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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6439/2021

ACPR/647/2024 du 30.08.2024 sur ONMMP/2795/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DIFFAMATION
Normes : CPP.310.al1.leta; CPP.310.al1.letb; CP.173; CP.14

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6439/2021 ACPR/647/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 30 août 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat, Artes Juris, rue de Candolle 34, 1205 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 juin 2024 par le Ministère public,

et

B______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 7 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 juin 2024, notifiée le 26 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte contre B______.

La recourante conclut à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction, avec suite de frais et dépens, comprenant une indemnité de CHF 1'680.-.

b. La recourante, au vu de sa situation financière, a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est la mère de deux enfants, nés en 2001 et 2005. Elle est employée par le C______.

b. Le 18 mars 2021, A______ a déposé plainte auprès du Ministère public contre ses voisines, D______ et sa fille, B______.

En substance, elle reprochait à la première d'avoir subtilisé la clé de sa boîte aux lettres, oubliée par ses enfants sur la serrure de celle-ci, et d'avoir volé, déchiré puis jeté son courrier pendant plus de deux ans. Une connaissance, E______, en avait été témoin. De plus, D______ l'avait dénoncée au Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi) comme étant "toxicomane, alcoolique, dépressive et suicidaire". Une dénonciation similaire était parvenue anonymement au C______. La procédure ouverte par le SPMi avait été classée, mais elle demeurait suspendue de ses fonctions auprès du C______.

Enfin, B______, éducatrice, traitait régulièrement sa fille de 15 ans de "petite conne". Celle-ci avait peur tant de la mère que de la fille. Même F______, fils de D______, les impressionnait par son caractère imprévisible et colérique.

c. Entendue le 25 mai 2022 par la police, D______ a expliqué avoir été amie avec A______. La situation s'était dégradée en 2018. Elle contestait avoir volé le courrier de sa voisine; elle avait seulement trouvé la clé de la boîte aux lettres sur la serrure. Comme toutes deux ne se parlaient plus, elle l'avait déposée au-dessus de ladite boîte.

Sa fille, éducatrice spécialisée, avait constaté certains comportements "bizarres" de A______, qui fumait de la marijuana et consommait des substances illicites en présence de ses enfants. Début 2018, elle-même avait fait appel à la police, car la prénommée avait menacé de se suicider devant ces derniers. B______, qui soupçonnait A______ de "maltraitance par négligence" envers ses enfants en raison de sa consommation de substances illicites et d'alcool, avait alerté le SPMi. Après ladite dénonciation, le SPMi lui avait demandé de rédiger une lettre expliquant les faits; elle s'était exécutée. À la suite de cette missive, A______ avait menacé de lui "pourrir" la vie.

À l'appui de ses déclarations, elle a produit un échange de courriels avec le C______ du 21 janvier 2021, duquel il ressort qu'elle souhaitait signaler une situation "grave et inappropriée au bon déroulement et développement des élèves restant au parascolaire". A______ était une "consommatrice quotidienne de diverses substances illicites, ainsi que d'alcool", qui travaillait sous l'effet de la drogue, et divulguait des informations sur les enfants, ses collègues et la direction sans égard à son secret de fonction. A______ pouvait faire preuve de "beaucoup d'agressivité" et "devenir très violente". Le "nécessaire" avait été fait auprès du SPMi. Elle souhaitait rester anonyme.

d. Entendue par la police le 30 mai 2022, B______ a déclaré connaitre A______ depuis 2017. Elle s'était rendue quelques fois chez elle, lorsque sa mère y était, pour récupérer les clés de leur appartement. Le logement de A______ était "très glauque, insalubre" et il y avait toujours des "morceaux de shit, de la poudre blanche qui [lui] faisait penser à de la cocaïne, des bouteilles d'alcool etc.". Régulièrement, des hommes, qu'elle pensait être des dealers, se rendaient chez sa voisine.

Début 2021, elle avait informé le SPMi du fait que A______ prenait des substances illicites en présence de ses enfants. Elle n'avait pas tenu de propos calomnieux, puisqu'elle avait dit la vérité. Elle n'avait fait que son devoir d'éducatrice spécialisée. À la demande dudit service, elle avait confirmé ses dires par écrit. Elle avait aussi mentionné avoir été témoin, en 2018, d'une tentative de suicide de A______, en présence de ses enfants. Cette dernière avait pris des cachets et s'était enfermée dans la salle de bain, en pleine "détresse psychologique", menaçant de se faire du mal.

Alors qu'il lui était demandé si elle avait quelque chose à ajouter, B______ a déclaré, qu'à maintes reprises, A______ l'avait insultée et menacée, lui disant de "surveiller ses arrières". Quand elle-même et sa mère croisaient l'intéressée, cette dernière hurlait systématiquement. Elle-même aurait eu matière à déposer plainte contre A______ en 2020 ou 2021, pour des vols de jeux vidéo, habits et bijoux, qui avaient disparu de son domicile. Elle ne l'avait pas fait pour éviter tout contact avec cette "mauvaise personne".

e. Entendue par la police, E______ a déclaré ne pas avoir vu D______ voler la clé de la boîte aux lettres de A______, mais l'intéressée lui avait dit l'avoir prise. En sa présence, D______ avait prélevé des plis dans la boîte aux lettres de A______, qu'elle avait ouverts, déchirés puis jetés, dans le but de nuire à sa voisine. Le conflit entre les précitées durait depuis des années.

f. Par ordonnance du 20 avril 2023, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur une partie des faits dénoncés à l'encontre de D______ et de B______, et dit que la procédure suivait son cours pour le surplus à l'encontre de D______.

g. Par ordonnance pénale du 20 avril 2023 entrée en force, D______ a été reconnue coupable de diffamation et condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 70.- avec sursis pour les propos qu'elle avait tenus au C______, sans égard à l'intérêt public et sans autre motif suffisant, ce d'autant que le nécessaire avait déjà été fait auprès du SPMi. Ses propos étaient dénués de nuance et tenus dans l'unique but de nuire à A______, dans un contexte de conflit de voisinage récurrent.

h. Dans un arrêt ACPR/699/2023 du 11 septembre 2023, rendu à la suite du recours formé par A______ contre l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. let. B.f.), la Chambre de céans a constaté que le recours était strictement circonscrit par la plainte pénale. Ainsi, à défaut de décision préalable, l'autorité de recours n'était pas compétente pour se prononcer sur les faits dénoncés par A______ en lien avec l'audition de B______ par la police le 30 mai 2022. Le recours était donc irrecevable sur ce point.

Elle a pour le reste retenu que les accusations portées par les deux mises en cause étaient indéniablement graves. Elles avaient dénoncé au SPMi les mauvais traitements que subiraient, selon elles, les enfants de A______, pour avoir notamment été exposés à la prise de substances illicites par leur mère. Le SPMi n'y avait toutefois pas donné de suite.

Toutefois, il ne pouvait leur être reproché de s'être, de bonne foi, inquiétées pour le bien-être des enfants de A______, ce d'autant plus compte tenu de la profession d'éducatrice spécialisée de l'une d'elles. Au surplus, l'on ne distinguait pas, dans leur démarche, de volonté de porter atteinte à la considération de leur voisine, mais plutôt de faire cesser son (prétendu) comportement, perçu comme répréhensible, de sorte qu'une intention de nuire faisait manifestement défaut (art. 173 ch. 3 CP). Il n'était par ailleurs pas surprenant qu'elles se soient adressées au SPMi, dans la mesure où le dialogue avec A______ semblait rompu, en raison de leur conflit de voisinage récurrent. Bien qu'aucune suite n'ait été donnée à cette dénonciation, les mises en cause étaient manifestement mues par un intérêt légitime, à savoir la protection des enfants de leur voisine. On ne saurait ainsi leur reprocher de s'être adressées aux services compétents. Compte tenu des fonctions et attributions du SPMi, il n'existait pas de contradiction avec l'ordonnance pénale du 20 avril 2023. Les mises en cause pouvaient donc être mises au bénéfice de l'art. 173 ch. 2 CP. La décision querellée était donc confirmée sur ce point, par substitution de motifs s'agissant de B______.

En lien avec les accusations de A______ selon lesquelles D______ aurait dérobé, déchiré puis jeté son courrier pendant plus de deux ans, ce que cette dernière contestait, il n'existait aucun élément probant et aucun autre acte d'instruction n'apparaissait susceptible d'apporter d'élément complémentaire.

Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.

i. Le 18 juillet 2023, A______ a déposé plainte auprès du Ministère public pour calomnie, voire diffamation, en lien avec les déclarations contenues dans le procès-verbal d'audition de B______ à la police du 30 mai 2022, dont elle avait eu connaissance le 2 mai 2023.

Celle-ci avait déclaré qu'elle-même l'avait insultée et menacée à plusieurs reprises, sans raison. Elle avait ajouté qu'elle l'avait dénoncée au SPMI pour avoir pris des substances illicites et tenté de se suicider devant ses enfants, et enfin qu'elle lui aurait volé des jeux vidéo, des habits et des bijoux en 2020-2021.

Elle avait terriblement souffert de la procédure, dégradante et humiliante, conduite par le SPMI à la suite de la dénonciation de B______. Ses relations avec son entourage et ses enfants avaient été fortement "impactées" par cette procédure qui, bien que classée, laissait planer un doute de mauvais traitement envers ces derniers.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que les faits dénoncés avaient fait l’objet du recours déposé par A______ le 4 mai 2023, suite à l’ordonnance de non-entrée partielle du 20 avril 2023. La Cour de justice s’était donc prononcée à leur égard dans l’arrêt du 11 septembre 2023. Il existait dès lors un empêchement de procéder (ne bis in idem).

Même à considérer que les faits dénoncés ne faisaient pas déjà l’objet de l'ordonnance, a fortiori de l’arrêt, précités, les principes et constatations exposés dans ce dernier s’appliquaient mutatis mutandis. En effet, aucun élément ne permettait de retenir que B______ ne tenait pas ses allégations pour vraies lorsqu’elle s’était exprimée à la police le 30 mai 2022. La preuve libératoire de l’art. 173 al. 2 CP trouvait ainsi application.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que, dans un courrier du 30 mai 2023, le Ministère public avait reconnu que l'objet du recours du 20 avril 2023, et donc de l'ACPR/699/2023 précité, ne comprenait pas l'incrimination des propos tenus à la police par B______ le 30 mai 2022. Or le fait que celle-ci déclare qu'elle-même l'aurait insultée et menacée, respectivement lui aurait volé divers objets, était sans lien avec sa dénonciation au SPMI ou un but de protéger ses enfants. Ses propos ternissaient sa réputation et son honneur.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

B______ avait fait les déclarations litigieuses alors qu'elle était entendue comme prévenue à la suite d'une plainte déposée par A______. Ses propos étaient intervenus dans un contexte conflictuel de voisinage et étaient uniquement destinés à des autorités tenues au secret de fonction. Si les termes "insultée" et "menacée", articulés par B______ sans autre précision, étaient susceptibles de faire référence aux infractions visées par les art. 177 et 180 CP, ils n'avaient pas nécessairement la même connotation dans le langage courant. Ainsi, rien ne laissait présumer que le comportement prêté à A______ remplissait les éléments constitutifs d'une infraction pénale. Il en était de même s'agissant d'avoir dit de cette dernière qu'elle "hurlait" et "vociférait" en la croisant dans la rue. S'agissant "des vols de jeux vidéo, des habits, des bijoux qui avaient disparu", B______ avait utilisé le conditionnel, démontrant le caractère hypothétique et non accusateur de ses propos, étant rappelé qu'elle n'avait pas déposé plainte pénale pour ces faits.

c. B______ n'a pas réclamé le pli qui lui a été adressé par la Chambre de céans.

d. A______ réplique brièvement.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante, partie à la procédure
(art. 104 al. 1 let. b CPP), qui dispose d'un intérêt juridiquement protégé à recourir contre l'ordonnance querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte pénale du 18 juillet 2023 pour diffamation et dénonciation calomnieuse, en lien avec certaines des déclarations faites à la police le 30 mai 2022 par B______.

2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ss).

À teneur de l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend également immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il existe des empêchements de procéder.

2.2. Selon le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. Ce droit est consacré à l'art. 11 al. 1 CPP et découle en outre implicitement de la Constitution fédérale. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem requièrent qu'il y ait identité de la personne visée et des faits retenus, soit que les deux procédures ont pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes. La qualification juridique des faits ne constitue pas un critère pertinent (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2 ; 137 I 363 consid. 2.2 p. 366). L'interdiction de la double poursuite constitue un empêchement de procéder, dont il doit être tenu compte à chaque stade de la procédure (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2).

2.3. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP, quiconque, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

2.3.1. Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2 ; 118 IV 248 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_138/2008 du 22 janvier 2009 consid. 3.1).

2.3.2. Est en principe considéré comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 86 IV 209). La jurisprudence a laissé indécise la question dite du "confident nécessaire" concernant la qualité de tiers des membres du cercle familial étroit et des personnes astreintes au secret professionnel au sens de l'art. 321 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_512/2017 du 12 février 2018 consid. 3.3.1 ; 6B_69/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.1.1 ; 6B_229/2016 du 8 juin 2016 consid. 1.1).

2.3.3. Conformément à l'art. 173 ch. 2 CP, même si le caractère diffamatoire des propos ou des écrits litigieux est établi, l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Lorsque la preuve de la bonne foi est apportée, l'accusé doit être acquitté (ATF 119 IV 44 consid. 3 p. 48). L'admission de la preuve libératoire constitue la règle et elle ne peut être refusée que si l'auteur a agi principalement dans le but de dire du mal d'autrui et s'il s'est exprimé sans motif suffisant (ATF 132 IV 112 consid. 3.1 p. 116).

2.3.4. La défense d'un intérêt légitime allège le devoir de vérification qui incombe à celui qui s'adresse à la police ou à une autre autorité, en sachant que celle-ci va procéder à un contrôle approfondi et dénué de préjugés. Le fait de s'adresser à une autorité pénale ou de surveillance ne confère pas au dénonciateur le droit de porter atteinte à l'honneur d'autrui. Il doit agir de bonne foi et avoir des raisons suffisantes de concevoir les soupçons qu'il communique à cette autorité. Dans certaines circonstances, des faits justificatifs légaux peuvent alléger encore plus, voire supprimer, les exigences de vérification de l'art. 173 ch. 2 CP, ce qui est par exemple le cas du devoir professionnel (ATF 131 IV 154 consid. 1.3 p. 157-158), ou plus généralement de l'art. 14 CP, qui traite des actes - licites - ordonnés ou autorisés par la loi. La personne que la loi oblige à faire une déclaration ne saurait être condamnée à raison de ce qu'elle dit, pour autant que ses propos n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire à la défense de ses intérêts et qu'ils aient un contenu approprié (arrêt du Tribunal fédéral 6B_175/2007 du 24 août 2007 consid 5.2. et les références citées).

2.3.5. S'adresser à une autorité ne confère pas au dénonciateur le droit de porter atteinte à l'honneur d'autrui ; le dénonciateur doit au contraire agir de bonne foi et avoir des raisons suffisantes de concevoir les soupçons qu'il communique à cette autorité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1225/2014 du 18 janvier 2016 consid. 1.2).

2.4. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur a connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a, dès lors, pas de place pour les preuves libératoires prévues par l'art. 173 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1286/2016 du 15 août 2017 consid. 1.2).

2.5. En l'espèce, la recourante a dénoncé dans sa plainte pénale du 18 juillet 2023 des faits dont elle a eu connaissance le 28 avril 2023, à la suite de la consultation à cette date par son conseil, des déclarations faites par B______ devant la police le 30 mai 2022. Elle circonscrit bien son recours aux déclarations, qu'elle estime diffamatoires, voire calomnieuses, selon lesquelles elle-même aurait insulté et menacé B______ et lui aurait dit de "surveiller ses arrières", outre qu'elle lui aurait volé, en 2020 ou 2021, des jeux vidéo, des habits et des bijoux, qui avaient disparu de son domicile.

Ce complexe de faits n'a pas fait l'objet de l'ordonnance de la non-entrée en matière du 20 avril 2023, ni de l'arrêt ACPR/699/2023, dans lequel la Chambre de céans a précisément exclu de son examen les déclarations à la police de B______ du 30 mai 2022, faute d'une décision préalable du Ministère public – attaquable – sur ce point. Partant, il ne saurait être question d'une application du principe ne bis in idem pour ce complexe de faits. Il n'existe dès lors aucun empêchement de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP.

Le Ministère public a toutefois également motivé sa décision en se référant aux motifs de l'ACPR/699/2023, s'appliquant selon lui mutatis mutandis, puisqu'aucun élément ne permettait de retenir que B______ ne tenait pas ses allégations pour vraies lorsqu’elle s’était exprimée à la police le 30 mai 2022. La preuve libératoire de l’art. 173 al. 2 CP trouvait ainsi application.

Certes, l'intimée, le 30 mai 2022, en s'exprimant à la police, comme prévenue, a laissé entendre que la recourante pouvait s'être rendue coupable d'injure, de menaces et de vol, à son détriment. Elle a toutefois fait ces déclarations à l'issue de son audition non pas spontanément, mais alors que la police lui demandait si elle avait quelque chose à ajouter, soit donc à l'invitation de cette dernière.

Elle a de plus précisément indiqué que, bien qu'elle eût "matière" à déposer plainte, elle ne l'avait pas fait. Il convient donc de retenir que la mise en cause se défendait, lors de son audition à la police, contre la plainte déposée par la recourante, après qu'elle-même eut informé le SPMi d'une forme de maltraitance de cette dernière envers ses deux enfants. Dans ce contexte, la recourante était légitimée (art. 14 CP) à exposer le contexte de leurs bisbilles réciproques. Il ne peut y être vu une volonté de porter atteinte à la considération de sa voisine.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte de la recourante du 18 juillet 2023.

3.             Infondé, le recours sera rejeté.

4.             La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, conformément à l'art. 136 al. 3 CPP entré en vigueur le 1er janvier 2024.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a), à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec (let. b).

4.2. En l'occurrence, l'indigence de la recourante est établie par la décision d'octroi de l'assistance judiciaire du 11 avril 2023.

Toutefois, son recours, vu ce qui précède, était dénué de chances de succès, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

5. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4), fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), pour tenir compte de sa situation financière.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, à l'intimée, soit pour elles leur conseil respectif, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6439/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

405.00

 

CHF

Total

CHF

500.00