tenu de l'état de faits litigieux, elle avait résilié le contrat de compte joint en date du
18 novembre 2022. Il n'existait dès lors plus de solidarité active. Selon ses conditions générales, seules applicables désormais aux relations entre les cohéritiers, toute opération sortant du cadre de la gestion courante et usuelle du compte devait être approuvée par chacun d'entre eux. Elle avait également refusé de donner suite aux demandes des enfants de feu C______ de leur verser la moitié des avoirs se trouvant sur ce compte, sans instructions signées par tous les héritiers. Elle ne pouvait ainsi pas exécuter des instructions données par A______ seule, au risque de voir sa responsabilité mise en cause par les enfants [de] C______ et de devoir payer une deuxième fois un montant très important, les actifs sur le compte s’élevant à plus de USD 24'000'000.-.

La problématique était, de plus, uniquement de nature civile, comme cela ressortait notamment de la demande en paiement déposée par A______ auprès du Tribunal civil. Il appartenait à ce dernier de trancher en faveur de qui, et dans quelle proportion, les avoirs du compte joint devraient être partagés.

L'abus de confiance n'était également pas réalisé, faute de dessein d'enrichissement illégitime, puisqu'elle était simplement dépositaire, et de dommage subi par A______.

L'infraction de contrainte devait également être écartée, puisqu'elle n'avait pas usé de violence, de menace sérieuse, ou d'un autre procédé susceptible d'être assimilé à de la violence, mais uniquement demandé des instructions conjointes de tous les héritiers.

Il ressortait également de ses livres que A______ avait reçu, sur son compte personnel, le montant d'USD 619'585.25 des deux trusts, entre le 14 novembre 2022 et le 7 août 2023, et qu'elle continuait à recevoir un versement mensuel de CHF 7'000.- depuis le compte joint. Elle était également titulaire d’un compte personnel qui présentait un solde, au 31 décembre 2021, de USD 3'196'785.-.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que seule la clarification des rapports successoraux et de l'assiette successorale permettrait de déterminer quels avoirs étaient légalement dévolus à qui. L'attitude de la banque, consistant au statu quo sauf à avoir l'accord de toutes les parties concernées, semblait conforme au respect de ses obligations, ce d'autant que des procédures civiles étaient en cours à cet égard au niveau national et international, et notamment dirigées contre elle. La banque n'avait pas caché son positionnement à A______, puisqu'elle le lui avait confirmé par écrit à plusieurs reprises. Il ne saurait dès lors lui être reproché d'avoir adopté une position conservatrice jusqu'à droit jugé concernant le litige, éminemment civil, existant entre A______ et les enfants de son défunt mari, en acceptant pendant cette période transitoire d'exécuter les opérations requises sur le compte bancaire en question moyennant l'accord écrit de toutes les parties. Ces faits n'étaient constitutifs d'aucune infraction pénale, de sorte qu'une ordonnance de non-entrée en matière se justifiait.

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir une violation de son droit d'être entendue. L'ordonnance du Ministère public n'était pas suffisamment motivée, ce dernier n'ayant notamment pas mentionné certains faits pertinents, comme l'existence de la procédure civile confirmant l'illicéité d'une mesure tendant au blocage des avoirs, et en ne se prononçant pas sur l'activité accessoire des héritiers. Elle n'avait également pas eu l'opportunité de s'exprimer sur les déterminations de la banque, qui semblaient pourtant avoir joué un rôle central dans la prise de décision.

Au fond, elle reproche au Ministère public de ne pas avoir retenu de prévention suffisante pour les infractions d'abus de confiance et de contrainte.

En effet, s'agissant de la première infraction, il était établi que les avoirs avaient été confiés à la banque qui devait respecter les instructions de l'ayant droit économique, ce qui était son cas, à tout le moins s'agissant de la moitié des avoirs du compte et des montants versés par les trusts. Les refus de la banque d'exécuter ses instructions de transfert étaient ainsi injustifiés et ne reposaient sur aucune base légale, contractuelle ni sur une décision judiciaire, mais allaient même à l'encontre des décisions de deux instances judiciaires genevoises selon lesquelles une partie des avoirs lui appartenait "de plein droit" et que tout blocage constituerait un "séquestre déguisé". Elle contestait que le contrat de gestion du compte joint eût fait l'objet d'une résiliation. Cette attitude lui causait un préjudice considérable et était manifestement dans l'intérêt des autres héritiers.

Les éléments objectifs constitutifs de l'infraction de contrainte étaient également réalisés, puisqu'elle était substantiellement entravée par la banque, qui agissait de concert avec les enfants [de] C______, dans sa liberté de disposer de ses avoirs, les montants bloqués constituant une partie significative de son patrimoine.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante se plaint d'une motivation insuffisante de la décision attaquée et d'une violation de son droit d'être entendue.

3.1.       L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29
al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4; 146 II 335 consid. 5.1), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1127/2023 du 10 juin 2024 consid. 1.1). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).

Avant l'ouverture d'une instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas (art. 147 al. 1 CPP a contrario;
ATF 143 IV 397 consid. 3.3.2 i. f. et 140 IV 172 consid. 1.2.2). En outre, avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à en informer les parties et il n'a pas à leur donner la possibilité d'exercer leur droit d'être entendu, lequel sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours (arrêts du Tribunal fédéral 6B_382/2022 du 12 septembre 2022 consid. 2.1.2; 6B_1007/2020 du 13 avril 2021 consid. 2.3). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et matériels – auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_866/2021 du 2 juin 2022 consid. 2.2.2).

3.2.       En l'espèce, l'ordonnance querellée expose que le litige opposant la recourante aux enfants de son défunt mari était éminemment civil, de sorte que la banque était fondée à n'accepter d'exécuter, durant cette période transitoire de liquidation de la succession, les opérations requises que moyennant l'accord de toutes les parties.

La motivation du Ministère public, suffisante, permettait à la recourante de contester la décision dans le cadre de son recours en toute connaissance de cause, ce qu'elle a au demeurant fait.

Le Ministère public a indiqué clairement les éléments sur lesquels il s'était fondé pour prendre sa décision. Il ne peut en effet être exigé de ce dernier qu'il reprenne l'intégralité des faits allégués. La procédure n'a de plus pas dépassé la phase des simples investigations et aucune instruction n'a été ouverte, de sorte que le Ministère public était dispensé d'inviter la recourante à se déterminer sur les observations de la banque avant de prononcer sa décision querellée. Pour le surplus, l'intéressée a pu faire valoir devant la Chambre de céans – qui dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) – les arguments qu'elle estimait pertinents. De même, les éventuelles constatations inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-avant.

Le grief est dès lors infondé.

4.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

4.1.       Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou qu'il existe des empêchements de procéder (let. b).

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies,
c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse
, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).

Une non-entrée en matière s'impose lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3).

4.2.       Selon l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, se rend coupable d'abus de confiance quiconque, sans droit, emploie à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

Sur le plan objectif, l’infraction suppose qu’une valeur ait été confiée, autrement dit que l’auteur ait acquis la possibilité d’en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu’un usage déterminé, en d’autres termes, qu’il l’ait reçue à charge pour lui d’en disposer au gré d’un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre
(ATF
133 IV 21 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_613/2016 et 6B_627/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4; 6B_635/2015 du 9 février 2016 consid. 3.1). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s’écartant de la destination fixée
(ATF 
129 IV 257 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_356/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.1).

Le comportement de l’auteur consiste à utiliser sans droit à son profit ou au profit d’un tiers les valeurs patrimoniales confiées. Il y a utilisation illicite des valeurs patrimoniales lorsque l’auteur les utilise en ne respectant pas les instructions reçues, soit en ne tenant pas compte de l’affectation prévue de celles-ci. Le comportement de l’auteur consiste donc à violer le rapport de confiance. Ce qui est déterminant est que le comportement de l’auteur démontre clairement sa volonté d’agir au mépris des droits de celui qui accorde sa confiance. Tel est le cas lorsque l’auteur va au-delà des pouvoirs qui lui sont conférés, en violant les règles de la bonne foi en affaires ou la convention existante (A. MACALUSO, L. MOREILLON, N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale, n. 43 ad art. 138 CP.

Du point de vue subjectif, l'auteur doit agir intentionnellement, avec le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, qui peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 consid. 2a).

4.3.       Se rend coupable de contrainte, au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Selon cette disposition, les moyens de contrainte utilisés à l’endroit d’une personne doivent avoir obligé cette dernière à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte, et cela, contre sa volonté (ATF 101 IV 167 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 22 ad art. 181).

La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 120 IV 17 consid. 2a/aa).

4.4.       En l'espèce, il est admis par les parties et établi par la procédure que plusieurs litiges opposent les héritiers de feu C______, lesquels subsistent à ce jour. Il ne ressort en effet pas du dossier qu'une décision finale aurait été rendue s'agissant du partage de la succession, ainsi que sur la validité et l'applicabilité des différents testaments existants.

Sous l'angle de l'abus de confiance, s'il n'est pas contesté que les valeurs patrimoniales constituent des choses confiées à la mise en cause, afin qu'elle les gère dans l'intérêt de l'ayant droit économique, la recourante échoue toutefois à démontrer que la banque aurait agi contrairement à ses intérêts et que le but poursuivi par celle-ci serait illicite. En effet, en l'absence de décision exécutoire ordonnant à l'établissement bancaire d'effectuer un virement en faveur de la recourante, il ne saurait être reproché à la première d'avoir adopté une attitude conservatrice afin d'éviter tout dommage envers les héritiers jusqu'à droit connu sur le litige successoral. Dans ce sens, elle refusait également de verser aux enfants [de] C______ la moitié des avoirs se trouvant sur le compte, ne favorisant ainsi aucun héritier au détriment des autres.

Que le Tribunal civil et la Cour de justice aient estimé que le blocage de la totalité des biens se trouvant sur le compte bancaire constituait un "séquestre déguisé" n'y change rien, puisque ces autorités ne se sont pas prononcées sur le montant qui reviendrait à chacun, mais se sont contentées d'indiquer que la succession du compte litigieux devrait "vraisemblablement" être réglée à l'aune de l'un des testaments. Contrairement à ce que soutient la recourante, elles ne se sont aucunement prononcées sur le partage de la succession et n'ont pas tranché quelle part appartiendrait "de plein droit" à cette dernière.

Au contraire, le partage du compte bancaire fait l'objet d'une procédure civile (C/2______/2022) toujours pendante. Ainsi, sans décision finale lui ordonnant de verser un montant déterminé en faveur de l'un ou l'autre des héritiers, la mise en cause ne pouvait agir autrement qu'en conservant les avoirs litigieux, faute d'accord de tous les héritiers, sauf à courir le risque de voir sa responsabilité engagée.

Il n'appartient en effet pas aux autorités pénales de décider si la créance de la recourante est fondée ou non, cette question relevant exclusivement de la compétence des juridictions civiles.

Il en va de même du montant de USD 529'583.90 versé par les trusts sur le compte joint, pour lequel il appartiendra au Tribunal civil, dans le cadre de la demande en paiement déposée par la recourante, de déterminer s'il devra être reversé à cette dernière ou s'il conviendra d'attendre l'issue des litiges successoraux.

À titre superfétatoire, aucun enrichissement illégitime n'est à déplorer, ni n'est allégué en faveur de la banque ou de tiers, puisque les montants concernés se trouvent toujours à disposition sur le compte bancaire et que la mise en cause a refusé d'en remettre la moitié aux enfants [de] C______ sans l'accord de la recourante.

Faute de prévention pénale suffisante, c'est ainsi à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur l'infraction d'abus de confiance.

Il en va de même s'agissant de l'infraction de contrainte.

En effet, la recourante soutient que le refus de la banque d'exécuter ses instructions entraverait gravement sa liberté de disposer de ses avoirs. Or, comme cela ressort des considérations qui précèdent, il convient de rappeler qu'aucune décision finale n'a été rendue s'agissant des modalités de partage de la succession. La banque ne dispose ainsi pas d'une décision lui permettant de connaître le montant à verser aux différents héritiers. Rien au dossier ne permet en outre de retenir que le refus de la banque de lui verser la moitié des avoirs litigieux sans l'accord de tous les héritiers l'aurait placée dans une position financièrement délicate, ce qu'elle ne soutient au demeurant pas. Elle a, de plus, été en mesure d'initier différentes procédures judiciaires, devant plusieurs instances, afin de faire valoir ses droits, dont elle n'est donc pas privée.

Ainsi, faute de prévention pénale suffisante, c'est à bon droit que le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur les infractions dénoncées et aucune mesure d'instruction ne paraît être à même de modifier ce constat.

Enfin, faute pour une infraction pénale d'être retenue, il en va de même, a fortiori, s'agissant d'une éventuelle participation accessoire qui ne peut que dépendre de l'existence d'un auteur principal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12575/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2000.00