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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14904/2024

ACPR/500/2024 du 05.07.2024 sur OTMC/1923/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221.al1.letb; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14904/2024 ACPR/500/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 5 juillet 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 23 juin 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 24 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 juin 2024, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa détention provisoire jusqu'au 21 juillet 2024.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à sa mise en liberté immédiate; subsidiairement avec des mesures de substitution qu'il énumère; plus subsidiairement, à ce que la durée de la détention soit limitée à deux semaines.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ est prévenu de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) et de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 LCR).

Il lui est reproché de s'être, le 14 juin, vers 21h50, sur le U lacustre autour de la rade, au volant du véhicule automobile de marque D______/1______ [modèle], livré intentionnellement, principalement sur le quai Wilson, à une course poursuite avec les conducteurs de deux autres voitures (une E______/2______ [marque, modèle] et une F______/3______ [marque, modèle]), circulant alors à des vitesses particulièrement importantes, dépassant très largement la vitesse autorisée (50km/h) sur les divers tronçons empruntés, agissant sans scrupules, mettant intentionnellement en danger de mort imminent l'ensemble des usagers de la route qui circulaient normalement.

b. À teneur du rapport d'arrestation, après avoir analysé les images de vidéosurveillance, la police a contacté, par téléphone, G______ et H______, détenteurs de la E______, respectivement de la F______, lesquels ont admis avoir conduit leur voiture au moment des faits. Elle a également entendu le témoin I______ ainsi que le plaignant, J______ – lequel s'était, au guidon de son scooter, retrouvé face à la E______ roulant en contre-sens, à vive allure –.

c. À la police, A______ a admis avoir, le soir des faits, conduit le véhicule D______/1______, expliquant ne pas avoir effectué un rodéo, mais seulement des dépassements mutuels avec la F______ et la E______. Il estimait avoir conduit de manière sportive mais pas excessive, sans dépasser la vitesse de 60 km/h. La F______ roulait, en revanche, "beaucoup trop vite", tout comme la E______ qui avait effectué une manœuvre dangereuse. Il avait vu que trois femmes se trouvaient dans la F______. Lui-même était accompagné de deux amis, K______ et L______.

d. Lors de son audition au Ministère public, A______ a confirmé ne pas avoir eu l'intention de faire une course de vitesse avec les autres voitures. Il avait vu la F______ à O______[GE] et la voiture l'avait suivi. Il n'avait remarqué la E______ qu'à la hauteur de l'hôtel M______. Il ignorait le nom de ses propres passagers ainsi que leur adresse et leur numéro de téléphone.

e. Par mandats d'actes d'enquête du 26 juin 2024, le Ministère public a ordonné à la police d'identifier les passagers présents le soir des faits et de procéder à leurs auditions, d'extraire les contenus des téléphones portables des prévenus. Il a en outre chargé le Groupe audio-visuel accident (GAVA) d'établir un rapport.

f. A______, ressortissant suisse, né en 2004, est célibataire, sans enfant, sans formation et sans emploi. Il vit chez ses parents et aide son père dans l'épicerie familiale.

Aucun antécédent n'est inscrit à son casier judiciaire suisse.

C.           Dans son ordonnance querellée, le TMC retient des charges très graves et suffisantes, au vu des constatations de la police, des images de vidéosurveillance, des auditions du plaignant et du témoin et celles du prévenu lui-même. L'instruction ne faisait que commencer. Des confrontations devaient être organisées entre les conducteurs ainsi qu'avec le plaignant et le témoin. Les passagers devaient aussi être entendus. En outre, il fallait analyser les téléphones portables des protagonistes, la vitesse de leurs véhicules et déterminer si ceux-ci avaient fait l'objet d'une augmentation de leur puissance. Le risque de collusion était important et concret entre les personnes impliquées dans le rodéo routier ainsi que vis-à-vis du plaignant et du témoin. Il convenait d'éviter que le prévenu ne puisse les contacter pour se coordonner avec eux ou les influencer. Ce risque n'était pas supprimé par l'existence des images de vidéosurveillance, dès lors que celles-ci ne renseignaient pas sur les circonstances entourant le rodéo ni sur ce qui s'était passé dans les véhicules. Le risque de réitération devait également être retenu, malgré l'absence d'antécédent, considérant la facilité et la désinvolture avec laquelle le prévenu avait commis des actes d'une extrême gravité sur la voie publique, se mettant en danger lui-même, ainsi que ses passagers et les autres usagers de la route. Ce risque était accru par le fait qu'il avait admis avoir déjà, par le passé, conduit des véhicules très puissants, en Suisse et à l'étranger, une vidéo retrouvée dans son téléphone le montrant au volant d'une [voiture de marque] N______ à une vitesse de plus de 300 km/h. En l'état, aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention. La durée de la détention provisoire ordonnée (1 mois) était nécessaire pour tenter de circonscrire les faits reprochés au prévenu et aux autres protagonistes ainsi que pour les confronter entre eux.

D.           a. Dans son recours, A______ souligne sa "totale" collaboration depuis le début de l'enquête, l'absence de blessés et de dégâts et le fait qu'il n'était pas lui-même l'auteur de "la manoeuvre routière très dangereuse qui a conduit au dépôt de la plainte". Le risque de réitération était inexistant et le risque de collusion abstrait. En particulier, rien n'indiquait qu'il voudrait réellement exercer une quelconque influence sur les autres participants à la procédure. En tout état, les images de vidéosurveillance rendaient inutiles toute concertation frauduleuse, étant souligné qu'avant son arrestation, il aurait eu tout le loisir de se concerter avec les autres conducteurs et les passagers. Sa mise en liberté devait ainsi être ordonnée, éventuellement accompagnée de mesures de substitution telles que l'interdiction de conduire tout véhicule à moteur et de contacter les personnes impliquées, une telle interdiction pouvant être garantie par des sûretés à hauteur de CHF 10'000.-.

b. Le Ministre public conclut au rejet du recours, soulignant qu'un risque de collusion important avait aussi été retenu à l'encontre des deux autres conducteurs impliqués dans le rodéo routier, également détenus. Une audience de confrontation était fixée le 15 juillet 2024 pour entendre les prévenus et le plaignant. Il attendait en outre le résultat des mandats d'actes d'enquête, en vue notamment d'entendre les passagers.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance sans autres observations.

d. Le recourant a renoncé à répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant – même s'il les minimise – ne conteste pas la suffisance des charges à son encontre. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir et il peut être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge sur ce point (art. 82 al.4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

3.             Il conteste le risque de collusion.

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. Selon le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g).

3.3. En l'espèce, le recourant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que le risque de collusion n'existe pas concrètement. Il oublie qu'aucune confrontation n'a encore eu lieu, que ce soit avec ses co-prévenus, le plaignant, le témoin et les passagers non encore identifiés, étant souligné qu'il n'a même pas été en mesure de fournir l'identité de ses propres passagers qui seraient pourtant ses amis. Toutes ces personnes ont assisté aux faits et, à ce stade de l'enquête, il est à craindre que le recourant ne cherche à entrer en contact avec elles et ne compromette ainsi la recherche de la vérité. À cela s'ajoute que le Ministère public est dans l'attente des rapports d'analyses techniques, lesquels devraient permettre d'amener d'autres éléments sur le déroulement du rodéo routier et sur la vitesse des véhicules en cause. Enfin, si l'on ne peut exclure qu'avant son arrestation, le recourant ait contacté l'un des autres participants, on ne voit pas en quoi cette situation rendrait le risque de collusion inexistant, étant souligné qu'il est désormais prévenu.

Les mesures de substitution proposées par le recourant pour pallier un tel risque, sous la forme de l'interdiction d'entrer en contact avec les personnes concernées par la procédure – dont certaines ne sont pas encore identifiées – paraissent particulièrement difficiles à contrôler et ne permettent pas, en l'état, de pallier le risque d'atteinte à la recherche de la vérité.

4.             Le risque de collusion étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si le risque de réitération l'est également (arrêt du Tribunal fédéral 7B_188/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3.1) et d'éventuelles mesures de substitution s'y rapportant.

5.             La durée de la détention à ce stade ne paraît pas excéder la peine concrètement encourue par le recourant (art. 212 al. 3 CPP), s’il était reconnu coupable des infractions reprochées par le Ministère public. Ni lui ni son défenseur ne prétendent le contraire.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public, et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/14904/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

795.00

 

 

Total

CHF

900.00