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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17210/2021

ACPR/843/2024 du 13.11.2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;MOTIVATION DE LA DÉCISION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);MENACE(DROIT PÉNAL);CALOMNIE;PROPORTIONNALITÉ;SOUPÇON;SCELLÉS;SPHÈRE SECRÈTE
Normes : CPP.393.al1.leta; CPP.382.al1; Cst; CPP.197; CPP.263; CPP.264; CP.180; CP.174

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17210/2021 ACPR/843/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 13 novembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre le mandat d’actes d’enquête du 11 juin 2024 et la lettre du 16 juillet suivant, tous deux rédigés par le Ministère public, d'une part, ainsi que contre l'ordonnance de refus de levée de séquestre rendue le 24 juillet 2024 par le Ministère public, d'autre part,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. Par acte expédié le 22 juillet 2024, A______ recourt contre le mandat d'actes d'enquête du 11 juin 2024, porté à sa connaissance le 10 juillet 2024, et la lettre du 16 juillet 2024, communiqué par pli simple, par lesquels le Ministère public a, d'une part, chargé la police de procéder à l'analyse du matériel saisi, remis le jour même, ainsi que d'établir un rapport, et d'autre part, considéré que rien ne s'opposait à cette analyse dans son ensemble, autorisant néanmoins le recourant à transmettre des mots-clés au policier chargé de l'enquête.

Le recourant conclut, sous suite de frais, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif, à la suspension, puis à l'interdiction de toute extraction ou exploitation de données contenues dans les objets séquestrés, à l'interdiction de toute transmission de données qui auraient déjà été extraites, à la mise sous scellés de telles données, et à la fixation d'un délai au Ministère public pour rendre une décision formelle à la suite de sa demande de levée de séquestre. Il conclut, principalement, à la levée du séquestre et à la restitution, en ses mains, de l'ensemble des biens séquestrés; subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de procéder à une analyse "exclusivement" par mots-clés et expressions-clés, en lien avec ceux contenus dans les lettres anonymes litigieuses, ainsi qu'à la constatation de la violation de l'art. 264 CPP.

a.b. Par ordonnance du 24 juillet 2024, la Direction de la procédure de la Chambre de céans a accordé l'effet suspensif sollicité (OCPR/41/2024).

b.a. Par acte expédié le 5 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 juillet 2024, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de lever le séquestre ordonné le 12 décembre 2022.

Le recourant conclut, sous suite de frais, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif et à la jonction du présent recours à celui du 22 juillet 2024; principalement, à la levée du séquestre et à la restitution, en ses mains, de l'ensemble des biens séquestrés. Il conclut, subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de procéder à une analyse par mots-clés et expressions-clés contenus dans les lettres anonymes litigieuses, ainsi qu'aux constats de la violation de l'art. 264 CPP, du principe de la bonne foi et de son droit d'être entendu.

b.b. Par ordonnance du 7 août 2024, la Direction de la procédure de la Chambre de céans a rejeté l'effet suspensif sollicité (OCPR/42/2024).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par lettre du 26 avril 2021, C______ a déposé plainte contre inconnu, en lien avec la réception, depuis le 7 décembre 2020, de nombreuses lettres anonymes au contenu menaçant.

b. Entendue par la police le 6 mai 2021, elle a expliqué qu'un conflit l'opposait, elle et son mari, à A______ depuis 2012, pour une affaire ayant trait à la direction d'une entreprise.

c. Par ordonnance de non-entrée en matière du 10 septembre 2021, le Ministère public a retenu qu'il ne disposait pas d'élément susceptible d'orienter des soupçons sur un potentiel auteur de lettres anonymes.

d. Le 16 novembre 2021, C______ et son époux ont transmis au Ministère public des lettres du 21 septembre 2021, envoyées par A______ à leurs voisins, dans lesquelles il les accusait de déployer des "activités criminelles en col blanc" pour des montants dépassant "plusieurs millions de francs suisses".

e. Le 15 décembre 2021, le Ministère public a ordonné la reprise de la procédure préliminaire, considérant qu'à teneur des nouveaux éléments apportés par les époux C______/D______, A______ pourrait être l'auteur des lettres anonymes menaçantes ayant fait l'objet de l'ordonnance de non-entrée en matière du 10 septembre 2021.

f. Le 12 décembre 2022, le Ministère public a rendu une ordonnance de séquestre et de perquisition.

g. Le 21 février 2023, la police a procédé à la perquisition du domicile de A______.

Elle a ensuite auditionné le précité, qui a admis avoir envoyé trois courriers aux voisins des époux C______/D______ dans le but de "provoquer la famille" contre qui il était en conflit. Il n'était toutefois pas l'auteur des lettres anonymes. Ces dernières avaient été imprimées avec une imprimante laser tandis que celle qu'il détenait à l'époque et celle saisie par la police étaient munies d'un jet d'encre.

Au terme de son audition, A______ a fourni les codes d'accès des appareils électroniques saisis lors de la perquisition, reçu copie de l'ordonnance de séquestre et de perquisition du 12 décembre 2022 et signé l'inventaire des pièces séquestrées, comprenant deux téléphones portables, deux ordinateurs, une imprimante, un lot de lettres à son nom et un classeur (inventaire no. 1______ du 21 février 2023).

h. Le 2 mars 2023, A______ a notamment sollicité la mise sous scellés des données contenues dans ses appareils électroniques et de tout autre document séquestrés, conformément à l'art. 248 cum 264 CPP.

i. En parallèle, il a, le 3 mars 2023, recouru contre l'ordonnance de séquestre et de perquisition précitée. Son recours contre la décision qui précède a été rejeté le 6 avril 2023 par arrêt ACPR/257/2023 de la Chambre de céans. Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.

j. Le Ministère public a déposé, le 4 mars 2023, une demande de levée de scellés.

k. Par ordonnance du 13 avril 2023, le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a déclaré irrecevable la demande de mise sous scellés de A______ – pour cause de tardivité – et a levé les scellés sur les objets saisis le 21 février 2023, lesquels devaient être transmis au Ministère public à l'échéance du délai de recours ou en cas de confirmation de ladite décision. Il y est précisé que cette décision est définitive (art. 248 al. 3 CPP).

Le recours interjeté par A______ contre cette décision a été écarté par le Tribunal fédéral dans son arrêt 7B_48/2023 du 29 janvier 2024.

l. Le 8 février 2024, le TMC a, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral précité, remis au Ministère public l'ensemble des objets figurant à l'inventaire du 21 février 2023.

m. Par pli du 9 février 2024, A______ a sollicité du Ministère public qu'aucune exploitation ou consultation des données, contenues dans les appareils électroniques et de tout autre document séquestrés, ne soient entreprises, en application de l'art. 264 CPP, avant qu'il n'ait été procédé à son audition sur ce point; requête acceptée par "n'empêche" du Procureur du 26 février 2024.

n. Le 30 avril 2024, une audience de confrontation s'est tenue devant le Ministère public. A______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il a admis avoir envoyé les lettres signées de sa plume. Ses lettres n'étaient pas menaçantes et, selon lui, leur contenu était véridique. Il n'était pas au courant de l'existence de lettres anonymes et ne voyait aucun lien avec les missives qu'il avait lui-même envoyées.

Le matériel informatique saisi, à savoir les pièces 1 à 4 et 7 de l'inventaire du 21 février 2023, contenait des informations soumises à des secrets légaux (avocats, médecins, consulats) ou strictement personnelles qui n'avaient rien à voir avec la présente procédure. Les éléments papiers, figurant sous pièces 5 et 6 de l'inventaire précité, contenaient également des informations personnelles et/ou couvertes par différents secrets, étant précisé que ceux figurant sous pièce 5 comprenaient des éléments pertinents pour l'enquête, à savoir les lettres non-anonymisées envoyées. Lors de la perquisition et de son audition à la police qui s'était ensuivie, il n'avait pas compris qu'il pouvait s'opposer à la perquisition de certaines données.

Les époux C______/D______ ont confirmé leur plainte.

o. Le 15 mai 2024, A______ a produit l'intégralité des lettres qu'il admet avoir expédiées, lesquelles se trouvaient également sous pièce 5 de l'inventaire du 21 février 2023. Il a versé à la procédure la quittance d'achat de l'imprimante [de marque] E______ figurant sous pièce 7 dudit inventaire, laquelle a été acquise le 30 avril 2022, soit après les faits à instruire.

Par ailleurs, il a sollicité la levée du séquestre, lequel était disproportionné, et la restitution de la totalité des biens saisis. Si le séquestre devait néanmoins être maintenu, il sollicitait sa participation au tri des pièces, dont la majorité étaient "absolument insaisissables au sens de l'art. 264 CPP".

p. Par lettre du 31 mai 2024, les époux C______/D______ ont requis du Ministère public la délivrance d'un mandat d'actes d'enquête visant à faire analyser "l'intégralité des données saisies et séquestrées". La demande du prévenu cherchant à soustraire certaines données de cette analyse, lesquelles seraient couvertes par divers secrets ou relèveraient de sa vie privée, n'avait d'autre but que de contourner le caractère irrecevable de sa requête de mise sous scellés et de faire obstacle à la manifestation de la vérité, en écartant des éléments de preuve utiles.

C. a.a. Par le mandat querellé, le Ministère public charge la police de procéder à l'analyse du matériel saisi, remis le jour même, et d'établir un rapport. Sous la rubrique "infraction(s)", il est écrit: "art. 174 et 180 CP".

a.b. Dans sa missive du 16 juillet 2024, le Procureur informe le prévenu que rien ne s'opposait à l'analyse des données dans leur ensemble, autorisant néanmoins l'intéressé à transmettre des mots-clés au policier chargé de l'enquête.

b. Dans l'ordonnance de refus de levée de séquestre querellée, le Ministère public retient que ni les soupçons initiaux à l'égard du prévenu, qui conteste être l'auteur des lettres anonymes, ni la vraisemblance que des éléments de preuve puissent être retrouvés par le biais des objets séquestrés, en particulier le matériel informatique, ne s'étaient amoindris depuis l'arrêt ACPR/257/2023 rendu le 6 avril 2023 par la Chambre de céans. Le séquestre demeurait ainsi nécessaire et utile à la manifestation de la vérité, tout en étant proportionné.

S'agissant de la protection des secrets allégués, le Tribunal fédéral avait statué par arrêt 7B_48/2023 du 29 janvier 2024 sur la procédure de mise sous scellés. Par ailleurs, l'audience du 30 avril 2024 et les déterminations du prévenu à ce propos n'avaient apporté aucun élément imposant de renoncer à l'analyse et à l'exploitation de l'intégralité des pièces et données saisies.

D. a. Dans son premier recours, A______ se plaint d'abord de n'avoir appris l'existence du mandat querellé que lors de sa consultation du dossier le 10 juillet 2024.

À la forme, le mandat querellé et le courrier subséquent du Ministère public étaient des décisions sujettes à recours, s'agissant d'actes de procédure correspondant matériellement à un refus de procéder à un tri pour protéger des données soumises au secret, voire à un refus de levée de séquestre.

Il invoque ensuite un déni de justice en tant que sa demande de levée de séquestre du 15 mai 2024 n'avait pas fait l'objet d'une réponse formelle de la part de l'autorité intimée.

Sur le fond, il s'oppose à l'analyse complète du matériel saisi. Les décisions querellées violaient l'art. 264 CPP, dont la Direction de la procédure devait garantir le respect d'office. Une obligation d'effectuer un tri s'imposait donc.

Enfin, à bien le comprendre, le séquestre ne respectait ni les conditions légales ni le principe de la proportionnalité et s'apparentait à une "fishing expedition" prohibée. Cette mesure devait donc être levée.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

À la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, confirmant l'ordonnance du TMC qui déclarait irrecevable la demande de mise sous scellés du recourant et prononçait la levée des scellés y afférant, l'utilité potentielle de l'ensemble des pièces transmises par cette dernière autorité était déjà acquise. Néanmoins, il avait entendu les parties sur la violation de l'art. 264 CPP alléguée par le recourant et avait estimé, à cette suite, que rien ne s'opposait à l'exploitation de l'ensemble des pièces saisies.

Le mandat querellé était nécessaire à la recherche de la vérité, le prévenu persistant à nier être l'auteur des lettres anonymes litigieuses. Enfin, l'analyse ordonnée visait la recherche de toute information pertinente en lien avec les faits reprochés et non une recherche indéterminée de preuves. Le principe de la recherche de la vérité devait ainsi l'emporter sur les secrets allégués mais non établis en l'espèce.

Par ailleurs, le dossier était complet.

c. A______ réplique et persiste dans ses conclusions.

L'autorité intimée n'ayant pas défini l'étendue de la recherche à effectuer par la police, le mandat querellé visait bien l'ensemble des données séquestrées et s'apparentait donc à une "fishing expedition".

Finalement, il regrettait "les silences" du Ministère public.

E. a. Dans son second recours, A______ se réfère principalement aux arguments développés dans son premier acte.

Pour le surplus, il reproche à l'autorité intimée d'avoir violé son droit d'être entendu, celle-ci ne disant mot, dans cette décision, ni sur la possibilité de procéder à une analyse des données par mots-clés, tel qu'il l'avait requise, ni sur la pertinence d'exploiter les données de l'imprimante alors qu'il avait démontré l'avoir acquise après les faits, ce qui contrevenait également au principe de la bonne foi.

b. À réception de ce recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. Le recourant a déposé deux recours dirigés contre trois décisions distinctes. Ces actes émanent de la même personne, concernent la même procédure et sont principalement fondés sur les mêmes griefs.

Par conséquent, il se justifie, par économie de procédure, de les joindre et de les traiter par un seul arrêt.

I. Premier recours

2.      2.1. Le premier recours a été interjeté selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CP).

2.2. Il convient toutefois d’examiner si le recours est ouvert contre les actes visés et si le recourant dispose, à cet égard, d'un intérêt juridiquement protégé à agir.

2.2.1. À teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est recevable, en particulier, contre les décisions et les actes de procédure du Ministère public.

Ces décisions et ces actes doivent cependant concerner ou plutôt toucher les parties à la procédure; il n'est en effet pas possible de recourir contre un mandat de délégation du Ministère public à la police au sens des art. 309 al. 2 et 312 CPP, puisqu'il s'agit d'un acte intervenant exclusivement entre autorités (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, Bâle 2016, 2ème éd., n. 8 ad art. 393 et les références citées).

2.2.2. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, a qualité pour recourir toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision. Cet intérêt doit être actuel et pratique ; il doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_766/2016 du 4 avril 2017 consid. 1.2).

2.2.3. Le recourant, quel qu'il soit, doit être directement atteint dans ses droits et doit établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut, par conséquent, en déduire un droit subjectif. Il doit en outre avoir un intérêt à l'élimination de cette atteinte, c'est-à-dire à l'annulation ou à la modification de la décision dont provient l'atteinte (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 382). L'intérêt doit être juridique et direct, le but étant de permettre aux tribunaux de ne trancher que des questions concrètes et de ne pas prendre des décisions uniquement théoriques. L'intérêt juridiquement protégé se distingue de l'intérêt digne de protection qui n'est pas, lui, nécessairement juridique mais peut aussi être un pur intérêt de fait ; ce dernier ne suffisant pas à fonder une qualité pour recourir. Ainsi, l'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt futur ne suffit pas (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, Bâle 2016, 2ème éd., n. 2 ad art. 382 CPP et les références citées).

Le recours d'une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision est en principe irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2012 du 12 mars 2013 consid. 2.3.1).

2.2.4. En l'occurrence, le recourant soutient que le mandat d'actes d'enquête et la lettre subséquente querellés contiennent un refus de procéder à un tri parmi les données contenues dans le matériel saisi, lesquelles sont soumises, entre autres, au secret de l'avocat, de sorte qu'il disposerait d'un intérêt juridique à recourir contre ceux-ci.

Il perd toutefois de vue que ces actes font suite à l'arrêt du Tribunal fédéral mettant un terme à la procédure de scellés, dans le cadre de laquelle il s'était précisément opposé au séquestre de l'ensemble des données contenues dans le matériel saisi, en faisant valoir son droit de refuser de déposer ou d'autres motifs au sens de l'art. 264 CPP; motifs qu'il reprend une nouvelle fois aujourd'hui.

L'ordonnance de levée des scellées ayant été confirmée par l'arrêt précité, le TMC a transmis l'intégralité du matériel séquestré au Ministère public qui a ensuite – par le mandat querellé – chargé la police de procéder à son analyse et d'établir un rapport.

Il s'ensuit que cet acte se borne à mettre en œuvre la décision de levée des scellés rendue par le TMC, contre laquelle le recourant a d'ores et déjà pu recourir. Ce dernier n'invoque, de plus, aucun élément nouveau depuis l'entrée en force de l'arrêt du Tribunal fédéral. Le mandat querellé n'emporte dès lors aucune nouvelle atteinte à la situation juridique de l'intéressé, lequel a pu faire valoir ses griefs dans le cadre de la procédure de scellés désormais close. On ne voit pas – et le recourant ne l'explique pas – au nom de quoi un tri devrait être opéré maintenant, alors qu'il a perdu la protection de l'art. 248 CPP. Cet acte de procédure ne saurait ainsi être assimilé à une décision sujette à recours, faute pour le recourant d'avoir démontré disposer d'un intérêt lui conférant la qualité pour recourir. Il en va de même du courrier subséquent du Ministère public, qui s'en tient à confirmer au recourant le contenu du mandat précité.

Partant, le recours est irrecevable en tant qu'il vise le mandat d’actes d’enquête décerné le 11 juin 2024 par le Ministère public et la lettre de cette autorité du 16 juillet suivant.

En tout état, le recourant pourra, le cas échéant, soumettre la question de la légalité – et de l'exploitabilité – des moyens de preuve au juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité dont il peut être attendu qu'elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1).

2.3. Le recourant se plaint également d'un déni de justice, le Ministère public n'ayant pas donné suite à sa demande de levée du séquestre.

2.3.1. Si un tel grief est formulable en tout temps (art. 396 al. 2 CPP), le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique au traitement de son recours, lequel doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (art. 382 CPP; ATF 137 I 296 consid. 4.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_766/2016 du 4 avril 2017 consid. 1.2). Lorsque l'autorité rend une décision alors qu'un recours pour déni de justice est pendant, le recourant ne dispose, en principe, plus d'un intérêt actuel à faire constater le prétendu déni (arrêts du Tribunal fédéral 5A_670/2016 du 13 février 2017 consid. 2 ; 5A_709/2016 du 30 novembre 2016 consid. 4.2). Si l'intérêt juridique disparaît en cours de procédure, le litige est déclaré sans objet, et la cause radiée du rôle (ATF 118 Ia 488 consid. 1a ; ACPR/19/2017 du 18 janvier 2017).

2.3.2. En l'espèce, le Procureur a donné suite à sa demande, puisqu'il a rendu le 24 juillet 2024, soit postérieurement au dépôt du recours, une ordonnance de refus de lever le séquestre en cause. Le recourant n'a dès lors plus d'intérêt actuel et pratique à la constatation d'un éventuel déni de justice, même si le Procureur n'a pas statué dans le sens qu'il attendait et qu'un recours a été interjeté contre cette décision.

Le recours est dès lors sans objet sur cet aspect.

2.4. Le recourant conclut, pour le surplus, à ce que la Chambre de céans prononce la levée du séquestre et ordonne la restitution en ses mains de l'ensemble des biens séquestrés.

Or, au moment du dépôt du premier recours, le Ministère public n'avait pas rendu de décision préalable, sujette à recours, sur ces points.

Telles conclusions sont donc irrecevables (art 393 al. 1 let. a CPP).

3. Partant, le premier recours est irrecevable dans son intégralité.

II. Second recours

4. Cet acte est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai utiles (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de refus de levée de séquestre, décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_34/2014 du 15 avril 2014 consid. 2), et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé.

5. Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, faute de motivation de la décision.

5.1. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4; 146 II 335 consid. 5.1), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1127/2023 du 10 juin 2024 consid. 1.1). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).

5.2. En l'espèce, la motivation de l'ordonnance querellée, bien que succincte, expose les raisons qui ont conduit le Ministère public à retenir que les conditions d'une levée de séquestre n'étaient pas réunies.

Une telle motivation permettait, dès lors, au recourant de comprendre la décision et de la contester dans le cadre de son recours, ce qu'il a fait.

Le grief est dès lors infondé.

6. Le recourant invoque une violation du principe de la bonne foi, notamment au motif que le Ministère public aurait laissé entendre que le séquestre de l'imprimante serait exclu s'il en produisait la quittance démontrant son acquisition après les faits à instruire.

6.1. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental de toute personne d’être, dans ses relations avec l'État, traitée sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi, tel que consacré à l'art. 9 Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 p. 53). Le principe de la bonne foi est également concrétisé en procédure pénale à l'art. 3 al. 2 let. a CPP (ATF
144 IV 189 consid. 5.1; 143 IV 117 consid. 3.2).

Selon ce principe constitutionnel, toute autorité doit s'abstenir de procédés déloyaux et de comportements contradictoires (ATF 111 V 81 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 1B_640/2012 du 13 novembre 2012 consid. 3.1 et les arrêts cités; 6B_481/2009 du 7 septembre 2009 consid. 2.2; ACPR/336/2012 du 20 août 2012). À certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances précises qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces dernières (ATF 128 II 112 consid. 10b/aa; 118 Ib 580 consid. 5a). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1; 126 II 377 consid. 3a et les références citées; ACPR/125/2014 du 6 mars 2014).

6.2. En l'occurrence, le Ministère public s'est limité à solliciter du recourant la production de la quittance de son imprimante, afin de déterminer si celle-ci avait été acquise après les faits à instruire. Il va de soi que cela ne l'engageait pas, une fois la quittance produite, à lever d'emblée et sans autre vérification le séquestre sur cet objet. Le recourant n'allègue au demeurant pas avoir pris des dispositions spéciales ni avoir subi de préjudice à cet égard.

Dans ces circonstances, aucune violation des art. 3 al. 2 let. a et b CPP, 5 al. 3 et 9 Cst. ne saurait être reprochée à l'autorité précédente.

Il s'ensuit que le grief, infondé, doit être rejeté.

7. Le recourant conteste le maintien du séquestre, au motif que les conditions le justifiant ne sont plus réunies et, à bien le comprendre, qu'il violerait l'art. 264 CPP.

7.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

7.2. Le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers figure au nombre des mesures prévues par la loi. Il peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (art. 263 al. 1 let. a CPP), seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b) devront être restitués au lésé (let. c), devront être confisqués (let. d) ou pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP).

Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107 et les références citées). Comme cela ressort de l'art. 263 al. 1 CPP, une simple probabilité suffit car la saisie se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 63 et les références citées).

Ainsi, au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l'appréciation du juge. On exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien de la mesure (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 17/22 ad art. 263).

7.3. À teneur de l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal a l'obligation de lever la mesure et de restituer les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. Le séquestre ne peut être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; 139 IV 250 consid. 2.1).

7.4. Selon l'art. 264 al. 1 CPP, quels que soient l’endroit où ils se trouvent et le moment où ils ont été conçus, ne peuvent être séquestrés : les documents concernant des contacts entre le prévenu et son défenseur (let. a); les documents personnels et la correspondance du prévenu, si l’intérêt à la protection de la personnalité prime l’intérêt à la poursuite pénale (let. b); les objets et les documents concernant des contacts entre le prévenu et une personne qui a le droit de refuser de témoigner en vertu des art. 170 à 173 CPP, si cette personne n’a pas le statut de prévenu dans la même affaire (let. c); et les objets et les documents concernant des contacts entre une autre personne et son avocat, si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice en vertu de la LLCA (RS 935.61) et n’a pas le statut de prévenu dans la même affaire.

L'art. 264 al. 3 CPP précise que si un ayant droit s’oppose au séquestre d’objets ou de valeurs patrimoniales en faisant valoir son droit de refuser de déposer ou de témoigner ou pour d’autres motifs, les autorités pénales procèdent conformément aux dispositions régissant la mise sous scellés.

7.5. En l'espèce, il n'y a pas lieu de s'écarter des considérants du précédent arrêt de la Chambre de céans, qui restent d'actualité et auxquels il sera renvoyé.

En effet, depuis ce prononcé, le recourant a maintenu – en audience de confrontation – ne pas être l'auteur des lettres anonymes de menaces envoyées aux plaignants tout en admettant être en conflit ouvert avec ceux-ci et avoir adressé à leurs voisins des missives les accusant de déployer des "activités criminelles en col blanc", dont il estimait leur contenu véridique.

La volonté déclarée du recourant de "provoquer" les intéressés et la similarité des procédés utilisés pour faire passer un message permettent encore de nourrir des soupçons contre lui. Qu'il ait produit une quittance d'achat d'une imprimante ne permet, en tout état, pas de nier, d’emblée et sans autre vérification, l’existence de soupçons suffisants à son égard, ce d'autant que ce document se fonde essentiellement sur la version des faits proposée par le recourant lui-même.

Dans ces circonstances, il apparaît toujours vraisemblable que des éléments de preuve puissent être retrouvés par le truchement des objets séquestrés, en particulier le matériel informatique, dont l'analyse a été ordonnée. La démarche s'avère, en outre, nécessaire puisque le recourant, bien que ne cachant pas ses intentions à l'égard des plaignants, nie être l'auteur des lettres anonymes.

L’argument fondé sur la violation de l'art. 264 CPP et la non-pertinence des données saisies tombe d’autant plus à faux que le recourant a d'ores et déjà fait usage de la possibilité de demander des scellés, lesquels ont fait l'objet d'une décision de levée par le TMC, confirmée par le Tribunal fédéral. Il n'a, au demeurant, pas établi que le matériel saisi pouvait contenir des données couvertes par les divers secrets allégués, celui-ci se limitant à des affirmations toutes générales.

Il ne saurait, par ailleurs, être suivi lorsqu'il affirme que le séquestre s'apparenterait à une "fishing expedition" prohibée, dès lors que l'analyse ordonnée tend à la recherche de toute information pertinente en lien avec les faits reprochés, le mandat d'actes d'enquête décerné le 11 juin 2024 par le Ministère public visant expressément les infractions aux 174 et 180 CP.

Il résulte de ce qui précède que le séquestre demeure nécessaire et utile à la manifestation de la vérité, tout en étant proportionné. Partant, il n'existe en l'état aucun nouvel élément significatif justifiant de lever le séquestre litigieux.

8. Justifiée, l'ordonnance du 24 juillet 2024 querellée sera donc confirmée. Le second recours, qui s'avère mal fondé, pouvait ainsi être traité d'emblée sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

9. Le recourant, qui succombe intégralement, supportera les frais de la procédure afférents aux deux recours, fixés en totalité à CHF 1'600.-, soit CHF 800.- par recours (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

10. L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Déclare le premier recours irrecevable.

Rejette le second recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17210/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'515.00

Total

CHF

1'600.00