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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22727/2023

ACPR/699/2024 du 30.09.2024 sur ONMMP/4533/2023 ( MP ) , REJETE

Normes : CPP.310; CP.217

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22727/2023 ACPR/699/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 30 septembre 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 14 novembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 novembre 2023, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés dans sa plainte du 17 octobre 2023.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public afin qu’il ouvre une instruction dans la procédure P/22727/2023.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 800.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, née en 1970, et B______, né en 1954, mariés et sans enfant, se sont séparés dans le courant de l'année 2020. L’épouse a introduit, le 14 juillet 2022, une demande de mesures protectrices de l'union conjugale devant le Tribunal de première instance (ci-après : le tribunal), concluant notamment à ce que son époux soit condamné à lui verser CHF 36'560.- par mois dès le 1er avril 2022, date à partir de laquelle il aurait cessé de pourvoir à son entretien.

b. B______ est atteint de la maladie de Parkinson, diagnostiquée en 2020, avec une dégradation progressive de son état de santé. Ses fils issus d’un précédent mariage, C______ et D______, ont été désignés aux fonctions de curateurs, de même que ME______, autorisé à plaider et à transiger pour lui, notamment dans la présente procédure, selon extension du 20 octobre 2023.

c. B______ a perçu de son activité, jusqu'au 31 décembre 2021, un montant annuel net de CHF 236'684.-. Depuis lors, il reçoit une rente AVS/AI, d'un montant de CHF 2'450.00 en 2023. La mise en location de divers biens immobiliers lui appartenant lui rapporte CHF 1'111.- nets par mois. Il possède également un studio de 41.20 m2 à l'entresol d’un immeuble sis à F______ [GE], qu'il n'occupe pas ni ne loue. Il dispose par ailleurs d’une confortable fortune mobilière.

d. A______, sans activité lucrative depuis 2007, retire d’appartements qu’elle possède un revenu mensuel supérieur à CHF 4'200.-. Elle détient un portefeuille d'actions, estimé à quelques CHF 130'000.- en juin 2022, et différents objets de luxe d’une valeur non établie.

e. Par jugement du 13 septembre 2023, le tribunal, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a attribué à A______ la garde exclusive des sept chats du couple et condamné B______ à lui verser CHF 5'100.- par mois à titre de contribution à son entretien, avec effet rétroactif au 1er avril 2022. Les époux A______/B______ ont tous deux interjeté appel contre ce jugement.

f. Le 22 septembre 2023, le conseil de A______ a mis en demeure B______ de lui verser, avant le 26 du même mois, CHF 96'900.-, et de veiller au paiement mensuel de CHF 5'100.- dès le 1er novembre 2023.

g. B______ a requis la suspension du caractère exécutoire des obligations alimentaires fixées par le tribunal. Par arrêt du 25 octobre 2023, la Cour a admis cette requête en tant qu’elle concernait la période antérieure au 13 septembre 2023 et l’a rejetée pour le surplus.

h. A______ a déposé plainte pénale contre B______ le 17 octobre 2023, lui reprochant de ne pas avoir respecté le jugement du tribunal, qu’elle dit exécutoire, et vise la période du 1er avril 2022 au jour du dépôt de sa plainte.

C. Les époux plaident par ailleurs en divorce et sont notamment en litige au sujet de la répartition de la LPP de B______. Ce dernier a requis un versement en capital et ne dispose en conséquence, actuellement, ni de rente ni de revenu provenant de cette fortune.

D. Dans sa décision querellée, agissant selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le Ministère public a retenu qu'à la date du dépôt de la plainte pénale, la question du caractère exécutoire du litige était pendante devant la Cour de justice et n’avait été tranchée qu’ultérieurement. L'effet suspensif accordé pour l'essentiel des versements en cause, soit pour l'arriéré, devait conduire le Ministère public à refuser d'entrer en matière sur la plainte pénale pour cette période. S'agissant de la pension courante, la plainte pénale avait été déposée avant réception de l'arrêt statuant sur l'effet suspensif de l'appel et il ne pouvait être reproché à B______, dans ce contexte, de ne pas avoir commencé à verser quoi que ce soit jusqu'à réception dudit arrêt. Il n’y avait par conséquent pas lieu non plus d’entrer en matière pour la pension courante, étant pour le surplus relevé que l'intérêt à punir serait, si une infraction pouvait être retenue, absolument négligeable.

E. a. À l'appui de son recours, A______ invoque la violation des art. 310 al. 1 let. a CPP et 217 CP. La violation de l’obligation d’entretien était réalisée à partir du moment où B______ n’avait pas payé la contribution à laquelle il avait été condamné dès septembre 2013 et il était incompréhensible que le Ministère public ne soit pas entré en matière au motif que l’intérêt à punir serait absolument négligeable, alors qu’elle l’estimait réel. Aucune exception ne pouvait être prise en compte et l’abandon par les autorités pénales ne ferait qu’instiguer d’autres personnes à poursuivre leurs agissements illégaux. Au regard du principe in dubio pro duriore, l’ordonnance querellée violait l’art. 310 CPP et devait être annulée.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public a déclaré s’en tenir à la motivation de son ordonnance.

c. La recourante n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante critique la décision du Ministère public de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a. CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut.

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 310 ; DCPR/104/2011 du 11 mai 2011).

2.2. L'art. 217 CP punit, sur plainte, quiconque ne fournit pas les aliments ou les subsides qu'il doit en vertu du droit de la famille, quoiqu'il en ait les moyens ou puisse les avoir.

D'un point de vue objectif, l'obligation d'entretien est violée lorsque le débiteur ne fournit pas intégralement, à temps et à disposition de la personne habilitée à la recevoir, la prestation d'entretien qu'il doit en vertu du droit de la famille (arrêts du Tribunal fédéral 6B_714/2019 du 22 août 2019 consid. 2.2; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 4.1 et la référence citée).

Sur le plan subjectif, l'infraction réprimée par l'art. 217 CP doit être commise intentionnellement. Le dol éventuel suffit. L'intention de ne pas payer le montant dû sera en règle générale donnée si l'obligation a été fixée dans un jugement ou une convention car elle sera alors connue du débiteur (ATF 128 IV 86 consid. 2b p. 90).

Lorsque le montant de la contribution d'entretien a été fixé dans le dispositif d'un jugement civil valable et exécutoire, le juge pénal appelé à statuer en application de l'art. 217 CP est lié par ce montant (ATF 106 IV 36 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2017 du 12 avril 2018 consid. 6.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 4.1 ; 6B_739/2017 du 9 février 2018 consid. 2.1 ; 6B_519/2017 du 4 septembre 2017 consid. 3.2 ; 6B_1017/2016 du 10 juillet 2017 consid. 2.2).

3.             En l’espèce, la plainte a été déposée sitôt après la décision du tribunal et sans précision des montants dus, alors que trois semaines auparavant, la plaignante réclamait CHF 96'900.- En outre, elle se prévaut du caractère exécutoire de la décision sur laquelle elle s’appuie, alors qu’elle ne pouvait ignorer l’existence d’un appel portant notamment sur cette question. Or, celle-ci n’a été tranchée qu’après le dépôt de la plainte et la décision de la Cour exclut la réalisation d’une violation d’obligation d’entretien avant le 13 septembre 2023. Considérant au surplus que la plaignante ne visait, dans sa mise en demeure du 23 septembre 2023 que novembre 2023 pour le paiement de CHF 5'100.-, l'élément subjectif de l'infraction ne pouvait être réalisé pour celui-ci. La décision du Ministère public, fondée sans l’exprimer en autant de mots sur l’absence de l’élément constitutif subjectif, doit ainsi être confirmée et rend inutile toute considération relative à l’absence d’intérêt à agir et à punir, à supposer la réalisation d’une infraction sur une période pénale aussi restreinte et au regard des circonstances personnelles du débiteur.

4.             Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance querellée doit être confirmée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument fixé en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument fixé en totalité à CHF 800.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Françoise SAILLEN AGAD, juge, Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22727/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00